Bon, mon message précédent m’oblige à refaire mon état des lieux sur le Tirage au sort…
C’est un peu long et il y a peut être des redites. C’est aussi la suite et le complément de mon message (N° 5161 du 21 10 2008) « inconvénients et propositions pour le tirage au sort. ». Donc excusez moi, mais j’ai besoin de faire cet état des lieux sur ce problème parce qu’il m’est nécessaire de valider moi-même la proposition sur le « Sénat Clérocratique », compte tenu des remarques de Jacques ;
( Chambre parlementaire ou pas, possibilité de droit de veto sur des lois votées par l’assemblée nationale …, élection des volontaires parmi les conseillers municipaux pour le tirage au sort final, etc etc. difficulté d’insertion dans la constitution.…)
Bon alors ! le tirage au sort ?
Une technique qui ne peut être généralisée.
Le tirage au sort est clairement une régression démocratique. En effet, valider le tirage au sort revient à enfreindre le principe du suffrage universel, puisque seuls les tirés au sort, ont droit à l’expression d’une volonté politique. Les autres admettent qu’ils ont perdu ce droit. Pour contrebalancer cet inconvénient, il est alors proposé de faire contrôler « les tirés au sort », par d’autres « tirés au sort ». Outre le fait que l’on peut aller loin comme cela, ceci ne peut fonctionner que si on enfreint un autre principe démocratique qui est le secret du vote. C’est pour cette raison qu’il est alors imaginé de rendre quasiment obligatoire « le vote impératif. ». C’est donc presque la généralisation du «vote à main levée » qui ne sert qu’ aux jeux de pouvoirs des dictateurs en puissance. Mais tout cela est complètement contradictoire puisqu’il n’y aurait plus besoin de partis politiques. En effet, c’est le tirage au sort qui serait seul arbitre des convictions. Donc « plus de partis, plus de vote impératif. »
Le tirage au sort des autorités est indéfendable en raison du fait qu’un « Tiré au sort » dès que sa désignation est effective devient quasiment libre de ses faits et gestes, puisqu’il n’y a plus de lien de délégation entre le parti et lui ni entre le représenté et lui. Ce risque est d’autant plus grave que bien évidemment un « tiré au sort » ne peut pas être « retiré au sort » pour un autre mandat. Il n’a donc même pas la sanction du non renouvellement de son mandat. Il reste, mais ce n’est glorieux, la soumission du tiré au sort à la vindicte populaire !!!
Reste comme vu plus haut qu’il faut alors multiplier à l’infini, les contrôles pour éviter l’irresponsabilité totale et les règles du contrat pour encadrer ses débordements personnels qui peuvent être de toute nature. ça deviendra vite Kafkaien. Ce ne sera plus la dictature du prolétariat mais celle des « tirés au sort » qui se pourchasseront les uns les autres.
On aurait pu aussi développer la question des modalités du tirage au sort et l’impossibilité technique d’un égalité des citoyens devant le tirage au sort. Il faudra bien un filtre pour une présélection, avec toutes les dérives que cela peut entraîner que je vous laisse imaginer… Il aurait aussi fallu parler du fait que la technique du tirage au sort conduit à l’inutilité des partis et organisations politiques, puisqu’il n’y aura pas de traduction des conviction collectives en terme de désignation des membres du pouvoir… Mais bon j’arrête là.
En conséquence de quoi, au minimum le tirage au sort est une pratique qui ne peut pas être généralisée. C’est d’ailleurs pourquoi j’ai du mal à concevoir ma participation à une association qui aurait pour objet la promotion de cette technique de désignation et que j’hésite d’ailleurs au sujet du projet d’association-parti sur le forum (voir le fil). Il y a d’ailleurs un certain paradoxe dans le fait que le tirage au sort soit exclu pour le chef ou le porte parole, sous le prétexte, qu’il faudrait une personne médiatiquement connue et peut être compétente. Ce serait déjà une dérive qui montre qu’il y aura toujours des raisons pour rompre l’égalité des citoyens, même devant le tirage au sort. C’est une constatation qui n’a rien à voir avec les qualités des personnes…
Le tirage au sort peut il être cantonné dans le cadre d’institutions spécifiques ?
Je suis prêt à l’admettre, en le proposant par exemple pour une institution limitée à la fonction de contrôle des pouvoirs «Le sénat clérocratique» et à la condition que le corps « électoral » soit composé exclusivement d’ élus.(dans mon projet les conseillers municipaux sans autre mandat ou fonction). C’est cette fonction d’élu qui peut constituer un début de légitimité démocratique à « un tiré au sort » qui sans cette caractéristique, n’en aurait aucune. Sa légitimité repose seulement sur le fait qu’il est citoyen…
Ceci n’empêche qu’une fois tiré au sort, le membre désigné de l’assemblée est libre de travailler efficacement ou pas comme « tout élu qui se respecte », d’autant plus que son mandat n’est pas renouvelable par définition. Donc il ne peut y avoir de sanction à son inefficacité et d’ailleurs personne ne peut rien lui dire puisqu’il a été tiré au sort, avec ses défauts et ses qualités. C’est « la main de Dieu » comme dit l’autre. Sauf à faire une confiance aveugle à la bonté « dans tous les sens du terme » et capacité humaines ainsi que la responsabilité individuelle, on peut espérer en un bon travail. La seule chose possible serait de lui faire prêter serment en début de mandat ou lorsqu’il se déclare volontaire pour être tiré au sort. Mais alors il faudrait établir une charte du « tiré au sort. », et même peut être un contrat de mandat. On n’en sort plus. (enfin bon !!!)
J’avoue que j’ai beaucoup de mal à l’accepter et je me demande d’ailleurs si toutes les précisions que j’apporte à la description de ce sénat, ne sont pas pour moi un moyen de retarder le moment de décider si oui ou non cette proposition constitutionnelle est utile et convaincante.
Intérêts du tirage au sort.
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L’émergence de la technique du tirage au sort dans le débat public actuel est révélatrice de la profondeur de la crise de la démocratie représentative. Face à la quasi impossibilité de faire accepter par notre personnel politique des réformes qui pourraient être déterminantes pour une revitalisation démocratique, il faut donc forcer le débat. Des propositions radicales comme le tirage au sort présentent alors un certain intérêt, face au fatalisme ou découragement des citoyens devant l’élection . Absentéisme, critique acerbes sur le système représentatif, « élections pièges à cons » et autres joyeusetés sur la qualité des élus…
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La promotion du tirage au sort conduit inévitablement à la valorisation de la formation citoyenne. Il est clair que le premier argument contre le tirage au sort est dans l’expectative vis a vis de la capacité du citoyen a appréhender les arcanes de la vie publique. La réponse à cet obstacle est donc la nécessité de faire en sorte que les citoyens soient des individus avertis de la « chose publique ». ce qui conduit invariablement au développement d’une politique d’apprentissage, d’éducation à la citoyenneté . Cela n’est jamais inutile.
Et si on ne sert qu’à cela, c’est déjà beaucoup, a condition qu’on en fasse nous mêmes une priorité.
Le temps de choisir et de décider.
Ce fil sur le tirage au sort a maintenant près de 3 ans. Il est temps réfléchir pratiquement sur des propositions et leur possibilité de traduction dans une constitution; Si c’est contraire à des principes fondamentaux de la démocratie (universalité du suffrage par exemple) ce n’est peut être pas la peine d’insister du moins en matière constitutionnelle. Dans le cadre privé, associatif et/ou partisan, la menace du recours au tirage au sort peut avoir certaines qualités aussi pendant un temps ; contrer l’émergence de petits chefs ou d’apparatchiks, par exemple. Mais il faut se poser cette question, ; "Est-ce que vous croyez qu’un initiateur de projet qui crée une association pour le porter sera prêt ou sera assez désintéressé pour laisser le devenir de son projet à un autre responsable tiré au sort, quitte à le voir dénaturé ou dévalorisé ? " Il est évident que tout n’est pas égal, c’est bien pour cela que l’on arrive dans ces cas là à des projets finaux sans goût et sans saveur.
Merci de votre attention. Et comme l’avait dit Jacques dans un de ces messages; « Enfin, si l’élection présente des inconvénients, on peut tâcher de les corriger : et il me semble que nous nous en occupons ici (non-cumul des mandats, candidature collégiale, non-renouvellement, etc.). » . C’est de mon point de vue certainement le travail prioritaire si on veut revivifier le système représentatif.
Et donc que le Sénat soit clérocratique ou pas, je continue de réfléchir aux manières de rendre cette seconde assemblée démocratique sur le fil des propositions constitutionnelles.