@ Jacques Roman
Le Juriste & l’Anarchiste

J’apprécie également ces échanges, car ils mettent mes idées, mes réflexions, mes raisonnements à l’épreuve de la rigueur du droit et de la pensée dominante de notre société. Ils mettent également à l’épreuve mes qualités d’ouverture, d’écoute et de respect de l’opinion de l’autre et me donnent l’occasion de mettre en pratique cette belle idée du débat démocratique. Sur certains points, les échanges font évoluer mes opinions et mes connaissances (par exemple, ces échanges sur la notion de « personne morale ») ; sur d’autres, mes convictions se sont renforcées.
J’ai titré cette réponse « Le Juriste et l’Anarchiste ». Cela ne définit bien sûr pas qui sont Jacques Roman et Morpheus, mais ce titre vise plutôt à illustrer les paradigmes de pensée qui orientent nos opinions, en tout cas dans cette série d’échanges.
J’ai revu, hier soir, le très bon film Instinct (http://fr.wikipedia.org/wiki/Instinct_(film)). Dans le film, le personnage central, joué par Anthony Hopkins, décrit ceux que nous sommes, nous, les civilisés :
Ceux qui prennent ; obsédés par le contrôle.
Qu’est-ce que La Loi, sinon une forme de contrôle ? De tout temps, La Loi fût écrite par les dominants, pour servir leurs intérêts, renforcer leur contrôle et leur pouvoir sur les dominés. Après 10.000 ans de civilisations, pour la plupart, nous (les dominés) somment devenus tellement inconscient et désespérément dépendant du système, que nous allons jusqu’à nous battre pour le défendre, sans même y penser, sans même remettre en perspective tout ce que, par ailleurs, nous savons. Comme des enfants ne pouvant admettre que l’on mette en doute l’image mythique du système familial imposé depuis le berceau par leurs parents. Un adage dit que nous faisons du mal à ceux que l’on aime. Il oublie de dire que nous aimons ceux qui nous font du mal.
Parlant de la science, Matthieu Ricard explique (in L’infini dans la paume de la main) :
S'adonner pendant des siècles à l'étude et à la recherche ne nous fait pas progresser d'un pouce vers une meilleure qualité d'être, à moins que nous ne portions spécifiquement nos efforts en ce sens. La spiritualité doit procéder avec la rigueur de la science, mais la science ne porte pas en elle les germes de la spiritualité.
Je pourrait le paraphraser, en disant que [i][color=black]"Se soumettre pendant des siècles à la Loi et à la Hiérarchie ne nous fait pas progresser d'un pouce vers une meilleure qualité d'être, à moins que nous décidions de porter spécifiquement nos efforts en ce sens. L'humanité peut procéder avec la rigueur de la Loi, mais la Loi ne porte pas en elle les germes de l'humanité."[/color][/i]
La seule Loi digne d’intérêt est la Loi Naturelle, celle qui est inhérente au processus de manifestation : la très subtile loi de l’interdépendance mutuelle des phénomènes (que l’on appelle parfois « loi de causalité réciproque ») est l’essence même de ce processus (l’Ousia). La force la plus évidente de cette loi est qu’il n’y a aucun besoin de l’imposer : elle s’impose d’elle-même, puisqu’elle EST le processus. Tout ce qui existe, existe PAR ce processus. On ne peut pas tricher avec cette Loi. Elle n’a nul besoin de gardien, de juge, de jurés. Elle se manifeste tout autour de nous, en nous et par nous.
A l’heure du nécessaire, de l’indispensable changement de paradigme, c’est l’ensemble des croyances sur lesquels reposent notre civilisation dramatiquement défaillante qui doivent être remisent en cause, y compris, bien sûr, les notions de hiérarchie (contraire à l’égalité), les lois (ombres de la Justice), les mythes religieux (trompeurs), l’ethnocentrisme (imbécilité ego-maniaque), l’économie monétaire (créant la pénurie, et non la gérant), …
Alors ma démarche, ici, peut sembler incompréhensible. Pourquoi discuter de la Constitution, si je ne crois pas dans les « vertus » de la Loi ? La réponse est simple. Ce n’est pas parce que j’ai une vision claire, intuitive, de tous les errements de notre civilisation, que j’ignore le fait que, en dehors de chocs violents et brutaux, les être humains et les sociétés qu’ils élaborent évoluent par étapes.
Je suis donc conscient que nos sociétés ne pourront pas passer, d’un simple claquement de doigts, d’une civilisation de contrôle, de domination hiérarchique, de pénurie et de croyances mythiques en une société de liberté responsable, d’égalité, d’abondance et d’expériences spirituelles. Mon rôle, alors, je crois, est de me faire le porte-parole des valeurs de cette vision, d’accompagner la transition en maintenant mon regard fixé, autant que possible, sur cet horizon, et en faisant en sorte que les mesures de changement aillent le plus possible dans cette direction.
Cordialement,
Morpheus