Projet de refonte de la constitution de 1958 par 1789plus.org

Merci, Pétrus, mais re-malheureusement je tombe sur le message suivant :

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J’ai cliqué sur la bande-annonce correspondante, mais ce n’est qu’une bande-annonce, et le son est entrecoupé. JR

CE QUE DIT LE CONTRAT SOCIAL

Rousseau surgit assez souvent dans les discussions de ce forum. J’ai rapidement relu Du Contrat social (http://classiques.uqac.ca/classiques/Ro … social.pdf) pour en dégager les points principaux. Merci de me corriger si je me trompe : résumer un ouvrage au total assez mal construit et touffeusement rédigé (quoique très nouveau et instructif pour l’époque) ne va pas de soi, et c’est pourquoi je préfère procéder par citations pour ne pas trahir la pensée de l’auteur. Pour faciliter la compréhension, j’ai fait quelques modifications et suppressions rédactionnelles signalées par des crochets.

1. Le problème fondamental défini par Rousseau

« Trouver une forme d’association [politique] qui défende et protège de toute la force commune la personne et les biens de chaque associé, et par laquelle chacun, s’unissant à tous, n’obéisse pourtant qu’à lui-même, et reste aussi libre qu’auparavant. »

2. Les « associés », et le « pacte social »

[i]« […] Les clauses du contrat social se réduisent toutes à une seule : savoir, l’aliénation totale de chaque associé avec tous ses droits à toute la communauté : car, premièrement, chacun se donnant tout entier, la condition est égale pour tous ; et la condition étant égale pour tous, nul n’a intêrêt à la rendre onéreuse aux autres. »

« […] L’ordre social est un droit sacré qui sert de base à tous les autres. Cependant, ce droit ne vient pas de la nature : il est donc fondé sur des conventions. Il s’agit de savoir quelles sont ces conventions. »

« […] Chacun de nous met en commun sa personne et toute sa puissance sous la suprême direction de la volonté générale ; et [chaque membre est] partie indivisible du tout […]. »

« Cette personne publique prenait autrefois le nom de cité, et prend maintenant celui de république ou de corps politique lequel est appelé par ses membres État quand il est passif et souverain quand il est actif, puissance en le comparant à ses semblables. […] Les associés prennent collectivement le nom de peuple, et s’appellent [individuellement] citoyens, comme participant à l’autorité souveraine, et sujets comme soumis au lois de l’État ».[/i]

3. La volonté générale et la souveraineté

[i]« Afin que ce pacte social ne soit pas un vain formulaire, il renferme tacitement cet engagement, qui seul peut donner de la force aux autres, que quiconque refusera d’obéir à la volonté générale y sera contraint par tout le corps [politique]. »

« […] La volonté est générale ou elle ne l’est pas ; elle est celle du corps du peuple, ou seulement d’une partie. Dans le premier cas, cette volonté déclarée est une acte de souveraineté et fait loi ; dans le second, ce n’est qu’une volonté particulière, ou un acte de magistrature ; c’est un décret tout au plus. »

« […] La souveraineté, n’étant que l’exercice de la volonté générale, ne peut jamais s’aliéner […] Le souverain, qui n’est qu’un être collectif, ne peut être représenté que par lui-même ; le pouvoir peut bien se transmettre, mais non pas la volonté. »

« […] Si quand le peuple suffisamment informé délibère, les citoyens n’avaient aucune communication entre eux, du grand nombre de petites différerénces résulterait toujours la volonté générale, et la délibération serait toujours bonne. Mais quand il se fait des brigues, des associations partielles aux dépens de la grande, la volonté de chacune de ces associations devient générale par rapport à l’État : on peut dire alors qu’il n’y a plus autant de votants que d’hommes, mais seulement autant que d’associations. Les différences deviennent moins nombreuses et donnent un résultat moins général […] Pour avoir [l’énoncé exact] de la volonté générale,[il importe donc] qu’il n’y ait pas de société partielle dans l’État, et que chaque citoyen n’opine que d’après lui. »

« […] De même qu’une volonté particulière ne peut représenter la volonté générale, la volonté générale […] ne peut prononcer ni sur un homme ni sur un fait.

« Quand le peuple d’Athènes, par exemple, cassait ses chefs, décernait des honneurs à l’un, imposait des peines à l’autre, et […] exerçait indistinctement tous les actes du gouvernement, [il] n’avait alors plus de volonté générale proprement dite ; il n’agissait plus comme souverain, mais comme magistrat. ».

« […] Ce qui généralise la volonté est moins le nombre des voix que l’intérêt commun qui les unis. »

« […] Tout acte de souveraineté , c’est-à-dire tout acte authentique de la volonté générale, oblige ou favorise également tous les citoyens […] Le souverain connaît seulement le corps de la nation, et ne distingue aucun de ceux qui la composent. »

« […] Le pouvoir souverain, tout absolu, tout sacré, tout inviolable qu’il soit, ne passe ni ne peut passer les bornes des conventions générales, et […] tout homme peut disposer pleinement de ce qui lui a été laissé de ses biens et de sa liberté par ces conventions.»[/i]

4. La loi

[i]« Il n’y a qu’une seule loi qui, par sa nature, exige un consentement unanime : c’est le pacte social […] Tout homme étant né libre et maître de lui-même, nul ne peut, sous quelque prétexte que ce puisse être, l’assujettir sans son aveu. Décider que le fils d’une esclave naît esclave, c’est décider qui’l n’est pas né homme.

« Si donc, lors du pacte social, il se trouve des opposants, leur opposition n’invalide pas le contrat, elle empêche seulement qu’il n’y soient compris : ce sont des étrangers parmi les citoyens. Quand l’État est [déjà] institué, le consentement est dans la résidence : habiter le territoire, c’est se soumettre à la souveraineté.

« Hors de ce contrat primitif, la voix du plus grand nombre oblige toujours les autres ; c’est une suite du contrat même […] Le citoyen consent à toutes les lois, même celles qu’on passe malgré lui, et même celle qui le punissent quand il ose en violer quelqu’une. La volonté constante de tous les [citoyens] est la volonté générale : c’est par elle qu’ils sont citoyens et libres.»

« […] Plus les délibérations sont importantes et graves, plus l’avis qui l’emporte doit approcher de l’unanimité ; […] plus l’affaire agitée exige de célérité, plus on doit resserrer la différence prescrite dans le partage des avis ; dans les délibérations qu’il faut terminer sur le champ, l’excédant d’une seule voix doit suffire […] C’est sur la combinaison [de ces deux maximes] que s’établissent les meilleurs rapports qu’on peut donner à la pluralité pour se prononcer. »

« […] Ce qui rend pénible l’ouvrage de la législation est moins ce qu’il faut établir que ce qu’il faut détruire ; et ce qui rend le succès si rare, c’est l’impossibilité de trouver la simplicité de la nature jointe aux besoins de la société. »[/i]

5. La république :

« […] J’appelle république tout État régi par des lois, sous quelque forme d’administration que ce puisse être : car alors seulement l’intêrêt public gouverne […] Tout gouvernement légitime est républicain. »

6. La démocratie

[i]« S’il était possible que le souverain […] eût la puissance exécutive, le droit et le fait seraient tellement confondus qu’on ne saurait plus ce qui est loi et ce qui ne l’est pas ; et le corps politique, ainsi dénaturé, serait bientôt en proie à la violence contre laquelle il fut institué.

« À prendre le terme dans la rigueur de l’acception, il n’a jamais existé de véritable démocratie, et il n’en existera jamais […] On ne peut imaginer que le peuple reste incessamment assemblé pour vaquer aux affaires publiques […].

« Que de choses difficiles ne suppose pas [la démocratie] ! Premièrement, un État très petit, où le peuple soit facile à rassembler, et où chaque citoyen puisse aisément reconnaître tous les autres ; secondement, une grande simplicité de mœurs qui prévienne la multitude d’affaires et de discussions épineuses; ensuite, beaucoup d’égalité dans les rangs et dans les fortunes; enfin, peu ou point de luxe, car ou le luxe est l’effet des richesses, ou il les rend nécessaires […] S’il y avait un peuple de dieux, il se gouvernerait démocratiquement. Un gouvernement si parfait ne convient pas à des hommes. »[/i]

7. Le tirage au sort

[i]« Les élections par le sort auraient peu d’inconvénients dans une véritable démocratie où, tout étant égal aussi bien par les mœurs et par les talents que par les maximes et par la fortune, le choix deviendrait presque indifférent. Mais j’ai déjà dit qu’il n’y avait point de véritable démocratie.

« [Le choix] doit remplir les places qui demandent des talents propres, telles que les emplois militaires ; le sort convient à celles où suffisent le bon sens, la justice, l’intégrité, telles que les charges de judicature, parce que, dans un État bien constitué, ces qualités sont communes à tous les citoyens. »
[/i]

Quelles conclusions pratiques tirer du Contrat social ?

Laissons de côté les élucubrations de Rousseau relatives à la religion : elles sont de leur temps et ont leurs excuses.

Il ressort expressément du Contrat social :

– que la vraie démocratie (entendue comme la démocratie directe selon la définition de Rousseau – dans laquelle le peuple exerce directement à la fois le pouvoir législatif et le pouvoir exécutif) n’a jamais existé et n’existera jamais ;

– que la représentation de la volonté générale est impossible ;

– que la volonté générale s’exprime par la loi ;

– qu’aucune loi, excepté la loi constitutive du pacte social d’origine, n’exige l’unanimité pour être adoptée, et que la moitié plus un des suffrages constitue la majorité ;

– que si la majorité ne représente pas la minorité, elle représente bien le peuple tout entier, entité distincte de la somme des citoyens qui le composent ;

– que dans ces conditions le meilleur système de gouvernement possible est le gouvernement représentatif, fondé sur la loi expression de la volonté générale : autrement dit, le gouvernement républicain, dans lequel la loi, à l’exception du pacte social initial, est adopté à la moitié des voix plus un, même si l’unanimité serait souhaitable dans les cas importants (mais elle est impossible).

Il me paraît indubitable qu’à l’époque moderne un tel gouvernement représentatif non seulement sera considéré comme démocratique par la majorité des citoyens, à la condition que les élections soient libres et sincères et organisées à intervalles suffisamment rapprochés, mais encore que c’est la seule forme de gouvernement démocratique effectivement pratiquée (dans une minorité d’états d’ailleurs : moins de 40 sur près de 200 États recensés), cela depuis très longtemps sinon depuis toujours.

Au reste, rien n’empêche du reste de combiner démocratie représentative et démocratie directe, ni de faire en sorte qu’entre deux élections les citoyens contrôlent effectivement les activités de leurs représentants.

Le mandat représentatif politique, quand on y réfléchit, n’est rien d’autre que la transposition dans la vie publique de l’ordre « naturel » . Notre vie individuelle n’est, par nécessité, qu’une longue suite de procurations : le boulanger est chargé de faire le pain à notre place, le médecin de nous soigner, l’Internet de rassembler rapidement l’information dont nous avons besoin, et c’est certainement le fait d’une minorité de penser qu’en déléguant ces fonctions nous aliénions notre pouvoir de décision ou notre liberté : au contraire, la délégation bien comprise libère l’individu parce qu’elle lui permet de se consacrer à ce qui l’intéresse le plus et ce pour quoi il est le plus compétent ; la délégation est conforme à l’intérêt général, elle est conforme aussi à la volonté générale.

En quoi serait-il contraire au gouvernement du peuple et par le peuple que le peuple charge des députés d’examiner et d’adopter pour lui les projets de loi, si le peuple a la possibilité de renvoyer la marchandise et de changer de fournisseurs ?

Le problème fondamental, il faut le répéter, est celui du contrôle effectif des mandataires par leurs mandants. C’est un de ceux que s’efforce de résoudre l’avant-projet de refonte de la constitution de 1958 présenté ici.

Enfin noter l’affirmation (en d’autres termes) du principe de l’état de Droit (« […] Le pouvoir souverain, tout absolu, tout sacré, tout inviolable qu’il soit, ne passe ni ne peut passer les bornes des conventions générales, et […] tout homme peut disposer pleinement de ce qui lui a été laissé de ses biens et de sa liberté par ces conventions »), principe qui doit marcher avec la démocratie (la République). JR

[b]Quelles conclusions pratiques tirer du [i]Contrat social [/i]?[/b]

Laissons de côté les élucubrations de Rousseau relatives à la religion : elles sont de leur temps et ont leurs excuses.


Je ne vois pas en quoi ce sont des élucubrations. Dans notre laïcité qui se cherche et qui peine à apporter de la cohésion et de la légitimité en son sein, les paroles de Rousseau résonnent bien davantage dans leurs justesses.

Il ressort expressément du [i]Contrat social[/i] :

– que la vraie démocratie (entendue comme la démocratie directe selon la définition de Rousseau – dans laquelle le peuple exerce directement à la fois le pouvoir législatif et le pouvoir exécutif) n’a jamais existé et n’existera jamais ;


Rousseau comme tous ses contemporains jusqu’aux révolutionnaires américains et français ont eu pour la quasi, si ce n’est la totalité d’entre eux, une grande fascination et récupération du modèle de la République romaine, une grande admiration et une indulgence pour Sparte, et ont délaissé Athènes à travers les caricatures de ses dérives de fin de règne et du repoussoir du principe même de Démocratie alors que le modèle Aristocratique était encore à conquérir.

Rousseau, selon moi, n’a pas compris ce qu’était une Démocratie. Autant il est clairvoyant sur biens des aspects en redonnant une force aux écrits d’Aristote et de Jean Bodin et en nous donnant particulièrement ce concept de volonté générale, base du paradigme démocratique, autant il s’emmêle les pinceaux dans sa démonstration entre Arkhos et Kratos.

En instituant la volonté générale comme seul légitime pouvoir souverain, il définit l’illégitimité du pouvoir souverain d’un seul ou de plusieurs (de la monocratie et de l’oligocratie). Il est donc résolument inscrit dans un paradigme démocratique sans même le savoir ni le revendiquer. Partant de cette affirmation où le Kratos appartient à tous, il ne reste qu’à partager l’Arkhos entre un homme, plusieurs ou tous, et c’est là que Rousseau se trompe.

La Démocratie, en tant que définition étymologique, et historique avec Athènes, n’a jamais prétendu donner l’Arkhos (le Pouvoir de la Force, l’Exécution) à tout le peuple. Ce pouvoir de la Force était comme vacant, où des magistrats ne faisaient qu’exécuter simplement la Volonté (en tout cas pour la Démocratie jusqu’à -403) comme l’expliquent des philosophes comme Castoriadis ou Rosanvallon.

Ce qui manque aujourd’hui en philosophie politique depuis Aristote c’est l’achèvement de cette distinction de Pouvoirs (Arkhos/Kratos) dans la définition des régimes politiques. Ce nécessaire travail est le seul qui puisse redonner légitimité à la Démocratie et à sa véritable définition, car il fera la claire distinction entre les 3 paradigmes, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui car on prend la façade du troisième pour déguiser le second.

La philosophie politique n’a pas foncièrement évolué depuis 2000 ans. Aristote est le père de la Politique. Les " philosophes " du XXème ont apporté des pierres périphériques et des apports de compréhension d’ordre sociologiques de notre paradigme actuel sans toucher aux fondements institutionnels, avec des hommes comme Rawls ou Habermas.

Ce qu’il manque ensuite, une fois la définition de démocratie admise, c’est une description du paradigme démocratique, en tant que principes, institutions, résultantes sociales et capacités d’évolution. Même moi qui souhaite contribuer modestement à ce dessein, je vois le travail gigantesque qu’il reste encore à réaliser après plus de 10 ans d’étude de la Démocratie.

Les Démocrates nous manquons de philosophes, et d’un grand philosophe qui puisse être à la hauteur d’un Aristote et d’un Rousseau.

A cela il faudrait ajouter une dominante et réflexion trop iconoclaste à la philosophie politique jusqu’à présent pour que je puisse la développer sans recevoir des appriori de toutes parts, consistant à intégrer les répercussions de la Foi et de ses dérivées de religions dans les paradigmes politiques.

– que la représentation de la volonté générale est impossible ;
C'est votre jugement ca ? En quoi il dit que c'est impossible ? Merci pour les citations en tout cas, qui sont très claires sur le fait que [b]la volonté générale n'est pas la volonté de la majorité[/b], contrairement à ce qu'ont essayé de nous bourrer le mou en faisant dire le contraire, tous les détracteurs de Rousseau, Oligarques, Fascistes et Communistes.
– que la volonté générale s’exprime par la loi ;

– qu’aucune loi, excepté la loi constitutive du pacte social d’origine, n’exige l’unanimité pour être adoptée, et que la moitié plus un des suffrages constitue la majorité ;

– que si la majorité ne représente pas la minorité, elle représente bien le peuple tout entier, entité distincte de la somme des citoyens qui le composent ;


Majorité juridique, pas philosophique…

– que dans ces conditions le meilleur système de gouvernement possible est le gouvernement représentatif, fondé sur la loi expression de la volonté générale : autrement dit, le gouvernement républicain, dans lequel la loi, à l'exception du pacte social initial, est adopté à la moitié des voix plus un, même si l'unanimité serait souhaitable dans les cas importants (mais elle est impossible).
Conclusions très hâtives à mon sens. Vous êtes sûr d'avoir lu le Contrat Social et pas d'avoir fait une page sur deux avec un livre de Benjamin Constant et ses acolytes ?
Il me paraît indubitable qu'à l'époque moderne un tel gouvernement représentatif non seulement sera considéré comme démocratique par la majorité des citoyens
Si vous apprenez à votre enfant que ce qui est un chat, s'appelle un chien, et si tout le monde décide un beau jour d'en fait de même, il est évident qu'à la longue ce que vos ancêtres appelaient un chat, vos descendants l’appelleront un chien et se diront que leurs ancêtres devaient bien être stupides pour ne pas appeler les choses par leurs noms.
, à la condition que les élections soient libres et sincères et organisées à intervalles suffisamment rapprochés, mais encore que c'est la seule forme de gouvernement démocratique effectivement pratiquée (dans une minorité d'états d'ailleurs : moins de 40 sur près de 200 États recensés), cela depuis très longtemps sinon depuis toujours.
Je m'étouffe là....La République aristocratique française de type représentative, globalement 200 ans. Monocratie de droit divin, plus de 1500 ans. Société patriarcale de type monocratique avant cela, plus de 2000 ans.
Au reste, rien n'empêche du reste de combiner démocratie représentative et démocratie directe, ni de faire en sorte qu'entre deux élections les citoyens contrôlent effectivement les activités de leurs représentants.
De quelle manière concrètement ? Qu'entendez vous par contrôle ? Avec votre association loi 1901 sans pouvoirs, qui donnera des bons et des mauvais points, comme le font nos instituts de sondages aujourd'hui ?
Le mandat représentatif politique, quand on y réfléchit, n’est rien d’autre que la transposition dans la vie publique de l’ordre « naturel » . Notre vie individuelle n’est, par nécessité, qu’une longue suite de procurations : le boulanger est chargé de faire le pain à notre place, le médecin de nous soigner, l'Internet de rassembler rapidement l'information dont nous avons besoin, et c'est certainement le fait d'une minorité de penser qu’en déléguant ces fonctions nous aliénions notre pouvoir de décision ou notre liberté : au contraire, la délégation bien comprise libère l'individu parce qu'elle lui permet de se consacrer à ce qui l'intéresse le plus et ce pour quoi il est le plus compétent ; la délégation est conforme à l'intérêt général, elle est conforme aussi à la volonté générale.
C'est tellement beau, j'ai l’impression de lire Sieyès.

Oui la Division du travail, quelle magnifique conception, on nous bourre le mou avec cela depuis 200 ans. Les diviseurs ont l’air tellement pragmatiques (leur mot magique pragmatisme et réalisme) qu’ils en deviendraient presque convaincants et pourraient le rester jusqu’à la fin du monde, si ce monde et la réalité eux même ne jouaient pas contre eux dans notre époque de déliquescence et de délabrement social.

Vous connaissez une majorité de gens épanouis autour de vous cher Jacques ? De gens qui sont contents qu’on les insère dans une case de la société devenue disponible suite au départ, ou décès de celui qui le précédait, afin de faire magnifiquement tourner les rouages innombrables de cette belle mécanique qui semble pourtant grippée ?

Je crois que l’Homme aspire à mieux qu’à être reconnu comme un boulon ou une vis, un con-sommateur et un con-tribuable.

En quoi serait-il contraire au gouvernement du peuple et par le peuple que le peuple charge des députés d’examiner et d’adopter pour lui les projets de loi, si le peuple a la possibilité de renvoyer la marchandise et de changer de fournisseurs ?
Comparer des marchandises à des règles....vous avez des modèles de comparaisons bien étranges Jacques.

Un gosse est content d’avoir des parents c’est certain pour décider pour lui. Mais un adulte en a peu être un peu marre d’avoir ses parents qui décident pour lui, même Tanguy.

Le problème fondamental, il faut le répéter, est celui du contrôle effectif des mandataires par leurs mandants. C'est un de ceux que s'efforce de résoudre l'avant-projet de refonte de la constitution de 1958 présenté ici.
Le contrôle de quoi exactement ?

Petrus et Jacques je vous remercie pour cette analyse contradictoire sur Rousseau. Comme dirait Etienne, c’est « pétillant » :slight_smile:

DU CONTRAT SOCIAL (suite)

@Petrus

Les élucubrations religieuses de Rousseau

L’élucubration majeure à mon sens (voir chap. VIII du Contrat social) tient à ce qu’il admet que le souverain peut légiférer en matière religieuse, voire bannir ou punir de mort non comme impies mais comme « insociables » les apostats de la religion civile d’État.

Comme je l’ai reconnu, Rousseau était de son époque, où il ne faisait pas bon exclure la religion : il s’est donc efforcé de la réduire au strict minimum de manière à la rendre aussi peu nocive et intolérante que possible, mais elle reste un élément (même artificiel) de son système.

La laïcité est bien autre chose.

Reconnaissons simplement que sur ce point, Rousseau est depuis longtemps dépassé, et cela dès 1789, c’est-à-dire 27 ans seulement après Du contrat social.

La démocratie

Rousseau assimile la démocratie à la démocratie directe, dans laquelle le pouvoir législatif et le pouvoir exécutif sont exercés par le peuple lui-même.

D’autres (comme moi) font de la démocratie représentative l’autre aspect consubstantiel de la démocratie.

Les deux définitions tiennent debout. Quelle est la vôtre ?

Je vois mal la différence entre arkhos et cratos (il est vrai que j’ai fait peu de grec, à mon grand regret, et que je n’ai pas de Bailly sous la main). Vous distinguez par là, je suppose, pouvoir souverain et pouvoir exécutif ? Si c’est le cas, où se situe la confusion de Rousseau, puisqu’il fait la même distinction ? Et en quoi consisterait votre distinction de pouvoirs ? Vous devez quand même bien avoir quelques idées-forces à ce sujet, même si vous pensez que c’est compliqué ?

Toute réflexion est iconoclaste, à moins de n’être qu’une répétition.

« La représentation de la volonté générale est impossible »

Non, ce n’est pas moi qui le dis, c’est Rousseau, au chapitre XV du Contrat social, dans ce passage que j’avais oublié de citer :

« La souveraineté ne peut être représentée, par la même raison qu’elle peut être [?] aliénée ; elle consiste essentiellement dans la volonté générale, et la volonté ne se représente point ».

Vous dites : « Si vous apprenez à votre enfant que ce qui est un chat, s’appelle un chien, et si tout le monde décide un beau jour d’en faire de même, il est évident qu’à la longue ce que vos ancêtres appelaient un chat, vos descendants l’appelleront un chien et se diront que leurs ancêtres devaient bien être stupides pour ne pas appeler les choses par leurs noms »

Toutefois, les ancêtres ont longtemps cru que le soleil tournait autour de la terre, et il est heureux que leurs descendants aient commencé à dire le contraire et n’aient pas très bonne opinion du manque de clairvoyance de leurs ancêtres sur ce point. Je ne vois pas que votre supposition prouve grand-chose dans un sens ou dans un autre.

Le contrôle des représentants : en quoi consisterait-il ?

L’avant-projet de constitution présenté ici prévoit : la redditionalité (rapports des élus aux électeurs, contrôle de l’évolution des patrimoines par la cour des comptes), la collégialité appliquée à l’exercice des mandats, la possibilité d’élection spéciale de rappel d’un élu, et surtout la mise en place d’une association citoyenne indépendante des institutions officielles, qui serait chargée de surveiller le fonctionnement des pouvoirs publics et parapublics, de faire les recommandations nécessaires, et d’aider les citoyens à mettre en œuvre les procédures référendaires et autres) : il me semble que ce sont là des moyens de contrôle réalistes et concrets. JR

Il serait sage, parlant du système représentatif, d’inventer un mot nouveau, car l’étymologie du mot démocratie est inamoviblement incompatible avec la délégation de pouvoir. Hors toute autre considération.

Si j’engage un chauffeur pour conduire ma voiture, ce n’est pas moi qui conduis.
Et si en plus je n’ai pas le droit de lui indiquer ni l’itinéraire ni la destination, c’est qu’il y a un os dans le contrat.

Et le fait qu’au moment de l’embauche il y ait plusieurs candidats au poste de chauffeur, libres de me mentir sur la destination de nos voyages futurs, cela ne change rien à cette étrange affaire en laquelle le valet devient le maître.

En fait, « dictature représentative » serait pas mal …

L’expression « gouvernement représentatif » de BM me convient beaucoup moins,
car elle peut laisser supposer un pilote, tenant le gouvernail,
mais cependant soumis aux ordres d’un capitaine souverain.

Alors que nous avons bien au dessus de nous des « représentants », qui émettent des dictats ( il s’agit là du radicande du mot dictature ), des dictats auxquels il nous est interdit de nous soustraire.

« Oligarchie représentative » peut-être ? …

Car avec le mot « dictature » on pourra toujours te rétorquer : « qu’il ne faut pas exagérer non plus, que nous ne sommes pas sous Pinochet … »
Ce qui n’est pas entièrement faut.

Ni sous Videla

Et je connais cette réponse, bien sûr, et l’attendais même.

Mais l’interprétation du mot dictature comme régime militaire n’est pas conforme à son étymologie.
Le Larousse commet la même erreur … et n’est pas écrit démocratiquement autant que je sache … :wink:

Survient alors, tu as raison, la question de la crédibilité de qui n’est pas dans la norme. Une vraie question.

Je ne vais bien entendu pas me battre pour avoir raison, sauf sur le point fort de demander qu’on n’use pas du mot démocratie de manière abusive.

« Système prétendument représentatif » ?

[b][i]DU CONTRAT SOCIAL[/i] (suite)[/b]

@Petrus

Les élucubrations religieuses de Rousseau

L’élucubration majeure à mon sens (voir chap. VIII du Contrat social) tient à ce qu’il admet que le souverain peut légiférer en matière religieuse, voire bannir ou punir de mort non comme impies mais comme « insociables » les apostats de la religion civile d’État.

Comme je l’ai reconnu, Rousseau était de son époque, où il ne faisait pas bon exclure la religion : il s’est donc efforcé de la réduire au strict minimum de manière à la rendre aussi peu nocive et intolérante que possible, mais elle reste un élément (même artificiel) de son système.

La laïcité est bien autre chose.

Reconnaissons simplement que sur ce point, Rousseau est depuis longtemps dépassé, et cela dès 1789, c’est-à-dire 27 ans seulement après Du contrat social.


Je m’engage dans une lecture rapide du Chapitre VIII dans les prochaines heures et vous répondrai aussitôt.

[b]La démocratie[/b]

Rousseau assimile la démocratie à la démocratie directe, dans laquelle le pouvoir législatif et le pouvoir exécutif sont exercés par le peuple lui-même.

D’autres (comme moi) font de la démocratie représentative l’autre aspect consubstantiel de la démocratie.

Les deux définitions tiennent debout. Quelle est la vôtre ?


Tout d’abord pour rappel, nous ne parlons pas la même " langue " vous et moi, donc je ne vais pas présupposer qu’il peut y avoir une bonne et mauvaise définition entre deux définitions de deux paradigmes différents.

Si je m’accorde au paradigme oligarchique, je suis d’accord avec vous pour dire que depuis 200 ans, le système représentatif a pris le nom de démocratie, et de ce fait qu’il est légitimement cela pour tous ceux qui acceptent ce glissement sémantique opéré entre 1780- 1880.

Maintenant si je m’installe dans un paradigme démocratique, que Rousseau institue seul légitime, avec un pouvoir souverain ne pouvant qu’appartenir qu’au peuple, ce que vous nommez Démocratie directe est un pléonasme. Il n’y a de Démocratique que la Démocratie " directe " et rien d’autre.

La Définition du mot Démocratie du paradigme démocratique pourrait être la suivante si l’envie venait de vouloir paraphraser Lincoln.

Démocratie : du grec Demos (Peuple) Kratos (Pouvoir souverain), Paradigme politique du pouvoir souverain de tout le peuple, par tout le peuple en législateur, se dotant d’un gouvernement des lois et des droits démocratiques, dans l’unité et l’intérêt général de tout le peuple.

Le Peuple ne détient QUE le Pouvoir Souverain. Qu’il s’agisse de la Boulè ou des magistrats à Athènes, aucun ne prétendait exercer ses fonctions en tant ou au nom du Peuple.

Le Législatif concerne les choses générales, l’Exécutif les choses particulières. Si celui qui entreprend les choses générales est le même qui s’occupe des choses particulières alors l’évidence de la nature et de l’Homme feront que les choses particulières conditionneront les choses générales qui n’auront alors de générales plus que le nom. La Volonté devient ainsi soumise à la Force.

Il n’y aurait donc pas de volonté générale, mais la volonté d’une accumulation de volontés particulières, c’est à dire en somme, une volonté de la majorité, et non pas dans une hypothéthique vision du bien être de la société mais pour son bien propre uniquement…

Aristote comme Rousseau nous donne la définition de ce type de régime : l’Ochlocratie (Pouvoir souverain de la populace, dans son sens négatif, où il n’y a plus de volonté générale, mais une multitude de volontés particulières qui établissent les lois et qui sont elles mêmes soumises aux passions de la foule), sans doute le plus méprisable des régimes politiques pour tous philosophes et leur plus grand phobie pour la plupart d’entre eux.

L’Ochlocratie est la phase inévitable de dégénérescence de la Démocratie, son stade terminal, avant de retourner à un système de type monarchique. Ce processus c’est ce qu’on appelle l’Anacyclose.

Je vois mal la différence entre [i]arkhos[/i] et [i]cratos[/i] (il est vrai que j'ai fait peu de grec, à mon grand regret, et que je n'ai pas de [i]Bailly[/i] sous la main). Vous distinguez par là, je suppose, pouvoir souverain et pouvoir exécutif ? Si c'est le cas, où se situe la confusion de Rousseau, puisqu'il fait la même distinction ? Et en quoi consisterait votre [i]distinction de pouvoirs[/i] ? Vous devez quand même bien avoir quelques idées-forces à ce sujet, même si vous pensez que c'est compliqué ?
Je l'ai expliqué dans mon dernier message. Oui Rousseau distingue clairement le Souverain du Prince. Pour autant, étant donné que le Souverain ne pouvait être que le Peuple, il différencie la " Monarchie " (de type Res Publica donc non absolue), " l'Aristocratie " et la " Démocratie " en fonction du nombre de personnes qui détiennent le Pouvoir Exécutif. [b]C'est sur ce point précis que Rousseau se trompe et qu'il ne prend pas en considération la différence entre Arkhè et Kratos.[/b]

Jean Bodin dans ses Six livres de la République est un peu plus clair et précis que Rousseau dans cette distinction du Prince et du Souverain et évoque substantiellement cette différence à prendre en considération dans l’appellation des régimes politiques.

Jacques Derrida exposait parfaitement bien cette différence.

http://www.idixa.net/Pixa/pagixa-0705011001.html

[i]Arkhè désigne :

  • là où les choses sont supposées commencer, selon la nature ou l’histoire. Le principe est séquentiel, physique ou ontologique. C’est l’originaire, le premier, le principiel, le primitif.
  • là où la loi commande, selon les hommes ou les dieux. Le principe est « nomologique » (selon les causes) ou jussique (selon la loi, la jus). C’est celui de l’autorité, de l’ordre social.
    A l’archive sont toujours associés des clivages - ou des séries de clivages. Différents ordres de commencement et de commandement sont à l’oeuvre - à partir de l’archive, les chaînes d’oppositions se démultiplient.
    L’arkheïon grec est une maison, celle des magistrats qui commandent, les arkhontes. C’est une adresse où l’on dépose les documents officiels dont ils sont les gardiens : l’archive. Les archontes ont le pouvoir d’interpréter ces archives, de dire la loi (de la garder). C’est une domiciliation, une assignation à demeure, un lieu de passage entre public et privé.
    Les documents sont classés en fonction d’une topologie, ils sont rassemblés dans un système, une configuration idéale.
    [Dans le lexique derridien], l’arkhè est aussi un lieu : là où arrive quelque chose, où il y a de l’avoir lieu, où quelque chose a lieu.
    [/i]

[i]Selon d’autres sources, en grec, le mot arkhê signifie à la fois :

  • le commencement, l’origine, la cause,
  • la personne ou la chose qui commence, son extrêmité, le début d’une série, le premier, le chef,
  • la première place, la magistrature,
  • le pouvoir.
    Dans ce dernier sens, il forme un couple avec kratos. Tandis qu’arkhê désigne un pouvoir qui provient du fait d’être le premier, kratos désigne un pouvoir qui provient du fait d’être fort. Le premier désigne une magistrature instituée, le pouvoir de celui qui est désigné comme tel (le prince). Le second peut signifier dominer, voire posséder : c’est le pouvoir immanent, ce qui donne et confère le pouvoir (le souverain).
    On peut aussi opposer arkhein (agir au sens de commencer) à prattein (mener à bien une action), une opposition entre l’initiation et l’achèvement d’une action qui existe aussi en latin (agere/gerere), mais pas dans les langues modernes.[/i]

Hannah Arendt en a aussi étudié les implications à sa manière de la double signification d’Arkhè comme également principe premier du commandement ne nécessitant pas de précédent, le Kratos devenant ainsi absorbée par l’Arkhè.

Voici donc brièvement les définitions de chaque régime politique si l’on se réfère d’un point de vue purement étymologique en considérant cette différence entre Arkhè et Kratos

Monarchie : Pouvoir premier d’un seul homme, détenant l’Exécution et soumettant à lui même la Volonté. Ceci est ce que l’on considère une " monarchie " absolue de style Louis XIV.

Monocratie : Pouvoir souverain d’un seul (si possible de droit divin). L’Exécution ne lui appartient pas. Elle est à attribuer à des Lits de Justice ou des parlements de Magistrats, comme l’ancien Parlement de Paris. Une majorité de ce que l’on nomme des " Monarchies " sont en fait à ce point de vue des Monocraties.

Oligarchie : Pouvoir premier de quelques uns. La Volonté Législative leur est soumise et octroyée (en principe par la coercition).

Oligocratie : Le pouvoir souverain de quelques uns (de préférence une caste de l’élite voir des représentants du Peuple). L’Aristocratie est la forme la plus répandue et connue d’Oligocratie

Démocratie : Pouvoir Souverain du Peuple, véritable Démocratie

Démarchie : Pouvoir premier de tous. La fameuse " Démocratie " de Rousseau qui ne mérite pas d’être " un régime pour des hommes mais pour des Dieux ". (Conception politique mise en lumière par erreur au cours de l’époque moderne par Hayek qui ne comprenait pas grand chose à la philosophie politique) Cette terminologie est peu connue car peu probable institutionnellement. On lui préfère le terme d’Ochlocratie, d’un pouvoir souverain dégénérant prenant à son compte des prérogatives exécutives.

J’en conviens que ces définitions sont bien moins simples que celles dans nos bouquins d’Histoire à l’école. Mais elles permettent au moins de mieux caractériser et différencier des types de régimes, en particulier celui d’un seul et de plusieurs. La " monarchie " en France n’a pas d’un point de vue institutionnel un encéphalogramme plat en terme d’évolution avec un pic momentané sur Louis XIV, une première fin sur Louis XVI et des retours chaotiques jusqu’à Napoléon III, mais une évolution plus instructive et graduelle avec plusieurs étapes différentes de vie institutionnelle.

[b]"La représentation de la volonté générale est impossible" [/b]

Non, ce n’est pas moi qui le dis, c’est Rousseau, au chapitre XV du Contrat social, dans ce passage que j’avais oublié de citer :

« La souveraineté ne peut être représentée, par la même raison qu’elle peut être [?] aliénée ; elle consiste essentiellement dans la volonté générale, et la volonté ne se représente point ».


Oui j’avais lu trop vite en lisant uniquement « la volonté générale est impossible ».

"Oligarchie représentative" peut-être ? ...

Car avec le mot « dictature » on pourra toujours te rétorquer : « qu’il ne faut pas exagérer non plus, que nous ne sommes pas sous Pinochet … »
Ce qui n’est pas entièrement faut.


Aristocratie suffit…Il suffit de rappeler sa définition étymologique, malgré là encore la modification sémantique apportée par nos chers révolutionnaires.

Je ne crois pas qu’il soit positif de placer la notion de représentation dans une position diabolisante de coercition. C’est contre productif, car même si une majorité ne s’estime pas entendue, elle ne s’estime pas pour autant opprimée.

Il y a d’ailleurs une certaine redondance (je n’irai pas à parler de pléonasme) entre Oligarchie (ou plus précisément d’Oligocratie) et Représentatif.

Puisqu’une Oligocratie, si elle ne repose pas sur la coercition d’une caste sur le reste du Peuple, est forcément un système représentatif. Après il y a différent degrés de représentation bien évidemment, représentatif d’une caste plus large ou représentative universelle.

Je ne vais bien entendu pas me battre pour avoir raison, sauf sur le point fort de demander qu'on n'use pas du mot démocratie de manière abusive.

« Système prétendument représentatif » ?


Je suis d’accord avec vous. Il faut jouer au même jeu que nos opposants, toutefois, pas seulement en leur disant qu’ils ne devraient pas utiliser abusivement du mot Démocratie, car ils répliqueront un peu à la sauce VGE que nous n’avons pas le monopole de la Démocratie.

D’une certaine manière ils auront raison (on ne change pas la notion et la compréhension auprès du plus grande nombre d’un mot aussi important que Démocratie en dénigrant son utilisation aux autres).La plus grande probabilité en agissant ainsi est de passer pour hautain et vous serez soumis à toutes les caricatures du pouvoir médiatique, sans même vous retrouver avec le soutien du public, uniquement marginalisé comme extrémiste.

La Démocratie c’est l’Unité, il ne faut pas se batailler pour ce qui réunit, même face à ses opposants.

Il faut au contraire saper les bases du système de nos opposants en expliquant la véritable définition de notre régime actuel.

Les individus ont peur de la nouveauté, et pour beaucoup la Démocratie " directe " relève presque de l’ésotérisme. En revanche, ils seront beaucoup plus convaincus et combatifs face à ce qu’ils connaissent déjà, et qu’ils prennent peu à peu conscience que c’est cela qui les désunit…

Il faut marteler sans cesse la même appellation pour décrédibiliser notre système politique, non pas les hommes qui le composent mais bien LE SYSTÈME en tant que tel, afin de faire comprendre qu’il est injuste et qu’il est néfaste à la fois socialement, économiquement et politiquement.

L’appellation que je préfère personnellement c’est " Notre République Aristocratique "

Le pronom Nous est responsabilisant pour tous et n’attaque personne en particulier. Et le reste permet de conserver une certaine mesure car notre système est tout de même non coercitif au quotidien, tout en notant l’aspect de castes et d’élites qui dirigent notre société.

Faites utiliser exactement la même appellation par les leaders d’opinion sur la Démocratie comme Etienne, et d’autres, surtout si ils font parti d’une certaine " élite " et establishment, (cela va à des Jacques Rancière à des Emmanuel Todd) et ceux qui émergeront avec le temps.

Une personne qui rabâche sans cesse ainsi, cela ne fait pas grand chose mis à part le risque de finir en caricature.

Par contre, si quelques personnes, reconnus médiatiquement, et n’appartenant pas à un même parti, le font, vous ébranlerez tout l’édifice…il ne manquera alors plus qu’une étincelle…

La démocratie

@Petrus (votre 89)

Vous donnez la définition suivante de la démocratie :

Démocratie : du grec Demos (Peuple) Kratos (Pouvoir souverain), Paradigme politique du pouvoir souverain de tout le peuple, par tout le peuple en législateur, se dotant d’un gouvernement des lois et des droits démocratiques, dans l’unité et l’intérêt général de tout le peuple.

Bien que nous ne parlions pas la même langue, les processus logiques nous sont certainement communs. Votre définition (voir le passage souligné) repose sur une pétition de principe : la définition est à corriger.

Quelle est votre définition « d’un gouvernement et des droits démocratiques » ?

Vous dites :

« Si je m’installe dans un paradigme démocratique, que Rousseau institue seul légitime, avec un pouvoir souverain ne pouvant qu’appartenir qu’au peuple, ce que vous nommez Démocratie directe est un pléonasme. Il n’y a de Démocratique que la Démocratie " directe " et rien d’autre. »

Pour moi, la démocratie est le « gouvernement du peuple, par le peuple, pour le peuple », et cette affirmation recouvre la vôtre. La question est de savoir comment le peuple peut exercer sa souveraineté.

Même si le texte de Rousseau manque souvent de clarté, il est clair du moins qu’il n’institue pas le « paradigme démocratique » comme seul légitime (en tout cas pas dans Du contrat social).

En effet, après avoir défini implicitement la démocratie comme le régime dans lequel le peuple souverain exerce à la fois le pouvoir législatif et le pouvoir exécutif (démocratie directe – seule démocratie selon vous et apparemment selon lui), il indique immédiatement « qu’il n’est pas bon que celui qui fait les lois les "exécute », car cela signifie intrusion des volontés particulières. Il conclut que cette démocratie au sens strict n’a jamais existé et n’existera jamais.

Il faut pourtant bien qu’il y ait des gouvernements légitimes – ou du moins plus légitimes que d’autres ?

La légitimité du gouvernement selon Rousseau se juge d’abord par rapport à l’objet de toute association politique :« la conservation et la prospérité de ses membres » (voir chap. IX du Contrat social).

À l’origine (voir chap. XVII), « le peuple nomme les chefs qui seront chargés du gouvernement établi. Or cette nomination, étant un acte particulier [NB. Entendons : parce qu’il s’agit de nommer des personnes JR], n’est pas une [loi] mais un acte de gouvernement […] Et comment le peuple, qui n’est que souverain ou sujet, [peut-il] devenir prince ou magistrat dans certaines circonstances [?] [Cela] se fait par une conversion subite de la souveraineté en démocratie […] Tel est l’avantage propre au gouvernement démocratique de pouvoir être établi dans le fait par un simple acte de la volonté générale. Après quoi ce gouvernement provisionnel reste [en place], ou établit au nom du souverain le gouvernement prescrit par la loi ; et tout se trouve ainsi [en règle]. Il n’est pas possible d’instituer le gouvernement d’aucune autre manière légitime […]. »

Ainsi, un gouvernement dans lequel le peuple souverain se nomme des chefs est considéré par Rousseau comme démocratique, ce qui contredit d’ailleurs quelque peu sa définition de la démocratie comme combinant dans le peuple lui-même le pouvoir législatif et le pouvoir exécutif. Vous me direz que ces chefs ne sont pas selon Rousseau des représentants mais des magistrats : vous aurez du mal faire admettre que cette différence de terminologie corresponde à une quelconque différence de gouvernance concrète.

Je vous pose (ou repose) les questions suivantes :

Si le peuple souverain et législateur décide référendairement, après débat approprié, et sur initiative citoyenne, d’élire des représentants ou des magistrats chargés d’élaborer et d’adopter la loi au nom du peuple et sous lson contrôle, en a-t-il le pouvoir ?

Cette décision du peuple peut-elle pas être qualifiée de non démocratique ? Et si tel est le cas, en vertu de quelle définition de la démocratie (nous revenons à la question du début) ?

La décision en question doit-elle être qualifiée d’ochlocratique, et pour quelles raisons, s’il s’agit d’une expression de la volonté générale et non de l’expression de volontés particulières ?

Ou alors soutenez-vous que cette décision ne représenterait que l’accumulation (non légitime) de volontés particulières ?

Et quelle est alors votre définition de « volonté particulière » ? JR

Je vais finir par haïr la >>logique<< :wink:

Bien que nous ne parlions pas la même langue, les processus logiques nous sont certainement communs. Votre définition (voir le passage souligné) repose sur une pétition de principe : la définition est à corriger.
pétition de principe ?
Quelle est votre définition "d'un gouvernement des lois et des droits démocratiques" ?
La Démocratie n'est pas un gouvernement des hommes. Elle est le gouvernement de la loi car elle est l'émanation de la volonté générale. (paraphrase de Rousseau) Et des droits politiques car le gouvernement ne peut nullement les contraindre.
Pour moi, la démocratie est le "[i]gouvernement du peuple, par le peuple, pour le peuple[/i]", et cette affirmation recouvre la vôtre. La question est de savoir comment le peuple peut exercer sa souveraineté.
Non cette définition ne recouvre pas la mienne. Bon alors pour le fameux lieu commun Lincolnien, je vais faire une longue explication nécessaire ici. Cela pourra servir à quiconque voudra.

Déjà il faut renvoyer au contexte. http://en.wikipedia.org/wiki/Gettysburg_Address

Lincoln a raccommodé cette phrase du pasteur Theodore Parker qui disait : Democracy is direct self-government, over all the people, for all the people, by all the people. Il la trouvait beaucoup trop " démocratique ", donc en a enlevé l’essentiel.

[i]Abraham Lincoln laissa à la postérité la dernière phrase d'un discours prononcé suite à la bataille de Gettysburg dans une république en pleine guerre civile : " le gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple ne périra point sur cette terre. "

Devenue maxime, cette phrase fut frauduleusement admise en tant que définition de Démocratie, sous le paradigme oligarchique, comme bien des associations sémantiques l’ont pu l’être dans l’Histoire des hommes. L’intéressé ne prétendait pas s’exprimer sur la Démocratie. Il évoquait la république, aristocratique, des Etats-Unis d’Amérique dont les fondements devaient être, selon lui, revivifiés sous l’égide d’une régénérescence de la liberté, afin d’éviter la dislocation de la nation dans la période tumultueuse qu’elle traversait.

Le gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple, serait-il alors caractéristique du régime aristocratique ou Lincoln serait-il tout simplement dans l’erreur en désignant ainsi le régime politique américain? Cette définition invoquant par trois fois le peuple est pourtant séduisante. Il est aisément compréhensible de vouloir l’associer dès le premier abord au régime du pouvoir du peuple. La quantité ne fait pas pour autant la qualité.

L’intérêt de cette phrase ne repose effectivement pas sur cet effet de redondance qui semble donner au peuple toute sa prééminence, mais sur les prépositions "de, par, pour " qui lient ces utilisations du mot peuple à la notion de gouvernement.

Pour comprendre le sens de cette formule, il faut concevoir les possibles interprétations propres à chacune des trois parties qui la compose. Ces parties contribuent dans leur équilibre, tels les arrêtes d’un triangle ou des piliers d’une structure, à dresser le cadre de la terminologie qu’elles ont l’objectif de désigner. Elles en érigent par la même occasion les limites.

Le « gouvernement DU Peuple » supporte deux possibles interprétations. La première est un lien entre deux entités distinctes avec d’un coté un gouvernement et de l’autre le peuple. Il s’agit là d’un rapport de commandement comme il s’en est naturellement constitué depuis l’apparition de la société civile entre d’une part un ou des chefs ou gouvernants, et d’autre part le peuple gouverné, subordonné ou soumis. Tout gouvernement est gouvernant du peuple, qu’il soit issue d’une monarchie, oligarchie ou démocratie. Tout régime politique peut donc prétendre à cette appellation.

La seconde interprétation peut exprimer un rapport d’appartenance où le gouvernement est la propriété du Peuple. Il n’implique pas nécessaire son exercice par celui-ci.

Le "gouvernement POUR le Peuple " manifeste le but. Cette prétention bien subjective peut être revendiquée là aussi par tout gouvernement. La légitimité de pouvoir, s’il elle ne s’est pas uniquement constituée par la force ou les us et coutumes de l’Ignorance, doit pour perdurer faire reconnaitre son utilité civile et sociale en s’attelant à la chose publique, la res publica.

L’entendement et la mise en œuvre de cet intérêt du Peuple sont sujets à toutes les idéologies sociales. Elles peuvent se dénombrer en autant de formes qu’il y a d’individus. La taille, les pouvoirs et les limites du gouvernement en sont les principales réquisitions.

Le "gouvernement PAR le Peuple " peut invoquer deux appréciations sémantiques amenant à des conséquences institutionnelles différentes. D’une part, il peut être vu dans un sens de provenance, celui de l’origine du gouvernement qui est institué par le Peuple. Il est ainsi fait référence au pouvoir du Peuple qui décide de se doter de gouvernants, appelant à des procédures institutionnelles dont la plus importante est l’élection. Une délégation de pouvoir est ainsi opérée à travers la représentation politique.

D’autre part, un sens de moyen peut être envisagé, où le Peuple exerce lui-même le gouvernement. Ce dernier est à considérer ici dans son sens large d’institutions politiques (gouvernement et parlement), et non exclusivement en tant que pouvoir exécutif. C’est donc le peuple seul et entier qui gouverne, non en tant que seul pouvoir souverain, mais également en tant que pouvoir exécutif. Il n’est pas seulement la volonté, il est également la force.

Hors là n’est pas la Démocratie qui n’est que pouvoir souverain du Peuple, mais au contraire ce que l’on peut nommer Démarchie, du grec Demos (Peuple) et Arkhê (Pouvoir de commandement).

En résumé, le gouvernement du Peuple, par le Peuple et pour le Peuple ne peut être envisagé que pour définir deux régimes politiques, l’Aristocratie élective, et dans une moindre mesure la Démarchie. [/i]


Comment le peuple peut exercer sa souveraineté ? Bah…en exerçant sa souveraineté, non ? Faire lui même ses lois en Assemblées Citoyennes, rien de plus, rien de moins.

Même si le texte de Rousseau manque souvent de clarté, il est clair du moins qu'il n'institue pas le "paradigme démocratique" comme seul légitime (en tout cas pas dans [i]Du contrat social[/i]).
En quelque sorte oui.
En effet, après avoir défini implicitement la démocratie comme le régime dans lequel le peuple souverain exerce à la fois le pouvoir législatif et le pouvoir exécutif (démocratie directe – seule démocratie selon vous et apparemment selon lui),
La " démocratie " présentée par Rousseau n'est pas la Démocratie. C'est une Démarchie, comme je vous l'ai expliqué.
il indique immédiatement "[i]qu'il n'est pas bon que celui qui fait les lois les "exécute[/i]", car cela signifie intrusion des volontés particulières.
Tout à fait
Il conclut que [i]cette démocratie au sens strict n'a jamais existé et n'existera jamais.[/i]
Cette Démarchie, pas [b]Démocratie[/b], n'existera sans doute jamais OUI, le chaos et " l'anarchie " en tant que désordre seront déjà en oeuvre bien avant que cela puisse arriver. L'Ochlocratie est la phase juste avant, et c'est elle qui est la plus probable avant un retour monarchique.

Les Oligarques aiment bien utiliser Rousseau ainsi pour justifier l’infaisabilité de la Démocratie. Argument classique de mes " confrères " de philosophie politique, qui ne comprennent pas de quoi ils parlent…

Il faut pourtant bien qu'il y ait des gouvernements légitimes – ou du moins plus légitimes que d'autres ?
[url]http://etienne.chouard.free.fr/forum/viewtopic.php?pid=24784#p24784[/url]
À l'origine (voir chap. XVII), [i]"le peuple nomme les chefs qui seront chargés du gouvernement établi. Or cette nomination, étant un acte particulier [NB. Entendons : parce qu'il s'agit de nommer des personnes JR], n'est pas une [loi] mais un acte de gouvernement [...] Et comment le peuple, qui n'est que souverain ou sujet, [peut-il] devenir prince ou magistrat dans certaines circonstances [?] [Cela] se fait par une conversion subite de la souveraineté en démocratie [...] Tel est l'avantage propre au gouvernement démocratique de pouvoir être établi dans le fait par un simple acte de la volonté générale. Après quoi ce gouvernement provisionnel reste [en place], ou établit au nom du souverain le gouvernement prescrit par la loi ; et tout se trouve ainsi [en règle]. Il n'est pas possible d'instituer le gouvernement d'aucune autre manière légitime [...]."[/i]

Ainsi, un gouvernement dans lequel le peuple souverain se nomme des chefs est considéré par Rousseau comme démocratique, ce qui contredit d’ailleurs quelque peu sa définition de la démocratie comme combinant dans le peuple lui-même le pouvoir législatif et le pouvoir exécutif. Vous me direz que ces chefs ne sont pas selon Rousseau des représentants mais des magistrats : vous aurez du mal faire admettre que cette différence de terminologie corresponde à une quelconque différence de gouvernance concrète.


Non pas du tout…Il serait bien de retranscrire, et plus franc aussi, l’intégralité du chapitre (il n’est pas si long que cela) car c’est à n’y rien comprendre avec votre passage modifié par vos propres mots et vos phrasés sélectionnés. J’ai été obligé de me replonger dans ce chapitre XVII Livre Troisième de l’Institution du gouvernement.

L’acte de mise en place du gouvernement (l’Exécutif) est ce qu’il considère un acte de " démocratie " (en fait de Démarchie, où tous les citoyens deviennent pour le coup tous des magistrats dans le but d’élire leurs propres magistrats : un seul, plusieurs, ou tous). On en revient encore à la problématique de Rousseau qui ne comprend pas la différence entre Arkhè et Kratos.

Les représentants ne s’appliquent en vocabulaire constitutionnel qu’aux Législateurs. Les magistrats seulement à l’Exécutif. Je sais que le terme "représentants " en tant que lieux commun aujourd’hui regroupe aussi les membres du gouvernement. Que voulez vous…il faut juste avoir de la cohérence et savoir de quoi on parle.

[b]Je vous pose (ou repose) les questions suivantes :[/b]

Si le peuple souverain et législateur décide référendairement, après débat approprié, et sur initiative citoyenne, d’élire des représentants ou des magistrats chargés d’élaborer et d’adopter la loi au nom du peuple et sous lson contrôle, en a-t-il le pouvoir ?


Bien sûr que le Peuple en a le pouvoir. C’est une question de légitimité (notions de Justice et Liberté). S’il estime qu’il est bon pour lui de confier son destin à des représentants, les meilleurs, il en a tout à fait le droit, et cela peut être une décision tout à fait légitime, légitimé par tout le peuple, ou en tout cas la majorité.

Mais bien entendu ce Peuple peut être influencé ou trompé sur ce qui pourrait être ultimement le plus Juste et le plus Libre pour lui (cad la Démocratie), de la même manière que l’évoque très fameusement Rousseau concernant la propriété.

" Le premier qui ayant enclos un terrain s’avisa de dire : Ceci est à moi, et trouva des gens assez simples pour le croire, fut le vrai fondateur de la société civile. Que de crimes, de guerres, de meurtres, que de misères et d’horreurs n’eût point épargnés au genre humain celui qui, arrachant les pieux ou comblant le fossé, eût crié à ses semblables : « Gardez-vous d’écouter cet imposteur ; vous êtes perdus si vous oubliez que les fruits sont à tous et que la terre n’est à personne! » Mais il y a grande apparence qu’alors les choses en étaient déjà venues au point de ne plus pouvoir durer comme elles étaient : car cette idée de propriété, dépendant de beaucoup d’idées antérieures qui n’ont pu naître que successivement, ne se forma pas tout d’un coup dans l’esprit humain : il fallut faire bien des progrès, acquérir bien de l’industrie et des lumières, les transmettre et les augmenter d’âge en âge, avant que d’arriver à ce dernier terme de l’état de nature."

L’Oligarchie et Aristocratie, tout comme la Monarchie, peuvent être également légitimes, car accepté par tous ou du moins une majorité (c’est la définition même de légitimité), que cette acceptation ai pu être décidé selon leur consentement ou pas Relire La Boétie au passage. Ces régimes sont légitimes aujourd’hui. Le seront il encore demain ?

Cette décision du peuple peut-elle pas être qualifiée de non démocratique ? Et si tel est le cas, en vertu de quelle définition de la démocratie (nous revenons à la question du début) ?
J'ai bien compris où vous vouliez m'emmener cher Jacques. :) C'est bien dommage, mais je vais vous décevoir.

Si le Peuple a envie d’être enchaîné, et qu’on lui demande son avis pour cela, on peut dire que c’est un acte démocratique en effet. La Démocratie n’interdit pas le sado-masochisme aux dernières nouvelles. :wink:

Un acte " démocratique " qui interdit la mise en oeuvre de la Démocratie n’est pas un acte " anti-démocratique " pour autant. (voyez le problème de vocabulaire là encore, il faudrait utiliser une autre terminologie tel " acte référendaire universel " par exemple, même si très pompeux, quant à définir l’acte qui consiste à demander l’avis du Peuple).

La décision en question doit-elle être qualifiée d'[i]ochlocratique[/i], et pour quelles raisons, s'il s'agit d'une expression de la volonté générale et non de l'expression de volontés particulières ?
Non, pourquoi devrait elle qualifiée ainsi ? C'est censé être une volonté générale, une loi, constitutionnelle qui plus est, que la décision du type de régime.

Pour reprendre le Chapitre XVIII " Par le premier, le souverain statue qu’il y aura un corps de gouvernement établi sous telle ou telle forme; et il est clair que cet acte est une loi."

« À l’instant que le peuple considère en particulier un ou plusieurs de ses membres, le peuple se divise. Il se forme entre le tout et sa partie une relation qui en fait deux êtres séparés, dont la partie est l’un, et le tout moins cette partie est l’autre. Mais le tout moins une partie n’est pas le tout ; tant que ce rapport subsiste il n’y a donc plus de tout, mais deux parties inégales.
Au contraire quand tout le peuple statue sur tout le peuple, il ne considère que lui-même, et s’il se forme un rapport, c’est de l’objet entier sous un point de vue à l’objet entier sous un autre point de vue, sans aucune division du tout. Alors l’objet sur lequel on statue est général, et la volonté qui statue est aussi générale. » (Émile ou De l’éducation, livre V, Pléiade, p. 842.)

La volonté générale est "la somme des différences de la volonté de tous"1, à laquelle on a donc ôté les plus et les moins qui s’entredétruisent.

Il y a Ochlocratie dès lors, comme je l’ai déjà dit, que des prérogatives exécutives, c’est à dire la capacité de faire des décrets est octroyée au Peuple. (ce qui était le cas d’Athènes après 404, raison pour laquelle je n’aime pas parler de Démocratie à partir de cette date, sachant que le Peuple ne faisait plus les lois non plus, confiées aux nomothètes).

Il y a Démarchie quand toutes les prérogatives exécutives appartiennent au Peuple.

Ou alors soutenez-vous que cette décision ne représenterait que l'accumulation (non légitime) de volontés particulières ?
Non je ne soutiens aucunement cela, comme dit précédemment.
Et quelle est alors votre définition de "volonté particulière" ? JR
Elle est simplement le contraire de la volonté générale...

« […] La volonté est générale ou elle ne l’est pas ; elle est celle du corps du peuple, ou seulement d’une partie. Dans le premier cas, cette volonté déclarée est une acte de souveraineté et fait loi ; dans le second, ce n’est qu’une volonté particulière, ou un acte de magistrature ; c’est un décret tout au plus. »

Juste un détail :

Il m’a toujours semblé que l’usage de arCHein et de kratein était assez peu clair, voire aléatoire, et la lecture du Bailly confirme :
Beaucoup plus que chez nous les mots des langues anciennes portent des sens plus que nombreux, et l’intersection des deux verbes qui ici nous intéressent n’est pas vide.
Je me garderais donc quant à moi d’user de l’un et de l’autre pour désigner des choses différentes ou pour marquer leur opposition.
Faire cela expose à la renaissance éternelle de conflits lexicaux, qui écartent du fond des choses.

Mais tout ça que je lis ici est précieux :wink:


Juste pour sourire :->

Un truc rigolo dans l’étymologie, c’est qu’elle est débarrassée des déclinaisons.

Donc quand on dit démocratie, toute la question est de savoir si démos est au nominatif ou à l’accusatif !!!

(ce qui rejoint la question du « de par pour »)

Juste un détail :

Il m’a toujours semblé que l’usage de arCHein et de kratein était assez peu clair, voire aléatoire, et la lecture du Bailly confirme


Y aurait il pour autant une raison à les laisser demeurer ainsi ad vitae eternam pour la seule raison qu’ils ne le sont plus depuis 2000 ans et qu’ils l’était peut être, hypothétiquement, tout autant à leur apogée ?

Beaucoup plus que chez nous les mots des langues anciennes portent des sens plus que nombreux,
Je ne suis pas forcément d'accord avec cette assertion. Les anciens avaient davantage de mots en politique. Aujourd'hui tout se confond à cause de la faiblesse de la pauvreté de vocabulaire qui fait en sorte que les quelques mots qui restent expriment des multitudes de sens. Chacun a sa définition de république, de démocratie. Les magistrats expriment davantage les juges que les exécutants. Les représentants comme les gouvernants regroupent tous ceux avec des mandats.
Je me garderais donc quant à moi d'user de l'un et de l'autre pour désigner des choses différentes ou pour marquer leur opposition. Faire cela expose à la renaissance éternelle de conflits lexicaux, qui écartent du fond des choses.
Il ne peut y avoir renaissance de ce qui est déjà. C'est justement dans ce paradigme où rien n'est fixé, où tous sens peuvent être acceptés car il n'existe pas de lieux, d'Ekklesia, pour confronter les pensées sur des mêmes bases qui auraient été élaborées et acceptées par tous, qu'il existe tant de sens et que l'on avance guère. Le pouvoir des mots est un pouvoir de domination et de soumission. Il ne peut prétendre à aucune cohésion.

Le but est de revenir aux choses premières, à la métaphysique pour différencier le grain de l’ivraie.

« La Démocratie n’est pas un gouvernement des hommes. Elle est le gouvernement de la loi car elle est l’émanation de la volonté générale. (paraphrase de Rousseau) Et des droits politiques car le gouvernement ne peut nullement les contraindre. »

J’aime beaucoup cette définition (cette vision !) de ce que pourrait-être une vraie Démocratie proposée par Petrus. Je remplacerai juste « car » par « si la loi » … Histoire d’affirmer l’importance de la loi décidée et consentit par les hommes.

Donner le pouvoir uniquement à la loi plutôt qu’aux hommes si faillibles. Je trouve que s’est une super idée. Elle déculpabilise et responsabilise les hommes, tout en leurs enlevant toute possibilité de pouvoir et de prise de pouvoir sur les lois (donc sur les autres hommes), sans pour autant leur enlever leur pouvoir de décision.

Plus besoin d’esprits partisans. Seule la vie en commun et les règles que l’on s’impose devant être prises en compte.
Plus besoin de représentants, juste un exécutif.
Plus de contestations stériles. Les hommes aillant choisis eux-mêmes leurs chaînes.
Plus de décisions individuelles pour le collectif.
L’intelligence et la réflexion collective devant être obligatoirement sollicité pour chaque loi. Donc cela institue une véritable émancipation populaire.
Cela instituerait surtout une éthique collective. Les gens devant réfléchir aussi aux sanctions à infliger en cas de fautes et « aux bonus » éventuels pour les aspects protecteurs de la loi.
Tout le monde étant concerné par la loi, cela donne une belle et bonne raison commune pour faire de la politique et donc se réapproprier le contrat social.
Le peuple serait enfin souverain.
Et j’en oublie surement …

Ca me plait bien cette affaire … :slight_smile:

Faire cela expose à la renaissance éternelle de conflits lexicaux → Il ne peut y avoir renaissance de ce qui est déjà.

C’est vraiment argumenter pour argumenter :wink:

La démocratie (suite)

Je me réfère plus particulierement au message 94 de Petrus.

  1. Il y a pétition de principe quand une définition se sert des termes qu’elle a pour objet de définir : p.e. quand on définit la démocratie comme « paradigme politique du pouvoir souverain de tout le peuple, par tout le peuple en législateur, se dotant d’un gouvernement des lois et des droits démocratiques ».

  2. « La Démocratie n’est pas un gouvernement des hommes. Elle est le gouvernement de la loi car elle est l’émanation de la volonté générale »

Non, la démocratie n’est pas le « gouvernement de la loi » : la prosopopée est belle, mais ce n’est qu’une prosopopée. En démocratie, ce sont toujours les hommes qui gouvernent, directement ou par leurs représentants (mon point de vue), et ils prennent alors collectivement le nom de « peuple souverain » qui, comme le dit Rousseau, exerce alors la volonté générale. La loi n’est que le produit de la volonté générale exprimée par des hommes : ce n’est pas un être, et encore moins un être humain.

  1. Je trouve très intéressante la référence à la définition de la démocratie donnée par le pasteur Theodore Parker, qui disait : « Democracy is direct self-government, over all the people, for all the people, by all the people ».

Il est en effet possible (je n’en sais rien) que Lincoln l’ait abrégée en jouant sur l’ambigüité de terme « people », lequel peut signifier en anglais, selon le contexte, soit le peuple, soit les gens – pour faire passer l’idée que le système représentatif est la solution démocratique de choix. Seulement, voilà : Rousseau s’exprime en français (comme nous d’ailleurs), et en français cette ambigüité est exclue, car peuple s’applique bien à un être collectif, sans acception d’individus. Le peuple, c’est tout le peuple, même si le peuple a choisi pour s’exprimer de recourir au mécanisme majoritaire.

  1. « Comment le peuple peut exercer sa souveraineté ? Bah…en exerçant sa souveraineté, non ? Faire lui même ses lois en Assemblées citoyennes, rien de plus, rien de moins ».

Petite question pour commencer : en « assemblées citoyennes », ou en « assemblée citoyenne » (au singulier) ? En effet, s’il y a plusieurs asssemblées citoyennes, ce n’est pas le peuple qui est réuni dans chacune d’elle, mais une partie du peuple seulement.

Ensuite, parmi ces lois, il pourra s’en trouver une selon laquelle des représentants du peuple seront chargés d’élaborer et d’adopter des lois au nom du peuple, sous son contrôle. Ou bien le peuple peut adopter une telle loi, ou bien il n’est pas souverain.

  1. Démarchie/ochlocratie

Pour parler moderne, vous voulez dire, je suppose, que le pouvoir législatif doit être réservé au peuple souverain, et le pouvoir règlementaire au gouvernement établi par la constitution établie par le peuple souverain et non ce peuple lui-même, sous peine de contrevenir au principe de la séparation des pouvoirs et de tomber dans la démagogie.

Mais si le peuple décide de gouverner lui-même, comme il en aurait le pouvoir, ce serait encore, démagogie ou pas, de la démocratie.

Vous dites que « le peuple ne détient que le pouvoir souverain » : je vois là une contradiction dans les termes si comme je le crois le pouvoir souverain inclut par nature tous les pouvoirs de décision sans aucune exception (telle est en fait et en droit la jurisprudence du Conseil constitutionnel français depuis 1962).

  1. [b][i]Vous écrivez :

L’acte de mise en place du gouvernement (l’Exécutif) est ce qu’il considère un acte de " démocratie " (en fait de Démarchie, où tous les citoyens deviennent pour le coup tous des magistrats dans le but d’élire leurs propres magistrats : un seul, plusieurs, ou tous). On en revient encore à la problématique de Rousseau qui ne comprend pas la différence entre Arkhè et Kratos.

Les représentants ne s’appliquent en vocabulaire constitutionnel qu’aux Législateurs. Les magistrats seulement à l’Exécutif. Je sais que le terme "représentants " en tant que lieux commun aujourd’hui regroupe aussi les membres du gouvernement. Que voulez vous…il faut juste avoir de la cohérence et savoir de quoi on parle.[/i][/b]

Pour moi, le terme « représentant » s’applique à tout élu, y compris au président de la République (membre de l’exécutif) et aux élus locaux : pas seulement aux législateurs.

D’ailleurs, Rousseau rejette toute forme de représentation politique : pour lui, les députés ne sont pas des représentants mais des commissaires du peuple (dans un régime quasi démocratique s’entend). Il ne fait donc pas de différence à cet égard entre législateurs élus et membres non élus du pouvoir exécutif.

  1. [i][b]Si le peuple a envie d’être enchaîné, et qu’on lui demande son avis pour cela, on peut dire que c’est un acte démocratique en effet. La Démocratie n’interdit pas le sado-masochisme aux dernières nouvelles.

Un acte " démocratique " qui interdit la mise en oeuvre de la démocratie n’est pas un acte " anti-démocratique " pour autant (voyez le problème de vocabulaire là encore, il faudrait utiliser une autre terminologie tel " acte référendaire universel " par exemple, même si très pompeux, quant à définir l’acte qui consiste à demander l’avis du peuple). [/b][/i]

Tout à fait d’accord. Et le peuple souverain peut également décider de mettre en place des garde-fous pour éviter dde se tromper, cela dans le cadre du principe de l’état de Droit (principe qui marche avec le principe démocratique sans se confondre avec lui). Par exemple, il pourrait voter une disposition constitutionnelle soumettant au contrôle préalable du Conseil constitutionnel même un projet de loi devant être soumis à référendum.

  1. [b][i]À ma question : « Quelle est votre définition de la volonté particulière ? », vous répondez :

Elle est simplement le contraire de la volonté générale…

« […] La volonté est générale ou elle ne l’est pas ; elle est celle du corps du peuple, ou seulement d’une partie. Dans le premier cas, cette volonté déclarée est une acte de souveraineté et fait loi ; dans le second, ce n’est qu’une volonté particulière, ou un acte de magistrature ; c’est un décret tout au plus. » [/i][/b]

La volonté particulière (par exemple, supposons, celle de faire renvoyer un premier ministre) n’est pas forcément le contraire de la volonté générale : elle peut correspondre à la volonté du corps du peuple selon la définition de Rousseau. Mais il est vrai que Rousseau s’empêtre dans ses analyses des rapports entre volonté générale et volontés particulières, démocratie et légitimité, corps du peuple et mécanisme majoritaire. Ce qui fait que son Contrat social est difficile à résumer.

  1. Enfin, pardonnez-moi, mon cher Petrus, mais je ne trouve toujours pas parmi vos commentaires (ou alors j’ai mal lu ?) une définition à la fois précise et concise de ce que vous entendez par démocratie. Cette définition serait pourtant utile à notre débat. JR
Ensuite, parmi ces lois, il pourra s'en trouver une selon laquelle des représentants du peuple seront chargés d'élaborer et d'adopter des lois au nom du peuple, sous son contrôle. Ou bien le peuple peut adopter une telle loi, ou bien il n'est pas souverain.
Ce paradoxe me fait penser au célèbre sophisme : "Si Dieu peut créer une pierre trop lourde pour que Dieu la soulève, alors il n'est pas tout-puissant, s'il ne le peut pas, alors il n'est pas tout-puissant."