Disons plutôt chomskien que boétien. Assentiment implicite ou consentement, oui. Servitude volontaire, non : ce n’est pas parce qu’on n’a pas tout approuvé directement et explicitement qu’on devient esclave. Il n’y a servitude volontaire que lorsqu’on a renoncé à contrôler et modifier éventuellement les décisions des délégués ou des gens au pouvoir.
Le « consensus » abstentionnel est un aspect de la délégation : on fait confiance jusqu’à preuve du contraire aux délégués élus pour adopter les décisions les plus appropriées – du moins, on pense qu’on ne pourrait pas mieux faire.
Nous en sommes tous là : comment procéder autrement en pratique, y compris par recours à des tribunaux populaires et autres assemblées du peuple, qui ne seraienteux-mêmes forcément composés que de délégués ?
Cela dit, si l’on devait partir du principe que notre consentement est toujours fabriqué, autant renoncer à la démocratie, et s’occuper exclusivement des moyens de fabriquer les consentements correspondant à nos idéologies respectives. Mais je ne crois pas que ce soit la philosophie du site créé par Étienne.
Dans le Discours de la servitude volontaire, La Boétie, en substance, dénonce la passivité de l’individu (du citoyen) en société. Pour en revenir à une question devenue centrale dans nos discussions, la désignation des responsables gouvernementaux par tirage au sort (le « tirage au sort décisionnel ») n’aurait-elle pas justement pour effet d’aggraver la passivité de citoyens qui accepteraient de se confier au sort, despote parmi d’autres et jamais éclairé ? Le tirage au sort décisionnel, comme je le vois, c’est la fin de la politique (de la réflexion citoyenne), ou plutôt le triomphe des politiques de clan ou de conjoncture.
Vous dites que « la catégorie des gens qui, Lisbonne ou pas, « ne voit pas pourquoi elle voterait si son vote, même majoritaire, n’est pas respecté » me semble, à moi, être laaaargement aussi nombreuse que celle des ignorants ou paresseux qui s’imaginent que leur vote, même majoritaire, serait respecté ». Oui, bien sûr, mais cette dernière catégorie (ignorants ou paresseux qui s’imaginent que leur vote serait respecté) est elle-même beaucoup moins nombreuse d’après moi que celle des ignorants ou des paresseux qui n’ont pas d’idée sur la question et participent donc (toujours d’après moi) à une espèce de consensus démocratique passif : l’analyse de La Boétie est également valable dans ce sens. JR