3A1 Désignation des représentants politiques : élections (et avec quel mode de scrutin) ou tirage au sort ?

Candide (3367), entendons-nous bien.

J’admettrais le tirage au sort uniquement pour des actions de contrôle et de rapport.

Je ne lui reconnais aucune valeur sur le plan de la représentativité. Au contraire, j’estime qu’à part la dictature c’est le moins représentatif des systèmes, et donc le moins adapté à l’écriture des constitutions et des lois et aux fonctions exécutives. JR

[color=purple]Jacques,

Dont acte. Ma réponse était mal formulée et trop globale.

Cela dit, il me semble que nous sommes en présence de deux formes de représentativité très différentes.

La première, celle que nous connaissons actuellement, tire sa légitimité des urnes. Untel (ou une telle) est considéré comme représentatif car il a été délibérément choisi par tout ou partie du peuple pour le représenter. Mais il reste dans ce cas à voir avec quelle majorité (degré de représentativité réelle, et donc de légitimité) et de quelle manière (manœuvres politiciennes, sincérité, motivations réelles du candidat) il a été élu, et quelles sont ses compétences et son efficacité réelles. C’est la notion d’individu qui est ici mise en avant. Avec toutes les dérives que nous connaissons actuellement, et qui pourraient bien nous mener à une dictature déguisée.

La seconde est de nature statistique et tire sa légitimité de la notion d’échantillon représentatif. Untel (ou une telle) est élu car il est considéré comme faisant partie d’un groupe représentatif de l’ensemble de la population. Il reste dans ce cas à juger de ses compétences, qu’il devra idéalement compléter si nécessaire (cf. l’exemple cité par Étienne). C’est la notion de groupe qui est ici mise en avant.[/color]

Candide (3369).

Sur le deuxième point : il ne peut pas s’agir à mon avis de représentation par échantillonnage statistique, mais de représentation en fonction des qualités du candidat.

L’argument que vous invoquez sous le premier point vaut donc mutatis mutandis pour le second : il y a défaut de représentation si le représentant n’est pas compétent, exactement comme il y a défaut de représentation si le représentant n’est pas honnête, ou est minoritaire de fait.

Aux électeurs de juger le candidat sur ses promesses et son CV, et d’accomplir leur devoir électoral. C’est leur rôle, et c’est à ça que servent les campagnes électorales. JR

[color=purple]

La première, celle que nous connaissons actuellement, tire sa légitimité des urnes. Untel (ou une telle) est considéré comme représentatif car il a été délibérément choisi par tout ou partie du peuple pour le représenter. Mais il reste dans ce cas à voir avec quelle majorité (degré de représentativité réelle, et donc de légitimité) et de quelle manière (manœuvres politiciennes, sincérité, motivations réelles du candidat) il a été élu, et quelles sont ses compétences et son efficacité réelles. C’est la notion d’individu qui est ici mise en avant. Avec toutes les dérives que nous connaissons actuellement, et qui pourraient bien nous mener à une dictature déguisée…[/color]


Je dirais que ce ne sont pas les électeurs qui choisissent le candidat, mais les partis politiques . Les électeurs ne font que choisir parmi des candidats désignés.

C’est ce qui me fait préférer le tirage au sort à partir de candidats désignés par des proches…

EDIT: comme expliqué ici … http://etienne.chouard.free.fr/forum/viewtopic.php?id=79

[color=purple]Jacques,

La représentation par un échantillon statistique serait à mon sens la plus représentative de l’ensemble de la nation. Demeure effectivement le problème des compétences des représentants. Mais c’est là un problème qu’il est possible de résoudre — car il n’est pas délibérément créé et entretenu — si ces représentants sont lucides et honnêtes et acceptent de se former auprès d’experts impartiaux, comme dans l’exemple de la Colombie Britannique.

En revanche, voici bel et bien un problème délibérément créé et entretenu, qu’il est devenu très difficile de résoudre…[/color]

Aux électeurs de juger le candidat sur ses promesses et son CV, et d'accomplir leur devoir électoral. C'est leur rôle, et c'est à ça que servent les campagnes électorales.
[color=purple]Ça c'est dans l'idéal théorique ! Mais la réalité française actuelle en est bien éloignée, dans laquelle — comme le rappelle AJH et comme nous en avons largement débattu dans le fil de discussion consacré au vote blanc — le déséquilibre de l'offre politique, la malhonnêteté d'un trop grand nombre de candidats et un bipartisme écrasant faussent complètement le jeu politique et le mécanisme des élections ! Lorsqu'une telle quantité de politiciens professionnels et autres candidats d'appareil sont davantage préoccupés de leur réélection et de la pérennité des avantages et de l'hégémonie dont leur caste disposent, on en arrive à la situation verrouillée actuelle, ou plus personne d'autre n'a la possibilité de se faire entendre, et encore moins élire.[/color]

[bgcolor=#FFFF99]« Le tirage au sort, plus juste que le choix rationnel »[/bgcolor]

Entretien avec Jon Elster sur La vie des idées.fr :

« Professeur au Collège de France, titulaire de la chaire Rationalité et sciences sociales, [bgcolor=#FFFF99]Jon Elster explique pourquoi il s’est peu à peu détaché des théories du choix rationnel, pour accorder sa confiance au hasard et au tirage au sort, moins porteur d’injustice lorsque la délibération est manifestement impossible.[/bgcolor]

Entretien vidéo. (…) »


Est-il utile de souligner que je trouve cet article passionnant ? :slight_smile:

Il faut le faire connaître, non ?

Étienne.

@ Jacques :

Je ne crois pas qu’une élection serve à évaluer la personne la plus compétente

En effet chaque personne qui par l’élection va « juger » les différents candidats n’est pas forcément compétente elle même pour bien juger de la compétence des autres, elle va le faire sur des bases et des valeurs qui lui sont propres, pas toujours sur des critères de compétences, mais souvent sur des critères politiques et même souvent sur des critères irrationnels

Maintenant, c’est vrai, il peut y avoir des candidats « farfelus » et de toute évidence incompétents, et un simple tirage au sort serait dangereux vu qu’il leur donnerait la même chance qu’aux autres d’être mis aux responsabilités

Voilà pourquoi je pense moi aussi que le tirage au sort peut être couplé avec l’élection et peut être une solution dans les cas où nous cherchons à éliminer certains aspects de l’élection ou comme dans l’exemple cité par ce philosophe pour dépasser éliminer certaines conséquences néfastes qu’un jugement peut occasionner ( comme dans le cas de la garde d’un enfant )

Un système à choix multiple mais sans exprimer de préférence ca existe ?

Choix multiple/tirage au sort

Sandy (3730).

Vous pensez je suppose à un système dans lequel les candidats ayant reçu un minimum de voix seraient placés en vrac sur une liste générale servant de base au tirage au sort.

Ce système présente le même grand inconvénient que tous les autres systèmes de tirage au sort : il n’assure pas la représentation des opinions politiques des électeurs.

De plus, il ne garantit pas que beaucoup de politiciens professionnels ne seront pas élus : en effet, ce sont ceux-là qui sont connus du public et qui ont donc les meilleures chances de figurer sur la liste générale.

J’avais moi aussi pensé à un système de ce genre, mais finalement je trouve que tous les systèmes de tirage au sort sont mauvais dans la mesure où ils ne ne permettent pas d’assurer la représentation des électeurs.

Plus j’y réfléchis et plus je me dis que le tirage au sort est la fausse solution d’un faux problème (comment éliminer les politiciens de la politique). JR

Quelle « la fausse solution » à la représentation honnête du plus grand nombre d’opinions ?
Quelle est « la vraie » ?
Qu’est-ce qu’on a déjà essayé depuis 200 ans et qui déçoit profondément, de fait ?
Qu’est-ce qu’on n’a plus essayé depuis 250 siècles et qui avait pourtant donné satisfaction ?

Cher Jacques,

Vous dites : « [le tirage au sort] n’assure pas la représentation des opinions politiques des électeurs »

Comme si l’élection permettait, elle, de « représenter les opinions politiques des électeurs »…

:rolleyes:

Où avez-vous vu cette belle théorie fonctionner (à part en rêve) ?

On constate justement le contraire absolument partout :
Les élus n’en font qu’à leur tête dès qu’ils sont élus
et ils se représentent surtout eux-mêmes
,
cachés derrière les plus habiles mensonges.

L’élection sans correctif aléatoire est, à l’expérience, une fausse bonne idée : deux cents ans de pratique de l’élection nous alimentent en faits incontestables qui convergent tous dans ce sens.

Principal fait : précisément, les élus ne représentent pas les électeurs.
(Vous voulez que je rappelle l’exemple de l’Union européenne ?)

Dire le contraire, à mon sens, c’est dire que le soleil ne brille pas :confused:

Et par ailleurs, qu’est-ce qui vous permet de discréditer le tirage au sort puisqu’on ne l’a pas essayé depuis 250 siècles ? Sur quels faits vous appuyez-vous ?

Vous traitez de « fausse solution », une solution qui est à ce jour, que je sache, la seule qui ait permis d’exister à une réelle démocratie, il y a 2500 ans, et que nous pourrions bien ré essayer un peu aujourd’hui (avant de la discréditer sans même la tester), et tout ça pour défendre (comme si c’était « une vraie solution ») une technique dont tout le monde (à part les élus) voit les vices rédhibitoires comme le nez au milieu de la figure.

Parfois, je ne comprends pas les ressorts profonds de ce que je ressens chez vous comme une servitude volontaire.

Amicalement.

Étienne.

Moi, par contre, j’estime que le tirage au sort est tres intéressant pour assurer la représentation des opinions politiques des électeurs.

À partir du moment où les mandats sont courts et se succèdent donc avec assez de rapidité, aucun des « gagnants de cette lotterie » n’a la possibilité de trop changer tout seul, plus encore, il n’a pas trop la possibilité de changer les choses en sa propre faveur pour s’établir comme permanent, ni intérêt à le faire puisque ce ne serait pas lui-même qui en profiterait mais quelqu’un d’aléatoire d’un mandat suivant (duquel il ne peut même pas savoir si il sera de sa même tendance politique ou économique).

De ce fait, le mandat court et aléatoire assure qu’il ne manipulera pas pour s’installer définitivement, c’est-à-dire qu’il restera ancré dans son milieu social habituel auquel il doit retourner.

D’autre part, les mandats courts et aléatiores ASSURENT la représentation des opinions politiques majoritaires entre les électeurs, parce que, statistiquement, il y aura plus de possibilités d’avoir des mandats pendant lesquels les élus travailleront en faveur des pensées majoritaires des électeurs [alors qu’il y a moins de possibilités que quelqu’un d’aléatoirement élu soit contraire à ces pensées et puisse défaire ce qui s’est fait auparavant].

Une situation bien meilleure, pour les peuples et pour la situation démocratique, que la présente où seuls peuvent se présenter à des élections ceux qui ont assez d’argent pour se payer les coûts croissants des campagnes électorales (c’est-à-dire des a priori vendus aux intérêts du capital), et en plus il nous faut attendre 4, 5 ? années avant de même pouvoir essayer de les virer une fois qu’on se rend compte qu’ils nous ont trahis. En plus, pour ne pas tomber dans le piège de faire élire ensuite, les prochains traîtres avec 100% de probabilité… il faudrait adopter avant l’élection suivante un système qui affranchise la campagne électorale du besoin de financement que seulement peuvent fournir les capitalistes, financiers qui pour le faire imposent le respect de leurs intérêts au-dessus de ceux du peuple.

P.S.: Je m’étonne de vous voir si actifs ces derniers jours dans ces lieux si théoriques… pendant que les enjeux réels se jouent à court terme dans le respect de la décision irlandaise de voter NON à leur référendum, et dans [bgcolor=#FFFF99]le DANGER réel que l’élection de juin 2009 soit instrumentalisée pour convertir le parlement européen élu en une « Commission Constituante Constitutionnelle »[/bgcolor]. Ce danger existe, et nous devrions penser à mettre en place des moyens pour que le peuple soit réellement représenté dans ce parlement… si possible :wink: avec une majorité qui puisse empêcher une telle dérive anti-démocratique (anti-démocratique parce que le Parlement européen n’est pas prévu pour cela, et parce que, au vu des expériences antérieures de ceux qui y demeurent déjà et des maneuvres de verrouillage qu’ils ont mis en place pour préserver la survie de leur répresentation au détriment de nouveaux-venus… les peuples —voire les citoyens indépendants— n’ont pas l’égalité de chances pour se faire élire europarlementaire face aux candidats de l’eurobureaucratie.

Il faut bouger maintenant, pour préserver le peu qui nous reste avec les moyens qu’on peut mettre en oevre tout de suite !

La théorie, c’est indispensable, mais il ne faut pas laisser la situation nous déborder pendant qu’on pense tranquilement… Après, cela sera tellement plus difficile de récupérer des coups.

Amicalement.

NingúnOtro

Jacques Rancière analyse « la haine de la démocratie » et l’évidence du tirage au sort

Bonjour,

j’ai retrouvé sur ma page de liens ce signalement (en 2005) qui devrait intéresser Jacques :confused:

(...) Ensuite, le blog du café du commerce a déniché et commente des extraits d’un nouveau livre de [bgcolor=#FFFF99][b]Jacques Rancière « La haine de la démocratie »[/b][/bgcolor] : http://cafeducommerce.blogspot.com/2005/10/bon-samaritain_27.html Ce texte-là aussi est vraiment fort. Il faut que je lise ce livre.
« La dénonciation de l'"individualisme démocratique" opère en effet, à peu de frais, le recouvrement de deux thèses : la thèse classique des possédants (les pauvres en veulent toujours plus) et la thèse des élites raffinées : il y a trop d'individus, trop de gens qui prétendent au privilège de l'individualité. Le discours intellectuel dominant rejoint ainsi la pensée des élites censitaires et savantes du XIXème siècle : l'individualité est une bonne chose pour les élites, elle devient un désastre de la civilisation si tous y ont accès.

Le tirage au sort a depuis lors fait l’objet d’un formidable travail d’oubli [en note, l’auteur recommande sur ce sujet : Bernard Manin, « Principes du gouvernement représentatif », Flammarion, 1995]. Nous opposons tout naturellement la justice de la représentation et la compétence des gouvernants à son arbitraire et aux risques mortels de l’incompétence. Mais le tirage au sort n’a jamais favorisé les incompétents plus que les compétents [cela dépend tout de même de la proportion de « compétents » dans la population…]. S’il est devenu impensable pour nous, c’est que nous sommes habitués à considérer comme toute naturelle une idée qui ne l’était certainement pas pour Platon et qui ne l’était pas davantage pour les constituants français ou américains d’il y a deux siècles : que le premier titre sélectionnant ceux qui sont dignes d’occuper le pouvoir soit le fait de désirer l’exercer.

Platon sait donc que le sort ne se laisse pas si aisément écarter. (…) Il y a à cela deux raisons. (…) La première est que le procédé du tirage au sort est en accord avec le principe du pouvoir des savants sur un point, qui est essentiel : [bgcolor=#FFFF99]le bon gouvernement, c’est le gouvernement de ceux qui ne désirent pas gouverner. S’il y a une catégorie à exclure de la liste de ceux qui sont aptes à gouverner, c’est en tout cas ceux qui briguent pour obtenir le pouvoir.[/bgcolor] (…)

C’est cela d’abord que démocratie veut dire. La démocratie n’est ni un type de constitution, ni une forme de société. Le pouvoir du peuple n’est pas celui de la population réunie, de sa majorité ou des classes laborieuses. Il est simplement le pouvoir propre à ceux qui n’ont pas plus de titre à gouverner qu’à être gouvernés. De ce pouvoir-là on ne peut pas se débarrasser en dénonçant la tyrannie des majorités, la bêtise du gros animal ou la frivolité des individus consommateurs. Car il faut alors se débarrasser de la politique elle-même. Celle-ci n’existe que s’il y a un titre supplémentaire à ceux qui fonctionnent dans l’ordinaire des relations sociales. [bgcolor=#FFFF99]Le scandale de la démocratie, et du tirage au sort qui en est l’essence, est de révéler que ce titre ne peut être que l’absence de titre[/bgcolor], que le gouvernement des sociétés ne peut reposer en dernière essence que sur sa propre contingence.

L’égalité n’est pas une fiction. Tout supérieur l’éprouve, au contraire, comme la plus banale des réalités. Pas de maître qui ne s’endorme et ne risque ainsi de laisser filer son esclave, pas d’homme qui ne soit capable d’en tuer un autre, pas de force qui s’impose sans avoir à se légitimer, à reconnaître donc, pour que l’inégalité puisse fonctionner, une égalité irréductible. [bgcolor=#CCFFFF]Dès que l’obéissance doit passer pour un principe de légitimité, qu’il doit y avoir des lois qui s’imposent en tant que lois et des institutions qui incarnent le commun de la communauté, le commandement doit supposer une égalité entre celui qui commande et celui qui est commandé.[/bgcolor] Ceux qui se croient malins et réalistes peuvent toujours dire que l’égalité n’est que le doux rêve angélique des imbéciles et des âmes tendres. Malheureusement pour eux, elle est une réalité sans cesse et partout attestée. Pas de service qui s’exécute, pas de savoir qui se transmette, pas d’autorité qui s’établisse sans que le maître ait, si peu que ce soit, à parler « d’égal à égal » avec celui qu’il commande ou instruit. La société inégalitaire ne peut fonctionner que grâce à une multitude de relations égalitaires. C’est cette intrication de l’égalité dans l’inégalité que le scandale démocratique vient manifester pour en faire le fondement même du pouvoir commun. (…)

La représentation n’a jamais été un système inventé pour pallier l’accroissement des populations. Elle n’est pas une forme d’adaptation de la démocratie aux temps modernes et aux vastes espaces. Elle est, de plein droit, une forme oligarchique, une représentation des minorités qui ont titre à s’occuper des affaires communes. (…)

[bgcolor=#FFFF99]

L’évidence qui assimile la démocratie à la forme du gouvernement représentatif, issu de l’élection, est toute récente dans l’histoire. La représentation est dans son origine l’exact opposé de la démocratie. Nul ne l’ignore au temps des révolutions américaine et française. Les Pères fondateurs et nombre de leurs émules français y voient justement le moyen pour l’élite d’exercer en fait, au nom du peuple, le pouvoir qu’elle est obligée de lui reconnaître mais qu’il ne saurait exercer sans ruiner le principe même du gouvernement. (…) La « démocratie représentative » peut sembler aujourd’hui un pléonasme. Mais cela a d’abord été un oxymore. (…)

[/bgcolor]

Le suffrage universel n’est en rien une conséquence naturelle de la démocratie. La démocratie n’a pas de conséquence naturelle précisément parce qu’elle est la division de la « nature », le lien rompu entre propriétés naturelles et formes de gouvernement. Le suffrage universel est une forme mixte, née de l’oligarchie, détournée par le combat démocratique et perpétuellement reconquise par l’oligarchie qui propose ses candidats et quelquefois ses décisions au choix du corps électoral sans jamais pouvoir exclure le risque que le corps électoral se comporte comme une population de tirage au sort.

(…) On peut énumérer les règles définissant le minimum permettant à un système représentatif de se déclarer démocratique. [Suit un catalogue de principes que l’on croirait extraits du texte de Étienne Chouard : non-cumul, réduction des dépenses de campagne, « contrôle de l’ingérence des puissances économiques dans les processus électoraux »…]. De telles règles n’ont rien d’extravagant et, dans le passé, bien des penseurs ou des législateurs, peu portés à l’amour inconsidéré du peuple [Des noms, des noms !], les ont examinées avec attention comme des moyens d’assurer l’équilibre des pouvoirs, de dissocier la représentation de la volonté générale de celle des intérêts particuliers et d’éviter ce qu’ils considéraient comme le pire des gouvernements : le gouvernement de ceux qui aiment le pouvoir et sont adroits à s’en emparer. Il suffit pourtant aujourd’hui de les énumérer pour susciter l’hilarité. À bon droit : [b]ce que nous appelons démocratie est un fonctionnement étatique et gouvernemental exactement inverse. (…) En bref : l’accaparement de la chose publique par une solide alliance de l’oligarchie étatique et de l’oligarchie économique. /b Les maux dont souffrent nos démocraties sont d’abord les maux liés à l’insatiable appétit des oligarques. [Merci de le rappeler.]

Nous ne vivons pas dans des démocraties. (…) Nous vivons dans des États de droits oligarchiques, c’est-à-dire dans des États où le pouvoir de l’État est limité par la double reconnaissance de la souveraineté populaire et des libertés individuelles. »

Bonjour à tous, je suis très intéressé par cette discussion sur la meilleure façon de prendre en compte les opinions des citoyens dans les décisions de ceux qui seront appelés provisoirement à gouverner.
Comme Étienne Chouard et tant d’autres personnes, j’ai été déçu de multiples fois par les actes des élus qui étaient contraires aux promesses des candidats, par le coût des campagnes électorales qui entraîne la dépendance envers les élites économiques des personnes qui sont censées représenter le peuple et en fait ne représentent qu’eux-mêmes.

Le tirage au sort représente peut être une meilleure solution ou peut être que de manière intuitive un mélange des deux systèmes serait mieux à même de nous satisfaire, nous pourrions en discuter pendant des années, mais je crois qu’il serait mieux d’expérimenter à petite échelle et de manière mesurée avec ce que l’on pourrait appeler des expériences pilotes. Ceci afin d’avoir devant les yeux les avantages et les inconvénients du système.

Il me semble que réclamer le droit à l’expérimentation d’une dose de tirage au sort, alors que certains tenants de l’oligarchie représentative se rendent compte de la désaffection de leur système et nous proposent la « démocratie participative », chiche, prenons-les au mot et réclamons déjà une dose de tirage au sort au niveau communal.

D’autre part, Étienne est ce qu’il serait possible de demander au professeur d’informatique que vous êtes, de comprimer au format zip ou tout autre format acceptable par les dérivés d’Unix, c’est à dire tar.gz ou tar.bz2 par exemple, votre fichier Liens_en_totalite.pdf cité dans votre message 3967 ?

(tar.bz2 aurait ma préférence et il est possible d’en créer à partir de Windows avec le logiciel Peazip disponible ici → http://peazip.sourceforge.net/ )

Au bout d’une minute, je n’ai téléchargé que 1% de ce fichier, c’est à dire que si je veux le télécharger en totalité, il me faut 100 mn. :frowning:

Merci de prendre en compte ma remarque. :slight_smile:

[Cher Gilles, NingúnOtro a répondu très vite ce que j’aurais aussi répondu, ce qui m’a conduit à me taire :confused:
Cette page de liens fait aujourd’hui presque 600 pages et ne peut guère être compressée davantage. Il faut donc patienter un peu, mais je crois que ça en vaut la peine : c’est une passionnante base de données où tout s’articule, de près ou de loin, avec la bagarre des hommes contre les abus de pouvoir. Merci pour votre travail. Étienne. 22 spt. 2008, 2h40 du matin]

Gilles, j’ai fait un test sous GNU/Linux… c’est bien le .bz2 qui est le plus compacte, mais sur le fichier que tu veux, cela fait quand-même 7,7Mo au lieu des 8,8Mo originaux… alors on ne gagne pas trop en origine. Tu devrais essayer une connexion ADSL dans un cybercafé et le transporter sur un pen-drive.

Pour alléger ce PDF, il faudrait le refaire pour simplifier l’usage des polices de caractères… il-y-à trop de différentes qui sont incrustées total ou partiellement par le logiciel avec lequel le fichier à été crée.

Un fichier exclusivement texte, qui simule le formatage des alignements au centre en remplissant d’espaces, et qui n’inclus pas les illustrations… fait 2,9Mo à lui tout seul!

Pas facile donc de résoudre ton problème, mais il est utile qu’il soit posée parce-que cela nous met face aux problèmes que nous allons rencontrer en voulant communiquer plus et mieux avec les citoyens de toute l’Europe.

[bgcolor=#FFFF99]« Alain contre la proportionnelle, scrutin injuste qui abandonne le pouvoir aux partis »[/bgcolor]

http://etienne.chouard.free.fr/Europe/forum/index.php?2008/09/20/95-alain-contre-la-proportionnelle-scrutin-injuste-qui-abandonne-le-pouvoir-aux-partis

Je signale sur le blog quatre ‘propos’ passionnants d’Alain à propos des modes de scrutin.

C’est tellement utile à ce fil du forum que j’en reproduis aussi le texte ici (sans mise en forme).

[b]• Entre le plébiscite et le référendum, une voie moyenne : des députés indépendants des partis et le contrôle permanent des pouvoirs.[/b]

Le plébiscite consiste à demander au peuple : « Quels maîtres voulez-vous ? Voici un exposé de leurs principes, quant à la police, quant à la guerre, quant à la consommation, quant à la production ; réfléchissez et choisissez. Après cela, vous donnerez un long crédit aux maîtres que vous aurez choisis ; ils pourront légiférer et gouverner en regardant au loin, comme de bons pilotes, au lieu d’être arrêtés à chaque instant par les réclamations des uns et des autres. » Ainsi vivent tous les pouvoirs monarchiques ou oligarchiques ; car tous les citoyens ne sont pas malheureux en même temps, et les abus de pouvoir, si l’on n’y remédie sur l’heure, sont bientôt oubliés ; par-dessus tout le citoyen hésite devant une révolution qui est, dans un tel système, son unique ressource. Ajoutons que ce pouvoir fort a bientôt fait de rafraîchir les têtes chaudes et de bâillonner ceux qui parlent trop ; l’oubli vient ainsi avant que la réflexion s’éveille. Aussi la tyrannie, avec un peu d’adresse et de bonheur, peut durer longtemps.

Le référendum est un système tout à fait opposé à celui-là, car les pouvoirs ne font alors qu’appliquer les lois; ils ne sont que magistrats. Rien ne peut être changé dans les droits et les devoirs sans que le peuple soit consulté. Par exemple la solution du conflit entre la Marne et l’Aube serait demandée au suffrage universel ; la formule des assurances ouvrières et paysannes, de même ; le plan de notre action au Maroc, de même. Et l’on saisit sans peine pourquoi ce système est impraticable. Chaque citoyen devrait passer son temps à lire, à calculer, à discuter ; ou bien alors il devrait juger d’après l’expérience, je dis son expérience à lui ; mais les répercussions d’une loi sur les fraudes ne se font sentir à tous les citoyens qu’après un long temps ; et elles sont perdues presque toujours dans la masse des faits. Pour le problème marocain, c’est encore plus évident.

Ajoutons que le contrôle des gouvernants par les gouvernés, qui est ce à quoi le peuple tient le plus, et ce qu’il réclamerait certainement par voie de référendum, ne peut s’exercer par le référendum même. [Ah bon ? ÉC] Entre plébiscite et référendum, il faut donc choisir quelque système intermédiaire ; et l’on est ramené au parlementarisme, dans lequel les représentants du peuple exercent un contrôle sans limite sur les actes du pouvoir, et aussi prononcent sur les réformes, en tenant compte à la fois de leurs connaissances propres et de l’opinion de ceux qu’ils représentent. Par ce mécanisme, qui suppose une familiarité et des échanges continuels d’idées entre les électeurs et l’élu, le peuple ne choisit pas ses maîtres ; il fait bien mieux, il règle, il modère, il redresse l’action des maîtres qu’il a, quels qu’ils soient.

C’est pourquoi le caractère du député, ses habitudes de travail, sa clairvoyance, son indépendance sont le principal, une fois que le principe de la souveraineté du peuple est posé et maintenu. S’il s’agit de mettre au jour quelque friponnerie d’administration, un modéré, s’il n’est ni ignorant, ni faible, ni dépendant, vaut assurément mieux qu’un paresseux, un craintif, un sceptique, un prodigue, un brouillon qui aurait l’étiquette radicale. Et si, dans ma circonscription, mon candidat n’étant pas élu, l’élu est un homme intègre et qui travaille, je suis représenté tout de même ; car si je connais un abus de pouvoir ou quelque gaspillage dans l’administration, je saurai à qui m’adresser. Voilà pourquoi je veux que l’on considère plutôt le caractère d’un homme, sa probité et sa puissance de travail, que le parti organisé dont il aura reçu l’investiture.

30 juin 1911.

[b]• Contre la proportionnelle, scrutin injuste.[/b]

Quand ils ont dit que la Proportionnelle est juste, ils croient avoir tout dit. Et je vois bien une espèce de justice au premier moment, c’est-à-dire quand on nomme les députés ; mais encore faudrait-il y regarder de près. Si l’électeur est moins libre et moins éclairé dans son choix, est-ce juste ? Si les comités départementaux ont tout pouvoir pour imposer tel candidat et surtout pour en éliminer un autre, est-ce juste ? Si un homme droit et sûr prête son appui, par nécessité, à des ambitieux aussi riches d’appétits que de talents, mais de pauvre caractère, est-ce juste ? Si un ferme et libre esprit ne peut être élu qu’en traitant avec un parti, est-ce juste ? Si les partis ainsi organisés ont presque tout pouvoir pour échapper à la pression des électeurs, et tromper leurs espérances, est-ce juste ? Si l’élite, déjà si puissante, se trouve fortifiée encore par ce nouveau système électoral, est-ce juste ? Si l’influence des politiciens sur les vrais amis du peuple, déjà trop forte, s’exerce alors irrésistiblement, par les délibérations et les votes à l’intérieur du parti, est-ce juste ? Et enfin, si l’écrasement des minorités est injuste dans la circonscription, par quel miracle devient-il juste au parlement ? Car il faut bien que l’on décide enfin, et que la majorité l’emporte. En somme, quand vous dites que la Proportionnelle c’est la justice, j’ouvre bien les yeux, car j’aime la justice, mais je ne comprends rien, je ne perçois rien de ce que vous annoncez.

En revanche, il y a quelque chose que je comprends très bien et que je perçois très bien, c’est que les opinions pour et contre la Proportionnelle correspondent à des opinions très bien définies concernant l’avenir de la République. Car les uns, qui sont l’élite, et que je reconnaîtrais presque au port de la tête, craignent par-dessus tout ce qu’ils appellent la démagogie et les intérêts de clocher. Ils veulent qu’en toute chose, armée, impôts, travaux publics, ce soient les compétences qui décident ; ils veulent que la grande politique, qu’ils appellent nationale, échappe tout à fait au contrôle des petites gens, pour qui vivre de leur travail et s’assurer contre les risques est la grande affaire. Enfin ils se défient de l’électeur. C’est contre l’électeur qu’ils ont inventé la Proportionnelle, et l’invention est bonne.

Les autres savent trop, par trop d’expériences, ce que devient la volonté populaire lorsqu’elle se heurte à l’action continue des grands Ambassadeurs, des grands Banquiers et des grands Bureaucrates. Ils savent trop comment les députés cherchent trop souvent autour d’eux, dans ce milieu parlementaire qui a ses préjugés propres, un appui contre l’électeur, et de beaux prétextes pour oublier leurs promesses. Ils savent que les grands intrigants sont déjà assez forts, et disposent déjà trop des réputations et des influences ; que l’air parisien est déjà assez mauvais et dangereux pour les provinciaux même les plus rustiques ; et qu’enfin le scrutin d’arrondissement est la meilleure arme de la province contre l’élite parisienne. Prise ainsi, la question est assez claire, il me semble. Et c’est parce que ces raisons commencent à se dessiner dans le brouillard, que cet accord apparent de la plupart des députés recouvre en réalité des divisions profondes et une résistance formidable.

14 juillet 1914.

[b]• Un bon scrutin permet de contrôler, de blâmer et de détrôner tous les pouvoirs. Le scrutin proportionnel, lui, offre un droit fictif et ne permet pas davantage que de choisir un tyran parmi plusieurs tyrans.[/b]

Je vois que la Ligue des Droits de l’Homme, dans son bulletin, recommande des cartes postales « proportionnalistes ». Il est remarquable que tant de Républicains éclairés se soient laissés prendre par les mots. Pour la Justice, pour le droit de l’électeur, ce beau programme devait plaire à la Ligue. Un homme raisonnable me disait encore il n’y a pas longtemps : « Je suis Proportionnaliste tout simplement parce que je veux conquérir mon droit d’électeur. Je suis républicain, et assez décidé ; j’appartiens à une circonscription où le royaliste est élu tous les quatre ans, sans lutte possible. Que je vote ou que je ne vote pas, le résultat est, le même ; je demande seulement que mon suffrage ne soit pas perdu ». Raison de belle apparence, mais qui ne me frappe point.

Voter, ce n’est pas précisément un des droits de l’Homme ; on vivrait très bien sans voter, si l’on avait la sûreté, l’égalité, la liberté. Le vote n’est qu’un moyen de conserver tous ces biens. L’expérience a fait voir cent fois qu’une élite gouvernante, qu’elle gouverne d’après l’hérédité, ou par la science acquise, arrive très vite à priver les citoyens de toute liberté, si le peuple n’exerce pas un pouvoir de contrôle, de blâme et enfin de renvoi. Quand je vote, je n’exerce pas un droit, je défends tous mes droits. Il ne s’agit donc pas de savoir si mon vote est perdu ou non, mais bien de savoir si le résultat cherché est atteint, c’est-à-dire si les pouvoirs sont contrôlés, blâmés et enfin détrônés dès qu’ils méconnaissent les droits des citoyens.

On conçoit très bien un système politique, par exemple le plébiscite, où chaque citoyen votera une fois librement, sans que ses droits soient pour cela bien gardés. Aussi je ne tiens pas tant à choisir effectivement, et pour ma part, tel ou tel maître, qu’à être assuré que le maître n’est pas le maître, mais seulement le serviteur du peuple. C’est dire que je ne changerai pas mes droits réels pour un droit fictif.

Or la Proportionnelle m’offre un droit fictif, qui est de choisir pour mon compte, entre trois ou quatre Partis, quel sera le Parti-Tyran. Mais que ce soit selon mon choix ou selon un autre, le Parti-Tyran sera toujours tyran, et mes droits seront toujours diminués. Dès que le député dépend plus d’un journal ou d’un comité, et moins de l’électeur, la liberté est menacée. Je dis la liberté de tous. Car si je suis radical, et si les radicaux sont les maîtres, j’aurai bien quelques faveurs si je les demande ; mais je n’appelle point cela liberté. Ce que j’appelle liberté, c’est la dépendance étroite de l’élu par rapport à l’électeur. C’est d’après cela seulement que je juge un système électoral. En termes bien clairs, il s’agit pour moi d’empêcher que les riches ajoutent le pouvoir politique au pouvoir économique qu’ils ont déjà. Or, avec les Partis et la Haute Politique, je suis assuré que les riches gouverneront. Tandis qu’avec notre système, et les perfectionnements qu’il peut aisément recevoir, comme limitation des dépenses électorales et secret du vote, nous arriverons à tenir en bride les Grands Politiques, et les Hommes d’État impatients qui ne parlent que de restaurer l’autorité. Merci du cadeau. Le meilleur des rois ne vaut rien.

6 décembre 1912.

[b]• Nécessaire indépendance des députés à l’égard des partis. Tout contribue à jeter le chef dans de folles entreprises. L’élection ne vaut pas contrôle.[/b]

Autant qu’un député juge à la manière d’un arbitre, et sans considérer un parti ou l’autre, le peuple est libre, aussi libre que la condition humaine le permet. Ce qui aura semblé nécessaire, utile, ou permis, au plus grand nombre de ces arbitres sera tenu pour tel, et très raisonnablement. Il n’en sera plus de même si le député considère les partis. Car, si l’accusé, ici le ministre, est un des chefs de son propre parti, il le soutiendra peut-être sans trop examiner, en vue de se rapprocher de la tête. Si l’accusé est soutenu par l’autre parti, encore bien mieux notre homme imaginera quelque ministère pour lui-même ou pour ses amis. Dans tous les cas il combattra comme soldat d’une armée ; il combattra au lieu de juger. C’est ce qu’on voit toujours à quelque degré, car rien n’est parfait ; mais le degré est ce qui importe. Supposez qu’un puissant parti occupe le pouvoir, et paraisse en mesure de punir les indisciplinés et les traîtres par une exclusion efficace, tout contrôle est rendu impossible et la liberté est perdue.

Les choses ne seront jamais tout à fait ainsi, parce que nul système électoral ne détournera tout à fait le peuple de disloquer les partis et de choisir des hommes. Mais il faut convenir que le système des listes, qui vise toujours à écarter les isolés, nuit au contrôle et donne plus de liberté aux pouvoirs quels qu’ils soient. Vouloir que le chef aime le scrutin d’arrondissement, c’est trop demander. Les hommes font voir ici une clairvoyance admirable. Observez les opinions, et vous remarquerez qu’elles dépendent des fonctions. Tout homme qui détient une parcelle des pouvoirs, quand ce ne serait qu’un chef de bureau, est pour le scrutin de liste et contre le scrutin d’arrondissement. Aux yeux de celui qui n’est point du tout chef, la proportionnelle est suspecte en ceci qu’elle suppose des listes et des partis. Par la même raison tous les tyrans, grands et petits, tiennent pour la représentation proportionnelle. Les socialistes ne sont pas loin de le comprendre, mais seulement par les effets, et non point par les causes ; sans compter qu’ils sont aisément un peu tyrans, et de bonne foi. « Si j’étais roi », telle est leur chanson.

Si tu étais roi sans contrôle, tu serais un mauvais roi. Il n’est point de sagesse qui ne s’use à exercer le pouvoir. L’importance, une pointe toujours d’entêtement, les difficultés réelles, l’excès même du travail et le poids de mille affaires, enfin la mécanique du pouvoir, qui est l’administration, tout contribue à jeter le chef en de folles entreprises. Je le suppose honnête, attaché au bien public, amoureux de la vraie gloire ; cela ne changera rien. Et pareillement je suppose que ceux qui l’ont choisi soient réellement le plus grand nombre, cela ne changera rien si ceux qui l’ont choisi n’ont pas le pouvoir de le modérer. Que les femmes votent, cela ne changera rien. Mais au contraire, soit que les hommes votent seuls, soit que les femmes s’y joignent, et que les chefs de famille aient plusieurs voix ou non, pourvu que le député soit tenu par les électeurs et non par les partis, le pouvoir sera tenu de dire ses secrets, d’exposer ses projets, d’étaler ses comptes ; et tout ira passablement.

12 janvier 1924.


Sources : « éléments d’une doctrine radicale » et « Alain, Propos sur les pouvoirs », propos choisis et classés par Francis Kaplan, Folio Essais n°1, 1985, p. 232.

Tout à fait d’accord sur les défauts de la proportionnelle, entre autres le fait de confisquer la volonté des électorats et de la remplacer par la volonté des élites inamovibles de chacun des partis.

Malheureusement, il n’y à pas grand chose que nous pouvions y faire directement… il nous faut nous organiser pour que cette confiscation ne soit pas possible dans notre propre parti ou mouvement, et alors gagner les élections avec assez de force pour pouvoir changer les lois qui reglementent la constitution et gérence démocratique des partis politiques.

Condition sine qua non, parce-que ce ne sont pas les partis déjà instrumentalisées qui vont promouvoir ce changement, tout comme ils ne nous donneront pas le RIC.

Bonjour,
[align=center]Tirage au sort; Inconvenients et propositions [/align]

j’ai remarqué que de nombreux fils sur le forum sont « brouillés » par la question du tirage au sort. C’est important pour beaucoup mais de fait, on y revient sans cesse. En effet, je veux bien moi aussi, admettre que le tirage au sort ait des vertus, ( voir les messages du fil) mais tous les types de scrutin ont des avantages et des inconvénients.

J’ai donc essayé de lister les quelques inconvénients du tirage au sort qui me paraissent importants …

D’abord, il ne se suffit pas à lui même.

- a) Imaginons une assemblée d’élus tirés au sort. . Que se passe t’il pendant la durée du mandat de ces élus ? Les autres citoyens n’ont plus rien à dire, puisque bien évidemment il ne peut y avoir remise en cause des tirés au sort, sauf malversation des tirés au sort, (un nouveau tirage au sort ne créerait pas une situation nouvelle) ceux ci étant sensés être capables au sein de l’assemblée de trouver ce qui correspond à l’inconscient du peuple. Donc, pour que les citoyens ne soient pas absents du débat public, il faudrait imaginer que chaque décision de l’assemblée « des tirés au sort » soit immédiatement soumise au peuple pour validation et / ou confirmation. C'est un peu lourd.
  • b) Bien évidemment il n’y a pas non plus possibilité de mandats impératifs. (Je suis contre le mandat impératif mais comme ici, certains s’en prévalent je mentionne cette impossibilité). Par principe, le tiré au sort participe en son âme et conscience.

Ensuite la légitimité des tirés au sort n’est assise sur rien .
- [b]a) Légitimité vis a vis des citoyens.[/b] Bien évidemment , il faudra être volontaire pour être désigné par tirage au sort. Mais les citoyens qui ne désirent pas être volontaires , que deviennent’ils ? Ils n’ont plus rien a faire dans cette démocratie clérocratique. Et puis, le citoyen est pour rien dans la désignation du tiré au sort. Dès le tirage au sort passé, les volontaires- perdants du tirage se désintéresseront eux aussi de la question. Il y aura rupture du lien de considération entre le représentant et les représentés.
  • b) Légitimité vis a vis de l’administration.
    Elle sera nulle ou très réduite, car c’est l’administration ou la technostructure qui assure la permanence de l’institution. Il est clair que les technocrates auront vite fait de prendre le pas et de s’imposer à l’assemblée des tirés au sort. On peut même se poser la question de la considération ou de l’intérêt des tirés au sort pour l’institution elle même, où ils siègeront. Ils serotn là par la grâce divine de la loterie. Nous aurions très vite un régime bureaucratique. Ce sera le règne des technocrates.

Enfin se pose la question des présélections des tirés au sort.
- a) Soit chaque électeur volontaire est affublé d’un numéro de 1 à 25 millions de volontaires , (il y a environ 42 millions d’électeurs en France). Puis, le tirage au sort est organisé sur le modèle du Loto . Encore faut-il tenir compte des territoires, etc etc. .. Et là c’est le hasard complet, sauf pour la parité. Ca ne tient pas debout. D'ailleurs tout le monde prévoit des filtres ou des préselections. Ce qui signifie que le tirage au sort n'est pas bon dans l'absolu.
  • b) Dans le projet d’AJH, un groupe de 10 amis désigne un préreprésentant etc etc . mais dès ce moment là il peut y avoir pression, corruption, d’autant que plusieurs groupes de 10 peuvent choisir le même pré-représentant, (si j’ai bien compris), qui sera sélectionné pour le tirage au sort.

  • c) Dans le projet du cercle clérocratique. C’est 1 représentant choisi par 3 000 électeurs ( ce qu’il appelle la cellule de base) lors d’une élection. Puis il y a un autre niveau. Ensuite il y a tirage au sort. Mais a chaque fois il institue des filtres . Il faudrait vérifier sur quels éléments sont basés ces filtres.( j’au cru comprendre qu’il y avait la compétence et le niveau du postulant hum ??). Quoiqu’il en soit. Il y a d’abord élection pour réduire la base. Donc si on admet l’intérêt du fait électoral, pourquoi alors ce besoin de critiquer à toutes forces, la démocratie représentative ? C’est donc qu’on lui trouve aussi des vertus.


Ainsi cela confirme le point de départ. Tous les types de scrutin ont leurs intérêts et leurs inconvénients. Ce que je crois que personne ne conteste.

Comment intégrer le tirage au sort dans notre panoplie démocratique actuelle

Il est clair, en raison des arguments vus plus haut, que le rôle qui serait dévolu à de telles assemblées de tirés au sort ne serait qu’une fonction de contre pouvoir. ( contrôle et suivi des institutions, validation, suggestions, propositions, avis etc etc). Ce serait des jury citoyens mais autonomes et indépendants et non pas créés et supervisés par les tenants des pouvoirs en place.

A deux niveaux on pourrait proposer une telle introduction du tirage au sort.

Au Niveau National
Cela semble assez simple pour le Sénat puisque il est déjà élu de façon indirecte , le corps électoral est bien défini et pas très nombreux.

-SENAT sreait donc une Chambre clérocratique. ( je crois que déjà quelqu'un l'a proposé) ; les sénateurs seraient tirés au sort parmi les conseillers municipaux sans autre mandat, (conseillers municipaux de base) en respectant la parité homme femmes, et une représentation territoriale équilibrée. ( Exemple 2O sénateurs dans chaque région) ce qui fait entre 400 et 440 sénateurs.). Bien évidemment le Comité Economique et Social National est supprimé puisqu’on peut considérer que ces conseillers de base sont représentatifs de la société civile.
[color=blue][b]Au Niveau Régional.[/b][/color]
[b]Les Conseils Economiques et Sociaux Régionaux [/b]actuels seraient remplacés par des chambres de tirés au sort parmi les conseillers municipaux de base de chaque région. Ainsi, ce serait une nouvelle étape de la décentralisation qui donnerait à l’institution régionale une seconde chambre dont le rôle serait de contrôler et de faire des propositions à l’assemblée régionale élue.
Ces deux réformes pourraient être inscrites dans un programme. J’aimerais avoir votre avis.

En tout cas, je me propose d’inscrire ces deux propositions dans mon « pacte démocratique » voir mon blog Changer la république.

Tirage au sort : commentaires et suggestions d’Orbi

Merci, Orbi, d’avoir remis le débat à sa place. Cette question du tirage au sort est effectivement en train de contaminer les autres fils - en particulier le fil « Étienne Chouard, tête de liste…. » - avec des résultats autres que ceux que nous recherchons tous, j’en suis sûr, de bonne foi.

La question est importante 1) parce qu’elle touche directement à la question de la souveraineté (nationale ou populaire) et de son exercice, et 2) parce que Étienne, initiateur du site, en a fait un des axes majeurs de son programme. Étienne, je le reconnais, n’est pas le seul à voir dans le tirage au sort un moyen de remédier aux déficiences de l’élection : certains juristes considèrent même qu’en théorie (sinon en pratique) le tirage au sort serait le mode de désignation le plus démocratique.

La très bonne analyse d’Orbi dit l’essentiel de ce que j’aurais voulu dire. Quand même, un complément (un peu théorique : pardon) :

  1. D’abord, je suppose que nous sommes tous d’accord pour définir le tirage au sort, dans le présent contexte, comme un moyen de désigner des personnes chargées d’exercer des fonctions publiques.

  2. Les fonctions publiques sont de deux ordres : 1) fonctions décisionnelles (fonctions d’autorité - présidentielles, gouvernementales, juridictionnelles, et - par exemple quand il s’agit d’adopter la loi et de nommer ou renverser le gouvernement - fonctions parlementaires ; 2) fonctions de contrôle (comme lorsque le Parlement supervise l’action du gouvernement au moyen des débats, des questions orales et des commissions d’enquête).

  3. Qui dit fonctions publiques dit exercice de la souveraineté.

  4. En démocratie (laissons de côté les dictatures et les théocraties), on connaît deux définitions de la souveraineté : 1) souveraineté populaire (la souveraineté appartient aux citoyens, dont chacun détient sa part individuelle de souveraineté et en délégue l’exercice à une ou plusieurs personnes ; ces délégués agissent au nom des citoyens de leur circonscription, qui devraient normalement pouvoir leur donner des instructions et les révoquer) ; 2) souveraineté nationale (la souveraineté appartient à la Nation, ensemble des personnes désireuses de vivre ensemble et de se gouverner de manière autonome par rapport aux autres groupes de personnes, cela sur la base de principes, de traditions et d’objectifs communs - la Nation transcende la somme des citoyens ; les citoyens élisent des représentants qui chacun représentent la Nation et non les citoyens de leur circonscription et ne sont donc pas susceptibles de recevoir des instructions des électeurs ni d’être révoqués par eux).

  5. Le choix entre souveraineté populaire et souveraineté nationale n’est pas évident, et aux yeux de la quasi-totalité de la population il paraît sans intérêt pratique. D’où l’Article 3-1 de la constitution française actuelle : “La souveraineté nationale appartient au peuple [,] qui l’exerce par ses représentants et par la voie du référendum”, habile manière de noyer le poisson.

De ce qui précéde (c’est à ça que que je voulais en venir), je conclus qu’en démocratie (gouvernement du peuple par le peuple et pour le peuple) le tirage au sort comme moyen de désigner les titulaires de fonctions décisionnelles ne cadre ni avec le concept de la souveraineté populaire ni avec le concept de la souveraineté nationale. La raison en est qu’il s’agit d’un mode de désignation aléatoire et non d’une délégation (le peuple n’intervient pas) ou d’une représentation (qui suppose que le représentant soit choisi en connaissance de cause, car celui qui est représenté par n’importe qui n’est représenté par personne).

Je ne reviens pas sur le détail des arguments pratiques et historiques déjà donnés à plusieurs reprises contre le tirage au sort, arguments qui me semblent ne jamais avoir été vraiment réfutés sur notre site et dont les deux principaux sont les suivants :

  • On ne tire pas son médecin au sort : pourquoi en irait-il différemment pour son député ?

  • Surtout, l’exemple d’Athènes, si souvent invoqué, n’a jamais été imité en ce qui concerne les fonctions gouvernementales, ce qui en dit déjà long. Sans compter que la donne athénienne (démographique, sociale) était si différente de la donne moderne qu’on se demande si l’on peut vraiment parler d’un précédent athénien.

Je pense donc comme Orbi qu’il faut réserver le tirage au sort aux fonctions de contrôle. À cet égard, je suis favorable moi aussi au système du « jury citoyen » proposé à l’origine par Ségolène Royal (personnellement, je préfèrerais qu’on parle de « comité civique »).

En ce qui concerne la réforme du Sénat et des Conseils économiques et sociaux régionaux, je la vois autrement qu’Orbi, mais je n’ai pas d’objection majeure à ses propositions.

Enfin, si l’élection présente des inconvénients, on peut tâcher de les corriger : et il me semble que nous nous en occupons ici (non-cumul des mandats, candidature collégiale, non-renouvellement, etc.). JR

@ Jacques,

On ne tire pas son médecin au sort
[color=purple]Il me semble que ce n'est pas tout à fait vrai. En général, on choisit son médecin sur des critères de proximité géographique et de "feeling", et rarement en fonction de ses compétences, qui sont d'ailleurs quasiment impossible à déterminer avec précision et objectivité. Les avis sur tel ou tel médecin divergent souvent selon les personnes qui l'ont "essayé".[/color]

Candide (6165),

Je n’en demanderais guère plus : choisir mon député sur un critère de proximité géographique et en fonction de l’impression que j’en ai : ce que le tirage au sort ne permet en aucune mesure. JR