@Sandy
Tu veux savoir la cause profonde de la laïcité que tu chérie tant? Depuis des temps très anciens, ce sont les familles riches et puissantes qui fournissent à l’Eglise des cardinaux, des archevêques et des évêques. L’Eglise, la Royauté et la Noblesse sont passées par différentes périodes, mais globalement allaient plus ou moins ensemble, et d’ailleurs pas forcément pour le pire. Mais il s’est immiscé un groupe d’intrus dans ce trio, qui est devenu de plus en plus riche et puissant, finissant par passer largement devant ces trois institutions, mais ne jouissant pas des prérogatives associées. C’est la bourgeoisie.
Au cours du XVIIIe siècle, on assiste plus ou moins à la ligue de la bourgeoisie et de la noblesse contre le pouvoir royal: ils avaient encore en mémoire les terribles empêchements que Louis XIV leur avait mis, et le relatif affaiblissement de la monarchie avec Louis XV, et l’affaiblissement très notable du règne de Louis XVI leur a offert une fenêtre de tir « royale ». Cette fraternité de circonstance s’observe dans les « clubs » où l’on discute philosophie, politique, science, mais surtout maladie honteuses et coucheries, ces gens-là ayant le plus élégant vocabulaire pour parler des plus scabreux sujets. Héls pour elle, ce que la noblesse, complètement décadente, ignorait, c’est que les bourgeois avaient des crocs à racler le plancher, et qu’il ne voulaient pas partager le gâteau.
Puis c’est 1789, la bourgeoisie rafle d’un seul coup et les biens du clergé, et ceux de la noblesse, en même temps que le pouvoir. C’aurait été la belle vie, si le roi, ce con de roi, n’avait pas brisé le status quo avec sa fuite à Varennes. C’est la Convention, avec l’arrivée au pouvoir de cet empêcheur de spéculer en rond de Robespierre. Fin de l’intermède égalitariste, retour de la république des gens bien comme il faut, une bonne grosse couche d’Empire, et voilà le XIX siècle, où la seule classe qui compte maintenant, c’est celle de l’argent, c’est la bourgeoisie.
Mais du fait du lien ancien de la noblesse et de l’Eglise, disons de l’épiscopat, les bourgeois ont du mal à pénétrer la vénérable institution pour en prendre le contrôle. Certes, ils réussissent en partie à la convertir à leur cause, avec leur argent d’une part, et leur mentalité de grenouilles de bénitier minables de l’autre. L’Eglise n’était pas brillante au XVIIIe siècle, sa proximité avec la bourgeoisie au XIXe la connifie spectaculairement. Mais c’est insuffisant. Il faut l’écraser, puisqu’on ne peut la prendre. Et c’est là que revient ce vieux concept de « laïcité » tel qu’on prétend développé pendant les Lumières (c’est au départ un mot chrétien: un laïc est une personne qui ne fait pas partie du « staff » de l’Eglise), mais qui a été carrément mis en sourdine lors de la révolution bourgeoise de 89 (la constitution civile du clergé est l’inverse de la laïcité: elle reconnaît une religion d’Etat officielle, et en salarie les prêtres assermentés, qui deviennent littéralement des fonctionnaires, et tout lien de l’Eglise de France avec le Pape est coupé).
La difficulté de conquête des places de choix au sein de l’Eglise, l’idéologie laïque, et l’appartenance à la franc-maçonnerie ne sont probablement par étrangers les uns aux autres. Le prétendu arbitraire de l’Eglise n’était bien sûr qu’un prétexte. Les guerres de religions avaient pris fin depuis deux siècles, et le nouvel arbitraire de poids, celui de la bourgeoisie, en particulier du patronat sur les ouvriers, ne semblait pas préoccuper beaucoup, ni celui des médias sur l’opinion. Il se trouvait par ailleurs au sein même des rangs de l’Eglise des petits excités qui au contraire associaient un message christique d’amour universel avec un égal droit à la dignité qui ne sonnait pas trop mal aux oreilles des damnés de la terre.
La loi sur la séparation de l’Eglise et de l’Etat est le coup de latte que donne la bourgeoisie dans les dents d’une Eglise qui l’entrave plus qu’elle ne la sert. La bourgeoisie contrôle maintenant parfaitement les médias, et les grands centre de la production et de la consommation de l’argent sont maintenant largement déchristianisés (en tout cas le mouvement est solidement lancé) et la foi n’est plus qu’un vestige rural qu’on remplace doucement par l’amour de la Patrie, mère aimante mais qui connaît bien son intérêt puisqu’elle ne sera pas avare du sang de ses enfants quand il s’agira d’irriguer l’Est de la France pour concurrencer les plantations d’obus et de fusils du boche.