3A1 Désignation des représentants politiques : élections (et avec quel mode de scrutin) ou tirage au sort ?

Merci Orbi, c’est intéressant.
On progresse.
:slight_smile:

Instit, [bgcolor=#FFFF99]vous vous énervez trop vite[/bgcolor], sur des malentendus multiples, dans votre message 6350 contre la démocratie athénienne, vous me dites :

"Bon d'accord. Imaginons qu'on instaure le tirage au sort.

Je cite :

" Mais pour corriger le sort, écrit-il, il [Solon] régla qu’on ne pourrait élire [c’est-à-dire, ici, tirer au sort] que dans le nombre de ceux qui se présenteraient : que celui qui aurait été élu serait examiné par des juges "

Des juges ? Qu’est-ce que des juges ont à voir avec le pouvoir exécutif ? Qu’est-ce que des juges ont à voir avec le pouvoir législatif ? Qu’est-ce que des juges ont à voir avec le pouvoir constituant ?

Qu’est-ce que c’est que ces juges ? D’où ils sortent ? Qui les a choisis ? Quelle légitimité ont-ils ?

Non seulement des juges auraient le pouvoir judiciaire, mais en plus ils auraient le pouvoir de peser sur le choix du pouvoir exécutif ? Ou sur le choix du pouvoir législatif ? Ou sur le choix du pouvoir constituant ?

Ce serait inadmissible à mes yeux.

D’abord, ça bafoue la séparation des pouvoirs.

Ensuite, ça donne un pouvoir terrifiant à ces juges. Nous basculerions de la démocratie vers la jugeocratie.

Je cite : " chacun pourrait l’accuser d’en être indigne : cela tenait en même temps du sort et du choix. "

Imaginons que le tirage au sort soit instauré. Aussitôt, des dizaines de volontaires se présentent pour participer au tirage au sort. Parmi ces dizaines de candidats, je ne prends que trois exemples, seulement trois exemples : Nicolas, Ségolène, Jean-Marie.

1- Les partisans de Nicolas et les partisans de Ségolène accusent Jean-Marie d’être indigne d’être candidat.

2- Les partisans de Nicolas et les partisans de Jean-Marie accusent Ségolène d’être indigne d’être candidate.

3- Les partisans de Ségolène et les partisans de Jean-Marie accusent Nicolas d’être indigne d’être candidat.

Qui tranche ? Les juges ? C’est bien ce que je disais plus haut : on n’est plus dans la démocratie. On est dans la jugeocratie.

Je cite : " Quand on avait fini le temps de sa magistrature, il fallait essuyer un autre jugement sur la manière dont on s’était comporté. "

Qui prononce cet autre jugement à la fin du mandat ? Les juges ? C’est bien ce que je disais plus haut : on n’est plus dans la démocratie. On est dans la jugeocratie.

Ce système est anti-démocratique. Ce système est le contraire de la démocratie. Il prive le peuple de sa liberté de choix. Il donne un pouvoir scandaleusement exorbitant à une corporation unique : les juges. Ce système n’est qu’un système oligarchique."


Vous parlez de [bgcolor=#66FF00]jugeocratie[/bgcolor] (c’est marrant, ce terme, c’est bien trouvé et ça pourrait servir pour l’UE. On parle de gouvernement des juges, et c’est une horreur, nous sommes d’accord !), mais vous oubliez (et ça change tout) que les magistrats d’Athènes sont les citoyens eux-mêmes, à tour de rôle (et qu’alors la « jugeocratie », c’est simplement… la démocratie…), vous oubliez que leurs mandats sont courts et non renouvelables, vous négligez qu’ils sont surveillés (par d’autres magistrats) et éventuellement punis : le mot « juge » vous fait courir le risque d’un véritable [bgcolor=#FFFF99]anachronisme[/bgcolor] si vous n’étudiez pas un peu ce que le mot « magistrat » signifie à l’époque : les magistrats sont des personnes temporairement mises au-dessus des autres (magis = davantage, en latin), dont les fonctions sont essentiellement politiques (les conflits individuels étaient plutôt réglés par arbitrage à l’époque) : rien à voir avec nos magistrats modernes, RIEN. Attention aux contresens, donc.

Lisez un livre sur la démocratie athénienne, je vous le conseille sans prétention (je découvre moi-même cette Histoire méconnue avec émerveillement) : vous verrez que tout ce qui vous effraie repose sur des malentendus, des erreurs, à mon avis. (Je n’ai lu que 5 ou 6 livres sur la question, je ne suis donc pas du tout un expert mais un amateur, au sens strict ; et débutant, en plus. Je dis tout ça sans prétention, donc.)

Je vous conseille chaleureusement la lecture de [bgcolor=#FFFF99]Bernard Manin, « Principes du gouvernement représentatif »[/bgcolor]. Je sais, ce n’est un titre très sexy, pas très attrayant, mais ce livre est absolument captivant dès le premier paragraphe, c’est pile poil sur notre sujet, vous serez scotché par les cent première pages, j’en suis sûr. Je vous le rembourse si vous êtes déçu :confused:

Ensuite, vous lirez sans doute (dans l’élan) le pur bijou écrit par [bgcolor=#FFFF99]Mogens H. Hansen, « La démocratie athénienne à l’époque de Démosthène »[/bgcolor] : ça se lit comme un roman, le roman passionnant de la vie quotidienne d’une vraie démocratie, roman écrit non pas par un ennemi de la démocratie comme l’aristocrate Platon, mais écrit par un historien favorable à la démocratie : Hansen est un grand savant littéralement passionnant.

Tenez, voici les premières pages du livre de Hansen sur les magistrats (p 263 et s.):

[align=center][b]Chapitre 9 Les magistrats[/b][/align]

Dans l’Athènes de Démosthène, toutes les décisions importantes étaient prises par l’Assemblée, les nomothètes et le Tribunal du Peuple, mais il revenait aux magistrats de les préparer et de les mettre en œuvre.

Par « magistrats », on traduit l’expression hai archai (ou hoi archontés, parfois synonyme malgré un emploi privilégié pour les neuf archontes). Le mot archè signifie bien une magistrature (politique ou judiciaire), mais il se dit aussi fréquemment de la personne qui l’exerce; hai archai, les magistrats, était par conséquent le vocable collectif utilisé pour l’ensemble de ceux qui, au même titre que l’ekklèsia ou les dikastèria, constituaient une des parties gouvernantes du régime.

De toutes les parties qui gouvernaient, l’administration était la moins facile à concilier avec l’idée d’une démocratie directe, où la liberté politique se confondait avec le droit de tous à participer. Ce pourrait bien être pour cela qu’Aristote, quand il dresse la liste des principes fondamentaux de la démocratie dans sa Politique, dit fort peu de choses sur l’Assemblée et les tribunaux (ils ne posaient pas de problèmes particuliers à cet égard), mais cite un grand nombre de principes relatifs à l’exercice d’une fonction publique.

1. [bgcolor=#FFFF99]Tous les citoyens ont le droit de voter pour l'élection des magistrats et d'exercer eux-mêmes une magistrature.[/bgcolor]
  1. [bgcolor=#FFFF99]Chacun à son tour a le devoir d’en exercer une.[/bgcolor]

  2. [bgcolor=#FFFF99]Toutes les magistratures doivent en principe être pourvues par tirage au sort, à l’exception des quelques-unes qui demandaient des compétences particulières.[/bgcolor]

  3. La capacité d’être magistrat ne doit en principe être limitée par aucune qualification censitaire.

  4. [bgcolor=#FFFF99]Sauf les fonctions militaires, nul ne peut exercer la même plus d’une fois[/bgcolor] (ou au plus un nombre restreint de fois).

  5. [bgcolor=#FFFF99]La durée des fonctions doit être aussi réduite que possible.[/bgcolor]

  6. [bgcolor=#FFFF99]Tout doit être décidé par l’Assemblée, rien par les magistrats.[/bgcolor]

  7. Ils doivent être rémunérés (tous, de préférence), en tout cas ceux qui prennent leur repas ensemble.

  8. Si une longue tradition justifie un poste viager, ses pouvoirs doivent être restreints et il doit être pourvu par tirage au sort.

À ces principes énumérés par Aristote, il faut en ajouter deux :

  1. [bgcolor=#FFFF99]Le travail d’administration des magistrats doit être sous le contrôle des organes de décision; ils doivent toujours être tenus de rendre des comptes à l’Assemblée et aux tribunaux[/bgcolor].

  2. [bgcolor=#FFFF99]Les magistrats doivent en principe exercer leur pouvoir en collèges et non individuellement[/bgcolor].


Aristote insiste bien sur ce point : le terme archai n’inclut pas tous ceux qui exercent des responsabilités publiques, élus ou tirés au sort; par exemple ni les prêtres, ni les chorèges, ni les hérauts publics, ni les ambassadeurs ne comptent pour des archai au sens propre. C’était un groupe de personnages officiels bien défini par différentes lois qu’Eschine paraphrase dans son discours Contre Ctésiphon, duquel on peut conclure que les critères pour être magistrat comprenaient l’élection ou le tirage au sort [parmi ceux qui avaient au moins trente ans] ; la soumission à un examen préliminaire ([bgcolor=#FFFF99]docimasie[/bgcolor]) à l’entrée en charge; une durée minimale de trente jours pour cette charge; enfin la [bgcolor=#FFFF99]reddition de comptes /bgcolor en quittant la fonction. Ils avaient le droit de présider les tribunaux (hègémonia ton dikastèriou), d’infliger des amendes d’un montant mineur (épibolas épiballein), de contrôler les fonds publics et de superviser les ouvriers publics.

La seconde partie de la Constitution d’Athènes est constituée pour l’essentiel d’une revue des magistratures les plus importantes : Aristote énumère et décrit quarante-six magistrats ou collèges de magistrats différents. Le trait le plus remarquable dans cette liste, c’est qu’il y compte le Conseil des Cinq Cents pour un collège de magistrats. Cela concorde avec son affirmation, dans La Politique, que le Conseil est le plus important collège de magistrats dans une cité démocratique ; et aussi avec la perception qu’avaient les Athéniens de leur propre constitution : hoi archontés est un terme utilisé dans de nombreuses lois, tant pour les membres du Conseil que pour les autres magistrats. De plus, Eschine parle du Conseil comme d’un collège de magistrats tirés au sort et Démosthène du tirage au sort de « quelque archè que ce soit, celle de membre du Conseil, de thesmothète ou toute autre ». Cependant bien d’autres passages distinguent entre le Conseil et les magistrats ; dans le discours de Démosthène Contre Aristogiton, on rencontre une division quadripartite des organes de l’État : le Conseil, l’Assemblée, le Tribunal du Peuple et les collèges de magistrats. Naturellement, sa taille, sa composition, ses fonctions et son implication dans le travail de l’Assemblée donnaient au Conseil une place particulière parmi les collèges de magistrats ; encore ne faut-il pas trop exagérer cette différence : dans les ouvrages modernes sur la démocratie athénienne, les auteurs y ont insisté jusqu’à oublier pratiquement qu’il était à part entière un collège de magistrats et que ses compétences (comme celles des autres collèges) étaient limitées à la préparation de telle ou telle question pour les organes de décision et à l’exécution de ce que ces derniers décidaient. (…) »


Instit, ne condamnez pas trop vite le tirage au sort. C’est peut-être vous qui avez raison, OK, mais peut-être pas. Laissez une chance à l’idée; au moins le temps de bien la comprendre.

Amicalement.

Étienne.

Imaginons un grand groupe d’êtres humains. Classons-les en fonction de leur rapport au pouvoir.

1- Dans ce grand groupe d’êtres humains, il y en a qui sont d’accord pour diriger.

2- Mais dans ce grand groupe d’êtres humains, il y en a aussi qui ne veulent pas diriger.

3- Enfin, il y a une troisième partie. C’est le groupe de ceux qui ont autre chose à foutre. C’est le groupe de ceux qui ne s’intéressent pas à toutes ces questions de politique. C’est le groupe qui ne s’intéresse pas à toutes ces questions de savoir qui dirige, de savoir comment désigner ceux qui dirigent, de savoir comment sanctionner ceux qui dirigent. En clair : c’est le groupe qui cherche comment survivre. C’est le groupe qui galère. C’est le groupe, DE PLUS EN PLUS NOMBREUX, qui bascule dans la pauvreté.

Bon.

Imaginons que ce grand groupe se réunisse. Une femme prend la parole : " Citoyens, nous sommes 64 millions d’êtres humains. Nous devons choisir ceux qui vont diriger le groupe, ceux qui vont gérer le groupe, ceux qui vont s’occuper de l’intérêt général du groupe. Qui est volontaire ? "

Aussitôt, 100 000 mains se lèvent.

Problème : il faut choisir parmi ces 100 000.

Plusieurs possibilités :

Première possibilité : on prend ceux qui dirigent déjà ! On prend ceux qui ont déjà le pouvoir ! Ensuite, quand ils meurent, on prend leurs enfants ! Quand les enfants meurent, on prend leurs petits-enfants !

Deuxième possibilité : on prend les plus riches. On leur donne le pouvoir.

Troisième possibilité : on prend les plus vieux. On leur donne le pouvoir.

Quatrième possibilité : on vote.

Cinquième possibilité : on tire au sort.

En ce qui me concerne, je préfère la quatrième possibilité pour choisir ceux qui auront le pouvoir politique. Je préfère la quatrième possibilité pour choisir ceux qui auront le pouvoir constituant.

Le tirage au sort ne donne aucune légitimité.

Seul le suffrage universel direct à bulletin secret donne la légitimité.

Actionnariat

Bernarddo dit ceci dans son 5768 :

Il me semble que la voie la plus fructueuse serait de supprimer la rétribution des actionnaires privés des entreprises et de limiter leur actionnariat à leur personnel.

Par quoi je crois comprendre que seuls les employés pourraient être actionnaires privés, puisqu’évidemment il n’y aurait pas d’actionnaires privés sans rétribution de ces actionnaires.

Maintenant, supposons :

  • une entreprise de 100 000 employés qui seuls peuvent être actionnaires.

  • ces employés gagnent en moyenne 3 000 euros par mois, soit globalement à l’année : 3 000 x 12 x 100 000 = 3 600 000 000 (trois-milliards-six-cents-millions)

  • chacun d’entre eux disposé à investir 20 % de leur salaire dans l’entreprise = 720 000 0000 d’euros par an.

Questions :

  1. Cette entreprise pourra-t-elle vivre avec 720 000 000 d’euros par ans? Réponse : non, car sauf erreur une entreprise de cette taille aura besoin d’apports annuels en capitaux 10 à 20 fois supérieurs (Renault ?)

  2. D’où viendraient les neuf dixièmes ou les 19 vingtièmes restants ? Réponse : d’actionnaires privés ou des pouvoirs publics.

  3. Et puis, pourquoi les employés devraient-ils prendre le risque d’investir dans leur entreprise ? JR

Magistrature athénienne et tirage au sort

Dans les principes du vieil Aristote cités par Hansen et au deuxième degré par Étienne (message 6383), je trouve des choses intéressantes :

  • Le principe 1 (Tous les citoyens ont le droit de voter pour l’élection des magistrats et d’exercer eux-mêmes une magistrature) contredit le principe 3 (Toutes les magistratures doivent en principe être pourvues par tirage au sort, à l’exception des quelques-unes qui demandaient des compétences particulières) et le principe 2 (Chacun à son tour a le devoir [d’exercer une magistrature]).

  • Le principe 4 (La capacité d’être magistrat ne doit en principe être limitée par aucune qualification censitaire) implique - ce que je crois en effet me rappeler d’après d’anciennes lectures - que ne sont appelés au tirage au sort que des gens connus - parfois sinon le plus souvent retenus sur une base censitaire - et dont les qualifications ont été vérifiées.

Et surtout, je remarque :

  • Tout doit être décidé par l’Assemblée, rien par les magistrats (principe 7), ce qui exclut le tirage au sort de magistrats « décisionnels ».

Il est entendu, comme Étienne l’a fait remarquer que l’expression « magistrat » désigne du temps d’Athènes et de Rome des personnes chargées d’une fonction publique, et pas seulement les juges. Même chose en France d’ailleurs : un procureur de la République est un magistrat (mais pas un juge, même si dans le jargon judiciaire on lui donne parfois du « juge du parquet »), et aussi (mais l’habitude se perd de leur décerner ce titre) un maire ou un commissaire de police.

En tout cas, il me paraît bien difficile de conclure de ce commentaire de Hansen et des principes d’Aristote que la prochaine assemblée constituante française ou européenne devrait être tirée au sort.

Au fait, par quelle assemblée tirée au sort la constitution démocratique athénienne a-t-elle été rédigée ? JR

[bgcolor=#FFFF99]Histoire du tirage au sort rappelée par Yves Sintomer[/bgcolor]

Bonjour à tous,

Je vous signale deux commentaires que j’ai publiés récemment chez Paul Jorion avec, surtout, une longue citation (extraite du chapitre 2) du livre important d’Yves Sintomer :

[b]Étienne Chouard dit :[/b] [url=http://www.pauljorion.com/blog/?p=2731#comment-23377]11 avril 2009 à 17:19[/url]

La clef de la porte de notre prison politique est par terre et personne ne la regarde.

Bonjour à tous,

Merci à Paul et aux habitués de ce blog pour la richesse et la générosité de votre pensée.
Ce lieu est important.

Le document de Simon Johnson est fort.
Merci de l’avoir traduit !


Mais je suis étonné que personne —ici comme ailleurs— ne voie la clef de la porte de notre prison politique, alors qu’elle est là, par terre, à la vue de tous, pendant que nous tapons sur les murs et regardons tous vers les fenêtres, à travers les barreaux…

Chacun reconnaîtra avec moi que nos gouvernements ne servent pas prioritairement l’intérêt général, mais bien plutôt l’intérêt des seuls ultrariches (ceux-là mêmes qui leur permettent d’être élus). En ce moment, c’est un festival, une caricature : même en plein naufrage, nos « représentants » servent aux très riches des milliards supplémentaires, et aux pauvres du chômage et des dettes à vie.

Et [bgcolor=#FFFF99]les privilégiés qui ont acheté le pouvoir en achetant les élus sont assez peu nombreux, finalement :[/bgcolor] voyez
« Le terrible secret de Tim Geithner … Quand la solution à la crise financière en devient la cause » par William Engdahl, sur Mondialisation.ca.

[align=center]Mais d’où vient que nous soyons tous CONDAMNÉS À REGARDER FAIRE ces faux « représentants », sans pouvoir les empêcher de nuire ?[/align]

Je l’ai déjà dit ici, mais je reste seul et ça m’étonne : le contrôle des pouvoirs (ou l’absence de contrôle des pouvoirs !) est programmé, dans un texte stratégique (dont tout le monde se désintéresse bizarrement) : LA CONSTITUTION.

Les acteurs politiques sont devenus les marionnettes serviles des ultrariches grâce à l’institution de L’ÉLECTION comme unique mode de désignation de nos représentants.

Manifestement, l’élection n’a tenu (presque) aucune de ses promesses d’émancipation et l’analyse de cette illusion est sûrement la meilleure voie pour changer les choses en profondeur (avant que la terre ne soit complètement vandalisée par les plus riches).

Le seul moyen de [b]rendre à nouveau responsables (et révocables) les acteurs politiques[/b], c’est d’utiliser [b]LE TIRAGE AU SORT[/b] au lieu de l’élection :

• tirage au sort de l’Assemblée constituante, d’abord et surtout,

• et tirage au sort pour désigner au moins une des deux chambres parlementaires, ensuite éventuellement.

Si ce sujet vous intéresse, voyez :


Mais tout le monde ignore ou méprise aujourd’hui cette grande clef de la démocratie.

En négligeant cette issue pourtant facile, nous sommes comme des rats affolés et impuissants dans un piège politicien pourtant évitable : les partis ne servent qu’à gagner les élections et les politiciens de métier, on le voit, servent tout à fait prioritairement ceux qui les font élire. Nous n’avons pas besoin de partis pour faire de la politique, au contraire. C’est le processus de l’élection qui porte en lui la supériorité donnée aux partis ; le régime des partis n’est pas une fatalité.

Cette idée n’est pas du tout en opposition aux vôtres, elle en est [b]le complément[/b], elle en est même le complément [b]indispensable[/b], il me semble, la suite logique en quelque sorte.
Décidément, je m’étonne que les simples citoyens ne s’emparent pas de cette idée fondamentalement révolutionnaire : [b]nous devrions être des millions à exiger une Assemblée constituante tirée au sort[/b], pour enfin sortir des griffes de nos propres élus (de l'emprise des partis et surtout de leurs chefs), pour sortir du [i]droit des élus à disposer des peuples[/i] et pour imposer enfin [i]le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes[/i].

Ça ne sert à rien de réfléchir et de tempêter contre nos gouvernements qui agissent mal dans cette tempête économique et financière si on ne s’en prend pas aux fers qui sont à nos pieds, au plus haut niveau du droit, et qui permettent aux « représentants » de faire exactement ce qu’ils veulent sans opposition véritable, sans risquer quoi que ce soit de la multitude des citoyens maltraités.

Tant qu’on n’aura pas imposé un processus constituant honnête (une assemblée dont les membres soient désintéresssés), nous serons condamnés à gesticuler vainement, pendant que les goulus se goinfrent (d’ailleurs, ils l’ont bien compris, les goulus : eux, ils l’écrivent, la constitution européenne : Jean Monnet, Pompidou, Philippe Lamy, et bien d’autres acteurs décisifs de l’UE ont été des banquiers ou des industriels)…

Bref, [b]nous devrions nous en prendre à nous-mêmes[/b] :

LE POUVOIR VA JUSQU’À CE QU’IL TROUVE UNE LIMITE (Montesquieu)
et nous ne lui fixons quasiment aucune limite…

Bien fait pour nous, donc.

Quand on sortira de chez nous, tout cela changera.

Comme en 1936.


Merci pour tout ce que vous faites.

Étienne.

« Ce n’est pas aux hommes au pouvoir d’écrire les règles du pouvoir. »


PS : je vous conseille la lecture d’un livre passionnant qui récapitule les expériences humaines en matière de tirage au sort, avec les différents argumentaires en présence, et qui témoigne de la prolifération actuelle des essais de « démocratie participative » (pléonasme à la mode) partout sur terre : Yves Sintomer, « Le pouvoir au peuple. Jurys citoyens, tirage au sort et démocratie participative » (La Découverte, 2007).

Déception : comme chez Pierre Rosanvallon, toute cette riche et utile réflexion historique passe complètement à côté du processus constituant : pas un mot là-dessus dans tout le livre…

Cette lacune m’étonne au plus haut point.


À quoi « barbe-toute-bleue » m’a répondu ceci :

[b]barbe-toute-bleue dit :[/b] [url=http://www.pauljorion.com/blog/?p=2731#comment-23439]12 avril 2009 à 04:26[/url]

@Etienne

On ne pourra pas vous reprocher votre manque de persistance ou votre combativité, par contre, votre esprit tranché, si !

Le monde est en nuance, et en dégradé. On n’oppose pas l’homme politique et le peuple, l’homme politique en fait partie.

La gêne n’est pas le « politique », il est le niveau de corruption inhérent à chaque individu, et donc sa compromission possible, si ce n’est probable.

Mais c’est avec grand plaisir que je vais tordre le cou à votre idée de tirage au sort salvateur, d’une partie de la représentation nationale : il suffira d’aller corrompre les désignés après, puisqu’on n’a pas pu le faire avant, et vous n’aurez pas plus de démocratie que sous l’ancien régime.

Un jury populaire, même si des incorruptibles « très relatifs » s’y trouvent, peut être influencé si vous y mettez les moyens.

Tout le monde a son prix, et il serait très imprudent de dire « Pas moi ! Pas moi ! ». Le chien de garde a son prix : si ce n’est un os, ce sera de la barbaque, et si il est dressé à la refuser, attendez qu’il ait faim.


À quoi j’ai répondu à mon tour :

[b]Étienne Chouard dit :[/b] [url=http://www.pauljorion.com/blog/?p=2731#comment-23465]12 avril 2009 à 11:46[/url]

@ barbe-toute-bleue

Tant que vous ne me tordez pas le cou à moi… :wink:

Contrairement à l’impression que j’ai pu vous donner, je raffole des nuances.

Mais, vous l’avez compris, je tâche aussi de discerner la cause réelle et précise de mes impuissances et, en l’occurrence, notre impuissance politique chronique me semble avoir une cause très simple et très facile à circonscrire : il existe une règle supérieure, connue et reconnue, qui sert précisément à mettre les pouvoirs en butte à d’autres pouvoirs, à nous protéger tous des abus de pouvoir, et cette règle supérieure qui n’a été conçue que pour ça, surplomber et affaiblir les hommes au pouvoir… nous la laissons écrire et modifier, naïfs et paresseux que nous sommes, par ceux-là même qui y seront soumis.

C’est le comble de la sottise.

[bgcolor=#FFFF99]Voilà précisément, et certainement, pourquoi notre gouvernement peut, en plein naufrage, arroser ses sponsors industriels et banquiers avec nos milliers de milliards sans que nous n’y puissions rien. [/bgcolor]

Notre impuissance quotidienne est programmée quelque part.

Le fait que toutes nos utiles analyses sur la crise financière restent parfaitement lettre morte malgré leur pertinence, ce fait désolant est voulu et on est tenté de penser que, pour les rédacteurs de la Constitution, tout se passe comme prévu.

Suggestion à Paul de billet dédié : une bonne réflexion sur la catastrophe économique actuelle ne peut pas, à mon sens, faire l’impasse sur l’analyse critique radicale de rouages JURIDIQUES qui permettraient au peuple en colère de contrôler (et punir) leurs gouvernants : pour l’instant, il n’y a AUCUN rouage de cette sorte ; tous les contre-pouvoirs sont factices.

C’est dans l’épreuve —et pas quand tout va bien— que l’on découvre que le contrat était mauvais.

Suis-je donc un paranoïaque, un populiste, un gauchiste, que dis-je, un anarchiste, quand je dis que des parlementaires, des ministres ou des juges — et plus généralement des hommes de partis qui se destinent au pouvoir — seront à la fois juges et parties s’ils se mettent en tête de rédiger eux-mêmes la Constitution qui va régler les limites de leurs propres pouvoirs ?

N’est-ce pas là le comble du conflit d’intérêts ?

Et le plus grand risque — la certitude même — de corruption intellectuelle ?

Je ne dis pas que les hommes de partis sont intrinsèquement malhonnêtes, pas du tout, je ne dis pas cela, évidemment.

Je dis que, DANS CETTE OCCURRENCE PRÉCISE, au moment d’écrire la Constitution, ils écrivent des règles pour eux-mêmes et, de notre point de vue, à nous, les autres, c’est pure folie et misère assurée.

Voilà où le tirage au sort de l’Assemblée constituante, loin d’être une solution parfaite — mais qui donc se soucie de la perfection ? Pas moi, en tout cas ! — est une solution mille fois meilleure que l’élection parce qu’elle garantit que certains membres au moins ne seront pas pollués par un intérêt personnel gravement contraire à l’intérêt général. Et ceux-là donneront l’alerte en cas de manigances.

Au lieu qu’aujourd’hui, quand les politiciens de métier écrivent eux-mêmes exclusivement la Constitution, nous sommes dans la pire solution qui soit, la plus dangereuse pour les citoyens : ces constituants parlementaires juges ou ministres, ils sont TOUS à la fois juges et parties, ils ont TOUS un intérêt personnel contraire à l’intérêt général : sans doute pétris de bonnes intentions, et convaincus —comme nous— qu’ils ont les meilleures idées pour bâtir un monde commun pacifié, ces autoproclamés « professionnels de la politique » redoutent naturellement d’être gênés par des contrôles tatillons et des procédures ralentissantes, ils redoutent de perdre cette place qui leur permet d’agir, ils redoutent de voir mise en cause leur responsabilité personnelle et JAMAIS, au grand jamais, ils ne programmeront eux-mêmes le référendum d’initiative populaire qui permettrait à n’importe qui de les contredire avec succès, jamais ils n’écriront eux-mêmes les règles électorale qui respecteraient le vote blanc capable de les chasser tous d’un coup lors d’une élection, jamais ils n’interdiront eux-mêmes le renouvellement ou le cumul de leurs propres mandats, jamais ils ne prévoiront —eux les élus, eux l’aristocratie politique du pays— une chambre tirée au sort qui garantirait au sommet de l’État une représentation fidèle de toutes les composantes de la société (riches, pauvres, hommes, femmes, blancs, noirs, urbains, ruraux, éduqués, illettrés, gentils, méchants, malins, demeurés, jeunes, vieux, intellectuels, manuels, etc.), jamais ils ne consentirons à être fréquemment évalués et jugés sur leur action, et encore moins d’être éventuellement punis quand ils ont menti ou triché…

Chacun a sa logique professionnelle. Celui qui se destine au pouvoir sait bien ce qu’il doit éviter à tout prix pour pouvoir travailler tranquille : il lui faut un peuple bien ficelé. Et pour y parvenir, il faut qu’il puisse écrire lui-même la constitution.

OK, je comprends que l’élu pense ainsi.

Mais cela est-il bon pour l’intérêt général ?

Bon, j’arrête là :wink:

En complément de ma réponse, j’ai passé quelques heures à vous préparer cet extrait passionnant d’un livre important (tout entier passionnant). Il faut lire ce livre. Le voici.

Amicalement.

Étienne.

Extrait du livre d’ [bgcolor=#FFFF99][b]Yves Sintomer, « Le pouvoir au peuple. Jurys citoyens, tirage au sort et démocratie participative »[/b][/bgcolor], La découverte, mars 2007 :

Chapitre 2 : Le tirage au sort à travers l’histoire : une démocratie du hasard ?

« Les vives réactions des élus à l’idée d’introduire des jurys de citoyens tirés au sort pour évaluer les politiques publiques ont pu surprendre beaucoup d’historiens, de chercheurs en théorie politique et de militants. De telles réactions méconnaissent visiblement que le tirage au sort, comme technique permettant de donner à des citoyens « ordinaires » une place de relief dans la délibération et la prise de décision, fut une dimension constitutive de la démocratie.

En France, il est vrai, sa place a été réduite puisque son usage est cantonné aux jurys d’assises dans l’espace judiciaire. Encore faut-il ajouter que le développement de ces jurys et le rôle en leur sein du tirage au sort sont étroitement liés à l’histoire des démocraties modernes, à ses avancées comme à ses reculs. Il est d’ailleurs intéressant de noter que des procédures fondées sur le tirage au sort, comme les jurys citoyens, ont commencé à être réintroduites en politique à partir des années 1970, au moment même où les sondages — reposant sur une sélection aléatoire des sondés — s’imposaient comme une dimension incontournable de la vie politique. Ces évolutions ont provoqué un regain d’intérêt pour le tirage au sort de la part de la théorie politique et d’acteurs en quête d’innovations institutionnelles. Nous voudrions conduire l’enquête à travers trois grandes questions : Comment a-t-on utilisé le tirage au sort dans la cité athénienne et les Républiques italiennes du Moyen Âge et de la Renaissance, et quelles en étaient les significations ? Pourquoi, à leur naissance, les démocraties modernes n’ont-elles pas utilisé politiquement le tirage au sort et l’ont-elles cantonné à la sphère judiciaire ? Enfin, pourquoi revient-il récemment sur le devant de la scène politique et comment évaluer cette réémergence ?

Athènes : le tirage au sort comme outil démocratique

C’est à Athènes que la démocratie a été inventée, avec la philosophie la tragédie et l’écriture de l’histoire. Plus encore que dans d’autres cités grecques, le tirage au sort y constitue alors une procédure centrale, aux côtés de l’Assemblée, où le peuple est présent en corps, et des élections. Pour consolider le régime démocratique, Aristote juge ces trois procédures complémentaires mais ajoute que c’est d’abord à travers la sélection aléatoire des dirigeants que s’exprime la nature profondément démocratique d’une cité.

L’élection représente une procédure nécessaire à l’équilibre global mais elle incarne en partie au moins un principe différent : « Il est considéré comme démocratique que les magistratures soient attribuées par le sort et comme oligarchique qu’elles soient électives (1). » Aristote complète le tableau en écrivant qu’à partir du moment où des élections se tiennent, elles sont oligarchiques s’il y a un suffrage censitaire, et démocratiques si tous les citoyens ou presque peuvent participer. Dans une perspective aristotélicienne, Athènes peut être comprise comme un « régime mixte », mêlant éléments aristocratiques et démocratiques — et sans doute cette formule convient-elle, à des degrés divers, à toutes les démocraties qui se sont succédé jusqu’à aujourd’hui (2).

Le recours à la sélection aléatoire s’est développé au rythme de l’épanouissement de la démocratie elle-même. Nous ne savons pas s’il est introduit par Solon au début du VIe siècle av. J.-C, ou par Clisthène dans la seconde moitié du VIe siècle — deux moments clés qui voient le régime démocratique se mettre en place. Il est en tout cas partie prenante de la réforme fondamentale de Clisthène, qui réorganise la Cité sur la base d’un principe purement territorial plutôt que sur les clientèles des grandes familles. Clisthène crée les tribunaux (l’Héliée) et le Conseil démocratiques (la Boulé) au détriment du Conseil aristocratique (l’Aréopage), et impose le principe d’isonomia, l’égalité des citoyens devant (et par) la loi (3). Le tirage au sort est massivement utilisé pendant l’âge d’or de la démocratie athénienne, au Ve et au IVe siècle. À l’époque de Périclès, son usage est étendu à la grande majorité des charges politiques (les magistratures), au moment même où s’approfondit la dynamique démocratique avec la marginalisation de l’Aréopage, l’instauration d’une indemnité journalière pour les « bouleutes » et les jurés des tribunaux populaires tirés au sort (461av.J.-C).

Les usages du tirage au sort

En dehors des institutions aristocratiques héritées de l’époque archaïque, comme l’Aréopage, les institutions athéniennes reposent sur un triptyque procédural. Au cœur de la Cité se trouve l’Ecclésia, l’Assemblée du peuple, ouverte à tous les citoyens âgés de 18 ans et plus. Elle se réunit souvent, à intervalles réguliers, et statue sur un grand nombre d’affaires. Elle est officiellement régie par le principe d’égalité devant la parole, l’isêgoria, même si les talents oratoires ne sont évidemment pas distribués de façon égale parmi les participants. La deuxième procédure repose sur l’élection, qui permet d’attribuer certaines magistratures centrales (avec un seuil censitaire pour l’éligibilité, qui est progressivement abaissé avec le développement de la démocratie). C’est ainsi que sont nommés les dirigeants de l’armée — et en particulier les dix stratèges —, les administrateurs des finances, les greffiers du Conseil, de nombreux fonctionnaires religieux, les architectes et les commissions chargées de la surveillance des édifices. Même chez les démocrates, la conviction qu’une expérience et des connaissances spécifiques sont impératives pour exercer ces tâches étatiques centrales semble l’avoir emporté ; dans ce cas, l’élection est préférable au tirage au sort (4). Cependant, parce qu’elle favorise la désignation au pouvoir d’un petit groupe de citoyens influents, connus de leurs concitoyens et ayant sur eux une emprise certaine, elle est considérée comme moins démocratique que la sélection aléatoire.

Cette dernière constitue le troisième volet du triptyque procédural. Chaque citoyen peut se porter candidat au tirage au sort, selon le principe ho boulomeno (« celui qui veut»). La sélection aléatoire permet de désigner trois grands types d’institutions. C’est ainsi qu’est formée annuellement la Boulé, dite aussi « Conseil des Cinq Cents », le principal conseil de l’Athènes démocratique, qui a des fonctions transversales par rapport à la division du pouvoir typique de l’ère moderne entre le législatif, l’exécutif et le judiciaire. Chacune des divisions géographiques de base de la cité (les dèmes) y est représentée, non pas directement mais à travers les dix « tribus » (sorte d’arrondissements) qui y envoient chacune cinquante citoyens âgés de plus de 30 ans, ce qui fait du Conseil un organe représentatif de l’ensemble du territoire. La Boulé prépare les décisions de l’Assemblée du peuple, se charge de leur exécution, adopte certaines lois, sert à l’occasion de tribunal, exerce d’importantes fonctions militaires, est responsable d’une partie de la politique extérieure et supervise l’ensemble de l’administration publique, en premier lieu les finances. C’est le Conseil qui, avec sa fonction de préparation en amont, rend l’Ecclésia active et fonctionnelle. C’est aussi par tirage au sort que l’on pourvoit les fonctions de responsabilités en son sein et, en particulier, la présidence, renouvelée tous les jours au coucher du soleil. La méthode aléatoire permet enfin de désigner une sorte d’exécutif du Conseil, les « bouleutes » de chaque tribu devant tour à tour siéger pendant un mois en permanence (on les appelle alors les « prytanes »).

En sus de la Boulé, le tirage au sort permet de désigner la plupart des magistratures : 600 environ, sur 700 au total, sont pourvues de cette manière. Les dix principaux magistrats ainsi sélectionnés sont les archontes, dont six (les thesmothètes) sont les gardiens des lois et s’occupent des tribunaux. Ils sont nommés en deux étapes : chacune des dix tribus géographiques tire au sort dix de ses membres, puis un second tirage centralisé permet d’en choisir un par tribu. Les autres magistratures sont vraisemblablement l’objet d’une procédure centralisée (5). Sont concernés les fonctionnaires de police et de voirie, les inspecteurs des marchés, les commissaires aux grains, les chargés des mesures, les chargés des revenus publics et des métèques, etc.

Enfin, tous les juges sont également nommés par sélection aléatoire. Le statut de citoyen implique indissolublement le droit de participer à l’Assemblée et de pouvoir devenir juré (6).

Chaque année, six mille citoyens sont tirés au sort pour faire partie de l’Héliée, qui se réunit parfois en session plénière mais qui, la plupart du temps, est scindé en plusieurs « tribunaux populaires » (dikastèrià) en fonction des affaires à traiter. Ces tribunaux sont considérés comme une dimension clé de la démocratie. Les verdicts sont prononcés par des jurys populaires comptant plusieurs centaines de membres, l’administration du tribunal est elle aussi tirée au sort, les citoyens doivent en personne y accuser ou s’y défendre et il est interdit de payer quelqu’un pour le faire à sa place.

Outre les tâches de justice quotidienne, les tribunaux sont chargés de la surveillance de l’Assemblée du peuple, du Conseil, des magistrats et des leaders politiques, et ils exercent aussi toute une série de services de nature administrative et technique.

À cette échelle et avec cette fréquence, le tirage au sort devient une activité routinière. Cela n’aurait pas été possible sans l’invention de techniques particulières permettant d’y procéder de façon rapide et impartiale.

Un spécialiste de la démocratie athénienne a tenté de reconstituer l’une de ces procédures : « Les travaux des tribunaux commençaient à l’aube avec le tirage au sort des jurés du jour parmi ceux des 6 000 éligibles qui s’étaient présentés […]. Les thesmothètes […] décidaient si la journée devait être consacrée à des affaires privées mineures, avec des jurys de 201 citoyens, ou plus importantes, avec des jurys de 401 citoyens, ou à des actions publiques, avec des jurys d’au moins 501 citoyens. […] Les jurés potentiels arrivaient tôt le matin. Devant chacune des dix entrées se trouvaient dix coffres marqués des dix premières lettres de l’alphabet […]. Lorsqu’ils arrivaient, les gens allaient à l’entrée de leur tribu et mettaient leur plaque de juré dans le coffre dont la lettre correspondait à celle qui était portée sur leur plaque […]. Puis commençait le tirage au sort à chaque entrée, selon le déroulement suivant.

« Quand tous les jurés potentiels d’une tribu avaient déposé leur plaque, l’archonte en prenait une dans chacun des dix coffres et les dix personnes ainsi choisies étaient ipso facto jurés ; mais leur première tâche était de se saisir du coffre portant leur lettre et de se ranger par ordre alphabétique, cinq devant chacun des deux klèrotèria dressés près de la porte. Un klèrotèrion était une stèle de marbre de la hauteur d’un homme, avec cinq colonnes munies de rainures permettant de poser une plaque de juré.

[Ici, pour illustrer le propos d’Yves Sintomer, je vous signale deux images du klèrotèrion :

http://blog.matthewgast.com/2008/04/27/athens-part-5/

http://www.davidgill.co.uk/attica/kleroterion.htm

Le fait qu’il y ait deux colonnes suggère que ce klèrotèrion servait à choisir les magistrats plutôt que les jurés.

ÉC]

À chaque porteur de coffre était attribuée une colonne, dans les rainures de laquelle il disposait toutes les plaques de son coffre, en commençant par le haut. Sur le côté du klèrotèrion courait un petit tube vertical dans lequel on introduisait des boules noires et des boules blanches […] une à une par le haut du tube. Si la première était blanche, les possesseurs des cinq premières plaques (en partant du haut) étaient pris comme jurés ; si elle était noire, ces cinq-là reprenaient immédiatement leur plaque et rentraient chez eux. La procédure continuait jusqu’à la sortie de la dernière boule blanche […]. Quand les dix tribus avaient fini, la liste des jurés était complète.

« Dès la fin du tirage au sort des jurés, on en commençait un autre, pour les répartir entre les tribunaux […] les jurés allaient alors jusqu’à un panier rempli de glands, et chaque gland portait une lettre correspondant à l’un des tribunaux; chaque juré en tirait un […]. Suivait alors un troisième tirage au sort, cette fois entre les magistrats eux-mêmes : on plaçait dans un tube une boule par tribunal, chacune portant la couleur d’un tribunal ; dans un autre tube, on plaçait une boule pour chaque magistrat ; on tirait une boule de chaque tube, jusqu’à ce qu’on ait fini de déterminer quel magistrat présiderait quel tribunal (7). »

On peut présumer que cette procédure, qu’Aristote décrit aussi dans La Constitution d’Athènes(8), durait en tout environ une heure.

Plus de 2 000 citoyens s’essayaient environ 200 jours par an à ce « jeu ». La procédure était très complète, détaillée dans ses moindres étapes, elle était manifestement impartiale car effectuée publiquement. Le klèrotèrion, cette « machine » à tirer au sort dressée de manière à ce que de nombreux témoins puissent la voir, y avait une importance cruciale. Ce n’est que grâce à elle qu’une application du tirage au sort à des domaines aussi vastes et variés était techniquement possible. Elle rendait la procédure plus rapide, plus claire et la protégeait d’éventuelles tentatives de manipulation.

[bgcolor=#FFFF99][b]L'idéal démocratique[/b][/bgcolor]

Aristote résume ainsi les caractéristiques communes à toutes les démocraties : « choix de tous les magistrats parmi tous [les citoyens] ; gouvernement de chacun par tous et de tous par chacun à tour de rôle ; tirage au sort des magistratures, soit de toutes, soit de toutes celles qui ne demandent ni expérience ni savoir ; magistratures ne dépendant d’aucun sens ou [d’un sens] très petit ; impossibilité pour un même [citoyen] d’exercer, en dehors des fonctions militaires, deux fois la même magistrature, ou seulement un petit nombre de fois et pour un petit nombre [de magistratures] ; courte durée des magistratures […] ; fonctions judiciaires ouvertes à tous, tous jugeant de tout, ou des causes les plus nombreuses, les plus importantes et les plus décisives, par exemple la vérification des comptes, les affaires politiques, les contrats privés ; souveraineté de l’Assemblée dans tous [les domaines] ou sur les affaires les plus importantes; […] versement d’une indemnité au mieux pour toutes les [charges publiques], ou au moins pour [les principales] (9) ».

[bgcolor=#FFFF99]Tirage au sort, rotation des mandats, égale participation à la vie politique, obligation de rendre des comptes sur son mandat, rôle central de l’Assemblée et du Conseil populaires constituent autant de procédures institutionnelles qui matérialisent les idéaux de la démocratie : tous les citoyens ont en partage égal la liberté ; ils ne sont gouvernés par personne ou bien sont gouvernés et gouvernants tour à tour ; les gens modestes ont la souveraineté sur les gens aisés du fait de leur supériorité numérique et parce que le principe méritocratique est récusé ; chacun peut vivre « comme il veut ». Ce n’est plus seulement une élite mais tous les citoyens, c’est-à-dire les hommes adultes, libres et autochtones, qui peuvent vivre conformément à la nature de l’homme, ce zoon politikon (« animal politique ») qui ne trouve son origine et son accomplissement moral que dans la communauté politique.[/bgcolor]

L’idéal démocratique lié à l’émergence de la Cité constitue une véritable révolution politico-symbolique. « La Polis [Cité] se présente comme un univers homogène, sans hiérarchie, sans étage, sans différenciation. L’archè [le pouvoir] n’y est plus concentrée en un personnage unique au sommet de l’organisation sociale. Elle est répartie également à travers tout le domaine de la vie publique, dans cet espace commun où la cité trouve son centre, son méson. Suivant un cycle réglé, la souveraineté passe d’un groupe à l’autre, d’un individu à l’autre, de telle sorte que commander et obéir, au lieu de s’opposer comme deux absolus, deviennent les deux termes inséparables d’un même rapport réversible (10). »

[bgcolor=#FFFF99]Dans la perspective de la rotation rapide des fonctions de pouvoir (la plupart d’entre elles ne sont attribuées que pour une durée allant de quelques mois à une année), la sélection aléatoire constitue une procédure très rationnelle (11). Le couplage de la rotation et du tirage au sort est particulièrement efficace pour éviter une professionnalisation de l’activité politique, une monopolisation du pouvoir par les experts et son autonomisation par rapport aux citoyens.[/bgcolor]


Sur ce point, l’idéal de la Cité est à la fois politique et épistémologique : il s’agit de défendre l’égale liberté des membres de la Cité et de proclamer que tous ont légitimement part à la réflexion et à l’action politiques, qui ne sont pas considérées comme des activités spécialisées.

Cet idéal est largement partagé à l’époque classique. La manière dont les plus hautes fonctions sont pourvues en témoigne. La plupart des magistratures sont collégiales pour limiter le risque d’une appropriation du pouvoir.

Les stratèges sont les principaux magistrats et sont élus, mais ils forment un collège dont la présidence est désignée chaque jour par tirage au sort. C’est une façon d’éviter la concurrence, mais aussi de faire alterner le pouvoir politique majeur à l’intérieur d’un groupe qui, à travers l’élection, est considéré comme composé de personnes compétentes.

De même, le président du Conseil est tiré au sort parmi les prytanes et, durant toute une journée, il est formellement en possession des pleins pouvoirs de l’État. Chaque président du Conseil peut ainsi affirmer en quittant son mandat : « J’ai été président athénien pendant 24 heures, mais pas davantage (12) ! »

L’opposition entre les démocrates modérés et les fractions les plus radicales se concentre sur le rôle des dirigeants élus, ceux qui se distinguent de la masse. Dans sa célèbre oraison funèbre aux soldats athéniens, Periclès déclare ainsi que si tous les citoyens sont égaux devant la loi et peuvent prendre la parole s’ils le souhaitent, indépendamment de leur fortune, « c’est en fonction du rang que chacun occupe dans l’estime publique que nous choisissons les magistrats de la cité, les citoyens étant désignés selon leur mérite plutôt qu’à tour de rôle (13) ».

À ce principe méritocratique s’opposent les vues d’un Cléon, qui fait l’éloge du sens commun : « Allons-nous oublier […] que l’on tire meilleur parti d’une ignorance associée à une sage pondération que d’une habileté jointe à un caractère capricieux, et qu’en général les cités sont mieux gouvernées par les gens ordinaires que par les hommes d’esprit plus subtil ? Ces derniers veulent toujours paraître plus intelligents que les lois […]. Les gens ordinaires au contraire […] ne prétendent pas avoir plus de discernement que les lois. Moins habiles à critiquer l’argumentation d’un orateur éloquent, ils se laissent guider, quand ils jugent des affaires, par le sens commun et non par l’esprit de compétition. C’est ainsi que leur politique a généralement des effets heureux (14). »

Dans la pratique, l’égalité entre tous les citoyens se révèle imparfaite. De fortes oppositions entre groupes sociaux se manifestent tout au long de l’histoire athénienne, notamment entre les kaloi k’agathoi, les « meilleurs », et le démos, le « peuple » — terme qui comme en français désigne à la fois l’ensemble des citoyens et les plus modestes d’entre eux. Les paysans des alentours sont désavantagés par les distances à parcourir par rapport au petit peuple urbain lorsqu’il s’agit de participer à l’Assemblée ou au tirage au sort des magistratures. Les personnes ayant déjà quitté la vie active ou économiquement indépendantes et, inversement, les couches sociales plus pauvres pour lesquelles les indemnités journalières constituaient un petit revenu, sont plus représentées que les autres (15). Les plus riches exercent une influence importante auprès de leur clientèle.

Malgré ces limites, l’idéal démocratique exprime largement des pratiques réelles. Le mode de vie des Athéniens est centré autour de l’activité politique et la participation des citoyens y est très égalitaire comparé aux autres régimes connus. Avant le déclenchement de la guerre du Péloponnèse en 421 av. J.-C, période d’apogée de la démocratie athénienne, la population de l’Attique est comprise entre 250 000 et 300 000 habitants, dont environ 170 000 à 200 000 adultes. Seuls 30 000 à 50 000 d’entre eux possèdent des droits politiques complets (les 80 000 esclaves, les 25 000 étrangers, les femmes et les enfants sont exclus de la vie publique). Habituellement, de 6 000 à 8 000 citoyens sont présents à l’Assemblée qui se réunit théoriquement 40 jours par an, mais à certaines occasions ils y affluent en plus grand nombre.

Grâce au tirage au sort et à la rotation des fonctions, en l’espace de dix ans, entre un quart et un tiers des citoyens âgés de plus de 30 ans deviennent membres du Conseil pendant un an, et pendant un mois de son exécutif en tant que prytanes. Près de 70 % des citoyens de plus de 30 ans sont bouleutes au moins une fois au cours de leur vie (16) et une proportion encore plus importante est amenée à jouer le rôle de juré. Parmi les citoyens volontaires, très peu sont donc laissés de côté. Ces institutions fonctionnent comme des écoles de démocratie, dans une société de face-à-face qui permet facilement un contrôle mutuel et où la culture civique est très développée.

Certes, la cité athénienne excluait femmes et esclaves de la vie publique, et profitait de sa force pour assujettir les cités alliées. Cependant, dans le cercle relativement étroit de la citoyenneté, elle pouvait à bon droit être considérée comme très démocratique, dans le sens strict du mot : parce que le pouvoir y était largement exercé par le peuple (au sens statutaire de l’ensemble des citoyens) plutôt que par des intermédiaires, et parce que le peuple (au sens sociologique des couches populaires) était inclus dans la citoyenneté et participait fortement à cet autogouvernement. Comme le dit Finley, il faut pour le comprendre aller au-delà de l’équation démocratie = élections. Si Athènes ne supprima pas les luttes entre individus et groupes sociaux défendant leurs intérêts, qui ont existé de tout temps, elle inventa la politique, au sens d’une discussion publique institutionnalisée des bonnes ou mauvaises lois et des grandes décisions collectives (à commencer par celles qui régissent l’équilibre social dans la Cité). Elle se refusa en outre à professionnaliser la politique, considérant qu’elle était une activité où tous peuvent et doivent participer (17). »

[À ce point, Sintomer décrit l’utilisation du tirage au sort dans les procédures des républiques italiennes, aux alentours de 1200. ÉC]

(…)

« À l’issue de ce bref parcours, il apparaît clairement que, loin de constituer une procédure exceptionnelle, la méthode aléatoire fut régulièrement considérée comme une modalité possible du choix des gouvernants. Son extension a varié fortement entre les diverses expériences et il a été combiné à des degrés divers avec d’autres modalités de sélection, parfois dans des procédures extrêmement complexes. Il se dégage de ces divers moments historiques que le tirage au sort eut des applications politiques assez variées (nous laissons ici de côté pour l’instant les autres domaines où il fut employé).

Un premier recensement permet de distinguer au moins trois de ses usages potentiels.

  1. Le tirage au sort peut tout d’abord avoir une dimension surnaturelle ou religieuse, être considéré comme permettant que s’accomplissent la volonté divine ou le destin.

  2. Il est également susceptible de constituer [bgcolor=#FFFF99]une procédure impartiale de résolution des conflits, en particulier dans le cas d’une concurrence exacerbée pour les postes de pouvoir[/bgcolor].

  3. Enfin, il peut être [bgcolor=#FFFF99]une procédure garantissant l’égalité des chances d’accéder à des charges politiques ou judiciaires et favorisant l’autogouvernement des citoyens[/bgcolor].

Cette procédure se différencie des mécanismes de transmission héréditaire du pouvoir caractéristiques de la monarchie, mais aussi de l’élection, qui tend à sélectionner les « meilleurs ».

La méthode aléatoire permet, en outre, de faire accéder aux fonctions de direction des profanes plutôt que de réserver celles-ci à des professionnels ou à des experts.

Dans ce troisième usage, le caractère démocratique du tirage au sort dépend de la nature du groupe à partir duquel ce dernier est effectué : les conséquences démocratiques du tirage au sort sont maximales si tous les citoyens, classes populaires incluses, sont concernés, mais le groupe peut inversement être si réduit que la sélection aléatoire sert surtout de mécanisme permettant aux couches supérieures de faire tourner le pouvoir en leur sein. »

Source : Yves Sintomer, « Le pouvoir au peuple. Jurys citoyens, tirage au sort et démocratie participative », La découverte, mars 2007, chapitre 2 : Le tirage au sort à travers l’histoire : une démocratie du hasard ?


Notes :

1 Aristote Les. Politiques, IV, 1294-b, Flammarion, Paris, 1990.

2 Cette thèse, largement défendue à l’époque, a récemment été reprise par Bernard Manin, Principes du gouvernement représentatif, op. cit.

3 Pierre Lévèque, Pierre Vidal Naquet, Clisthène l’Athénien, Macula, Paris, 1983.

4 Hubertus Buchstein, Öffentliche und geheime Stimmabgabe. Eine wahlrechthistorische und ideengeschichtliche Studie, Nomos, Baden-Baden, 2000, p. 67.

5 Mogens H. Hansen, La Démocratie athénienne à l’époque de Démosthène, Les Belles Lettres, Paris, 1995, p. 269-270.

6 Aristote, Les Politiques, op. cit., III, 2, 1275-a.

7 Mogens H. Hansen, La Démocratie athénienne à l’époque de Démosthène, op. cit., p. 233-235.

8 Aristote, La Constitution d’Athènes, 63-66.

9 Aristote, Les Politiques, op. cit., VI, 2,1317-b.

10 Jean-Pierre Vernant, les Origines de la pensée grecque, PUF, Paris, 1983, p. 99.

11 Bernard Manin, Principes du gouvernement représentatif, op. cit., p. 48.

12 Mogens H. Hansen, La Démocratie athénienne à l’époque de Démosthène, op. cit.

13 Thucydide, La Guerre du Péloponnèse, II, 37, in Œuvres complètes, Gallimard, « La Pléiade », Paris, 1964.

14 Ibid., III, 37.

15 Jochen Bleicken, Die Athenische Demokratie, Schöning, Paderborn, 1994, p. 227.

16 Moses I. Finley, L’Invention de la politique, Flammarion, Paris, 1985, p. 116; Françoise RUZÉ, Délibération et pouvoir dans la cité grecque de Nestor à Socrate, Publications de la Sorbonne, Paris, 1997, p. 380.

17 Moses I. Finley, L’Invention de la politique, op. cit., p. 111 ; Cornélius Castoriadis, Domaines de l’homme, Seuil, Paris, 1986, p. 282-283.


Il me semble que tout citoyen devrait lire ce livre et l’étudier attentivement.

Amicalement.

Étienne.

Les commentaires ci-dessus (sur l’Assemblée constituante tirée au sort et sur le livre de Sintomer)
viennent d’être promus « billet invité » par Paul Jorion :

[bgcolor=#FFFF99]Des bases juridiques pour les contre-pouvoirs, par Étienne Chouard[/bgcolor]

Je vous invite à venir y commenter cette thèse révolutionnaire (ce n’est pas aux hommes au pouvoir d’écrire les règles du pouvoir).

Amitiés.

Étienne.

À la suite d’une panne de serveur, Paul a dû créer un deuxième fil de commentaires, pour que nous puissions continuer à discuter
de l’opportunité d’une Assemblée Constituante tirée au sort :

[bgcolor=#FFFF99]Commentaires relatifs au billet d’Etienne Chouard[/bgcolor]
http://www.pauljorion.com/blog/?p=2809

Et ça crépite, en ce moment…

:confused:

Étienne.

[bgcolor=#FFFF99]Une semaine sur la démocratie[/bgcolor]
aux Nouveaux chemins de la connaissance, sur France Culture,
cinq émissions passionnantes (on y parle souvent, et bien, de tirage au sort)
proposées par Raphaël Enthoven :

lundi 4 mai 2009 Réinventer la démocratie 1/5: [bgcolor=#66FF00]La haine de la démocratie[/bgcolor]
avec Jacques Rancière (à ne pas rater) :
http://sites.radiofrance.fr/chaines/france-culture2/emissions/chemins/fiche.php?diffusion_id=73062

mardi 5 mai 2009 Réinventer la démocratie 2/5: [bgcolor=#FFFF99]L’origine et l’histoire de la démocratie à Athènes[/bgcolor]
avec Claude Mossé et Jean Bollack :
http://sites.radiofrance.fr/chaines/france-culture2/emissions/chemins/fiche.php?diffusion_id=73063

mercredi 6 mai 2009 Réinventer la démocratie 3/5: [bgcolor=#66FF00]Internet et la démocratie[/bgcolor]
avec Dominique Cardon & Nicolas Vanbremeersch (Versac) :
http://sites.radiofrance.fr/chaines/france-culture2/emissions/chemins/fiche.php?diffusion_id=73064

jeudi 7 mai 2009 Réinventer la démocratie 4/5: [bgcolor=#FFFF99]La démocratie participative[/bgcolor]
avec Loïc Blondiaux (absolument passionnant !) :
http://sites.radiofrance.fr/chaines/france-culture2/emissions/chemins/fiche.php?diffusion_id=73065

Vendredi 8 mai 2009 Réinventer la démocratie 5/5: [bgcolor=#66FF00]Réinventer la légitimité démocratique[/bgcolor]
avec Pierre Rosanvallon :
http://sites.radiofrance.fr/chaines/france-culture2/emissions/chemins/fiche.php?diffusion_id=73066

Reprise du fil de discussion (depuis le 17 mai 2009) entamé sur le fil « monnaie » :

[i]Sandy (17/05) :[/i]

Pour rappel, un contre pouvoir n’est pas un moyen efficace de limiter un pouvoir vu que ce contre-pouvoir peut très bien se coaliser avec le pouvoir.

On limite donc un pouvoir en définissant ce qu’il a droit ou ce qu’il n’a pas droit de faire dans une constitution.

[i]Sam17 (17/05) :[/i]

@ Sandy,

oui et non, car « ce qu’il [a ou] n’a pas droit de faire », pour figurer dans une constitution, ne peut pas être une règle sortie d’un chapeau, la règle constitutionnelle renvoie nécessairement à un champ de forces sociales, plus ou moins et plus ou moins directement relayées par des organes constitués. [bgcolor=#FFFF99]Et si l’équilibre n’est pas vérifié en réalité, alors il n’y a plus de constitution[/bgcolor] (cf. Déclaration des droits de l’homme, art. 16).

Oui, parce que de la mission orientée de la BC dépend la nature des pouvoirs qui la contrôlent et la limitent, et de ceux qui n’auront pas moyen de trouver du relais dans les institutions.

Cette indépendance statutaire de la BC est effectivement ce qui pèse le moins dans l’affaire. Un simple pouvoir exécutif est toujours indépendant durant un certain temps. D’ailleurs, le directoire de la BCE est nommé par le Conseil (ou le Conseil européen, je ne sais plus). Ce qui établit l’indépendance de la BC par rapport au politique, c’est tout le cadre, anti-politique, établit par les traités. Anti-politique au sens où la politique possible ne va que dans un sens et où elle est décidée par des instances que ne vient pas troubler notre vote. On ne peut même pas dire que la BCE n’exerce pas de rôle législatif, en matière monétaire y compris. On peut dire, par contre, qu’elle est condamnée à mener une politique à la solde des banques, etc.

[color=purple]Oui, parce que ce qui pèse le plus est, effectivement, une chose que la BC n’a pas le droit de faire : l’interdiction de faire accéder les pouvoirs publics à la planche à billets. Tandis que la BCE, au passage, n’a pas interdiction et ne se prive pas d’acheter des bons du trésor étasunien. Nous voilà livrés aux marchés, et poussés à financer « le déficit public américain ».

Bien sûr, vient ensuite la mission anti-inflation de la BCE, l’ensemble de ces deux contraintes et d’autres éléments du cadre néolibéral faisant qu’elle n’est sanctionnée que par les puissances financières et non par les gouvernements.

Lesquels gouvernements sont tôt ou tard poussés au train par les travailleurs. Dans ce cas de figure, les gouvernements formeraient, du moins se feraient le relais d’un « contre-pouvoir » à la « sanction des marchés », aux exigences des banques, à leurs taux swaps qui règlent d’avance, sinon, les taux d’intérêt eux-mêmes. [/color] Tandis que là, il y a déséquilibre complet entre les forces sociales relayées par les institutions.

La séparation des pouvoirs renvoie bel et bien à une opposition de pouvoirs constitués, en définitive. Et si ce n’est pas le cas, c’est précisément que la constitution n’est pas viable ou qu’en réalité, il n’y en a pas, ou plus (comme dans notre cas) puisque, les pouvoirs constituées relayant les forces sociales d’une manière tout à fait déséquilibrée, certaines, forces privées anonymes, règnent sans partage, asservissent les pouvoirs constitués et incarnent de fait, le pouvoir ; ainsi, les pouvoirs non seulement ne sont pas séparés mais ils ne sont plus définis.

[i] Sandy (18/05) :[/i]

J’avoue n’avoir rien compris à ce que vous tentez d’expliquer :wink:

C’est à nous de fixer les limites d’un pouvoir, c’est à dire, ce qu’il a le droit ou pas de faire, dans la constitution, et ensuite aux pouvoirs de respecter la constitution, c’est dans cet ordre que cela fonctionne, ainsi on peut très bien sortir toutes les règles que l’on veut d’un chapeau c’est ensuite aux pouvoirs de les respecter et d’en faire une réalité.

Si j’ai fait cette remarque c’est parce qu’une des grosses supercheries depuis toujours a été de faire croire que la séparation des pouvoirs était une limite suffisante en soi alors qu’en réalité c’est juste nécessaire mais certainement pas suffisant.

Car il est évident qu’un contre pouvoir n’apporte plus aucune limite à un pouvoir quand ce contre pouvoir et ce pouvoir sont coalisés entre eux. C’est ce qui arrive par exemple avec le parlement et le gouvernement. Parce que l’UMP domine le parlement et le gouvernement, le parlement ne sert plus à rien et fonctionne simplement comme une chambre d’enregistrement des lois écrites par le gouvernement.

On peut dire la même chose du conseil constitutionnel et du parlement.

Ou l’exemple le plus frappant reste évidemment celui des médias censé être un contre pouvoir du gouvernement.

La séparation des pouvoirs en elle-même ne garantit pas grand chose.

En réalité, c’est la séparation des pouvoirs ajoutée à la mise en place de limites sous forme d’interdiction / autorisation, qui permet de nous protéger des pouvoirs, l’un sans l’autre est insuffisant.

Inversement, des limites ne feraient pas long feu avec un pouvoir totalement concentré entre les mêmes mains.

Concernant la BCE donc, il faut non seulement bien séparer les pouvoirs mais aussi poser les bonnes limites à son pouvoir, un contre-pouvoir serait insuffisant pour empêcher les possibles abus.

[i]Sam (18/05) :[/i]

"…et ensuite aux pouvoirs de respecter la constitution

Et qui donc va les y contraindre, si ce n’est pas un autre pouvoir ? A part le pape, ou la noblesse, ou les (leurs) médias, qui sont des pouvoirs ? A part l’insurection ?

Pour ne pas que l’on abuse du pouvoir, il faut que, par la disposition des choses, le pouvoir arrête le pouvoir (Montesquieu).

J’ai dit la même chose que toi, d’un côté : il faut que la constitution dise ce qu’ils ont le droit ou pas de faire. C’est justement ça, (l’acte de définition de) la séparation des pouvoirs, c’est la « mise en place de limites sous forme d’interdiction / autorisation ». Tu opposes deux choses qui sont à peu près la même chose.
Observe qu’a priori, la première limite évidente au pouvoir de l’un, c’est le pouvoir de l’autre. Ce que l’un a, l’autre ne l’a pas.

Mais ce qui fait que les pouvoirs respectent chacun la constitution, c’est d’autres choses, qui presque toutes découlent aussi de ce qui est écrit dans la constitution : [bgcolor=#FFFF99]d’abord, le fait que ce partage est équilibré, au sens où chacun de ces pouvoirs est un corps suffisament fort ; ensuite, le fait qu’il implique des rapports de domination croisés ; enfin, la connaissance que le peuple a de ses droits et des devoirs de ses représentants[/bgcolor] (cf. Préambule DDHC 1789). La dernière condition étant presque toujours trop peu satisfaite en pratique, elle ne suffit pas, il faut que les pouvoirs soient assez stables et donc qu’il n’y en ait pas un qui écrase vite l’autre (en changeant ou pas la constitution écrite).

Au final, c’est parce que c’est une bonne constitution, parce que la définition des pouvoirs, c’est-à-dire celle de leurs limites, est bien, qu’ils sont « séparés », c’est-à-dire équilibrés et « arrêtés » les uns par les autres. Donc qu’ils sont chacun forcés par les autres de respecter la constitution.

Mais il y a autre chose, qui ne tient pas à la séparation des pouvoirs mais à la composition interne de chaque pouvoir. Il existe des souverains plus ou moins démocratiques, aristocratiques ou monarchiques, des exécutifs plus ou moins aristocratiques ou monarchiques, … Et cet aspect est nécessairement lié à ce que j’appelais un champ de force sociales, faute de quoi la constitution est mauvaise et ne tient pas longtemps. C’est du moins une thèse très répandue. La même qui dit qu’on ne peut instaurer brutalement le tirage au sort pour un peuple trop habitué à l’aristocratie, ou qu’un peuple d’esclaves n’a pas besoin d’un libérateur mais d’un maître, … Il y a là des visions radicales, mais du fondement quand-même.

Il existe aussi et surtout des constitutions pas viables… Comme la nôtre. La meilleure preuve en est que la moitié de ce qui y est écrit n’est plus observé. Des « constitutions » ou le gouvernement est bien plus qu’un exécutif, et plus qu’un exécutif qui fait aussi une part des lois : un gouvernement comme à peu près tous ceux qu’on connait, qui n’exécute pas mais qui commande et qui agit hors du cadre des lois.

Concernant le Parlement et le Gouvernement français, si tu te bases sur ce que la constitution dit qu’ils ont le droit ou pas de faire, tu vois que [b]ces pouvoirs sont très mal séparés effectivement. Le Gouvernement n’a eu de cesse de faire de plus en plus les lois lui-même. Au présent, il les faites presque toutes :

  • soit au plan national :[/b] l’article 34, dès 1958, limitait l’action législative du Parlement en posant une liste finie de domaines pour la loi, en donnant le reste au Gouvernement, donc, agissant par voie réglementaire – dans la dernière modification, Sarkozy a été jusqu’à faire retirer le premier alinéa de l’article 34 qui disait « La loi est votée par le Parlement »… !
    - soit dans le cadre du Conseil, au plan de l’Union européenne. D’ailleurs, la constitution a été copieusement violée puisqu’elle interdit aux membres du Gouvernement l’exercice de tout mandat parlementaire.

Ton idée de "coalition "est intéressante. Cela rappelle la doi-disant « démocratie de partis » et, surtout, le dilemme de la proportionnelle. Quand pas mal de gens disent qu’il serait nécessaire de casser le règne d’une majorité partisanne à l’Assemblée, de donner de la pluralité, etc, bref d’instaurer la proportionnelle, si possible intégrale, le contre-argument le plus récurent est qu’il faut une majorité… pour désigner un Gouvernement stable. Stable, tu parles, en tous cas il s’agit justement de « coaliser » Parlement et Gouvernement (sous l’égide d’un parti).

C’est pour cette raison que j’ai essayé d’imaginer une séparation des rôles parlementaires entre plusieurs assemblées, où on n’aurait plus de sénat, mais notamment deux assemblées distinctes pour assurer les fonctions ici reconnues antagonistes pour ce qui est de la composition d’une assemblée.

Là encore, ça renvoie à des règles constitutionnelles : [bgcolor=#FFFF99]le mode d’élection des députés et sénateurs. Bien que ces salauds en aient fait de simples lois et les aient depuis longtemps votées eux-mêmes, comme leurs salaires et autres avantages. Là, ce n’est plus une coalition, c’est un troupeau ![/bgcolor] De la même manière, ils nous auraient enlevé le tirage au sort si on l’avait. Ce qui nous renvoie à la modification de la constitution par ceux qui exercent ou vont exercer. Autrement dit, là encore, à ce que les différents pouvoirs constitués peuvent faire ou non. L’ennui ici, et c’est bien pour ça qu’on est là, c’est qu’il n’y a pas de pouvoir constitué sur qui compter pour faire respecter ça…

Le Conseil constitutionnel ? Assez curieusement, il me semble qu’il s’oppose plutôt très bien au Parlement. Une raison est qu’étant un arbitre, un « sage » lui-même tout à fait incontrôlé, composé d’anciens Présidents, de gens élus par le Président et ceux des assemblées, … [bgcolor=#FFFF99]il fait comme la Cour de justice des Communautés européennes : il étend progressivement ses pouvoirs.[/bgcolor] Or il ne peut piétinner que sur ceux du législateur. Il l’a tellement bien fait, par contre, qu’il a validé le coup d’État filé européen, qui a vidé la constitution de sa substance, ce qui veut dire aussi qu’il ne respecte pas ses devoirs, en fait, et laisse primer le politique sur le juridique (et indirectement, l’économique sur le politique). [bgcolor=#FFFF99]Pas étonnant : aucun autre pouvoir ne l’arrête, et par ailleurs il ne dépend pas du tout de la sanction du peuple.[/bgcolor]

Je pense que les médias restent largement un contre-pouvoir des gouvernements. À ceci près que les seconds dansent devant les premiers… comme ils sont esclaves des multinationales, de la finance, etc. Passons. Ainsi, le gouvernement, par contre, n’est plus un contre-pouvoir des médias et de leurs patrons. À cause du fait que le Parlement fait aussi des lois pour les mêmes.

Ce que je veux dire ici est qu’il faut qu’il y ait réciprocité, rapports de domination croisés. Faute de quoi l’un bouffe l’autre. Tu peux aussi bien dire qu’il y a coalition, si on considère que chacun y trouve son compte, au sens de l’intérêt particulier et même de corps.

[i]Sandy (03/06) :[/i]

@ Sam

Je pense que cela fait une très grande différence si le gouvernement est autorisé à commettre un abus de pouvoir parce que rien ne l’interdit, plutôt que de commettre un abus de pouvoir alors que cela lui est interdit.

Cette différence c’est la légalité.

Et vous avez raison : rien ne peut empêcher une personne, ni même un gouvernement, de transgresser la loi. Mais reconnaissez qu’accuser une personne ou un gouvernement sur sa moralité ou sa légitimité n’a pas le même poids que de l’accuser sur la légalité de ses actes.

Je suis persuadé que sans la vigilance des citoyens de toute façon toute construction politique censée les protéger ne pourrait que s’effondrer et finir par disparaitre. En particulier donc pour la république et la démocratie.
Mais justement une bonne constitution nous faciliterait énormément le travail :wink:

Je suis d’accord la séparation de pouvoir en elle-même est une forme de limite du pouvoir. Mais si je fais la différence c’est bien pour mettre en avant que [bgcolor=#FFFF99]même séparés, des pouvoirs peuvent se coaliser[/bgcolor] (Et quand je parle de coalition, je veux effectivement parler de coalition à cause d’intérêts communs ou tout simplement par domination de l’un ou de l’autre par les mêmes personnes.)
et le problème originel censé être résolu par la séparation des pouvoirs reste alors entier.

Je veux faire cette différence parce qu’il me semble important de bien faire attention à la séparation des pouvoirs et de bien faire attention à ce qu’ils soient bien tous issus de la volonté générale ( qu’il n’y a nulle part de l’arbitraire ) et de façon à ce qu’ils respectent bien nos droits fondamentaux.

Ce sont les trois ingrédients indispensables à mon avis pour mijoter une bonne constitution. Je n’invente rien je m’inspire des écrits de Benjamin Constant sur le sujet que j’ai trouvé très pertinents.

Ton idée de "coalition "est intéressante. Cela rappelle la soi-disant « démocratie de partis » et, surtout, le dilemme de la proportionnelle. Quand pas mal de gens disent qu’il serait nécessaire de casser le règne d’une majorité partisanne à l’Assemblée, de donner de la pluralité, etc, bref d’instaurer la proportionnelle, si possible intégrale, le contre-argument le plus récurent est qu’il faut une majorité… pour désigner un Gouvernement stable. Stable, tu parles, en tous cas il s’agit justement de « coaliser » Parlement et Gouvernement (sous l’égide d’un parti).
C’est pour cette raison que j’ai essayé d’imaginer une séparation des rôles parlementaires entre plusieurs assemblées, où on n’aurait plus de sénat, mais notamment deux assemblées distinctes pour assurer les fonctions ici reconnues antagonistes pour ce qui est de la composition d’une assemblée.

J’ai pas mal réfléchi à cette question parce que, j’avoue, Jacques Roman m’a bien embêté, et aussi parce que c’est une remarque qui est souvent faite, et je pense qu’en réalité si la proportionnelle se transforme en régime de partis, ce n’est pas uniquement le fait de la proportionnelle, mais aussi le fait de la « représentation nationale ».

Si on remplace la représentation nationale par la représentation populaire ( souveraineté nationale par souveraineté populaire ), bref si l’on réinstaure des mandats impératifs comme défendu par Etienne, je pense que ce serait suffisant pour empêcher ce phénomène.
Les députés devant rendre des comptes aux électeurs ne pourront plus se compromettre dans des jeux partisans.

[i]Jacques Roman (06/06) :[/i]

Mandat impératif/proportionnelle

Sandy (7233).

  1. Le mandat impératif, à supposer qu’il soit possible, est applicable autant au scrutin uninominal qu’à la proportionnelle, et autant en régime de souveraineté nationale qu’en régime de souveraineté populaire. Ou alors, qu’entendez-vous par « mandat impératif » et par « souveraineté nationale », et à quelle proposition d’Étienne vous référez-vous exactement ?

  2. Le mandat impératif n’est pas possible en démocratie moderne : voilà longtemps que les électeurs (et les représentants, qui doivent être à leur écoute) ont acquis le droit de changer d’avis en fonction des circonstances. Le mandat impératif est une procédure féodale, d’Ancien Régime : au mieux c’est une méthode notariale de « procuration » qui n’est pas applicable aux décisions politiques.

  3. Vous êtes-vous demandé ce qui (ne) se serait (pas) passé en 1789 si le Tiers État avait respecté les mandats impératifs ? C’est la dernière fois qu’on a voulu utiliser cette procédure en France : comme vous le savez, du moment qu’on voulait changer les choses, elle est tombée d’elle-même. Est-ce que cette preuve ne’st pas suffisante ? Pourquoi en revenir au système de Louis XIII ?

Le mandat impératif est non seulement impossible de nos jours : il est antidémocratique.

Sandy, vraiment, si vous définissiez ce que vous entendez pas « mandat impératif », ça contribuerait beaucoup à éclaircir le débat : je crois que nous parlons de choses différentes. JR

[i]Sandy (07/06) (en réponse à JR - 06/06) :[/i]

Par mandat impératif j’entends l’obligation pour le représentant de rendre des comptes, c’est à dire une transparence constante sur ses décisions, quelles décisions il prend et pour quelles raisons, ainsi que l’obligation de devoir défendre ses décisions face aux électeurs régulièrement dans des débats publiques soumis au questionnement « au hasard » de citoyens et c’est aussi la possibilité qu’il soit révoqué à tout moment par ses électeurs si celui-ci venait à prendre des décisions contraires au mandat qu’il aurait reçu.

Contrairement à ce que vous dites ce mandat est totalement possible en démocratie moderne, il est même indispensable.

Et toute la supercherie de ces 200 dernières années a été justement d’installer une confusion dans l’esprit des gens sur ce qu’était la démocratie.

Ainsi dans l’esprit des gens un bon élu serait un élu qui agirait tel que le mandat impératif le conçoit, c’est à dire un élu qui tient ses promesses et qui défend ou met en place bel et bien les idées qu’il a défendu pendant sa campagne.

Mais dans la loi et dans la constitution on autorise cet élu à faire tout le contraire de ce qu’il a promis s’il le veut sans qu’il n’ait à répondre de la moindre responsabilité face à ses choix.

Toute la supercherie vient de la notion de souveraineté nationale qui a été introduite pendant la révolution par l’abbé Seiyès.

Un représentant ne serait ainsi pas un représentant des citoyens qui l’ont élu, mais un représentant en fait d’une abstraction qu’on appelle la nation. On parle alors de représentation nationale, au lieu de parler de représentation du peuple, on parle alors de souveraineté nationale, au lieu de parler de souveraineté du peuple.

Et la différence évidemment c’est que ces « représentants nationaux » deviennent responsables « devant la nation toute entière », autant dire devant personne, au lieu d’être responsables devant leurs électeurs.

On prétexte cela du fait qu’ainsi ces « représentants nationaux » pourront décider en leur âme et conscience selon l’intérêt général au lieu de devoir, comme avec le mandat impératif, agir selon les volontés particulières de leurs électeurs.

Et toute la supercherie ensuite a été de confondre nation et peuple, et donc de confondre souveraineté nationale et souveraineté du peuple, alors que la souveraineté nationale très clairement consiste pour le peuple à abandonner sa souveraineté à une caste de politiciens ce qui n’est « théoriquement » plus une démocratie, mais une sorte d’oligarchie ou aristocratie, vu que dans une démocratie c’est la volonté du peuple qui s’applique et non pas la volonté d’un petit groupe de politiciens.

En france, nous sommes dans un système hybride du fait que notre constitution possède tout un tas d’éléments démocratiques et du fait que l’opinion contraint très fortement les politiciens « placés en situation d’irresponsabilité » de quand même agir d’une certaine manière comme s’ils avaient un mandat impératif même si la grande majorité des politiciens, et ce de plus en plus au fil des années, arrive quand même à s’émanciper du poids de l’opinion par le mensonge ou on le voit grâce à l’union européenne par l’éloignement vis à vis des citoyens.

En fait, la supercherie originelle de cette souveraineté nationale est d’avoir présenté le peuple comme un ensemble d’individus qui ne pensaient qu’à leurs intérêts particuliers.
C’est à ceux qui prennent les décisions de s’inquiéter de l’intérêt général.
Hors dans une démocratie, c’est censé être le peuple qui doit décider, c’est donc au peuple de s’inquiéter de l’intérêt général, pas à ses représentants, qui eux ne doivent que défendre ou exécuter la volonté du peuple.

Dans la pratique évidemment le représentant est soumis à des problèmes ou des questions qui n’ont pas forcément été préalablement établies par son mandat, donc il doit toujours prendre des décisions en son âme et conscience, seulement cela doit être en conformité avec son mandat, et cette fois parce qu’il doit rendre des comptes, parce qu’il peut être révoqué à tout moment, celui-ci ne peut trahir la volonté de ceux qui l’ont élu sans mettre en jeu sa responsabilité.

En ce qui concerne le « changement d’avis », c’est effectivement impossible avec un mandat impératif, et encore heureux. Si un représentant ne devait plus être certain des idées qu’il a défendu dans son mandat, il devrait plutôt démissionner, aucune circonstance ne peut justifier qu’il s’octroie la souveraineté qui appartient au peuple.
Si la représentation dans son ensemble devait se retrouver face à une situation nouvelle, changeant radicalement les choses, comme par exemple avec cette crise mondiale, alors il faudrait en toute logique changer de représentation pour la faire correspondre à cette nouvelle donne, l’ancienne représentation inadaptée n’a pas à s’octroyer la souveraineté qui appartient au peuple.

Si Sarkozy avait été un démocrate par exemple, plutôt que de nous imposer son plan bancaire, aurait du dissoudre l’assemblée, pour qu’un débat publique soit organisé et que chacun puisse présenter ses solutions pour résoudre la crise, et qu’un gouvernement « de crise » puisse ainsi être constitué sur l’orientation choisit par les français.

Concernant la révolution, je ne pense pas qu’il soit bon de s’amuser à refaire l’histoire, surement que cette représentation nationale s’est imposée du fait des inégalités évidentes qui existaient parmi la population.
Et effectivement le « cahier des doléances » montrait bien qu’une grande partie de la population pensait à ses intérêts particuliers.
Mais depuis on a pu constater qu’une grande partie des politiciens élus pense aussi à ses intérêts particuliers ou peut être corrompue et agir selon des intérêts particuliers, notamment pour des intérêts de classe sociale.
Aujourd’hui les femmes votent, toutes les classes sociales votent, l’idée de faire voter les étrangers résidants sur le sol français fait de plus en plus de chemin, la précocité des jeunes nous fait nous poser la question du vote à 16 ans plutôt que 18, on voit bien que les nécessités démocratiques font qu’on élargit de le champs des décisions à une toujours plus grande population. Et n’importe qui a le niveau d’instruction nécessaire pour pouvoir décider à condition d’avoir toutes les cartes en main, c’est à dire à condition que toutes les opinions différentes aient pu s’exprimer et qu’elles aient pu toutes se confronter, chose que nous permettent les médias et les nouvelles technologies. On n’est donc plus du tout dans la même situation que lors de la révolution.

De toute manière on voit où la révolution a mené. Quelques années plus tard c’est devenu une dictature et carrément un empire … Donc on ne peut pas prendre pour modèle quelque chose qui n’a pas fonctionné sans s’interroger sur les causes de cet échec.

Jacques Roman (08/06) :[/i]

Mandat impératif/redditionalité

Sandy (7256).

C’est bien ce que je pensais, nous ne parlons pas de la même chose.

Si vous regardez Google, vous verrez que « mandat impératif » n’a jamais eu le sens que vous lui donnez. Et en tout cas, ce n’est pas dans ce sens-là que l’article 27 de la Constitution dit : « Tout mandat impératif est nul ».

Le mandat impératif consisterait en instructions données au représentant au moment de l’élection : vous voterez comme ceci concernant tel projet de loi, vous déposerez tel projet, je vous interdis de voter pour toute proposition du gouvernement en place, etc.

Comme vous le dites vous-même très bien, il ne s’agit pas du tout de ça, mais de l’obligation de rendre des comptes (« obligation redditionnelle », « redditionalité »).

Sur la nécessité de la redditionalité, je crois que nous sommes d’accord, Non seulement la redditionalité est possible en démocratie mais encore elle est vivement recommandée, et je me permets d’appeler votre attention sur la disposition correspondante du nouveau projet EUROCONSTITUTION 1 (http://euroconstitution.org/index.php?post/2009/06/04/Pour-une-vraie-constitution-europeenne )

[i]"Article [67] : Représentativité, responsabilité et redditionalité des agents confédéraux

[…] 3. Redditionalité. Tout agent confédéral, élu ou non, est tenu de rendre compte de sa gestion dans les conditions suivantes :

"a) eurodéputés et représentants eurorégionaux : sous la forme de rapports publics à tout le moins annuels, comportant notamment l’état complet de leur participation aux réunions de l’organe d’appartenance et de ses organes subsidiaires, de leurs votes finals sur les projets d’acte législatif et de résolution, de leurs missions officielles (objectifs et résultats) et de leurs absences (y compris pour maladie)

"b) autres agents politiques : sous réserve des paragraphes [4] et [5] du présent article, à l’organe d’appartenance ;

"c) agents juridictionnels : au Président de la Cour de justice en sa qualité de Président du Système juridictionnel ;

« d) agents exécutifs : à l’autorité hiérarchique. »[/i]

La première condition d’un débat efficace est de s’entendre sur le sens des mots. JR

[i]Sandy (05/06) :[/i]

Rendre des rapports publics annuellement n’est pas suffisant pour générer une vraie responsabilité Jacques, il faut que l’élu soit confronté de vive voix au questionnement de ses électeurs, et il faut que la transparence soit constante, internet permet une telle transparence avec une mise à jour constante.

[i]Sam (08/06) :[/i]

Représentation

@ Sandy,

même séparés, des pouvoirs peuvent se coaliser

Oui, surtout s’ils peuvent modifier eux-mêmes les règles du pouvoir.

Mais encore une fois, si on considère ce qu’on a au présent comme relation entre les deux Assemblées, d’une part entre elles, d’autre part entre elles et le Gouvernement, on peut dire que ces pouvoirs ne sont presque pas séparés : la constitution elle-même les coalise.

Une voie de solution serait de ne plus faire émaner le Gouvernement du Parlement, mais par exemple des citoyens, par l’intermédiaire d’un collège d’électeurs. Mais cela ne suffit pas : deux pouvoirs très autonomes – par rapport au peuple – et tous deux puissants auront intérêt de commencer par se coaliser, comme vous dites, contre le peuple avant que s’effectue toute exploitation des divisions entre eux et en leur sein au profit de ceux qui les domineront, ou indépendamment de cette seconde dynamique : l’intérêt de corps et l’intérêt personnel se combinent en partie. Cela vaut d’autant plus que ces pouvoirs relèvent tous d’eux d’un ordre aristocratique (potentiellement oligarchique).

[color=black]Une autre voie, bien meilleure il me semble, consisterait à [b]employer le bicamérisme pour séparer fortement les deux Assemblées :

  • la première, élue (au suffrage direct) de telle manière que s’y dégage une majorité stable, resterait structurellement coalisée au Gouvernement ;
  • la seconde serait élue (au suffrage direct) à la proportionnelle intégrale. En fait, je suis d’avis qu’elle devrait être intégralement tirée au sort[/b], ceci afin de répondre mieux à cette fonction (séparation par rapport au gouvernement et à l’assemblée des « représentants » ou assemblée aristocratique) et aussi pour d’autres raisons – j’y reviens en fin de message. [/color]
    Je suis également d’avis que, même si on établit formellement la proportionnelle, la représentation se transformera tôt ou tard en régime de partis – ajoutons (représentation) nationale si vous voulez, mais je pense qu’on peut généraliser y compris à des niveaux de circonscription associés à une population et un territoire relativement restreint.

D’ailleurs, que je sache, ce système de parti ne nous est pas imposé directement par la Constitution et cela n’a jamais été le cas depuis la Révolution. Au premier ordre, on peut faire observer que le système des groupes parlementaires nécessitant un seuil fixé, réglant l’initiative, les temps de parole, la répartition dans les commissions parlementaires, la présidence d’Assemblée, …, tout cela relève des réglements internes des Assemblées.
Et on doit aussi souligner que les règles électorales relèvent de la loi (fut-elle organique).
Ce qui s’ajoute évidemment à une mauvaise conception (séparation des pouvoirs) de départ. Ajoutons la dimension de la légalité, soit, mais ce n’est pas tant qu’elle va de soi dans le cadre de la réflexion, c’est que partant de là on est déjà loin de pouvoir l’imposer.

S’agissant de la reddition des comptes, il faut évidemment préciser ses modalités mais pour la rendre effective il faut impérativement instaurer des sanctions. La révocation en cours de mandat sur initiative citoyenne dans la circonscription du député est une modalité.
S’agissant plus généralement de votre « conception souple » du mandat impératif, il n’y a pas de modalité miracle, seul la sanction peut permettre l’effectivité du contrôle.
En fait, le meilleur moyen est de revenir plus largement sur les conditions de la représentation.

[color=black]La représentation devrait être fondé sur la représentativité, non pas sur une légitimité de conception paternaliste ou aristocratique. Parce que la seule manière de s’assurer que les élus feront des lois bonnes pour le peuple et n’ajourneront pas l’adoption de lois nécessaires pour lui est qu’ils ressemblent au peuple ; qu’ils aient éprouvé ses difficultés et qu’ils soient assurés, par ailleurs, de connaître bientôt de nouveau le sort du peuple. Personne n’a jamais démenti ouvertement cette affirmation d’Aristote et de bien d’autres.

« En toute rigueur », la mise en oeuvre de ce principe de similarité des représentants et des représentés suppose le tirage au sort. A minima, elle suppose certaines conditions radicales – dont on comprendra aisément que leur maintien suppose l’interdiction, pour les représentants, de modifier la constitution – notamment : un système électif garantissant la stricte égalité de tous les citoyens s’agissant du pouvoir de se faire connaître comme candidat à l’élection ; une rotation assez rapide des charges législatives et leur non renouvellement.

Or, cette dernière condition est antagoniste avec condition négative théorique de la sanction de l’élu, qui est la non réélection.
Mais de toutes manières, cette condition, on sait qu’elle n’est pas du tout vérifiée en pratique, dans le contexte actuel. A la limite, le taux de renouvellement au Congrès des États-unis dépasse les 99%, et ce sont essentiellement des millionnaires et nombre de milliardaires qu’on réélit. Raoul Marc Jennar avait cité le cas d’une étude sur les députés français : les députés qui avaient été les plus présents, les plus travailleurs, les plus constants, les plus actifs en termes d’initiatives et les plus respectueux de leurs promesses, même, se classaient tous parmi les derniers les moins connus des citoyens en fin de législature.

Quant à la première condition, elle semble si difficile à garantir et si radicale s’agissant de ses conséquences qu’on ferait aussi bien d’instaurer le tirage au sort.

Ce qui me ramène à l’idée de tirer au sort l’une des deux Assemblées parlementaires. L’assemblée démocratique, tirée au sort, ne serait structurellement coalisée ni à l’assemblée « aristocratique » ni au gouvernement, lequel émanerait de cette dernière et ne serait politiquement contrôlé que par elle. L’assemblée démocratique aurait notamment pour rôle de contrôler l’assemblée « aristocratique » ; elle ne contrôlerait pas directement le gouvernement, mais l’assemblée dont il émane.

Les fonctions gouvernementales resteraient ainsi dans l’ordre aristocratique : l’élection resterait ainsi consacrée aux tâches d’experts, de gestionnaires, de chefs, nécessitant une forme de légitimité / de « représentation » « classique » et une obligation de résultats. Ces charges seraient ainsi logiquement renouvelables, et en principe sanctionnées par la non-réelection.
En contrepartie, la fonction législative serait en bonne partie, décisive, confiée à un ordre démocratique. Et l’exécutif soumis au législatif.

Le principal mode de contrôle exercé par l’assemblée démocratique sur le duo assemblée aristocratique - gouvernement, consisterait à empêcher l’assemblée aristocratique d’écrire la loi pour ses clients, associés, mécènes, … et ceux du gouvernement.
Une bonne part de l’initiative législative serait prise par l’assemblée démocratique, à sa convenance, ou par exemple à hauteur de 50%, chiffre fixé dans la constitution.
Le reste de l’initiative des lois serait laissée à l’assemblée aristocratique, donc au gouvernement, aux commerçants, etc. Mais l’assemblée démocratique aurait un pouvoir d’amendement et le veto.
C’est l’assemblée démocratique qui promulguerait les lois.
On peut concevoir (on devrait même peut-être prôner cela) que l’assemblée démocratique délègue régulièrement certaines tâches à d’autres organes tirés au sort, institués ou réunis ponctuellement.
A commencer par la préparation des révisions constitutionnelles éventuelles, qu’elle n’aurait pas le droit de mener elle même.
Dans ses domaines d’initiative, notamment, elle pourrait recourir à des conférences de citoyens dans divers cas
(projets de lois, commissions d’enquête). Elle pourrait prévoir de définir, avant de déléguer, des cas laissant plus ou moins de latitude d’amendement à l’assemblée aristocratique, lui laissant par exemple refuser une proposition à condition que le refus soit dûment motivé : cela laisse aux électeurs le soin de juger et de sanctionner plus tard.
Dans les domaines d’initiative du gouvernement, elle pourrait également, par exemple en cas de surcharge ou dans certaines matières sensibles listées par la constitution, tirer au sort ponctuellement deux cents citoyens parmi un corps de citoyens volontaires, recensés par exemple au moment des élections générales. Ces derniers ne se réuniraient pas, n’amenderaient pas, et devrait simplement accepter ou rejeter le projet (c’est ce que j’appelle un « Sénat d’Alain ».)

Le second mode de contrôle exercé par l’assemblée démocratique sur le duo assemblée aristocratique - gouvernement consisterait à contraindre l’exécutif à n’agir que dans le strict cadre des lois (quitte à devoir réclamer des lois spécifiques à l’occasion).
Cette fonction serait en partie assurée par l’activité législative elle-même (qualité des lois, faible recours au pouvoir règlementaire, …)
D’autres mesures sont à prévoir, qui vont du pouvoir d’auditionner le gouvernement jusqu’à la faculté de l’assemblée démocratique à dissoudre la première assemblée, et avec elle le gouvernement – avant de convoquer de nouvelles élections générales ; je pense que ne devrait pas être accompagné d’un renouvèlement du personnel de l’assemblée démocratique, faute de quoi il y a risque que ce pouvoir essentiel à l’effectivité des contrôles ne soit pas utilisé (ne menace pas d’être utilisé).

L’Assemblée démocratique serait en outre garante de la mise en oeuvre des référendum d’initiative populaire et du contrôle de l’application des règles dans ce cadre.
Parmi ces référendum, on compterait ceux concernant la demande de révocation de députés de l’assemblée aristocratique, ou celle du gouvernement. Ou ceux demandant, plus basiquement, la constitution d’une commission d’enquête, l’audition de tel ministre, ou encore l’abrogation de tel règlement, la saisine d’une conférence de citoyens statuant sur la constitutionnalité de telle loi, …[/color]

[i]Déhel (06/06) :[/i]

@Sam

[b]Brillant et drôle![/b]

   Drôle parce que c'est cette idée - une assemblée tirée au sort qui contrôle l'actuelle assemblée nationale- idée qu'a eue Zolko, c'est cette idée qui nous a motivés à partir de 2005 à consacrer plus d'heures au politique. Malgré nos désaccords, ceci me confirme que nos accords dominent largement et je m'en réjouis.

   Brillant parce qu'on était bien loin d'un tel exposé. Merci.

   Je suis donc [i]a priori[/i] d'accord avec toi comme je trouve que ça aurait aussi sa place [url=http://www.front-plan-c.eu/Forum/viewtopic.php?f=15&t=48&sid=50a4da229e16ae507fd16c5c55aec842#p361][color=blue]ici[/color][/url] ou sur un fil sur ce forum qui débattrait des exigences, des risques, de la nature de la démocratie et de la façon de la mettre en place au service du plus grand nombre. Je trouve par exemple que ton choix de laisser un espace libre aux connivences entre politiques et [i]commerçants[/i] en confiant la promulgation des lois à l'assemblée démocratique et donc en créant une source d'informations/contrôle populaire qui orientera à termes la réélection de tel ou tel simplement brillant. Maintenant quelques réticences quand même:

Une bonne part de l’initiative législative serait prise par l’assemblée démocratique, à sa convenance, ou par exemple à hauteur de 50%, chiffre fixé dans la constitution.

C’est un point crucial. À débattre bien sûr, tout en gardant en tête que le curseur peut être arrêté par l’expérience: on laisse l’initiative législative libre à 100% aux deux chambres et on voit ce que ça donne. Sinon, si l’assemblée démocratique décide, avalise, contrôle, tu risques un aggravement de la tentation démagogique et la neutralisation des experts: un expert par définition pense des choses que personne ne conçoit correctement et il a besoin d’un espace de liberté.

Dans les domaines d’initiative du gouvernement, elle pourrait également, par exemple en cas de surcharge ou dans certaines matières sensibles listées par la constitution, tirer au sort ponctuellement deux cents citoyens parmi un corps de citoyens volontaires, recensés par exemple au moment des élections générales. Ces derniers ne se réuniraient pas, n’amenderaient pas, et devrait simplement accepter ou rejeter le projet (c’est ce que j’appelle un « Sénat d’Alain ».)

Je n’aime pas l’arbitraire de tes matières sensibles comme le nouvel usage du hasard mais j’aime la possibilité d’une consultation populaire sans concertation. J’avais évoqué il y a longtemps un compte citoyen sur internet où chacun pourrait librement participer aux votes des assemblées. Ce vote pourrait être pris en compte quand le bicamérisme ne s’en sort pas? À améliorer sûrement…

Cette fonction serait en partie assurée par l’activité législative elle-même (qualité des lois, faible recours au pouvoir règlementaire, …)

Là je n’ai pas compris. :smiley:

    Enfin, on use depuis longtemps ici du tirage au sort mais jusqu'alors les projets n'étaient pas assez avancés pour s'inquiéter sérieusement de l'usage du hasard. Or le texte de Sam marque selon moi une évolution. Il serait donc temps de faire un peu de mathématiques ou au moins de soumettre une idée construite à un expert. J'en connais un et je peux officier comme [i]traducteur[/i] pour que tout le monde saisisse l'enjeu si il veut bien nous aider. Ceux qui peuvent enrichir cette problématique centrale sont les bienvenus.</blockquote>
[i]Sandy (08/05) :[/i]

Bonjour Sam,

Qu’est ce qui vous laisse penser que contre le phénomène de régime des partis, le mandat impératif tel que je l’ai expliqué, c’est à dire reddition des comptes et révocation, serait insuffisant ? Je ne comprends pas. Dans votre explication vous faites comme si c’était insuffisant et qu’il fallait trouver d’autres moyens, mais sans expliquer pourquoi ?

Concernant le tirage au sort on a déjà eu le débat, et je crois que moi et Jacques étions opposés à cette idée pour des questions de représentation des idées, je crois qu’il faut ouvrir un cheminement direct des idées pour que les idées soient portées d’en bas jusqu’au plus haut niveau politique, et le tirage au sort couperait ce lien.

Bien évidemment, théoriquement une assemblée tirée au sort comporterait cette idée de la même manière qu’elle est répandue dans la population, mais une idée n’est pas répandue dans la population de manière uniforme, il est évident que certaines personnes, l’immense majorité, sont plutôt favorables à une idée mais sans avoir conscience des détails, tandis que d’autres, sans doute ceux qui auront émis cette idée en premier, en auront fait leur cheval de bataille et ce serait pour eux l’idée principale, ils en auraient imaginé tous les détails. L’élection permet aux gens de les choisir, le tirage au sort laissera ce choix au hasard.

Donc à mes yeux, l’assemblée législative doit être élue à la proportionnelle intégrale, et je ne pense pas que je changerais d’avis car le mandat impératif résoud tous les problèmes, vu que tous les problèmes inexorablement proviennent de la supercherie de la représentation nationale pratiquement.

Par contre l’idée d’une 2ème assemblée tirée au sort qui contrôlerait l’autre assemblée, et qui permettrait à l’instar du sénat de proposer des amendements, qui voterait les salaires des élus etc … Pourquoi pas … Resterait à en imaginer plus précisément les pouvoirs.

@ Déhél :

  • merci ;
  • je suis d’accord avec tes différentes « objections » ; tu as vu toi-même que c’étaient des points sur lesquels je n’ai pas spécialement réfléchi ;
  • j’espère qu’on aura l’occasion de développer pas mal dans les temps qui viennent ;
  • tu peux copier-coller ou reprendre ce que tu veux de mes propos sur le blog de Zolko ou ailleurs.

@ Sandy :

je ne dit pas que la reddition des comptes est insuffisante (pour assurer le maintien – ou plutôt la restauration – de notre aristocratie élective, ce qui serait déjà merveilleux), je dis qu’il faut établir des conditions pour qu’elle se fasse en pratique, que cela devienne une contrainte effective qui s’impose aux élus, en fin ou en cours de mandat.
Malheureusement, cela suppose sans doute bien des changements, à commencer par l’interdiction – pratique – fait aux élus de changer cette règle (et bien d’autres) de la constitution…

Pour mémoire, la DDHC de 1789 nous « garantit » déjà que… nous pouvons tous demander des comptes à tout agent public. Naturellement, on n’a jamais rien fait ou presque pour rendre applicable cette garantie.

Je ne pense pas que les raisons de JR quant au refus du tirage au sort soient de cette nature.

Je ne vois pas pourquoi vous craignez que le tirage au sort coupe « le lien » entre représentants (ou gouvernement émanant des représentants) et représentés si vous admettez que notre problème vient déjà de la représentation… Mais cette question me parait très intéressante. Non pas que cela m’inquiète ! Je la trouve porteuse.

Le hasard fait bien les choses. La mathématique, y compris sa branche qu’est la statistique, est une science exacte. Le problème n’est pas à chercher de ce côté.

Quant à l’idée que les représentants soient des gens ayant statistiquement les mêmes idées que le peuple, excusez-moi mais elle me parait tout à fait ridicule : préjudice de classe et corruption structurelle obligent.

Qu’ils aient, eux, spécialement et contrairement aux autres, développé ces idées… C’est statistiquement tout aussi faux.
Et je ne manque pas au plaisir d’ajouter quelques recettes bien connu de la réussite en politique : pour réussir en politique, le mieux est de ne pas avoir de conviction soi-même ; Hitler disait que, pour dominer ses adversaires dans les débats, qui impliquent toujours nombre d’idées et de raisonnements contradictoires (qui ne rassurent pas les gens), le mieux est de choisir une orientation et de s’y accrocher mordicus ; l’art de la propagande consiste non pas à inculquer une idée au peuple mais à lui en emprunter une ; les politiciens sont presque tous des pervers narcissiques ; etc.

Comme l’a dit Jacques, il ne faut pas parler de mandat impératif pour désigner votre conception.
Celle-ci, si j’ai bien compris, est un mandat basé sur une ferme reddition des comptes, y compris quant au respect des promesses électorales, mais qui laisse bien plus de latitude qu’un engagement à appliquer une somme prédéfinie de mesures exactes – engagement de toutes manières impossible à tenir parce qu’au mieux, un député pourra défendre telle position, et voter, non pas décider seul, et parce que la plupart du temps, il répond ce faisant à des questions posées par d’autres ; c’est assez rarement qu’il fait aboutir ses propres initiatives.

Pour la deuxième assemblée, je vois qu’une ouverture s’est faite. Très bien. :wink: Même si je crois déjà comprendre qu’elle n’aurait, selon vous, qu’un rôle législatif consultatif en définitive…

@ Sam

Je ne comprends pas pourquoi vous écartez d’une main mon objection, sans explication ?

Vous avez raison, les mathématiques sont une science exacte, et si c’est la force au niveau de la représentativité, d’une telle assemblée, c’est aussi sa faille dès lors que ce que l’on recherche ce n’est pas forcément une représentativité idéale mais bien un équilibre entre la représentativité et notre volonté de porter tel ou tel projet bien précis au plus haut niveau politique pour le concrétiser.

Un parti politique sert justement à cela, à réfléchir à porter et défendre, et ensuite à réaliser et mettre en place de tels projets, tandis qu’une personne, aussi représentative qu’elle soit des idées partagées dans la population ne pourrait pas forcément faire ce travail seule.

C’est pourquoi en effet, si je suis favorable à une assemblée désignée par tirage au sort, celle-ci n’aurait pas le dernier mot législatif. Ce dernier mot reviendrait à l’assemblée élue à la proportionnelle intégrale et à mandat impératif. De plus, j’y vois une expérience qui peut devenir une étape si c’est concluant, étant donné qu’on n’a jamais testé le tirage au sort, je trouve difficile un changement radical, ne serait-ce que pour le défendre au niveau des gens.

Je conçois qu’il y a bien une différence entre le mandat impératif tel que vous le concevez et ce que j’explique mais néanmoins je ne vois pas pourquoi je devrais l’appeller différemment, car l’éthymologie du mot correspond totalement à un tel sens :slight_smile:

1) Mandat impératif ; 2) assemblée de contrôle tirée au sort

Sandy (7280), pourquoi s’obstiner à proposer une nouvelle définition personnelle du « mandat impératif » qui contredit celle admise par tout le monde y compris dans la constitution, au risque de ne pas se faire comprendre, comme vous l’aurez déjà remarqué ? Est-il si honteux de reconnaître une erreur de définition, tout simplement ?

Votre « explication » du mandat impératif n’est pas une explication : c’est une erreur. Vous voulez parler, c’est évident, de « reddition des comptes » (de « redditionalité »), pas de mandat impératif.

Sur la redditionalité, personne, je crois, ne conteste la nécessité que les élus et les gouvernants rendent compte de leur gestion : cette obligation est inscrite depuis longtemps dans les textes fondamentaux. Ce sont les modalités redditionnelles qui sont intéressantes,

À ce propos, vous estimez que les rapports ne suffisent pas, et que les élus doivent rendre compte de vive voix à leurs électeurs. Justement, les campagnes électorales, les réunions politiques et les interventions dans les médias ne sont-elles pas faites pour ça ? Que proposez-vous d’autre, concrètement ?

Concernant une assemblée nationale tirée au sort, chambre de réflexion qui aurait pour mission de contrôler l’assemblée élue - autrement dit « jury citoyen » ou « comité civique » à l’échelle nationale - , je n’ai rien contre en principe pourvu que cette assemblée n’ait aucun pouvoir décisionnel : seulement des pouvoirs de rapport et de recommandation. Ça fera beaucoup penser à la constitution consulaire de 1799, avec la distinction fonctionnelle entre « Corps législatif » et « Tribunat », mais pourquoi pas ? JR

Sandy, Sam et Jacques, une remarque: vous intégrez le tirage au sort à vos discours comme un élément connu et pour Sam, comme un élément déjà performant. Peut-être n’est-ce qu’ignorance de ma part mais, en l’état actuel, l’usage de la statistique ne me paraît pas encore élucidé.
Il s’agit en effet de répondre à des questions très épineuses:
- comment définir un échantillon représentatif? sur quels critères?
- quelles contraintes imposer au tirage?
- quelle sera la nature du biais statistique et peut-on en trouver de plus anodins que d’autres?
- comment garantir l’usage de la loi des grands nombres?
- etc.

      L'échec récurrent des instituts de sondage témoigne de la difficulté de l'entreprise et je trouve qu'en l'état actuel, s'opposer au tirage au sort comme le soutenir inconditionnellement relève simplement de la conviction. Dans un monde idéal, j'adhère à l'idée parce qu'elle mène à la réappropriation du politique par le peuple mais j'envisage également le très grand risque encourru pour l'idée même de démocratie.

@Déhel

Il y a quand même des gens qui ont pas mal travaillé et écrit sur ce concept : http://www.clerocratie.com/

« échec récurrent », n’exagérons rien. Il semble que Bayrou ait fait la même analyse et se soit pris les pieds dans le tapis. Il aurait même téléphoné au directeur de TNS-SOFRES pour s’excuser d’avoir ainsi pris son institut à partie…

Merci AJH. J’ai déjà pas mal navigué sur ce site à la recherche précisément d’informations sur la mise en place de la clérocratie mais leur système est une combinaison itérative d’élections et de tirage au sort. Ils ne se posent donc pas exactement les mêmes problèmes puisque ils bouleversent le système depuis la base ce qui n’est pas prévu me semble-t-il dans le bicamérisme de Sam. En outre, les clérocrates ne justifient pas pourquoi leurs bases compteraient 3000 personnes autrement qu’en disant que c’est un moyen pour les électeurs de connaître personnellement leurs candidats. J’abonde a priori en leur sens mais j’aimerais que chacun mesure le risque statistique de nourrir les craintes de Jacques Roman ou Sandy.

@Candide. Si l’échec récurrent ne vous plait pas, convenez au moins que les grands instituts de sondage utilisent des recettes élaborées de longue date et protégées. Ils nous proposeront leurs services contre rémunération mais, comme pour les machines à voter, impossible de pénétrer le système, d’en estimer le biais et/ou de l’améliorer. En plus, il faudrait faire un choix entre les différents instituts concurrents et quel critère alors pour les départager?

Tirage au sort

Déhel (7285).

Voilà très longtemps que nous parlons du tirage au sort sur ce site. Ça vous aura échappé parce que vous y êtes relativement nouveau, mais le sujet figure parmi les premiers proposés par Étienne.

Le seul point de convergence entre les participants, jusqu’à présent, est qu’on peut utiliser le tirage au sort pour effectuer des opérations de contrôle citoyennes. Mais en ce qui concerne le tirage au sort décisionnel (désignation de législateurs, de constituants chargés d’adopter définitivement une constitution et, bien sûr, de gouvernants ou de juges), le désaccord est radical, comme vous aurez pu le constater en lisant les messages.

Vous demandez :

[i]- Comment définir un échantillon représentatif? sur quels critères?

  • Quelles contraintes imposer au tirage?

  • Quelle sera la nature du biais statistique et peut-on en trouver de plus anodins que d’autres?

  • Comment garantir l’usage de la loi des grands nombres?[/i]

Qui dit tirage au sort dit tirage au sort, pas sondage.

Par conséquent, la base du tirage au sort doit être tous les électeurs inscrits sur une liste électorale, sans autre critère de sélection ou d’élimination. Sinon, on quitte le tirage au sort pour entrer dans un système de suffrage censitaire.

Il n’y a donc pas lieu de se préoccuper d’échantillons représentatifs, de contraintes, de biais statistiques et de loi des grands nombres : toutes ces considérations sont contraires à l’idée même de tirage au sort.

On tire au sort, un point c’est tout. Ou alors, on en reste à l’élection, et ce sont les électeurs qui appliquent leurs propres critères comme ils l’entendent. JR

[b]1) Mandat impératif ; 2) assemblée de contrôle tirée au sort [/b]

Sandy (7280), pourquoi s’obstiner à proposer une nouvelle définition personnelle du « mandat impératif » qui contredit celle admise par tout le monde y compris dans la constitution, au risque de ne pas se faire comprendre, comme vous l’aurez déjà remarqué ? Est-il si honteux de reconnaître une erreur de définition, tout simplement ?

Votre « explication » du mandat impératif n’est pas une explication : c’est une erreur. Vous voulez parler, c’est évident, de « reddition des comptes » (de « redditionalité »), pas de mandat impératif.

Sur la redditionalité, personne, je crois, ne conteste la nécessité que les élus et les gouvernants rendent compte de leur gestion : cette obligation est inscrite depuis longtemps dans les textes fondamentaux. Ce sont les modalités redditionnelles qui sont intéressantes,

À ce propos, vous estimez que les rapports ne suffisent pas, et que les élus doivent rendre compte de vive voix à leurs électeurs. Justement, les campagnes électorales, les réunions politiques et les interventions dans les médias ne sont-elles pas faites pour ça ? Que proposez-vous d’autre, concrètement ?

Concernant une assemblée nationale tirée au sort, chambre de réflexion qui aurait pour mission de contrôler l’assemblée élue - autrement dit « jury citoyen » ou « comité civique » à l’échelle nationale - , je n’ai rien contre en principe pourvu que cette assemblée n’ait aucun pouvoir décisionnel : seulement des pouvoirs de rapport et de recommandation. Ça fera beaucoup penser à la constitution consulaire de 1799, avec la distinction fonctionnelle entre « Corps législatif » et « Tribunat », mais pourquoi pas ? JR


Admis par qui ? La sémantique est le premier des combats idéologiques et je ne laisserais pas des belles personnes s’accaparer le sens d’un tel mot.

Ce dont je parle n’est pas uniquement la reddition des comptes, mais bien de la mise sous responsabilité de l’élu face à ses électeurs de façon à ce qu’il applique bien leur volonté, la reddition des comptes n’est qu’un élément, la révocation de l’élu à tout moment à l’initiative des électeurs en est un autre.

C’est un mandat impératif. L’élu doit appliquer la volonté de ses électeurs. A la différence du mandat représentatif qui est une délégation de pouvoir des citoyens envers des élus placés en situation d’irresponsabilité.

Quand je précise « de vive voix » il s’agirait d’obliger les élus à organiser régulièrement par exemple chaque année ou à mi mandat et à fin de mandat des réunions publiques qui donneront la parole aux citoyens qui pourront alors les questionner directement sur les décisions qu’ils ont pris au pouvoir. Cela n’a évidemment rien avoir avec les campagnes électorales ou les réunions politiques vu que l’objet de la réunion serait la critique des actions de l’élu durant les précédentes parties de son mandat.

La clé de la démocratie est l’initiative :

La lecture de Hansen, La démocratie athénienne à l’époque de Démosthène, m’a convaincu que deux éléments sont au coeur de ce système, qui concourent à fonder le principe de l’initiative : 1) l’isegoria, droit égal de tous de soumettre un message au débat public ; 2) le volontariat.
Une fois qu’on a dit ça, on se rend compte que c’est trivial. Raison de plus de s’étonner des oublis et des erreurs grossiers concernant des procédures très superficiellement démocratiques.

1) Pas d’isegoria, pas de démocratie

Les résultats des sondages tels qu’on les connait, quels que soient leur objet, l’institut qui les réalise et ses méthodes, n’indiquent jamais la volonté générale.
La raison constante et ultra dominante de cela ne tient pas à une mauvaise application de la science statistique ni même, plus largement, à des écarts par rapport à la déontologie des instituts de sondage.

Cette pour la même raison majeure que les mesures d’audimat ne révèreont jamais quelles sont les demandes de programme.
Cette raison est exactement la même que celle qui fait que les citoyens ne choisissent pas leurs élus.

Cette raison est que les citoyens sont extrêmement inégaux s’agissant de leur pouvoir de choisir les questions posées / les options ou les candidats proposées.
Autrement dit, la différence entre ces trois types de méthodes et une méthode de consultation démocratique tient essentiellement à l’inégalité en termes de pouvoir d’initiative.

@ Déhel :

je tâcherai de prendre le temps, à l’occasion (en 2e lieu), de répondre sur la question technique de l’usage des statistiques. Pour le moment, je m’en tiens à ce que j’ai dit précédemment et j’ajoute simplement ceci : l’applicabilité des lois statistiques au tirage au sort de magistrats avec une grande réussite est attestée par l’expérience de l’Athène antique, où chaque matin les citoyens (après une heure de marche, parfois), jouaient le jeu d’attendre une heure durant le tirage au sort des milliers de jurés et de juges qui jouaient incontestablement l’un des principaux rôles législatifs (plus encore que judiciaire) dans ce système.

Au passage, cette minutie, cette patience pour respecter la procédure, ainsi que le fait particulier qu’on tirait au sort un nombre de jurés d’autant plus grand (de 101 à 2001, je crois) que l’affaire était grave, attestent que ces ancêtres concevaient et admettaient très bien la fiabilité des statistiques (contrainrement à ce qu’a écrit Jacques Rancière, je crois, dans son livre La haine de la démocratie).

C’est un grand plaisir pour moi que de constater que Jacques et Sandy sont ouverts à l’idée d’une chambre parlementaire tirée au sort, même si celle-ci serait privée du pouvoir de décider en dernier ressort. Passons sur le pouvoir d’amender, c’est une question un peu secondaire au regard de certaines autres.

Car ils admettent qu’elle puisse avoir un pouvoir d’initiative législative. Il va de soi que si c’est pour le rendre immédiatement impraticable ou (Jacques) parfaitement consultatif, nous perdons notre temps. Je supposerai donc, évidemment, que Jacques et Sandy n’ont pas une telle intension…

@ Sandy :

  • Quelle objection ai-je écarté d’un revers de main ? Pardonnez-moi, nous avons croisé plusieurs aspects important, il me semble, alors je m’y perds un peu.
les mathématiques sont une science exacte, et si c'est la force au niveau de la représentativité, d'une telle assemblée, c'est aussi sa faille dès lors que ce que l'on recherche ce n'est pas forcément une représentativité idéale mais bien un équilibre entre la représentativité et notre volonté de porter tel ou tel projet bien précis au plus haut niveau politique pour le concrétiser.
Encore une fois, je trouve que vous soulevez de très bonnes questions.

Ma réponse renvoie au second élément qualifiant l’initiative : le volontariat.

2) Pas de volontariat, pas de démocratie

Nous avions déjà causé sur ce forum de la question du volontariat, notamment au sujet de la proposition soutenue par quelques uns d’un vote obligatoire. Proposition que, soit dit en passant, je considère :

  • inutile et contre-productive si l’on instaure par ailleurs le vote blanc – doté d’effet d’exclusion des candidats au selà d’un seuil (sur la définition duquel nous avons beaucoup travaillé sur le fil « vote blanc ») – et d’autres systèmes, tel le vote à point ; à quoi pourrait s’ajouter d’autres méthodes permettant daccroitre l’égalité réelle de tous les citoyens s’agissant du pouvoir de se porter candidats (s’ils le souhaitent) ;
  • odieuse – une lecture récente sur les dictatures du Guatemala et du Salvador des années 1980, régimes où le vote était obligatoire ;
  • anti-démocratique, pour la raison précédente (attentatoire aux libertés fondementales) et précisément parce qu’elle entend lever par une recette miracle le problème du… volontariat, sans lequel il ne peut évidemment pas exister de démocratie.

Tous les classiques s’accordaient en particulier sur celà : en régime aristocratique, une magistrature est un devoir, ne pas le remplir doit être puni (d’amende) ; en démocratie, c’est une charge, le fait de l’assumer doit être rémunéré. C’est là encore un aspect qui s’accorde avec le fondement sur le volontariat.

Pour le reste, c’est à dire hors critère de volontariat, comme vient de l’écrire Jacques, la base du tirage au sort doit être tous les électeurs inscrits sur une liste électorale, sans autre critère de sélection ou d’élimination.
Autre précision : l’acte de volontariat doit être exprimé avant le tirage au sort et même avant que l’objet de la tâche soit connue. Autrement dit, il s’agit d’être volontaire pour exercer ses fonctions de citoyen, y compris le pouvoir.

Quant à l’idée qu’on en vienne à tirer au sort pour des fonctions gouvernementales, l’affaire est entendue pour moi : c’est non. Dans mon idée d’exploitation du bicamérisme, j’ai également proposé qu’une des deux assemblées reste de type aristocratique. Bon, voilà que vous (Jacques, Sandy) voulez la faire primer nettement sur l’autre, ce dont je compte débattre évidemment. Reste à causer aussi des pouvoirs judiciaires. Me concernant, je tiens notamment à voir celui de procureur bien séparé de l’exécutif et de la chambre aristocratique… vous devinez comment ! Par un parquet dont le décideur serait tiré au sort, peu m’importe qu’il siège en grande Assemblée permanente ou en petites conférences de citoyens ponctuelles.