Préambule & Philosophie
Tout d’abord, salutations à tous et toutes.
L’idée que le préambule de la Constitution prédomine l’ensemble des volets de celle-ci me semble très importante et je souhaiterais expliquer pourquoi.
Une société civilisée (1) peut se définir comme un groupe d’êtres humains s’unissant dans un projet commun. Il n’en demeure pas moins qu’au sein de ce groupe, il existe - et il existera toujours des divergences d’opinions. Ainsi, lorsqu’une société civilisée s’attèle à définir le projet commun, il est question de définir ce qui unit chaque individu du groupe, autrement-dit, le plus petit dénominateur commun. Ce « plus petit dénominateur commun » devrait, paradoxalement, poser à la fois les principes idéaux, la philosophie et l’objectif commun que se fixe la société, c’est-à-dire les valeurs fondamentales (« qui fondent », c’est-à-dire les grands principes, les fondations sur lesquelles repose l’ensemble des structures sociales).
Cela nous indique de façon très claire que nous ne pouvons pas nous permettre de faire l’impasse sur une réflexion approfondie sur les valeurs et la philosophie de notre projet ; au contraire, c’est (du moins, ce devrait être) notre premier devoir citoyen.
Par le passé, nous pouvons observer que les diverses sociétés - et notamment celles qui se sont dotées d’une Constitution -, n’ont pas fait l’impasse sur cette réflexion fondamentale. Nous pouvons également observer que pour parvenir à unifier le peuple, différents procédés plus ou moins efficaces, et plus ou moins légitimes, ont été mis en œuvre, comme par exemple, l’édification d’un mythe fondateur. Cette notion de mythe est très importante à comprendre, parce qu’elle est méconnue.
Le professeur de théologie et de philosophie des religions David Ray Griffin, de l’Université de Claremont (USA), nous donne une définition éclairante de cette notion :
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« Un mythe est une idée qui, même si elle est communément admise, est fausse. Dans un sens plus subtil – dans un sens religieux – un mythe est une histoire qui sert à orienter et à mobiliser le peuple. L’accent n’est pas mis sur le rapport entre l’histoire et la réalité, mais sur la fonction qu’est censé exercer le mythe. Une histoire ne peut fonctionner à moins d’être supposée vraie par la communauté ou la nation. Il n’y a pas de débat possible. Si certaines personnes ont le mauvais goût de mettre en doute l’authenticité de l’histoire sacrée, les gardiens de la foi et de l’orthodoxie refuseront de discuter avec elles. Ils les accuseront de blasphème ou, au mieux, les ignoreront. »[/bgcolor]
Lorsque nous nous engageons dans la redéfinition d’un acte fondateur d’une société ou d’une civilisation, il est essentiel d’avoir cette notion à l’esprit, cela pour plusieurs raisons. Premièrement, nous devons comprendre que les croyances sur lesquelles repose la société dans laquelle nous vivons, et que nous voulons refonder (car elle ne répond pas, ou plus, à nos aspirations communes), reposent pour beaucoup sur des mythes (et pas seulement sur des mythes religieux, car la notion de mythe s’accommode aussi bien de croyances laïques), qu’il nous faut balayer de nos esprits. Ce n’est pas une mince affaire ! [bgcolor=#FFFF99]Nous avons naturellement tendance à nous accrocher à nos vieilles croyances, car ce sont celles-ci qui constituent les bases sur lesquelles notre esprit s’est formé (par la famille, l’école, la religion). Pour repenser un idéal fondateur, il est nécessaire d’identifier et d’accepter d’abandonner - ou tout au moins mettre en balance et entre parenthèse - les vieilles croyances. Quitte à déplaire aux conservateurs.[/bgcolor]
Ce que nous observons, concernant l’ensemble des mythes fondamentaux (des croyances), c’est que leur durée et leur solidité dépend beaucoup de la valeur factuelle du mythe, c’est-à-dire son adéquation avec l’environnement et son évolution dans le temps et l’espace. Or, la nature même de l’environnement, c’est qu’il change, autant que les sociétés changent (de façon interdépendante). Par conséquent, les mythes (les croyances) les plus « solides », sont aussi les plus « fonctionnels », donc les plus proche de la nature et de l’environnement. La raison de cela est simple : de l’environnement dépendent l’ensemble des besoins de base de toute société. Nous aurions donc avantage à évaluer les principaux mythes du passé, afin de nous réapproprier ce qui fonctionne et écarter ce qui ne fonctionne pas, au regard de nos connaissances et aspiration actuelles.
Une fois cette tâche faite, toutefois, il m’apparait nécessaire de dépasser la notion de mythe - c’est-à-dire de croyance - afin de faire prévaloir la notion d’expérience. L’expérience est infiniment plus précieuse que la croyance, car elle se fonde sur le vécu (concret) et non sur des idées (abstrait). Toutefois, pour tirer bénéfice de l’expérience, le mot de Aldous Huxley à son sujet me semble très éclairant : [bgcolor=#FFFF99]« L’expérience, ce n’est pas ce qui arrive à une personne, c’est ce qu’une personne fait de ce qui lui arrive. »
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Il est commun de dire que les êtres humains sont doté de raison, et que c’est cela qui les différencie des autres formes de vie. Cependant, les êtres humains ne se définissent pas que pas la raison : ils se définissent également par leurs facultés émotionnelles et sentimentales (les passions), qui en dépit de toute les facultés de raison et d’intelligence dont ils sont capables, l’emportent le plus souvent (les émotions dominent la raison). Lorsque nous réagissons à ce qui nous arrive, nous sommes dans les émotions ; lorsque nous réfléchissons à ce qui nous arrive, et que nous nous servons de ce qui nous arrive pour évoluer, nous ne sommes plus dans les émotions ni la réaction, mais dans la création (pour l’anecdote, regardez bien ces deux mots
).
Je conclus ici, sans être exhaustif, ma première intervention sur cette partie du forum, en essayant de résumer la tâche à laquelle j’aimerais m’atteler - mais pas seul ! :
- Rédiger un préambule présentant de façon claire les valeurs et principes fondamentaux du projet de société devant inspirer chaque volet de la Constitution.
- pour cela, déterminer quels notions doivent être abordées dans ce préambule, et en discuter (évaluer), par exemple, les différents articles de la Déclaration des Droits de l’Homme (à réévaluer car le monde a évolué), mais aussi :
* déclarer les ressources naturelles de la Terre comme patrimoine commun de TOUS les être humains (à discuter / évaluer).
* déclarer que, en rapport avec le point ci-dessus, l'économie doit avoir pour vocation (quels que soit les moyens ou méthodes mis en œuvre) la gestion responsable et durable de ce patrimoine commun.
* déclarer, en conséquence, la responsabilité vitale de l'Homme lorsqu'il agit sur l'environnement.
[bgcolor=#FFFF99]* revoir la notion de "propriété", en déclarant (par exemple), que "la Terre n'appartient pas aux hommes, ce sont les hommes qui appartiennent à la Terre", remplaçant la notion de "propriété" par celle d'[u]usufruit[/u] (les hommes ont l'usage - mais aussi la responsabilité ! - d'une portion de Terre pour leurs besoins et leurs activités).[/bgcolor]
* préciser la notion de DÉMOCRATIE (et en exclure explicitement la gouvernance représentative > l'expérience nous démontre qu'elle est oligarchique)
* préciser la notion d'égalité POLITIQUE (!) > essentiel pour une démocratie
* etc. (> invitation à compléter cette liste)
(1) une "civilisation" se définit étymologiquement comme "ceux qui vivent dans la cité" (du latin [i]civis[/i]) en rapport historique avec la fondations des premières cités-états, et qui fait suite au phénomène de sédentarisation. Il est intéressant (et sans doute important pour la réflexion de fond) de noter qu'à ces époques antiques, nous assistons à un divergence entre le mode de vie sédentaire (la cité) et le mode de vie nomade et semi-nomade. Nous savons qui l'a emporté, historiquement, et aussi comment il l'a emporté. Nous savons aussi à quels prix ... Et nous aurions avantage à méditer cette longue expérience. Par exemple, lorsque nous parlons de l'Histoire, et que nous utilisons l'expression "depuis la nuit des temps", nous avons la mémoire courte, car nous faisons implicitement référence aux quelques huit à dix petit milliers d'années auxquels correspondent la civilisation, or l'histoire humaine se compte en centaine de milliers d'années.