Volonté générale, tirage au sort, droits de l’homme universels
Bonjour Sandy (votre message 5144 sous le fil « Étienne Chouard », tête de liste…").
Je reproduis par commodité la phrase de Constant et votre phrase :
Benjamin Constant : « Si vous supposez le pouvoir du petit nombre sanctionné par l’assentiment de tous, ce pouvoir devient alors la volonté générale ».
Sandy : « La volonté générale est la volonté d’un nombre moindre de personnes qui s’applique avec l’assentiment de tous les autres ».
Effectivement, comme vous aviez employé les guillemets, j’avais cru que vous citiez exactement, et la suite de notre échange paraissait confirmer que c’était votre intention.
La différence que je vois entre les deux affirmations est très grande :
Dans la seconde affirmation, on porte une appréciation péjorative sur la volonté générale, en ce sens qu’elle ne serait jamais que celle d’un petit nombre ;
Tandis que l’affirmation de BC vient en conclusion du paragraphe suivant :
« Notre constitution actuelle reconnaît formellement le principe de la souveraineté du peuple, c’est-à-dire la suprématie de la volonté générale sur toute volonté particulière. Ce principe, en effet, ne peut être contesté. L’on a cherché de nos jours à l’obscurcir, et les maux que l’on a causés, et les crimes que l’on a commis, sous le prétexte de faire exécuter la volonté générale, prêtent une force apparente aux raisonnements de ceux qui voudraient assigner une autre source à l’autorité des gouvernements. Néanmoins tous ces raisonnements ne peuvent tenir contre la simple définition des mots qu’on emploie. La loi doit être l’expression ou de la volonté de tous, ou de celle de quelques-uns. Or, quelle serait l’origine du privilége exclusif que vous concéderiez à ce petit nombre ? Si c’est la force, la force appartient à qui s’en empare ; elle ne constitue pas un droit, et si vous la reconnaissez comme légitime, elle l’est également, quelques mains qui s’en saisissent, et chacun voudra la conquérir à son tour. Si vous supposez le pouvoir du petit nombre sanctionné par l’assentiment de tous, ce pouvoir devient alors la volonté générale. Ce principe s’applique à toutes les institutions. La théocratie, la royauté, l’aristocratie, lorsqu’elles dominent les esprits, sont la volonté générale. »[/i]
Autrement dit, la volonté générale est toujours la volonté de tous (au sens de la majorité du peuple) et pas de quelques-uns (votre texte disait exactement le contraire), mais cet assentiment de tous peut (simple supposition théorique dans l’esprit de BC) porter aussi bien sur un régime dictatorial que sur un régime démocratique.
Le régime qui a l’assentiment de BC, c’est celui fondé sur la volonté du peuple - c’est-à-dire la volonté de la majorité des citoyens -, même si cette volonté a pu être dévoyée à certaines époques par le fait d’une minorité.
J’admets que tout ça n’est pas d’une entière limpidité, parce que BC utilise de manière pas très stricte les termes « volonté générale », « assentiment de tous » et « pouvoir » - tantôt comme synonymes, tantôt comme notions distinctes -, mais le contexte éclaire.
Évidemment, pour moi, le tirage au sort ne peut exprimer aucune volonté générale si ce n’est celle de s’en remettre au hasard.
Quant à « charabia », j’ai employé le terme un peu à la légère : pardon.
[b]Dernière chose, Sandy :
Vous avez émis des doutes sur le caractère consensuel de la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948 et, implicitement, sur son caractère obligatoire. [/b]
Il est vrai qu’il s’agit d’une « proclamation » adoptée par l’Assemblée générale des Nations Unies sous forme de résolution et pas d’un instrument juridique obligatoire comme le serait un traité ou une résolution du Conseil de sécurité. Mais justement pour cette raison, les dispositions de la Déclaration universelle ont été reprises dans des traités - les Pactes internationaux relatifs aux droits civils et politiques et aux droits économiques et sociaux, pactes auxquels la France et la quasi-totalité des pays membres de l’UE sont parties (c’est-à-dire qu’ils doivent les appliquer).
L’article 25 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques se lit comme suit :
"[i]Article 25
"Tout citoyen a le droit et la possibilité, sans aucune des discriminations visées à l’article 2 et sans restrictions déraisonnables:
"a) De prendre part à la direction des affaires publiques, soit directement, soit par l’intermédiaire de représentants librement choisis;
"b) De voter et d’être élu, au cours d’élections périodiques, honnêtes, au suffrage universel et égal et au scrutin secret, assurant l’expression libre de la volonté des électeurs;
« c) D’accéder, dans des conditions générales d’égalité, aux fonctions publiques de son pays. » [/i]
Le tirage au sort ne pourrait remplacer l’élection qu’une fois le Pacte renégocié : en son état (à mon avis du moins), le Pacte n’autorise pas le tirage au sort en lieu et place de l’élection.
Il nous faut prendre garde à ne pas détricoter sans le vouloir des instruments internationaux qu’on a mis plus de deux-cents ans à adopter et qui ont encore plus d’importance pour les pays en développement que pour nos pays riches. Combien de gens sont morts et meurent encore pour avoir le droit de désigner leurs représentants (je pense à la Birmanie, où l’idée de remplacer l’élection par le tirage au sort serait certainement considérée comme choquante dans la situation actuelle) ? Il s’agit peut-être là d’une question de droit, mais c’est une question de droit qui nous concerne tous au plus haut point.
J’espère qu’Étienne en particulier, puisqu’il a l’amabilité d’accorder de l’intérêt à mes opinions, tiendra particulièrement compte de celle que je viens d’exprimer.
Je n'en demanderais guère plus : choisir mon député sur un critère de proximité géographique et en fonction de l'impression que j'en ai : ce que le tirage au sort ne permet en aucune mesure.
[color=purple]Mais c'est déjà globalement le cas en France ! Votre député est celui de votre circonscription électorale, et à moins de le connaître personnellement ou qu'il ait fait preuve d'une combativité et d'une volonté remarquables et que ses actions aient donné des résultats importants lors d'un mandat précédent (quel qu'il soit), vous ne pouvez le juger que par impression.
Ce n’est pas en perpétuant ce mode de choix que l’on va améliorer le système existant…[/color]
Mais c'est déjà globalement le cas en France ! Votre député est celui de votre circonscription électorale, et à moins de le connaître personnellement ou qu'il ait fait preuve d'une combativité et d'une volonté remarquables et que ses actions aient donné des résultats importants lors d'un mandat précédent (quel qu'il soit), [i][b]vous ne pouvez le juger que par impression.[/b][/i]
[color=purple][b]Ce n'est pas en perpétuant ce mode de choix que l'on va améliorer le système existant...[/b][/color]
En moyenne, une circonscription fait dans les 80 000 électeurs ( parfois moins parfois plus) . Ce qui correspond à une ville moyenne.
S’il y a un élu que les gens connaissent, en plus de son orientation idéologique, c’est quand même leur député. D’abord il est assez critiqué pour jouer le rôle d’assistant social, de se mêler de tout dans sa circonscription. Ce qui veut dire qu’il reçoit pas mal de personnes pour ci ou par ça, qu’il se mêle de tous les projets et actions de la circonscription, alors qu’il doit s’occuper de faire les lois. Surtout s’il est dans l’opposition aux grandes municipalités de sa circonscription. Tout ça, sans doute aussi, pour des raisons de reconnaissance médiatique ou autres. Il a une permanence voire plusieurs dans la circonscription. Si vous êtes impliqué comme militant associatif, adhérent d’une organisation ou engagé politique, il est évident que vous avez eu affaire au député ou que vous suivez ses péripéties dans le journal local. En général ça ne manque pas. Vous êtes capable de le juger sur sa façon d’être, sa personnalité, son opportunisme, son arrivisme, ses ambitions, son sens de l’intérêt public, sa perception de l’intérêt général, sur le rôle de son parti dans la circonscription. Si c’est un apparatchik, un je m’enfoutiste, une personne qui ne s’occupe pas de sa fonction législative, mais de sa réelection, en tant que citoyen vous pouvez le savoir voire le juger, le critiquer et /ou le combattre, en tant que personne responsable ou pas, conséquente ou pas, combative ou pas, volontaire ou pas. Les impressions peuvent quand même être argumentées, détaillées, explicitées en raison du vécu de la circonscription.
Je ne vois pas un député « tiré au sort » se mêler de la vie politique de sa circonscription. Vous me direz, il n’en aura pas de circonscription, et il se consacrera à sa seule fonction législative. Peut être mais alors, on y perdra surement du point de vue de la connaissance humaniste de nos representants. Et les pressions sur « le tiré au sort » resteront dans le secret des petits cercles, ou des alcoves. Quid de la transparence, de l’information sur les jeux de pouvoirs, sur la connaissance des réseaux, les petits cadeaux, les corruptions, parce que je ne vois pas pourquoi cela disparaitraît avec les « tirés au sort » , une fois qu’ils sont connus. (c’est dire une fois qu’ils ont été tirés au sort.)
Maintenant dans le systéme, de député de circonscription, qui permet le combat politique et l’information locale, il reste, qu’il est inadmissible qu’un député profite de ses pouvoirs acquis lors d’un premier mandat ( constitution de réseaux, de relations, de favoritismes etc etc…), pour perpétuer son propre mandat.
C’est pour celà qu’il faut imposer deux règles pour améliorer le sytème existant; ( le renouvellement limité de ce mandat) et ( le mandat unique)
je trouve que vous voyez tout en noir (c’est peut-être à cause de toute cette pluie ;)) alors que chacun des problèmes potentiels (que vous envisagez avec raison) peut trouver, il me semble, une bonne solution.
Principalement, les tirés au sort ne sont pas du tout des chefs hors contrôle comme le sont devenus nos élus : ils sont contrôlés (par d’autres tirés au sort et par les citoyens) et punissables/révocables à tout moment. Je ne vois donc aucune raison de dire comme vous : « Imaginons une assemblée d’élus tirés au sort. Que se passe-t-il pendant la durée du mandat de ces élus ? Les autres citoyens n’ont plus rien à dire, puisque bien évidemment il ne peut y avoir remise en cause des tirés au sort » ou « Mais les citoyens qui ne désirent pas être volontaires , que deviennent-ils ? Ils n’ont plus rien à faire dans cette démocratie clérocratique. »
Pour ma part, je n'accepte aucun régime où mes représentants soient hors contrôle (qu'ils soient élus ou tirés au sort) ; en d'autres termes, je préfère l'instabilité ministérielle (représentants trop contrôlés) à la tyrannie ("représentants" pas assez contrôlés) :/
Pas besoin de consulter le peuple à chaque décision (c'est vrai que ce serait lourd et que personne ne le souhaite) : il suffit de lui laisser [b]l'initiative[/b] de tempêter et d'intervenir pour reprendre la main (RIC) quand il le juge nécessaire.
La légitimité des tirés au sort est exactement aussi forte que celle des élus dès lors que la Constitution le prévoit, non ? C’est la Constitution, validée par une majorité très renforcée au départ, qui fonde la légitimité des organes, non ?
Le combat contre l’administration n’est perdu d’avance que si la Constitution ne donne pas suffisamment d’armes aux tirés au sort pour imposer leur volonté (le cas échéant en faisant appel au peuple — ou à une Conférence de citoyens — pour régler un problème grave s’il le faut). Pourquoi être défaitiste si on se met en situation d’écrire toute la Constitution ? Si vous pressentez un problème, prévoyez les remèdes, c’est vous qui écrivez la constitution, profitez-en
La question des territoires est facilement réglable en procédant à un tirage au sort par région.
[bgcolor=#FFFF99]Les systèmes mixtes qui prévoient de tirer au sort parmi des élus (élus librement[/bgcolor], sans se laisser imposer les candidats de partis) semblent à la fois offrir les avantages des deux systèmes et neutraliser les inconvénients des deux. Ces systèmes mixtes ont donc ma préférence (pour l’instant), aussi bien pour composer l’Assemblée Constituante que l’Assemblée des Citoyens.
Cette année, il faut qu’on écrive les articles sur l’exécutif ([bgcolor=#FFFF99]je m’interdis de dire « GOUVERNEMENT » car j’ai compris que ce mot comporte dans son génome la CONFUSION DES POUVOIRS la plus radicale[/bgcolor]) et sur les juges. On va tâcher de bosser ça dans le cadre de l’Université Populaire d’Aix
mais non, je ne vois rien en noir. je suis un optimiste sceptique.
Ainsi, je fais même une proposition pour des chambres constituées de « tirés au sort ». (le Sénat et une nouvelle assemblée régionale). Il est vrai que je pense, comme jacques, que ces assemblées de « tirés au sort » ne peuvent avoir comme fonctions que celles de contrôle, de suivi des institutions, d’information des citoyens etc etc… Ce qui est déjà trés important et à mon avis primordial ou essentiel dans une démocratie vivante.
Etienne , tu dis ;
Principalement, les tirés au sort ne sont pas du tout des chefs hors contrôle comme le sont devenus nos élus : ils sont contrôlés (par d'autres tirés au sort et par les citoyens) et punissables/révocables à tout moment.
[b]- a) controlés par d'autres tirés au sort ?? [/b]
Dans le système que tu préconises , il faudra donc d'autres "tirés au sort" ([i] une seconde assemblée ??)[/i] pour contrôler les premiers "tirés au sort." Les contrôleurs de contrôleurs donc. Je crois là, qu'on peut aller assez ( trop même) loin dans la gendarmerisation d'un système.
- b) tirés au sort punissables ou révocables à tout moment.
Sauf cas de malversation pour lequel oui, on pourrait révoquer quelqu’un, ( et encore dans un état de droit il y a la justice pour régler ce problème) on ne peut pas punir ou révoquer un « tiré au sort » pour ses opinions ou ses idées. On ne peut même pas le remettre en cause à mon avis. Ou alors , ça ne sert à rien de tirer au sort. Il faut faire attention que les filtres proposés pour sélectionner les candidats au tirage au sort, ne soient pas les outils d’une police de la pensée. ( l’élection du corps électoral pour le tirage au sort, celle des conseillers municipaux dans mes propositions, résoud cette suspicion ou ce risque).
Il faut donc savoir quelle est la durée du mandat d’un « tiré au sort ». Pendant la durée de ce mandat, par principe, un « tiré au sort » est intouchable pour ses idées et opinions. ça me semble évident. tu ne le crois pas ?
De fait, à mon humble avis, si on peut être d’accord pour se battre ensemble pour un Sénat clérocratique, ce serait déjà une grosse avancée.
Sur le papier que je travaille pour mon blog . « changer la république. »,
je souhaiterais proposer ainsi le Sénat clérocratique.
Composition
Le sénat compose la deuxième chambre du parlement.
les sénateurs au nombre de 343, sont désignés régionalement par tirage au sort.
le collège « électoral » est composé des conseillers municipaux sans aucun autre mandat ni fonction, de toutes les communes de france. leur nombre est d’environ 140.000 personnes. Les candidats devaient avoir au moins 25 ans révolus. ( actuellement c’est 35)
- Fonctions fonction de contrôle.
Le contrôle du Gouvernement
Les commissions d’enquête
Le contrôle de l’application des lois
fonction contrôle des autres organismes publics nationaux.
Pour cette fonction, la Cour des comptes sera associée au Sénat. En particulier le Sénat sera chargé d’assurer le suivi des conclusions de la Cour des Comptes. Bien sûr, les compétences de la cour des comptes seront élargies et renforcées. ( pour celà s’inspirer de l’intervention intéressante de Mr Seguin, pdt de la cour des comptes, au comité balladur)
fonctions parlementaires possibles
dépôt de proposition de loi à l’assemblée nationale.
avis sur les lois votées par l’assemblée nationale sans droit de véto.
questions orales des sénateurs
fonction de relais citoyen
gestion des pétitions pour les RICs ; (responsable des RICS)
rapports d’enquête ou d’études spécifiques (compétences dévolues au CES supprimé).
fonction d’information des citoyens
rapports , études, débats en cours,
questions d’actualité.
responsabilité dans le suivi, l’éthique et la transparence des commissisons de débat public créées par le gouvernement ou les autres institutions nationales. ( ex la Datar ou les divers comités « théodules »).
Ce ne sont que des suggestions. Mais je vois bien ce sénat clérocratique s’occuper du suivi des RICS par exemple.
Est-ce que ça ne serait pas intéressant de proposer une telle modification du Sénat ?
Il me semble que le débat s’éclaire dans la mesure où l’on fait mieux la différence entre les fonctions d’autorité et les fonctions de contrôle par rapport au tirage au sort.
La proposition d’Orbi (sénat tiré au sort sur une base régionale pour surveiller le fonctionnement des pouvoirs publics) contient des éléments intéressants, mais au premier abord elle soulève les difficultés suivantes :
S’il doit s’agir d’une chambre du Parlement, sa fonction législative n’est pas suffisante : le pouvoir de déposer des projets de loi et de donner des avis sur les projets de loi ne suffit pas. Il faudrait y ajouter le droit pour le sénat de rejeter - au moins deux fois, comme c’est le cas à présent - les projets de loi adoptés par l’Assemblée nationale.
Un des grands reproches faits au sénat actuel est son mode d’élection restreint, ressenti comme non démocratique. La proposition d’Orbi maintiendrait en fait ce système (tirage au sort parmi les conseillers municipaux de la région), et cela même en y ajoutant les conseillers régionaux aux tirables au sort.
Il ne s’agirait pas d’un vrai processus régional puisque le tirage au sort est par définition aléatoire et qu’il n’y aurait donc aucune garantie que la quinzaine de sénateurs désignés (en moyenne) serait en quoi que ce soit représentative de la région.
Il serait facile toutefois d’améliorer la valeur représentative du système en faisant intervenir les électeurs dans un premier stade. Par exemple, on leur demanderait de désigner parmi les volontaires régionaux (tout inscrit sur les listes électorales régionales pouvant se déclarer volontaire) une liste de tirables au sort comportant deux ou trois fois plus de noms que le nombre de sièges à pourvoir : le tirage au sort se ferait sur cette liste, qui serait en effet assez représentative. Le système perdrait alors forcément en valeur aléatoire (ce qui n’est pas pour me déplaire). Je crois que c’est en allant vers la combinaison dy système électoral et du tirage au sort que nous aurons des chances d’accorder nos violons un de ces jours.
Il n’y a aucune raison, bien au contraire, de fixer un ôge minimal de tirabilité au sort plus élevé que pour l’éligibilité à l’assemblée nationale, d’autant qu’il s’agirait d’une assemblée sans pouvoirs de décision. 18 ans me paraît tout à fait convenable.
Pour ce qui est des fonctions du futur sénat, je les verrais à peu près comme Orbi.
Toutefois, j’ai une proposition très différente à faire concernant le Parlement et je me réserve de la présenter plus tard. JR
- Il ne s'agirait pas d'un vrai processus régional puisque le tirage au sort est par définition aléatoire et qu'il n'y aurait donc aucune garantie que la quinzaine de sénateurs désignés (en moyenne) serait en quoi que ce soit représentative de la région.
[color=purple]Dans le tirage au sort, il n'est plus question de représentativité. il suffit, qu'au minimum, les tirables au sort fassent partie d'une même communauté ; ici la communauté régionale. ce qui est bien le cas dans ma proposition. [/color]
-Il serait facile toutefois d'améliorer la valeur représentative du système en faisant intervenir les électeurs dans un premier stade. Par exemple, on leur demanderait de désigner parmi les volontaires régionaux (tout inscrit sur les listes électorales régionales pouvant se déclarer volontaire) une liste de tirables au sort comportant deux ou trois fois plus de noms que le nombre de sièges à pourvoir : le tirage au sort se ferait sur cette liste, qui serait en effet assez représentative. Le système perdrait alors forcément en valeur aléatoire (ce qui n'est pas pour me déplaire). Je crois que c'est en allant vers la combinaison dy système électoral et du tirage au sort que nous aurons des chances d'accorder nos violons un de ces jours.
[color=purple]le problème, c'est que ça complique beaucoup la présentation de la proposition avec la création d'une nouvelle élection. ( je crois qu'une proposition a d'autant plus de chances de séduire si elle s'inscrit dans une transformation progressive du systéme en place).
Ainsi, je considére en fait que les élections municipales sont justement ce premier niveau de sélection, pour le tirage au sort à venir des sénateurs. C'est vrai, que le scrutin municipal ne permet pas la traduction exacte des opinions des citoyens de la cité. Il y a une prime majoritaire. Mais enfin, sauf à reconsidérer ce scrutin, il faut tâcher d'utiliser ce qui existe et même de le valoriser. Ainsi, les conseillers municipaux ont au moins montré par leur engagement dans leur propre cité, un intérêt pour la chose publique. (on peut aussi le contester pour certains qu'on a été chercher pour compléter des listes etc etc .) Et ça c'est important quand même. De plus, cette petite expérience municipale, permet aussi d'habituer les futurs sénateurs à la vie adminsitrative d'une organisation publique. C'est pas plus mal.
Sincèrement, je ne vois que des avantages à solliciter les conseillers municipaux de base.[/color]
En ce qui concerne la fonction parlementaire du Sénat proposée,
Il n’y aurait pas de problème, si on lui donne comme compétences la gestion des RICS. Ainsi, il pourrait suggérer un référendum abrogatif si une loi ne lui plaît pas. Au moins le débat serait public et ouvert.
Ainsi au lieu de développer la fonction parlementaire du Sénat, il serait plus utile de développer sa fonction d’information publique des citoyens. A ce sujet, on pourrait lui donner comme compétence, la responsabilité d’ouvrir, d’organiser, puis d’alimenter et de faire vivre un vrai réseau de « Maison du Citoyens » dans chaque département, par exemple.
Ce projet de « Maisons de citoyens » dédiées à la vie démocratique et politique, que plusieurs politiques ( Chevénement etc etc…) ont proposé un temps, est régulièrement oublié. Un sénat de citoyens pourrait le prendre à son compte, au lieu de faire comme à présent des expositions de prestige ( art contemporain et tout ce qu’on veut) à Paris, qui coûtent « la peau des fesses. » et qui à l’évidence ne sont pas de la compétence d’une assemblée parlementaire.
Il ne devrait pas appartenir au sénat et en général aux pouvoirs public de proposer un RIC (référendum d’initiative citoyenne), même informellement, ne serait-ce ce que parce que ce serait contradictoire dans les termes.
Seuls devraient être possibles les référendums prévus dans la constitution et ceux dont les citoyens prennent effectivement l’initiative. C’est un des points sur lesquels Yvan Bachaud m’a converti. JR
Ainsi que l’a sous entendu Orbi dans un message affiché sous le fil « Étienne Chouard », le tirage au sort implique la dépolitisation de la société.
Et ça n’est pas tout : comme il faut quand même gouverner, ce sont fatalement les tirés au sort qui constitueront entre eux les partis de circonstance dont ils auront besoin, et cela sans la participation populaire qu’impliquent les élections.
Il y a donc un risque très fort que les hommes de pouvoir issus du tirage au sort soient encore plus éloignés des citoyens que les hommes de pouvoir issus des élections.
Par ailleurs, les moyens d’éviter ce risque (non-cumul et non-renouvellement des mandats, révocation, etc.) sont aussi facilement applicables à un élu qu’à un tiré au sort. JR
Ainsi que l’a sous entendu Orbi dans un message affiché sous le fil « Étienne Chouard », le tirage au sort implique la dépolitisation de la société.
Et ça n’est pas tout : comme il faut quand même gouverner, ce sont fatalement les tirés au sort qui constitueront entre eux les partis de circonstance dont ils auront besoin, et cela sans la participation populaire qu’impliquent les élections.
Il y a donc un risque très fort que les hommes de pouvoir issus du tirage au sort soient encore plus éloignés des citoyens que les hommes de pouvoir issus des élections.
Par ailleurs, les moyens d’éviter ce risque (non-cumul et non-renouvellement des mandats, révocation, etc.) sont aussi facilement applicables à un élu qu’à un tiré au sort. JR
Pourquoi vous êtes toujours si négatif vis-à-vis de possibles changements?
Le tirage au sort, parmi des volontaires, n’implique pas la dépolitisation, sauf si vous entendez par politisation la prédomination des partis traditionnels monolithiques. Il y aura un changement, mais ce ne sera pas tout à fait un virage de 180 degrées, ni la négation de virtues actuelles. Cela sera autre-chose, pas nécessairement pire (difficile à concevoir, ce pire). Évidamment, entre les « tirés » ils formeront des groupes de travail entre ceux qui s’entendent, mais ces groupes seront formés ad hoc et en fonction de chaque sujet, et pas monolithiques par idéologie ou prisonniers d’intérêts économiques hors démocratie, organisées par dessus les choix démocratiques des citoyens. Si les élections supposent une « participation populaire » qui décide une « délegation », le tirage au sort, par sa neutralité statistique, suppose une « participation populaire » qui décide une « représentation ». Supposons une population de 60 citoyens qui votent bleu, et 40 citoyens qui votent vert… Quelle serait la différence entre un vote « influençable » et « manipulable », autant que « chèr à organiser » ou ils choisissent 10 représentants, dans le meilleur des cas 6 bleus et 4 verts, et un tirage au sort de 10 représentants parmis des volontaires, ou les lois statistiques tendent à « élire » 6 bleus et 4 verts?
Les hommes issus du tirage ne peuvent PAS être plus éloignés que ceux issus des élections actuelles des citoyens, car… ILS NE PEUVENT s’organiser une carrière politique AVANT, ni se garantir une carrière politique APRÈS, ils sortent d’entre égaux, et ils retournent entre égaux.
Les élus, par l’intervention de décisions humaines dans leur permanence, s’organiseront toujours pour se soustraire a la logique et l’éthique et s’accorderont des privilèges mutuels ENTRE EUX… c’est ce qu’on à déjà, et on voit que ce n’est pas du tout si facile que de se défaire de cette tendance.
Navré d’être si confrontationnel, mais je n’accepte pas des arguments sans base.
Mon opposition au tirage au sort tient aux raisons que j’ai données et redonnées, mais je propose assez de changements moi-même, il me semble, pour juger infondée votre remarque que je suis « toujours si négatif vis-à-vis de possibles changements ».
Pour ce qui est du tirage au sort, vous ne répondez pas vraiment à mes arguments - en tout cas pas à celui qu’il se créera forcément des factions parmi les tirés au sort sans que le citoyen de base ait eu son mot à dire au départ.
Je ne suis pas pour le "régime des partis (c’est pourquoi, Étienne, je considère effectivement la IVème République comme l’un des pires régimes possibles), mais les partis sont à mon avis le seul moyen naturel et démocratique de construire en contact direct avec les citoyens un consensus politique raisonnable et équilibré. JR
Le tirage au sort va-t-il dépolitiser la société ?
[bgcolor=#FFFF99]Au contraire, le TIRAGE AU SORT semble être le meilleur moyen de REPOLITISER la société, EN ÉCARTANT LES ACCAPAREURS DE L’EXPRESSION POLITIQUE[/bgcolor]
Cher Jacques,
Reconnaissez qu’il est difficile de prévoir les conséquences d’un système de tirage au sort de nos représentants (système qui ne garderait que ceux qui consentent à cette charge et qui les maintiendrait sous un contrôle permanent pendant leur mandat), compte tenu du fait que cela n’a jamais existé. Difficile, donc, de prendre la réalité et l’histoire à témoin.
Jamais ?
Pas tout à fait : on l’a souvent rappelé sur ce site, la société athénienne a effectivement mis en place ce système et l’a maintenu pendant deux cents ans (pas 2 ans, pas 20 ans, 200 ans… ce n’est pas rien) et ce système ne l’a pas empêchée d’être la Cité la plus stable de la région, la plus prospère et… la plus active politiquement, précisément.
Ce détail devrait vous intéresser : [color=red][b]la seule société au monde qui ait testé le système du tirage au sort [u]généralisé sur tous les sujets où les « experts » étaient malvenus[/u] — et seulement sur ces sujets-là ! — n’a pas été dépolitisée, au contraire : elle a été la société la plus politique que la terre ait jamais connue.[/b][/color]
Je pense donc que, contrairement à ce que vous redoutez, le tirage au sort, en débarrassant les citoyens des voleurs de pouvoirs qui se servent de l'élection pour confisquer l'activité politique dans leur intérêt personnel, AUGMENTERA la politisation de la société, alors que, précisément [bgcolor=#FFFF99][b]c’est l’élection qui dépolitise les citoyens par un geste de soumission politique à un meilleur que soi.[/b][/bgcolor]
Cher Jacques, parfois, je sens que vous redoutez de vous confier au hasard, de confier le choix du cap politique au hasard. Et, vu comme ça, je peux le comprendre. Je n'ai pas non plus envie que mon sort soit décidé au hasard.
Mais je crois que c’est une double erreur : d’une part, le tirage au sort ne nous abandonne pas au hasard et d’autre part, l’élection ne nous protège pas du hasard.
• D’abord, ce ne sont évidemment pas les décisions qui seront soumises au hasard, mais seulement le choix des hommes.
[bgcolor=#FFFF99]Ces hommes seront bien sûr guidés dans leurs choix quotidiens en notre nom par mille autres considérations que le hasard et, entre autres considérations, (j’y insiste depuis longtemps sans que vous le releviez), ils intégreront le sourcilleux contrôle qui les suit pendant leur mandat et la peur d’être immédiatement punis en cas de faute.[/bgcolor]
Vous ne bénéficiez pas aujourd’hui (avec les élections truquées que nos élus nous imposent) de cette protection permanente contre les erreurs et les fautes, toujours possibles à tout moment, de nos propres représentants, n’est-ce pas ? Ce serait bien une amélioration, par rapport à la situation actuelle, non ?
• D’autre part, votre choix pour l’élection pour vous protéger du hasard tient sans doute pour acquis que le hasard est sans effet sur les élections (sinon, ce n’est pas logique)… Mais, (je suis sûr que vous me voyez venir) qu’il a-t-il de plus aléatoire, de plus imprévisible, de plus irrationnel, de plus manipulable et finalement de plus trompeur qu’une élection ?
Au total, je crois que [bgcolor=#FFFF99][b]200 ans d'expérience montrent que L'ÉLECTION EST UNE ILLUSION, [u]au moins tant que ce sont les élus (passés et ou futurs) qui écrivent la Constitution (et donc les règles des élections)[/u][/b][/bgcolor], je vous accorde cette forte concession : je suis prêt à imaginer toutes sortes d'élections LIBRES des intrigues partisanes.
Tout se joue alors, et c’est l’âme de ce site, dans le choix des rédacteurs de la Constitution.
Et l’on retombe sur l’élection classique (que vous acceptez pour la Constituante, je crois), désignation truquée dès le départ au moment du « choix des possibles », technique qui nous jette dans les griffes des candidats imposés par les partis, c’est-à-dire à nouveau des hommes de pouvoir qui vont écrire des règles pour eux-mêmes.
Pour moi, vous le savez, parce qu’il est stratégique, ce point n’est donc pas négociable (toute proportion gardée, évidemment, puisque personne ne me demande mon avis ;)).
On dirait deux vieux amis un peu sourds qui ont du mal à s’entendre
Élections, pièges à ???
Les illustrations pleuvent comme à gravelotte…
[bgcolor=#FFFF99][b]USA : Le système du collège électoral est «aberrant» pour la démocratie[/b][/bgcolor]
Le 4 novembre, les citoyens américains n’éliront pas leur nouveau président…
Leurs voix serviront à désigner les «grands électeurs» de leur État, qui eux éliront, le 15 décembre, le successeur de George W. Bush. Ce système du «collège électoral», est «aberrant» pour la démocratie, selon un expert.
Le collège électoral ne tient pas compte du vote populaire, rappelle David Sylvan, professeur à l’Institut de hautes études internationales (HEI) de Genève, interrogé par l’ATS. Ainsi, il arrive que le président élu ne soit pas celui qui ait obtenu le plus plus grand nombre de voix.
Ce fut le cas en 2000. Alors qu’Al Gore avait remporté le vote populaire, George W. Bush obtenait la majorité des grands électeurs et devenait président des États-Unis.
Ce cas de figure est possible car les grands électeurs ne sont pas attribués proportionnellement au vote populaire. Au contraire, le candidat à la Maison blanche qui obtient le plus de voix dans un Etat gagne 100% des grands électeurs de cet État. Seuls deux États, le Nebraska et le Maine ne suivent pas ce principe du «winner-takes- all» (le gagnant rafle tout).
L’importance des «swing states»
Les voix obtenues par les candidats qui n’ont pas rassemblé la majorité sont en quelque sorte «perdues» car elles ne seront pas représentées au niveau national.
Dans les États où une couleur politique domine, comme en Californie, qui vote traditionnellement démocrate ou le Texas, qui donne ses voix aux républicains, l’issue du vote est connue d’avance.
Seuls les États indécis, les «swing states», peuvent faire pencher la balance d’un côté ou de l’autre. Et c’est dans ces Etats que les candidats à la Maison blanche concentrent leur campagne.
Un système archaïque
«C’est terrible pour la démocratie», estime M. Sylvan. «Le système est complètement archaïque», selon le politologue de nationalité américaine. «Il remonte à l’origine de la Constitution. On voulait instaurer une république mais pas forcément une démocratie», explique-t-il.
Il s’agissait d’empêcher des «changements d’humeur» de la population. Par ailleurs, le système donne un poids important aux États les plus habités tout en permettant aux plus petits d’être représentés.
Mais aujourd’hui, il n’y a plus rien qui parle en faveur du collège électoral. Même l’argument de l’influence, que les grands États ont à coeur, n’est pas valable.
Des électeurs «orphelins»
La Californie, par exemple, qui dispose du nombre le plus important de grands électeurs, 55, n’a aucune visibilité pendant la campagne. État «bleu» (la couleur des démocrates), la caravane républicaine ne s’y arrête pas et les démocrates ne s’y rendent que pour lever des fonds.
Les électeurs sont comme «orphelins», il restent en marge de la campagne. De plus, l’État ne profite pas des retombées économiques d’un meeting électoral organisé sur son territoire. Par exemple, les télévisions locales pourraient doubler les prix de la publicité, souligne M. Sylvan.
Le politologue constate un «concensus pour supprimer le collège électoral», mais il est très difficile de changer la Constitution. Plusieurs tentatives ont échoué.
Pas de volonté politique
Par contre, le principe du «winner-takes-all» n’est pas inscrit dans la Constitution. Rien n’empêche les Etats d’introduire la proportionnalité dans la répartition des grands électeurs, précise M. Sylvan. «Le changement serait facile pour autant qu’il y ait une volonté politique».
À l’exemple du Nebraska et du Maine, qui ont introduit «dans un souci de démocratie» un système plus différencié, souligne-t-il. Les grands électeurs y sont attribués en fonction des votes dans les différents districts des États. Mais il ne s’agit pas pour autant d’un système proportionnel.
Au final, les démocrates californiens et les républicains texans n’ont pas avantage à partager leurs grands électeurs avec les autres partis, constate M. Sylvan.
Ce système emberlificoté s’explique par le fédéralisme. Même dans cette optique, il serait en effet plus logique d’exiger la majorité populaire dans la majorité des États et de se passer des délégués. Cependant, l’élection de 2000 (Bush président avec moins de suffrages que Gore) est exceptionnelle.
Je suis d’accord que le système est archaïque. Par contre je ne vois pas de possibilité d’élection proportionnelle État par État pour une présidentielle : il s’agirait plutôt de comptabiliser toutes les voix au niveau national. JR
Admettons que le Président soit élu par l’ensemble des citoyens de l’Union. Lors du résultat, certains pourraient se plaindre que ce président élu de l’Union, n’ait pas obtenu la majorité dans son propre Etat. Cet Etat pourrait alors dire, ce n’est pas notre Président, parce que chez nous il n’a pas eu la majorité.
Lequel des systémes est le plus démocratique ? et le moins piège à !!! ?. C’est la sempiternelle question Fédération/confédération.
Le scrutin présidentiel américain est le produit de l’histoire de ce pays. ( grand géographiquement et issu d’une bataille confédérés /fédérés). Ils ont choisi que le Président élu est le président de la majorité corrigée des Etats de l’Union, avec le correctif basé sur la population respective des Etats. Dans ce cadre là, il n’est pas choquant qu’un Président désigné gagnant dans un Etat emporte l’Etat et donc tous ses délégués du corps électoral; c’est un peu comme si cet Etat avait choisi son propre président, qui sera son représentant dans le collège électoral, sauf qu’il a plus ou moins de poids suivant la population de l’Etat.
Maintenant on peut préférer que le Président soit élu par tous les citoyens de l’Union, en privilégiant le thème du scrutin fédéral à celui de scrutin confédéral, mais je ne vois pas en quoi c’est moins démocratique; c’est un choix. Ce choix peut d’ailleurs évoluer.
D’ailleurs on peut aussi se poser la question pour l’élection éventuelle du Président hypothétique de l’Union européenne. Pourquoi pas ?
Sur la réponse que tu fais à jacques, au sujet du hasard;
D'autre part, votre choix pour l'élection pour vous protéger du hasard tient sans doute pour acquis que le hasard est sans effet sur les élections (sinon, ce n'est pas logique)... Mais, (je suis sûr que vous me voyez venir) qu'il a-t-il de plus aléatoire, de plus imprévisible, de plus irrationnel, de plus manipulable et finalement de plus trompeur qu'une élection ?
[b]Une première remarque[/b] ; Si une élection est le système le plus aléatoire, le plus imprévisible, le plus irrationnel, comment peut 'elle être manipublable et trompeuse puisque d'après ta définition, on ne sait pas ce que ça va donner ?
En fait, globalement, le but de l’élection est d’exprimer « le fait majoritaire ». C’est celui qui a le meilleur résultat, et donc les 50 % des suffrages exprimés, qui a la légitimité du pouvoir pour un temps limité (le mandat).
je pense qu’il faut sortir des discussions philosophiques sur le tirage au sort ou pas , (hasard et nécessité !!!) et de voir comment il est réaliste, possible et judicieux d’intégrer ce système de désignation dans notre propre histoire démocratique et donc notre constitution.
Je trouve très séduisante ta proposition de Sénat clérocratique (tu t’en doutais, j’imagine) et je trouve toutes tes récentes remarques pertinentes.
Je vois bien que rien n’est parfait et qu’il faudra bien accepter des compromis.
De toutes façons, le nouveau système sera difficilement plus malhonnête qu’aujourd’hui.
L’aspect aléatoire, imprévisible et souvent irrationnel de l’élection me semble criant du point de vue de l’électeur, bien sûr,
et, effectivement, pas du tout du point de vue des manipulateurs, de ceux qui se sont donné les moyens de fabriquer le consentement des citoyens (pour faire référence au travail de Noam Chomsky).
Avec son tout dernier ouvrage paru cet automne 2008, « La légitimité démocratique. Impartialité, réflexivité, proximité », Pierre Rosanvallon continue son « histoire intellectuelle du politique » (Le Seuil, 368 pages, 21 euros).
Il a été autrefois un penseur proche de la CFDT autogestionnaire avant d’accompagner vers la droite la muée finalement très surprenante de cette organisation syndicale et celle de l’ensemble des forces de la gauche durant les années 1980. Pensons aux trajectoires de Serge July, de Bernard Kouchner ou de Bernard Tapie… Mais Rosanvallon reste un auteur toujours intéressant et stimulant.
Dans ce dernier ouvrage, il propose d’enquêter sur les impensés de la démocratie, en commençant par prendre acte (peut-être un peu rapidement, car il ne faut pas pousser mémé dans les orties) de la crise de la « légitimité » démocratique, qui serait selon lui inéluctable par la crise concomitante du principe majoritaire (sans doute, Pierre) mais aussi de « l’intérêt général » (là, sans doute pas, camarade Rosanvallon), crise simultanée qu’il traduit rapidement entre autres par une dévalorisation du service public (définitive, Pierre !?).
Pour penser tous ces changements en cours de l’exigence démocratique (je dirais plutôt de ‘l’imaginaire’, et c’est là plutôt un imaginaire souvent étriqué, imposé et formaté par TF1 et les pages people de L’Express ou du Nouvel observateur), Pierre Rosanvallon propose une nouvelle « grammaire » démocratique qui pourrait servir à repérer ce qui change sous nos yeux, comme un mouvement de fond, à mi-chemin entre « potentiel » démocratique (version optimiste) ou nouvel ordre (version pessimiste.) Voici donc trois concepts ou formes rosanvaliennes.
A – « La légitimité d’impartialité ».
Il s’agirait de toutes ces autorités de surveillance ou de régulation (commission informatique et liberté, opération boursières, autorité de l’audiovisuel). Inconvénients : Arrogance technocratique et irresponsabilité (C’est Dominique Kalifa qui le dit dans « Libération », ce 23 octobre 2008, et j’ajouterais : danger d’inefficience par défaut d’indépendance et surtout de compétence, au double sens d’impuissance juridique, d’ailleurs souvent volontairement consentie, et de paresse intellectuelle.). Avantages possibles selon Rosanvallon : Forme plus fonctionnelle et « impartiale » de la représentation. Il est vrai que la politique est désormais discréditée comme une activité séparée, toujours de mauvaise foi, vaine et ridicule, reléguée au rang des marionnettes de Canal Plus.
B – « La légitimité de réflexivité ».
Celle-ci se distingue d’ailleurs assez mal de la précédente. Il s’agirait des cours constitutionnelles (nationales, européennes) destinées A/ à incarner les Droits et les valeurs fondamentales (à la place des Peuples et des Citoyens par lesquels ces principes devraient être affirmés quotidiennement ?), B/ à corriger (ou plutôt atténuer, voire légitimer) les discriminations. Ce sont des forums permanents où s’affiche non pas une véritable pluralité démocratique, mais surtout son avatar, le pluralisme communautariste des minorités et des lobbys.
C – « La légitimité de proximité ».
Ah ! La fameuse politique de proximité ! Rosanvallon ne cache pas qu’il s’agit ici d’une nouvelle figure trop facile du « bien » en politique, faite d’empathie, d’attention, d’écoute et de compassion, de récits sensibles, surtout de présence institutionnelle (au moins simulée) auprès du « monde infini des singularités », dans le meilleur des mondes décentralisés. Pour Rosanvallon, cette strate répondrait à une aspiration de fond pour plus d’interaction « participative ».
Il semble ne pas voir qu’il s’agit d’abord d’un procédé en ‘panopticon’ visant à ’surveiller et punir’ (sinon à neutraliser) les potentialités créatives de la société civile, notamment par la dissymétrie de la connaissance, au profit de la société politique, contre, tout contre, la société civile obligée continuellement à se déconsidérer à ses propres yeux, ainsi par les sondages secrets quantitatifs et qualitatifs, le labyrinthe des réunions inutiles et occupationnelles, etc. Ceci passe également (osons enfin le reconnaître), soit par le placement de mouchards professionnalisés au sein des associations et syndicats, soit en récompensant (et en intégrant prématurément à l’ordre institutionnel décentralisé) les nouveaux acteurs émergeants sélectionnés comme ‘méritants’, soit encore en les sanctionnant à la source s’ils ne sont pas ‘méritants’, par l’indifférence méthodique ou la répression (budgétaire, médiatique, etc.)
Bien, merci à Pierre Rosanvallon pour le repérage de ces trois formes émergentes dans la République, car il permet de réfléchir, mais maintenant que fait-on ?
Ce que Rosanvallon ne semble ne pas comprendre, c’est que [b]le processus de tirage au sort (de collèges citoyens d’expertise, de surveillance, de représentation, de cogestion et autogestion, etc.) répondrait, lui, authentiquement à ces trois tentations démocratiques[/b], s’il s’agit effectivement de demandes de fond :
1 - « La légitimité d’impartialité », en instaurant une strate renouvelée périodiquement dont l’élection par le tirage au sort, parfaitement « représentative » ne serait pas due au geste initial obligatoire, pervers, narcissique et paranoïaque, de la candidature électorale, qui force le candidat à une dose minimale de démagogie et surtout de soumission carriériste au ‘Parti-Institution’ qui gouverne les investitures en en éliminant à la source les personnalités les plus courageuses et dévouées.
2 – « La légitimité de réflexivité », ou comment mieux exercer la pluralité des points de vue débattant librement et publiquement par l’instauration de collèges tirés au sort, seuls à même de représenter les différentes composantes intimes de la société civile, sans aucun filtre (parité parfaite hommes/femmes, représentation arithmétique des classes sociales et d’âges, des handicaps, des minorités sexuelles, ethniques, provinciales, mais aussi des ‘élites’ réelles du travail et du savoir, etc.)
3 – « La légitimité de proximité », en invitant dès le plus jeune âge tout citoyen à se préparer à siéger fréquemment, et ceci sans drame ni passion inutile, sans prisme idéologique filtrant le réel, car sans avoir dû se présenter à une élection (aux conseils de parents d’élève, aux bureaux d’usagers des équipements publics de proximité, sportifs, culturels, socio-économiques, aux chambres tirées au sort ajoutées aux instances municipales, départementales, régionales et nationales, européennes, mondiales…)
En conclusion, l’impensé démocratique à propos du tirage au sort ne date pas de notre époque, car il est le fruit de l’autocensure décisive de la mémoire athénienne par la pensée occidentale depuis 2000 ans :
Au moyen-âge par l’instauration de l’élection et non du tirage au sort (pourtant mieux à même d’être ‘inspiré’ par l’esprit-saint libertaire et souverain…) dans les organismes et conclaves de l’Eglise post-constantinienne, puis réformée ou tridentine.
Aux temps modernes par la volonté d’instituer une oligarchie élue et non une démocratie directe lors des révolutions bourgeoises anglaise, française et américaine des XVIIe et XVIIIe siècles (principe dit de ‘’délégation’’ évidemment conforté et non contesté à l’époque contemporaine par l’ordre représentatif autoritaire des totalitarismes léninistes et nazis. )
Et c’est ainsi que votre société civile est muette. Encore pour longtemps ?
Luc Douillard
J’ai répondu ceci sur son blog :
Merci Luc, pour cet éclairage intéressant.
Je suis moi-même en train de lire le nouveau livre de Rosanvallon, j’ai enregistré et je ré-écoute (en voiture) ses conférences au Collège de France et, comme Luc, passionné par toutes sortes de révélations utiles rapportées par l’historien, je reste pourtant profondément frustré par des lacunes considérables dans son travail : Luc souligne ici la pauvreté de la réflexion de Rosanvallon quant au TIRAGE AU SORT. Pour ma part, je regrette chez lui l’absence totale d’analyse sur la QUALITÉ DU PROCESSUS CONSTITUANT ; pas un mot sur l’importance cardinale du DÉSINTÉRESSEMENT DES DÉPUTÉS CONSTITUANTS pour fonder une authentique démocratie modérée. Pourtant, que les pages qu’il a écrites sur le suffrage universel et l’élection, sur les mythes associés, que ces pages sont belles et passionnantes ! Non, vraiment, c’est crève-cœur qu’il soit si mou en arrivant aux sources mêmes des impostures électorales, au moment d’imaginer un vrai processus innovant.
Je le lui ai dit carrément (« Pourquoi n’étudiez-vous pas mieux le processus constituant, le tirage au sort des constituants, le conflit d’intérêt évident qui poussera toujours les députés, les ministres et les juges à écrire une Constitution verrouillant durablement l’impuissance politique des citoyens ? Pourquoi n’allez-vous pas jusqu’à la source même des dysfonctionnements que vous retracez si bien ? »), je lui ai demandé face à face, il y a un an à Paris, après un débat commun où nous avait conviés Le Monde (on en a parlé pendant presque une heure), il a été assez évasif, fuyant le point, il n’a pas renchéri, et finalement, il n’est apparemment rien resté de cette conversation dans son esprit. C’est dommage. En tout cas, on peut dire que rien n’a encore germé et garder un peu d’espoir… Parfois, des graines minuscules restent longtemps invisibles, comme mortes, et deviennent un jour des arbres gigantesques.
Une passionnante analyse de Thierry Meyssan
qui ILLUSTRE bien LA FORMIDABLE SUPERCHERIE DE L’ÉLECTION :
[bgcolor=#FFFF99][b]Élections US : un bon show ne fait pas une démocratie[/b][/bgcolor]
Les médias des États membres de l’OTAN accordent une très large couverture de l’élection présidentielle US. Ce faisant, ils transmettent un double message : l’avenir des peuples alliés se joue à Washington, et les États-Unis sont un modèle démocratique. Or, il est admis que l’élection présidentielle US est faussée par l’argent. L’édition 2008 a déjà coûté plus 1,5 milliards de dollars. Cependant cette critique est superficielle en ce qu’elle laisse croire que les moyens financiers font le vainqueur, alors que c’est peut-être l’inverse : l’argent va au vainqueur préalablement désigné. En réalité, remarque Thierry Meyssan, la classe dirigeante US manipule chaque étape du processus électoral, des primaires aux conventions, des listes électorales aux machines à voter. Aux États-Unis, la démocratie est une pure fiction.
« Les médias internationaux rendent compte en détail de la campagne présidentielle aux États-Unis. Il va de soi que ce pays est une démocratie, que McCain et Obama s’affrontent loyalement et que le choix des électeurs déterminera la politique future de Washington. Nous sommes donc invités à nous passionner pour ce feuilleton haut en couleurs avec ses conventions illuminées de stars, ses pluies de confettis, et ses clips TV assassins.
[bgcolor=#FFFF99]Pourtant, au cours des dernières années, les mêmes médias ont suggéré que le système ne fonctionne pas de cette manière. Ils observaient que la différence entre républicains et démocrates n’était guère plus évidente qu’entre Coca et Pepsi. Ils notaient que le président Bush n’avait pas l’envergure de la fonction et n’était au fond que la marionnette de puissants intérêts économiques. Ils s’étonnaient que des décisions aussi importantes que la guerre en Irak servent plus les intérêts de quelques multinationales et d’Israël que des États-Unis eux-mêmes.[/bgcolor]
D’où cette question faussement naïve : les États-Unis sont-ils vraiment la démocratie qu’ils prétendent être ?
LE PEUPLE ÉTATS-UNIEN N’EST PAS SOUVERAIN
On serait tenté de répondre « oui » sans réfléchir, d’autant que par le passé, la gauche ne les critiquait pas sur ce point, mais uniquement sur l’absence de droits sociaux. Pour répondre plus précisément, il convient de définir ce qu’est une démocratie, de vérifier si la Constitution et sa mise en pratique correspondent à cette définition.
Classiquement, on distingue trois types de régimes politiques : la monarchie (le pouvoir d’un seul), l’oligarchie (le pouvoir d’une élite) et la démocratie (le pouvoir du peuple). Par démocratie, on entend un régime dans lequel le peuple est souverain. Celui-ci décide de son destin, soit directement, soit par l’intermédiaire de représentants élus ou tirés au sort.
La Déclaration d’indépendance des États-Unis, principalement rédigée par Thomas Jefferson, est d’essence démocratique. Elle s’inspire de la philosophie des Lumières, notamment des œuvres de John Locke. Elle affirme que « Les gouvernements sont établis parmi les hommes pour garantir ces droits [la vie, la liberté et la recherche du bonheur], et leur juste pouvoir émane du consentement des gouvernés. Toutes les fois qu’une forme de gouvernement devient destructive de ce but, le peuple a le droit de la changer ou de l’abolir et d’établir un nouveau gouvernement. ».
Mais les élites, qui avaient besoin de lever des volontaires pour mener la guerre d’indépendance, changèrent de discours lorsqu’il s’agit de rédiger la Constitution. La Convention qui la rédigea fut surtout influencée par les « fédéralistes », au premier rang desquels Alexander Hamilton. Leur objectif était de rompre avec la naïveté bucolique de l’époque. Ils voulaient imposer un gouvernement central fort, adapté à l’ère industrielle, et tenir la « populace » à l’écart du pouvoir politique, car « Le peuple est turbulent et changeant, rarement il juge ou décide raisonnablement ».
Hamilton aurait souhaité la création d’une monarchie états-unienne mais, outre que cette formule n’était pas à la mode, ce projet était irréalisable en l’absence d’une classe aristocratique autochtone. Nourri des œuvres de Thomas Hobbes, il conçu donc, par défaut, un régime à la fois républicain et oligarchique. La Constitution est proclamée au nom du « peuple des États-unis », mais celui-ci n’est pas souverain pour autant. Le pouvoir appartient aux États fédérés, c’est-à-dire en pratique aux notables locaux.
Cet aspect essentiel du système politique US est aujourd’hui masqué par le recours au suffrage universel qui donne l’illusion de la souveraineté populaire. Cependant, on se souvient qu’en 2000, la Cour suprême considéra qu’elle n’avait pas à tenir compte du dépouillement du scrutin en Floride pour proclamer le résultat de l’élection présidentielle. Se fondant sur une épaisse jurisprudence, elle-même basée sur la Bible et les Federalist Papers d’Hamilton, elle écarta la volonté des électeurs pour ne retenir que celle du gouverneur de Floride, en l’occurrence Jeb Bush. Ce basculement assura la victoire de George W. Bush, frère du précédent. Dans un système démocratique, la Cour suprême aurait attendu le résultat du dépouillement en Floride. Comme il s’avéra favorable à Albert Gore, celui-ci serait devenu le 43e président des États-Unis.
Les contradictions entre la Déclaration d’indépendance et la Constitution conduisirent trois membres de la Convention constituante à refuser de la signer. Pour sortir de la crise, un compromis fut trouvé sous la houlette du versatile James Madison : la Charte des droits. Dix amendements furent adoptés pour garantir les droits du justiciable face à l’arbitraire de l’État.
En définitive, les institutions tirent leur légitimité de leur origine populaire. [color=red]Mais les citoyens n’ont pas vraiment leur mot à dire dans le choix de leurs dirigeants et des politiques mises en œuvres.[/color] À défaut, ils disposent de garanties judiciaires pour se protéger des excès de pouvoir.
DES PRIMAIRES POUR ÉCARTER LES CONTESTATAIRES
Dans le spectacle de l’élection présidentielle que jouent actuellement les États-Unis, le premier acte fut les « primaires ». Une présentation superficielle laisse accroire que les deux grands partis politiques consultent leurs membres, État par État, pour choisir les délégués qui participeront aux conventions où ils désigneront leur candidat. C’est faux : d’une part, les primaires ne sont pas organisées par les partis, mais par les États, selon des règles propres à chacun d’eux ; d’autre part, dans la plupart des cas, ce ne sont pas les seuls adhérents du parti qui participent aux primaires.
Il y a six méthodes principales de primaires, plus des méthodes mixtes. Dans certains États, il faut être encarté au parti pour y participer, dans d’autres les sympathisants peuvent voter avec les militants, parfois tous les citoyens peuvent voter aux primaires des deux partis, parfois ils peuvent tous voter mais uniquement à la primaire du parti de leur choix, parfois les deux partis tiennent une primaire commune à un tour, d’autres fois encore à deux tours, Toutes les combinaisons de ces méthodes sont possibles. Chaque primaire, dans chaque État, a donc un sens différent.
Et puis il y a des États qui n’ont pas de primaires, mais des caucus. Par exemple, l’Iowa organise des scrutins distincts dans chacun de ses 99 comtés, qui élisent des délégués locaux, lesquels tiennent des primaires au second degré pour élire les délégués aux Conventions nationales.
Traditionnellement, ce cirque commence en février et dure six mois, mais cette année le Parti démocrate a modifié son calendrier. Il a avancé le début et voulu répartir les dates pour faire durer le plaisir presque une année complète.
À la fin, les délégués se retrouvent à la Convention de leur parti. Ils y sont rejoints par [bgcolor=#FFFF99]les super-délégués. Lesquels, contrairement à ce que leur dénomination laisse croire, ne sont délégués par personne. Ce sont des membres de droit, c’est-à-dire des notables et des apparatchiks. Les super-délégués représentent l’oligarchie et sont suffisamment nombreux pour faire pencher la balance dans un sens ou l’autre, en passant outre le résultat des primaires et des caucus. Ils sont environ 20 % à la convention démocrate et presque 25 % à la convention républicaine.[/bgcolor]
L’originalité du système, c’est que les délégués aux conventions étant majoritairement choisis par des gens extérieurs à leur parti, ils représentent à peu près la même sensibilité qu’ils soient démocrates ou républicains. Et comme si ce nivellement ne suffisait pas, les super-délégués —c’est-à-dire l’oligarchie— peuvent encore éliminer les originaux qui resteraient en lice. En définitive, les candidats désignés par les conventions seront absolument consensuels, pour ne pas dire « incolores, inodores et sans saveur ».
[bgcolor=#FFFF99]Alors que les médias US présentent ces primaires comme une extension du débat démocratique au sein des partis politiques, leur effet est inverse : elles visent à maintenir le statu quo en écartant tous les candidats qui ne soutiennent pas le système dans son ensemble.[/bgcolor]
RÉPUBLICAINS ET DÉMOCRATES : DES PARTIS JUMEAUX
Cet écrémage n’est possible que parce que les deux grands partis sont étroitement imbriqués dans l’appareil d’État. Pour toutes les décisions importantes, la Maison-Blanche recherche un « consensus bipartisan » en nommant une commission ad hoc composée à égalité de leaders des deux partis et co-présidée par un républicain et un démocrate, ce qui revient à toujours faire passer l’intérêt de l’oligarchie avant les choix politiques.
L’opposition entre les deux partis n’est qu’apparence puisqu’ils gèrent ensemble diverses institutions. Ainsi, la National Endowment for Democracy (NED) [1], sorte de vitrine légale de la CIA, est gérée paritairement par les Républicains, les Démocrates, la principale fédération syndicale ouvrière (AFL-CIO) et la Chambre patronale de commerce. Les crédits alloués à la corruption des institutions politiques et syndicales dans le monde sont approuvés de manière bipartisane avant d’être distribués soit par l’intermédiaire de l’International Republican Institute de John McCain, soit par le National Democratic Institute for Foreign Affairs de Madeleine Albright. Dans ce cas précis, il n’y a qu’une seule politique US mise en œuvre par deux organes distincts à l’extérieur. La différence entre républicains et démocrates est une fiction qui n’existe que lorsque l’appareil d’État US s’adresse à l’étranger.
John McCain et Barack Obama saisissent d’ailleurs toutes les occasions pour montrer leur proximité idéologique aux États-uniens. Par exemple, ils ont mis en scène leur participation commune à la commémoration des attentats du 11 septembre. Ou encore ils ont publié un communiqué commun de soutien au plan Paulson de sauvetage de l’économie.
En théorie, les contestataires peuvent créer de nouveaux partis et présenter d’autres candidats à l’élection présidentielle. Mais en pratique, c’est impossible. Les conditions pour fonder un parti sont différentes d’un État à l’autre et il est impossible de les satisfaire toutes à la fois. Le barrage le plus efficace est celui du New Jersey où il faut réunir 10 % des citoyens pour pouvoir créer une nouvelle formation politique. Cette condition est irréalisable au départ et interdit définitivement aux petits partis de disposer d’une section dans cet État.
Quoi qu’il en soit, de petits partis ont été légalisés dans certains États. Lorsqu’ils auront désigné leur candidat à l’issue de leur convention fédérale, celui-ci ne pourra pas se présenter dans tout le pays, mais uniquement dans ces États, de sorte qu’il n’aura aucun espoir de parvenir à la Maison-Blanche. Si les démocrates ont désigné Barack Obama et les républicains John McCain, l’avocat des consommateurs Ralph Nader se présente en indépendant et l’ex-représentant Bob Barr représentera les libertariens. Il y aura aussi quantité de candidats dont les scores ne devraient pas atteindre 1 % à l’échelle fédérale, comme l’ex-représentante Cynthia McKinney pour les écologistes, l’ambassadeur Alan Keyes pour le Parti indépendant de Californie, le pasteur Chuck Baldwin pour le parti de la Constitution, etc. sans parler des trois candidats trotskistes Roger Calero pour le Parti des travailleurs, Gloria La Riva pour les scissionnistes du Parti pour le Socialisme, et Brian Moore pour les Socialistes-USA abondamment financés par la CIA. Au total, il devrait y avoir 15 à 18 candidats alors que les médias internationaux ne parlent que des 2 principaux, tant ils sont convaincus que les autres ne sont tolérés que pour donner [bgcolor=#FFFF99]l’illusion du pluralisme[/bgcolor].
LE PRÉSIDENT SERA ÉLU LE 15 DÉCEMBRE PAR 638 PERSONNES
Les règles électorales sont volontairement complexes. Leur opacité tient les citoyens à distance de la décision. Essayons néanmoins de les résumer le plus clairement possible.
Le 4 novembre prochain, chaque État appellera aux urnes les citoyens résidant sur son territoire. En fonction de leur souhait, le gouverneur local désignera les membres du « Collège électoral présidentiel » qui représenteront son État. Ce sont ces 538 électeurs qui éliront à la majorité absolue, le 15 décembre, les prochains président et vice-président des États-Unis. Leurs suffrages sous enveloppe seront solennellement dépouillés le 6 janvier par le vice-président sortant en qualité de président temporaire du Sénat. Ce n’est qu’à ce moment-là que le nom du vainqueur sera proclamé.
Chaque État dispose d’autant d’électeurs qu’il a de représentants et de sénateurs au Congrès. Or, le nombre de ses représentants est proportionnel à l’importance de sa population, tandis que le nombre de ses sénateurs est fixe. Il s’ensuit que les citoyens des petits États sont beaucoup mieux représentés au Collège électoral présidentiel que ceux des grands États. Le Wyoming qui n’a que 0,5 millions habitants dispose de 3 électeurs, tandis que la Californie avec 36,5 millions d’habitants n’en a que 55. Les habitants du Wyoming sont donc 4 fois mieux représentés que ceux de Californie. Ce système électoral à deux degrés est profondément inégalitaire. Techniquement, il est possible de disposer de la majorité du Collège électoral présidentiel en n’ayant qu’un tiers des voix des citoyens.
D’une manière générale, le parti qui arrive en tête lors de la consultation populaire rafle tous les sièges de l’État au Collège électoral présidentiel. Par exemple, selon les sondages, les citoyens de Floride seraient aujourd’hui hésitants. Le candidat qui l’emportera dans cet État n’aura qu’un très faible pourcentage de voix d’avance, mais il pourra compter sur les 27 électeurs représentant la Floride au Collège électoral présidentiel, tandis que son concurrent n’en aura aucun. Toutefois, le Maine et le Nebraska font exception : ils utilisent quant à eux un système semi-proportionnel.
Au cours des dernières années, les candidats ont pris l’habitude de concentrer leur campagne électorale sur les États les plus peuplés et de délaisser les autres. Il suffit en effet de l’emporter dans les 11 principaux États pour devenir président.
En principe, les 538 électeurs doivent voter au sein du Collège électoral présidentiel comme ils s’y sont engagés devant l’État qui les a mandaté. Mais leur mandat n’est « impératif » que dans 24 États. Les autres peuvent donc changer d’avis au mépris de la volonté populaire. Le cas est rare, mais en 1836, 23 électeurs racistes censés voter pour le candidat démocrate se ravisèrent après avoir appris que son vice-président avait eu une liaison avec une noire.
MACHINES À VOTER, MACHINES À TRUQUER
Bien que ce vote à deux degrés soit un moyen supplémentaire pour renforcer le contrôle oligarchique des résultats, ce n’est plus suffisant aujourd’hui où les médias de masse nuisent à l’opacité du système. La classe dirigeante, perdant confiance dans ses propres institutions, a imaginé un mode radical de trucage : les machines à voter [2]. Elles lui permettront d’éliminer les partis alternatifs et de choisir quelle équipe, républicaine ou démocrate, mettra en œuvre sa politique.
[bgcolor=#FFFF99]Dans les démocraties, le scrutin est l’affaire des citoyens. Généralement, des fonctionnaires communaux ou territoriaux tiennent le bureau de vote, mais ce sont les citoyens qui dépouillent les suffrages sous le regard de représentants des candidats.[/bgcolor] Aux États-Unis, la tenue des bureaux de vote est sous-traitée à des firmes privées. Pour réduire le personnel nécessaire au dépouillement, ces firmes peuvent avoir recours à des ordinateurs de vote. Leur usage est d’autant plus séduisant que souvent on procède à de nombreuses élections à la fois (président, parlementaires, maires, etc.) et que le dépouillement s’avère long et complexe.
Diverses études scientifiques sur ces machines, notamment celle du professeur Avi Rubin de la John Hopkins University, ont toutes conclues qu’elles n’offraient aucune garantie de sécurité. Il est enfantin et rapide de modifier les logiciels pour truquer les résultats sans laisser la moindre trace. La plupart des ordinateurs de vote utilisés aux USA ont été conçus par Global Election Systems (GES), sous l’autorité de Jeff Dean. Or cet informaticien a été condamné 23 fois pour avoir truqué des logiciels internet destinés à d’autres usages et avoir abusé de ses clients. L’usage de ce type de machine est incompatible avec le principe démocratique et il est surprenant que les citoyens US acceptent de participer à une telle mascarade.
Comme si cela ne suffisait pas, on a ajouté cette année une nouvelle occasion de trucage : le vote anticipé. Au lieu de tenir le scrutin en une journée, on l’a étalé sur un mois. Plus de 30 % des suffrages devraient ainsi être exprimés avant le 4 novembre, laissant tout le temps nécessaire pour procéder à des fraudes à grande échelle.
CHOISIR LES CITOYENS
Malgré cette accumulation de manipulations, il reste cependant toujours une inconnue : la volonté des citoyens. La classe dirigeante WASP (White Anglo-Saxons Puritans) a donc à la fois créé des difficultés administratives pour s’inscrire sur les listes électorales et développé tout un arsenal juridique pour priver les pauvres de leurs droits civiques. Et souvent, dans un pays qui pratiquait il y a cinquante ans encore la discrimination raciale, les pauvres ce sont les gens de couleur.
À défaut de pouvoir organiser un suffrage censitaire, plusieurs États ont édicté des lois supprimant les droits civiques des personnes condamnées pénalement pour une période déterminée. Au Kentucky et en Virginie l’interdiction est prononcée à vie. Certains États ont étendu cette privation aux personnes verbalisées pour des infractions au code de la route. Sachant l’injustice qui caractérise la Justice US, les criminels condamnés sont presque exclusivement des pauvres de couleur. Au Michigan, le législateur vient d’étendre la privation des droits civiques aux familles victimes de la crise des subprimes, qui n’ont pas été en mesure de payer les traites de leurs emprunts et dont on a confisqué la maison. [bgcolor=#FFFF99]Ainsi, non seulement les citoyens ne choisissent pas leurs dirigeants, mais ce sont les dirigeants qui choisissent leurs électeurs.[/bgcolor]
Il n’existe pas de statistiques permettant de distinguer les citoyens qui ne souhaitent pas voter, ceux qui ne sont pas parvenus à s’inscrire sur les listes électorales, et ceux qui ont été privés de leurs droits civiques. Toutefois, le résultat est là : en 2004, sur 215 millions de citoyens en âge de voter, seuls 122 millions se sont déplacés aux urnes (soit 56 % de participation). George W. Bush avait été triomphalement élu par 286 membres du Collège électoral présidentiel, mais il n’avait obtenu que 62 millions de voix citoyennes, soit 28 % des citoyens en âge de voter.
DÉMOCRATIE DE MARCHÉ
Venons-en au contenu de la campagne électorale. Dans la plupart des pays du monde, les campagnes permettent de développer une vision politique et de la placer en concurrence avec d’autres. Il n’en est pas de même aux États-Unis parce que, comme dans l’ensemble des pays anglo-saxons, il va culturellement de soi qu’il n’existe pas d’intérêt général. Aussi, bien que la Constitution soit d’esprit républicain, sa pratique ne l’est pas.
Chaque candidat tente d’agréger autour de lui la plus vaste coalition d’intérêts particuliers et se vante des soutiens qu’il a reçu comme autant de preuves de sa capacité à gouverner. Il n’y a pas de place pour le débat d’idées au sens européen du terme. Les candidats ne défendent pas une vision du monde et n’ont pas de programme exhaustif. Ils ont des positions sur des sujets précis en fonction des intérêts qu’ils coalisent. Ils présentent leurs actions passées sur chaque sujet abordé comme des échantillons de leur future politique.
John McCain ne diffuse pas de plaquette récapitulative de ses positions. Au contraire Barack Obama a fait imprimer une brochure The Blueprint for Change, qui liste 15 sujets différents, mêlant sans hiérarchie des mesures en faveur de groupes de population (les vieux, les femmes, les anciens combattants, les ruraux) ; des mesures face à des problèmes (la morale, la pauvreté) ; et des politiques sectorielles (économie, fiscalité, politique étrangères). Cette manière de faire évite bien des déconvenues, mais elle dissocie les problèmes et empêche toute réforme globale. Le pragmatisme s’avère être une autre manière de défendre le statu quo.
À Washington, on se méfie du mot « démocratie ». Pour se distinguer de certains de ses usages (comme dans « démocratie populaire »), on préfère l’expression « démocratie de marché ». On souligne de la sorte que l’on ne conçoit pas de démocratie politique sans « libre marché ». On admet aussi implicitement que la compétition électorale est comparable à la vente en supermarché : des marques s’affrontent à coup de publicité pour écouler des produits identiques. En choisissant des emballages différents, le citoyen-consommateur fait la fortune des uns ou des autres, mais ne change rien pour lui : il achète toujours le même produit.
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Les Pères fondateurs des États-Unis voulaient à la fois que leurs institutions soient légitimées par le peuple, et que celui-ci soit tenu à l’écart des choix politiques. Non seulement le pays n’a jamais été une démocratie, mais avec le temps la classe dirigeante a sophistiqué un système où l’élection présidentielle ne vise pas à exprimer l’opinion populaire, mais à manifester l’adhésion populaire aux institutions et à les re-légitimer. Les primaires permettent de sélectionner les candidats les plus conformistes, tandis que les ordinateurs de vote et le vote anticipé garantissent la possibilité de rectifier les résultats des urnes.
Ce système n’est pas sans rappeler celui de l’ancienne Union soviétique. Les notables locaux remplacent l’avant-garde du prolétariat pour constituer une élite qui tire les ficelles. Le scrutin à deux degrés rappelle le « centralisme démocratique », etc. Force est de constater que la vie politique US est un archaïsme de la Guerre froide. Comme l’a observé l’ancien président Mikhail Gorbatchev, les États-Unis ont besoin de faire leur perestroika pour tourner la page du passé et entrer dans l’ère de la modernité démocratique.
Si ce show régénère la société tous les quatre ans, il sert aussi à nettoyer l’image des États-Unis dans le monde. L’opinion publique internationale est invitée à suivre un spectacle qui fasse oublier les crimes précédents et lui redonne espoir. Cette année le casting est particulièrement réussi : un sémillant jeune noir assisté d’un vieux briscard de la politique contre un ancien combattant épaulé par une femme sans complexes. Déjà, la presse mondiale titre sur l’après-Bush comme si les guerres en Afghanistan et en Irak étaient des erreurs passagères imputables à la seule Administration sortante. »