[b]Constitutions[/b]Une bonne constitution règle exclusivement l’organisation et le fonctionnement des pouvoirs publics.
Une constitution qui se mêle d’imposer aux citoyens des analyses de la vie est un mauvaise constitution : heureusement que dans la mesure où elle extravague elle est interprétable dans tous les sens, et donc inapplicable.
Un très bon côté de la constitution étatsunienne est que son préambule expose en très peu de lignes des objectifs constitutionnels concrets : parfaire l’union, établir la justice, assurer la tranquillité publique et la défense commune, promouvoir le bien-être, maintenir la liberté au bénéfice des générations présentes et futures. À ce point de vue c’est un modèle, même si le reste du texte est loin d’être aussi bien construit. Pour la philosophie, les Américains l’ont mise dans la Déclaration d’indépendance : les déclarations sont faites pour ça. JR
En lisant votre intervention, j’ai le sentiment que nos opinions sur ce sujet sont en opposition. Essayons tout de même de nous en assurer, ou au contraire, de voir si certaines précisions ne permettent pas de rapprocher nos vues

En estimant que le préambule de la Constitution doit avoir une primauté sur l’ensemble de ses volets, et en évoquant le fait que ce préambule devrait aborder l’esprit, la philosophie et l’objectif du projet de société, je n’insinue pas qu’il s’agisse d’imposer telle ou telle philosophie : j’ai bien précisé qu’il s’agissait de faire (re)sortir le plus petit dénominateur commun. Par ailleurs - et là on touche au sujet qui nous préoccupe - nous savons tous, intimement, que « le plus petit dénominateur commun » est insuffisant à répondre à nos aspirations les plus profondes : nous voulons plus, nous recherchons, intuitivement, le plus GRAND dénominateur commun. Problème ! (j’ai parlé de paradoxe).
Là où je peux vous rejoindre, c’est dans le fait, évident, qu’un projet de société, un projet de Constitution, de texte « commun », (n’)est, en réalité, écrit et proposé habituellement que par un très petit nombre de personnes, qui, de fait, vont éventuellement « imposer » leur vision des choses. S’il s’agit de philosophes de haute volée, nous aurons sans doute droit à une forme d’élitisme prenant peu en compte les aspirations simples d’une majorité de citoyens ; s’il s’agit d’imbéciles, nous aurons sans doute droit à un régime kafkaïen ; et s’il s’agit de voleurs de pouvoirs, nous aurons droit à ce que nous ne connaissons que trop bien …
Cela est également préoccupant (et donc, je vous rejoins aussi, au moins un peu, sur ce point) du fait qu’inéluctablement, la Loi (la Constitution) s’impose sans avis préalable à toutes les générations qui suivent celle qui l’a fait naître. Peut-être certains d’entre nous se sont-ils, comme moi, rendu compte que les Lois nous sont de facto imposée dès notre naissance, et qu’à aucun moment ne nous était demandé notre avis, notre approbation, notre consentement ?
Okay. Donc, de cette façon, je rejoins votre objection. Mais ne sommes-nous pas ici, précisément, pour (tenter de) dépasser cette situation, en tentant l’expérience d’une conception commune de la civilisation dans laquelle nous souhaiterions évoluer ? Certes, nous savons qu’il n’existe pas de plus grand dénominateur commun (notion d’infini), mais nous savons aussi que le plus petit dénominateur commun dépend du degré d’évolution de l’ensemble des facteurs, tout comme nous savons que nous ne nous satisfaisons jamais du moins-disant. Si nous mettons en pratique (avec les difficultés inhérentes à l’exercice) le processus pour tirer vers le haut l’ensemble des facteurs, sans exclure (bien au contraire) les facteurs les plus « bas », il est possible d’élever le curseur (je sais bien que je ne suis pas le seul idéaliste à avoir énoncé cette idée, loin s’en faut).
Si nous ne nous mêlons pas de philosophie, d’autres se servirons de ce vide pour nous en imposer - telle la « philosophie » libérale capitaliste, ou un autre truc du genre qui d’une manière ou une autre permet de pérenniser la domination d’un petit nombre sur le plus grand, à son seul avantage.
Cordialement,
Morpheus