Le système de vote Internet avec pseudo et mot de passe non électroniques est-il contournable ?
@Lanredec (165) :
Ça va faire une belle tartine, Téhach ne sera pas content.
Je reprends vos objections et remarques très détaillées (merci) concernant le système que j’ai proposé. Je les ai numérotées pour la commodité de la référence :
- Selon vous, la contrôlabilité citoyenne ne sera pas infaillible parce que " Errare humanum est", et comme la technologie est inventée, fabriquée et mise en oeuvre par des humains…"
Pourtant, il s’agit bien ici de trouver une procédure qui permette de surmonter les erreurs et les fraudes imputables au vote Internet.
Évidemment, si l’on part du principe philosophique que c’est impossible, autant s’arrêter là. Votre remarque est typique du discours idéologique a priori de bien des détracteurs du vote Internet qui rejettent d’emblée toute offre de solutions concrètes comme illusoire (les exemples ne manquent pas sur ce fil et ailleurs).
- Comment le citoyen X fait il pour vérifier que le citoyen Y a effectivement voté ?
Comment le citoyen X fait il pour vérifier que c’est bien le citoyen Y qui a voté ?
Comment le citoyen X fait il pour s’assurer que le citoyen Y n’a pas voté sous la contrainte ?
Pas plus que dans le vote-papier tel qu’il fonctionne actuellement il n’appartiendra au citoyen X de faire les vérifications dont vous parlez sur le vote du citoyen Y.
Dans le système du vote-papier, les deux premières vérifications sont faites par les assesseurs du bureau de vote.
Dans un système de vote Internet, les services de la mairie feront les mêmes vérifications au moment de s’assurer de l’identité de la personne qui vient tirer au sort son identifiant et son mot de passe.
Quant à la vérification de l’absence de contrainte, il est vrai que le vote-papier se fait dans des conditions qu’on peut juger relativement plus sûres (quoique loin d’être infaillibles), parce que le votant se présente en personne pour voter et qu’il entre seule dans l’isoloir avec au moins deux bulletins de vote différents.
Ce système du vote-papier écarte donc en principe tout risque de pressions physiques au moment du vote à proprement parler, tandis qu’avec le vote Internet le votant, s’il vote chez lui, se trouve devant son ordinateur accompagné des seules personnes de son entourage (celles justement les plus susceptibles de faire pression). Le vote-papier présente toutefois à peu près autant de risques de pressions psychologiques que le vote-papier.
Et même pour ce qui est des risques physiques, il est à supposer que c’est à l’occasion du vote par correpondance ou du vote par procuration (exclus par nature du vote électronique) que les personnes vulnérables peuvent être soumises à ce type de pression.
Si l’on a affaire à un électeur vulnérable, il me semble difficile d’éviter tout à fait le risque de pressions physiques ou psychologiques dans le cas du vote papier comme dans le cas du vote Internet : mais je crois que ces cas sont en nombre très minimes – il faudrait étudier la question et trouver des parades, sans se faire trop d’illusions.
D’ailleurs, en supposant qu’on adopte le vote Internet, il faudrait laisser la possibilité à ceux qui le veulent de voter par le système classique.
Reconnaissons que la possibilité d’exercer des pressions est le point faible du système Internet, mais n’est-ce pas le point faible de tout système de vote ?
- Je suppose que le pseudo n’est pas réutilisable d’une élection à la suivante.
En effet.
- Y a-t-il un lien conservé entre l’identité et le pseudo ?
Non.
Voir ma proposition, qui est très claire là-dessus : le pseudo et le mot de passe seraient tirés au sort manuellement et séparément. À quoi servirait cette complication si ce n’était justement pour empêcher d’établir un lien entre le pseudo et l’identité véritable du votant ?
- A quoi sert le mot de passe ? Habituellement un mot de passe sert à vérifier que l’utilisateur d’un identifiant est bien celui qui en a le droit. Pour cela il doit être 1)lié à l’identifiant, 2)connu de l’ayant droit seul. Ces deux critères ne sont pas respectés.
Vous confondez « identifiant » et « identité » et vous oubliez que si l’identifiant peut servir de pseudo, le pseudo peut servir d’identifiant. En l’occurrence, le mot de passe ne serait pas nécessairement lié à l’identité véritable du votant mais à son « pseudo-identifiant ».
Exemple concret : pour le projet euroconstitution.org, j’ai ouvert à des fins administratives un compte « euroconstitution.org@hotmail.com », avec un mot de passe. Nul part mon nom n’apparaît sur ce compte, et il me semble bien me rappeler que je l’ai ouvert à partir d’un autre ordinateur que le mien.
Même avec un système aussi rudimentaire, il serait possible de voter tout simplement par courriel en préservant totalement son anonymat et donc le secret du vote. Il va de soi que dans un système dédié on trouverait des moyens beaucoup plus adaptés et beaucoup plus fins, sinon plus sûrs, de voter sous un pseudo-identifiant : mais comme vous le savez, je ne connais pas grand-chose à l’informatique, et je n’ai pas d’idées là-dessus.
En tout cas, les deux critères que vous mentionnez ne sont pas des critères obligatoires du mot de passe : à peine des critères habituels.
- [i]Attention, voter de son ordinateur personnel ne permet pas d’assurer l’anonymat, voter d’un ordinateur qui ne serait pas dans une cage de Faraday ne permet pas d’assurer le secret.
Pour que vous ayez raison, il faudrait que l’électeur vote toujours sur son ordinateur et que personne d’autre ne vote sur cet ordinateur.[/i]
Ce raisonnement est faux. Précisément, ce qui assurera l’anopnymat et le secret du vote est que bien des électeurs voteront sur un autre ordinateur que le leur et qu’en revanche leur ordinateur sera utilisé par d’autres qu’eux.
Les cas de ce genre seront suffisamment nombreux (j’imagine que beaucoup d’électeurs jugeront sage de voter sur un autre ordinateur que le leur) pour que toute tentative d’établir l’identité d’un votant à partir d’un ordinateur quelconque (privé, public. professionnel) soit vouée à l’échec.
Une cage de Faraday électronique n’est pas nécessaire. Votre objection repose sur l’idée bien ancrée que le système et ceux qui l’utilisent pourraient se brancher sur le circuit électronique et voler au passage l’information cruciale associant l’auteur du vote à son identité véritable : mais cette information (identifiant, mot dae passe) ne se trouvera pas dans l’ordinateur avant le vote, et après le vote elle ne serit systémiquement liée à aucune donnée d’identité électronique (voir plus haut)
Il n’y aurait donc aucune coïncidence électronique, sauf accidentellement, entre le pseudo et l’identité du votant, ni entre l’identité du votant et l’adresse de l’ordinateur. Il serait donc techniquement impossible au système électronique – en fait, à n’importe qui sauf le votant et la personne à laquelle il aurait communiqué son identifiant et son mot de passe – d’établir une relation certaine entre les trois, ce qui enlèverait tout intérêt pratique aux éventuelles tentatives de hacquage.
Mais peut-être avez-vous pensé à des moyens de contournement ?
- Comment le citoyen X peut il vérifier que le citoyen Y n’a pas fait une de ces erreurs ?
De quelles erreurs voulez-vous parler ?
- L’association pseudo/vote, je suppose.
Comme vous le supposez, la liste des résultats associera le pseudo et le vote : elle ne révèlera évidemment pas l’identité des votants.
- J’imagine aussi que chaque circonscription ne fait guère plus de 1 000 inscrits (pour permettre un contrôle pratiquable sur une liste papier)
Aucune limite : les pseudos (qui pourront et même devraient préférablement prendre la forme de numéros) seront disponibles dans l’ordre numérique ou alphabétique. Pour vérifier que son pseudo y figure avec le vote correct, un citoyen aura besoin de quelques secondes. (L’affichage se fera au besoin sous forme de volumes reliés par lettre ou par série de codes numériques et mis à dispositions sur une table, et bien sûr la liste sera également en ligne. D’ailleurs, il y aura peut-être des systèmes plus simples.)
- Comment les citoyens vérifient-ils que tous les pseudos utilisés sont ceux de citoyens (réels de la liste publiée avant le vote) qui se sont déplacés pour en retirer un ?
Il y aurait une double vérification : 1) chaque électeur vérifie dans la liste la présence de son pseudo et du vote correct (on s’assure qu’il n’y a pas eu d’oublis) ; 2) les partis, les groupes de citoyens et les citoyens vérifient que la liste des résultats correspond bien, quant au nombre de pseudos, à la liste électorale nominative publiée avant l’élection (on s’assure ainsi qu’il n’y a pas eu d’ajouts et qu’il y a autant de psudos dans la liste des résultats que de noms dans la liste électorale) et aux votes listés après chaque pseudo.
Les procédures 1 + 2, plus les vérifications d’identité faites au moment du tirage au sort des pseudos et des mots de passe confirmeront que tous les pseudos correspondent bien à des votes de citoyens réels inscrits sur la liste électorales.
Il ne sera pas plus difficile de consulter ces listes qu’un dictionnaire, et n’oubliez pas qu’il y aura des milliers de citoyens individuels, sans compter les partis et groupes de citoyens volontaires, pour faire les vérifications.
- Comment les citoyens vérifient-ils que tous les pseudos utilisés sont ceux de citoyens (réels de la liste publiée avant le vote) qui se sont déplacés pour en retirer un ?
Toutes les opérations pré-vote seront contrôlées par une commission ou un bureau électoral qui jouent le même rôle que les organismes correspondants dans le vote papier.
Si un citoyen a perdu ou s’est fait voler son pseudo ou son mot de passe, il lui appartiendra de le signaler à la mairie pour procéder à un nouveau tirage.
- Il faudrait distinguer les pseudos non tirés au sort et les pseudos tirés mais non utilisés.
Excellente suggestion : les pseudos non utilisés devraient être suivis dans la liste de la mention « non utilisé » (« absent » étant alors réservé aux pseudos qui n’ont pas voté).
- Comment le citoyen X sait il que le pseudo du citoyen Y qui n’a pas voté est bien répertorié comme absent et n’a pas été utilisé par le système pour un vote fictif ?
Le vote doit rester anonyme et secret. Le citoyen X n’a pas à savoir si le citoyen Y était absent ou ce qu’il a voté. (À ce point de vue, le secret sera mieux gardé que dans le système du vote-papier actuel).
Par contre, en comparant la liste des résultats avec la liste électorale, chaque citoyen pourra s’assurer qu’il n’y a pas davantage de votes que de pseudos attribués et utilisés.
Comme en outre chaque citoyen est supposé vérifier l’exactitude du vote marqué en face de son pseudo, s’il n’y a pas un minimum de de réclamations, c’est que le système a exactement fonctionné.
- Une des beautés des systèmes électroniques est qu’ils contiennent toujours des bugs.
Justement, le cœur de la procédure n’est pas électronique : tirage au sort individuel et « manuel » d’un pseudo et d’un mot de passe, procédure qui ne laissera comme je l’ai dit aucune trace dans le système avant le vote, et aucune trace de l’identité du votant pendant qu’il effectue son vote et après.
- Tous les systèmes de vote permettent [le vote blanc] Le vote électronique permet … de l’interdire.
Vous avez, je crois, voulu décrire exactement le contraire de la réalité actuelle.
Tous les systèmes de vote, électroniques ou non, permettent d’interdire le vote blanc. Et justement, dans la législation actuelle le vote blanc n’est expressément prévu que dans le contexte du vote électronique (où il est pris, je suppose, comme. l’équivalent d’un vote nul – inexistant par définition dans une procédure de vote électronique).
15) Sachant que le vote est inviolable et constatant que son vote a été violé, que va conclure l’électeur ? qu’il va s’attaquer seul à des gens qui ont manifestement des moyens bien supérieurs aux siens ?
L’association « Sans-Œillères », quand elle aura été créé, aidera les citoyens à surmonter leurs petites peurs.
- Si la réalité est que 20% ont voté A, 25% ont voté B, 55% se sont abstenus et que les résultats indiquent 30% pour A, 25% pour B, et 45% d’abstention …
Peut-être que les citoyens, qui auront déjà consenti à vérifier leurs votes individuelles et la concordance de la liste des résultats avec la liste électorale consentiront-ils aussi à vérifier les additions et les règles de trois ?
- [La comptabilité des votes de circonscription figurant sur la liste de résultats de la circonscription] est nécessaire mais trop tard dans le processus.
Quant voulez-vous qu’elle intervienne ? Avant le vote ?
Évidemment, après le vote il y aura du temps pour présenter les réclamations.
-
Comme vous l’avez vu, [le système électronique ] peut ne pas donner les éléments nécessaires, voire il doit ne pas les donner pour respecter l’anonymat et le secret.
-
J’avais dit:
« Si le système s’est trompé ou a menti en donnant les résultats, les citoyens, qui seront des millions à vérifier (en plus du Conseil constitutionnel) repèreront très vite à partir des listes imprimées les erreurs d’enregistrement ou de décompte : le système électronique ne peut pas empêcher ces vérifications extra-électroniques. »
Vous répondez :
Mais, comme vous l’avez vu, il peut ne pas donner les éléments nécessaires, voire il doit ne pas les donner pour respecter l’anonymat et le secret.
Je n’ai rien vu de tel, et ailleurs, j’ai bien précisé qu’en cas de réclamation individuelle le secret du vote serait levé pour permettre aux autorités électorale de reconstituer l’erreur.
Quels « éléments » avez-vous en tête ?
- J’avais écrit :
« 2) le cloisonnement de la procédure pseudo + mot de passe (procédure-papier qui, donc, coupe le circuit électronique et assure un anonymat total tant au niveau du vote qu’au niveau du dépouillement). »
Vous répondez :
Paradoxalement, ce dernier point retire au vote électronique le seul avantage qu’il a sur le vote papier.
En attendant mieux ce système de vote mixte représente une très bonne approximation de ce qu’on peut attendre du vote électronique et que vous semblez méconnaître :
– la possibilité offerte à tous les citoyens (malades, voyageurs, Français à l’étranger) de voter dans des conditions confortables, sans avoir à se soucier du lieu et du temps (météorologique et chronologique) moyennant un déplacement à la mairie à quelques jours avant le vote ;
– Une réduction sans doute considérable du budget des dépenses électorales dans la mesure où le tirage au sort échelonné sur plusieurs jours d’un identifiant et d’un mot de passe serait beaucoup plus simple qu’une élection-papier à proprement parler ;
– Surtout, la possibilité qu’on aurait, grâce au vote électronique, de développer la démocratie directe.
Il n’est d’ailleurs pas impossible qu’on trouve un moyen d’éviter aux électeurs un déplacement physique pour tirer au sort leur pseudo et leur mot de passe. Par exemple :
Le tirage au sort serait fait par la commission électorale (séparément pour le mot de passe l’identifiant. On mettrait dans une chaque enveloppe un mot de passe et un identifiant au hasard. Les enveloppes seraient ensuite remplies pour l’adresse et cachetées, puis envoyées par la poste aux destinataires. Tout cela, évidemment, en séance publique avecprocès-verbal.
- Je pensais avoir déjà répondu plusieurs fois [à la question comment on peut contourner l’anonymat et le secret du vote et nuire à la sincérité des résultats et des décomptes]. Le vote électronique ne permet ni l’équivalent de l’isoloir, ni l’équivalent de l’urne transparente.
Le vote Internet ne fonctionne évidemment pas comme le vote-papier. Il ne comporte ni urne transparente ni isoloir. Mais par d’autres techniques, il peut préserver l’anonymat et le secret du vote et permettre en tout cas aux citoyens de détecter toute fraude ou erreur susceptible d’affecter significativement les résultats, ce qui entraînerait une nouvelle procédure de vote (classique cette fois). Cela est à mettre en balance avec les avantages considérables qu’il présente par ailleurs.
- J’avais écrit :
« Une remarque toutefois en ce qui concerne le secret : vote électronique ou pas, il faudra bien le lever à partir du moment où il y aurait lieu de faire la preuve qu’un vote a été mal enregistré. »
Vous répondez :
Pourquoi faudrait il faire la preuve ? Le doute doit suffire.
Si le doute émane des autorités électorales sur un nombre de cas substantiel, d’accord.
Autrement, vous n’accepteriez sans doute pas qu’un vote individuel soit annulé sans vérification simplement parce que l’électeur concerné a exprimé un doute sur l’enregistrement de son vote ? Les abus à craindre sont évidents.
D’un autre côté, peut-être qu’on pourrait admettre que le scrutin soit annulé et qu’on passe au vote classique si un nombre d’électeurs en nombre représentant une certain proportion des votants lors du vote contesté en font la demande ?
L’idéal pour se faire une idée vraiment exacte serait qu’on puisse créer un modèle sur une vingtaine de votants… Ce n’est pas pour demain, je pense. JR