Il est impossible à 60 millions de personnes d'exposer leur point de vue à 60 millions de personnes. Laissez seulement une minute à chacun pour exposer son point de vue, internet ou pas, structuré ou pas, 60 millions de minutes feront toujours 114 ans (24/24, 365/365).La Démocratie n’est donc possible que dans des petits groupes. Même les Athéniens, qui n’étaient pas très nombreux, ont dû élaborer une véritable usine à gaz pour l’étendre à toute la Cité.
Non seulement il est possible à 60 millions de personnes d’exposer leur point de vue à 60 millions de personnes, mais je dirais qu’il est désormais possible à sept milliards de personnes d’exposer leur point de vue à sept millards de personnes.
Naturellement, ça ne se fait pas instantanément, et ça suppose un débat graduel, qui dure suffisamment longtemps pour éliminer systématiquement les propositions sans valeur et en arriver après discussion à la substantifique moelle.
C’est la nouveauté et la beauté de l’Internet.
Et puis, il ne faut pas négliger que sept millards de personnes n’ont pas sept milliards de points de vue différents : la plupart des « points de vue » ont été pesés et soupesés pendant des siècles sinon des millénaires, et les points de vue vraiment originaux sont extrêmement rares.
Après, que le référendum ait lieu par l’Internet ou par la méthode papier, ça n’a aucune espèce d’importance, en effet.
La démocratie n’a rien à voir avec les petits groupes. Un petit groupe n’est pas le peuple. La démocratie n’est pas une forme d’organisation des petits groupes (qui s’organisent très bien tout seuls), mais une forme d’organisation des peuples.
Le changement de dimension (du petit groupe au peuple) induit un changement de nature qui s’exprime principalement par l’application systématique de la règle de la majorité. La démocratie n’est que cela : la règle de la majorité. Pour le reste – si la démocratie est bien ou mal exercée, si le peuple a majoritairement pris une bonne ou une mauvaise décision –, ce sont d’autres questions qui ne relèvent pas du principe de démocratie, mais pour une bonne part du principe de non-arbitraire (principe de l’état de Droit). JR