À propos du RIC : comparaison des dispositions du présent avant-projet avec la proposition de loi Dupont-Aignan du 12 juillet dernier
La proposition de loi de Nicolas Dupont-Aignan (signalée par pparent sur un autre fil : < http://www.assemblee-nationale.fr/14/propositions/pion1248.asp >) est ainsi conçue :
[i]"PROPOSITION DE LOI CONSTITUTIONNELLE
Article 1er
Le premier alinéa de l’article 3 de la Constitution du 4 octobre 1958 est ainsi rédigé : « La souveraineté nationale appartient au peuple qui l’exerce par ses représentants et par la voie du référendum, soit à l’initiative du Président de la République, soit à la demande de 10 % des citoyens inscrits sur les listes électorales. »
Article 2
Une loi organique fixe les modalités d’organisation de ce référendum d’initiative citoyenne."
[/i]
Cette proposition de loi est à comparer avec le texte que j’ai proposé ici dans mon message 159 plus haut :
[i]"Section B
"L’initiative citoyenne
"Article 10
"1. L’initiative citoyenne peut porter sur les objets suivants :
"a) dépôt au Parlement d’une proposition de loi constitutionnelle, organique ou ordinaire nouvelle ou modifiant ou abrogeant une loi existante ;
"b) dépôt d’un projet d’arrêté au Conseil municipal ou au Conseil régional ;
"c) opposition à une proposition de loi parlementaire ou à un projet de loi gouvernemental en cours d’examen au Parlement, ou à une proposition ou un projet d’arrêté communal ou régional ;
"d) destitution du Président de la République en application de l’article [58] de la Constitution ;
"e) association de communes ;
"f) rappel d’un élu par voie d’élection spéciale.
- L’initiative citoyenne au niveau national se déroule comme suit :
"a) Un comité de proposition de cinquante électeurs inscrits sur les listes électorales publie la proposition correspondante par le canal du système officiel de cyberconsultation et de cybervote visé à l’article [12] de la Constitution ;
"b) Le comité de proposition a trois mois à compter de la publication pour recueillir par la même voie les acceptations de dix pour cent au moins des électeurs inscrits;
"Le seuil d’acceptation est porté à vingt pour cent au moins, s’agissant d’une proposition de loi, si dans ledit délai de trois mois le Conseil constitutionnel a déclaré la proposition non conforme à la Constitution ;
"c) Le comité de proposition soumet les acceptations requises au Conseil constitutionnel, qui a quinze jours pour statuer sur leur validité ;
"d) Après que les acceptations sont reconnues valides :
"– S’il s’agit d’une proposition de loi, celle-ci est déposée à l’Assemblée nationale pour examen et adoption du texte proposé et, le cas échéant, établissement d’un contreprojet parlementaire à soumettre au référendum avec la proposition initiale ;
"– Dans les autres cas, la proposition est soumise au référendum.
« 3. La loi organique précise les modalités d’application du présent article, en particulier s’agissant de la procédure d’initiative citoyenne aux niveaux communal et régional. »
"Section C
"Le référendum
"Article 11
"1. Le référendum, national ou local, se rattache à une initiative citoyenne hormis les cas prévus par la Constitution.
"2. Les décisions référendaires sont acquises à la majorité des votes exprimés (le vote blanc comptant comme vote exprimé) pourvu que la majorité des électeurs inscrits aient participé au référendum.
"S’agissant d’une proposition de loi que le Conseil constitutionnel aurait jugée non conforme à la Constitution, les votes exprimés en faveur de la proposition doivent représenter la majorité des électeurs inscrits.
« 3. Les décisions référendaires une fois adoptées ne sont pas passibles du contrôle constitutionnel. »
[/i]
Outre que le présent avant-projet est beaucoup plus large et précis que le projet Saint-Aignan, il y a entre les deux une différence essentielle : dans le projet Saint-Aignan, le président de la République conserverait l’initiative référendaire, alors que dans le présent avant-projet, hormis les cas spécifiquement prévus par la constitution, l’initiative référendaire serait toujours d’initiative citoyenne : je rejoins sur ce point l’analyse d’Yvan Bachaud (Mouvement RIC) selon laquelle tout référendum émanant d’autres que des citoyens eux-mêmes appelle forcément une réponse faussée.
Par contre, je suis d’accord avec Dupont-Aignan (et donc pas avec pparent, ni avec Yvan Bachaud) concernant le seuil de 10 % pour la soumission au référendum d’une proposition de loi citoyenne.
Ce seuil de 10 %, déjà utilisé dans la constitution de l’an I (1793) pour la révision de la constitution, me semble être un minimum (aussi l’avant-projet prévoit-il que si le Conseil constitutionnel a jugé la proposition citoyenne inconstitutionnelle, c’est 20 % et non plus seulement 10 % des citoyens qui devront avoir accepté que cette proposition soit soumise au référendum).
À mon avis, une proposition qui ne recueillerait pas d’emblée et très rapidement 10 % d’avis favorables de l’ensemble des citoyens ne mériterait pas qu’on dérange tous les citoyens pour voter référendairement à son sujet, surtout considérant que les dépenses entraînées par un référendum sont telles qu’il ne faudra (toujours à mon avis) en organiser que si la représentation nationale ne peut pas régler la question elle-même (notamment en reprenant à son compte une proposition citoyenne qu’elle jugera justifiée). Il faut partir du principe que le RIC est fait pour remédier à une déficience du mécanisme parlementaire ou jugée telle, rien d’autre, et que cette procédure aura toujours un caractère extraordinaire.
Une grande différence entre les deux projets est que dans la proposition Dupont-Aignan il n’est question que de référendum, alors qu’à mon avis la question déborde largement cet aspect de procédure : il ne s’agit pas de répondre par oui ou par non à n’importe quelle proposition formulée abruptement par un groupe quelconque de citoyens, mais bien de donner le temps au public de débattre à fond d’une proposition qui ne sera jugée digne d’être soumise au référendum que si les proposants initiaux sont en nombre substantiel, de faire examiner dans tous les cas cette proposition par le Parlement pour qu’il l’adopte ou sinon qu’il dise pourquoi et fasse éventuellement une contreproposition, de sorte que le peuple tout entier, s’il y a lieu (c’est-à-dire si le seuil des 10 ou 20 % est franchi et si le Parlement n’accepte pas la proposition), puisse se prononcer référendairement en pleine connaissance de cause. Tel est, en gros, le système utilisé en Suisse dans le cadre de l’« initiative populaire » ; il semble qu’il donne satisfaction, sauf que le seuil d’acceptation initial retenu en Suisse (voir à ce sujet < http://www.1789plus.org/autres%20ressources/Initiative%20populaire%20en%20Suisse-JR%20150111-141012Pub.htm >) est évidemment trop bas puisque jusqu’à présent neuf propositions sur 10 présentées au référendum sont rejetées. JR