3A1 Désignation des représentants politiques : élections (et avec quel mode de scrutin) ou tirage au sort ?

Sandy, ce n’est pas un excès. C’est un minimum pour garantir l’équité du procédé.

Le tirage au sort n’est équitable que si tout le monde, et je dis bien tout le monde en pesant mes mots, peut participer (seule exception, ceux qui renoncent personellement en croyant ne pas être capacités pour accepter une telle responsabilité, c’est bien plus utile de le faire avant le tirage au sort que d’improviser des procédures pour remplacer ceux qui n’accepteraient pas leur désignation).

C’est alors que les règles statistiques des grands nombres garantissent le mieux les quotas sociologiques dans le résultat final, et que le tirage au sort est juste et équitable.

Si vous organisez des comités, peu importe comment et pour quoi, pour sélectionner les candidats qui seront ultérieurement tirés au sort… alors vous essayez, consciemment ou inconsciemment… de pervertir le mécanisme en votre faveur.

Si vous excluez n’importe qui (avec un profil qui englobe plutôt vos ennemis potentiels) … alors vous essayez, consciemment ou inconsciemment… de pervertir le mécanisme en votre faveur.

Et si vous essayez cela… ceux que vous visez ne vont pas le consentir et rien ne sera donc possible.

Est-il donc si difficile de comprendre cette simple logique ?

Vous n’avez aucune chance de faire valoir une procédure tant que celle-ci incorporera des avantages auxquels vous n’avez pas naturellement droit.

La probabilité notoire que la plupart des gens tirés au sort soient des gens logiques, éthiques et honnêtes ne vous suffit pas? Vous ne pouvez renoncer à essayer de tricher dans votre avantage?

Après le tirage au sort, vous aurez toute l’opportunité que vous voudrez de présenter la solution que votre idéologie soutient aux élus… ils sauront être honnêtes en évaluant ses avantages.

C’est moi qui voudrait bien vous voir arrêter toutes ces tentatives contreproductives.

Mais tu te méprends totalement sur mes propos. Je te dis ça amicalement, tu n’as vraiment rien compris à ce que j’ai expliqué !

Je suis CONTRE l’utilisation du tirage au sort pour désigner les membres de cette constituante. Je suis pour leur élection …
Mon propos n’est donc pas d’essayer de trafiquer le tirage au sort … N’importe quoi …
Si on devait procéder par tirage au sort je suis totalement d’accord il faudrait tirer les gens au sort sur les listes électorales et leur demander s’ils veulent participer à la constituante. Mais ce n’est pas dutout de ça que je parle. Je conteste ici dans cette situation l’utilisation du tirage au sort.

Je reconnais totalement les propriétés du tirage au sort que tu cites.
En effet, cela permet d’obtenir une fidèle représentation sociologique de la population. En effet il n’y a pas plus juste et équitable. En effet, ça permet d’obtenir statistiquement de nombreux gens honnêtes alors qu’actuellement les assemblées obtenues sont gangrénées de gens malhonnêtes.

Mais en contrepartie cela retire à 99% de la population toute participation dans les décisions. Et pour moi c’est tout bonnement inacceptable.

Je ne cherche pas à obtenir des avantages pour mon camp idéologique !!! Je ne suis pas malhonnête, je défends la justice, donc jamais je chercherais des avantages !
Même si ça garantissait la victoire de mon camp idéologique je n’accepterai JAMAIS que 99% des gens soient écartés des décisions.

Ce que je cherche c’est à écarter le plus possible les gens malhonnêtes du processus de décision ( en évitant notamment les conflits d’intérêts ) mais pas seulement !
Je cherche aussi à favoriser une véritable représentation politique ( et non pas sociologique, parce qu’on peut être issus du même milieu social, avoir les mêmes intérêts de classe social et pourtant avoir des idées totalement différentes et opposées ).
Je cherche aussi et surtout à permettre à l’ensemble de la population de participer aux décisions d’une manière juste et équitable.

C’est tout cela à la fois que je recherche, pas l’un ou l’autre. Et je ne renoncerais à aucune de ces choses même si y renoncer garantissait la victoire de mon camp idéologique !
Comprends ma position, non seulement tu me fais tenir des propos qui ne sont pas les miens car t’as compris tout de travers, mais en plus tu me fais passer pour quelqu’un que je ne suis pas …

Moi je défends donc l’élection des membres de la constituante. Election en plusieurs étapes.
D’abord un débat publique de fond en organisant dans toute la france des comités locaux qui pourront désigner des candidats.
Ensuite en organisant des débats médiatisés entre les candidats de ces comités et les candidats des partis politiques.
Et enfin en les départageant par une élection au suffrage universel.

Les comités auraient plusieures fonctions :

  1. faire participer le plus grand nombre de gens au débat publique

  2. faire émerger des candidats qui ne seraient pas forcément issus des partis politiques

  3. permettre d’organiser un débat de fond sur le contenu que l’on veut mettre dans cette constitution ( car il ne faut pas compter sur les médias pour organiser un tel débat )

  4. permettre aux gens de discuter les propositions de chacun dans le détail

  5. garantir l’expression de tous les points de vus dissidents en plaçant le débat publique hors du contrôle des médias

  6. éliminer les hommes de pailles et les gens malhonnêtes, car ils ne sauraient défendre leurs propositions dans le détail soumis à la contradiction face à des tas de citoyens

Bon, Sandy, c’est bien. Organiser une élection avec ceux qui seront filtrés par les comités, au lieu d’un tirage au sort, ce serait encore pire que ce que je vous ai dit.

Vous n’avez qu’à regarder comment cela c’est passé récemment en Islande. Mais regardez donc bien en détail comment se sont proposés ces candidats, quelles étaient leurs caractéristiques, comment et par quels moyens ils ont fait leur campagne électorale, quelles caractéristiques étaient prédominantes dans ceux qui furent élus, et finalement qui et par quels moyens réussirent à faire invalider toute l’élection (en considérant qu’ils ne l’auraient pas fait si les résultats leur auraient sembles satisfaisants, mais qu’ils savaient d’avance qu’ils auraient cette sortie au cas ou).

Vous n’êtes pas conscient de la quantité de tricherie qu’on peut appliquer à une élection dans l’état actuel des choses, ou vous estimez que vous avez quelque part un as dans la manche qui vous donnera l’avantage, et vous ne renoncez pas à vous en servir.

Peut-être, et c’est bien possible, vous croyez que votre position est honnête parce-que vous n’êtes pas conscient des failles présentes dans les procédures que vous croyez satisfaisantes. Pas de celles qui vous offrent des avantages, et même pas celles qui jouent contre vous.

Vous acceptez honnêtement de jouer à la roulette russe avec un adversaire… et vous préférez ignorer qu’il s’arrange pour ne pas mettre une balle dans le colt lorsque c’est son tour de prendre le risque.

C’est dingue de vouloir jouer le jeu quand vous êtes le seul qui pouvez le perdre.

Comme le dit Etienne, j’ai ptet tort mais expliques moi où, quelle tricherie j’oublie ?

Nous interdisons aux élus actuels de participer. Ca signifie que tous les gens actuellement corrompus ne pourront pas participer. Vous croyez quoi ? qu’ils vont trouver des remplaçants comme ça du jour au lendemain ? Ca prend du temps de corrompre … Faudrait pas qu’ils tombent sur quelqu’un d’incorruptible qui les dénonce !

En plus les membres de cette constituante seront inéligibles aux pouvoirs institués, alors avec quelle carotte pourraient-ils les corrompre ?

Les comités démasqueront les éventuels hommes de paille … Ils permettent en plus de faire émerger des candidats et des idées par un autre moyen que les partis politiques et les médias …

C’est largement suffisant je trouve.

Mais voyons, Sandy, votre ingénuité n’a donc pas de limite?

Qui démasquera les comités de paille? Quelle composition et par quels moyens, ces comités?

Tu vois, c’est trop facile que de croire que les tricheurs se trouvent seulement dans le champs des salauds d’en face.

« Nous », c’est qui? Élus comment? Avec quelle autorité?

Les élus actuels, sont-ils « tous les gens actuellement corrompus »?

Ils n’ont pas besoin de trouver des nouveaux remplaçants comme ça du jour au lendemain. D’abord, parce-que cela ne se fera pas du jour au lendemain, et en suite parce-qu’ils disposent déjà d’une longue liste de candidats en attente espérant leur tour pour pouvoir être utiles.

Tu n’as jamais entendu parler de quelque chose qui s’appelle ANTICIPATION? C’est prévoir d’avance ce que peut vouloir faire l’adversaire, et puis prévoir que votre adversaire prévoira que vous aurez prévu … ad nauseam.

Votre largement suffisant… n’arrive même pas à se placer à la ligne de départ pour la course de fond, désolé de ne savoir quoi faire d’utile avec une suffisance si peu versatile.

Cela ne m’étonne pas que quelques-uns trouvent que je joue à être Dieu, il ne leur faut pas grand chose pour considérer n’importe quoi hors du commun.

Tu te bases sur quoi pour avancer de telles affirmations ? Absolument rien.

Ce sont juste des convictions irrationelles.

Et puis tu comprends à peine la moitié de ce qu’on te dit, ça n’aide pas ( tu essaies de comprendre au moins ce qu’on t’écrit ? ou alors tu lis en diagonal ? ).

Tu te bases sur quoi pour avancer de telles affirmations ? Absolument rien.

Ce sont juste des convictions irrationelles.

Et puis tu comprends à peine la moitié de ce qu’on te dit, ça n’aide pas ( tu essaies de comprendre au moins ce qu’on t’écrit ? ou alors tu lis en diagonal ? ).


Sandy, sans doute… chacun à sa propre diagonale :wink: .

Qu’est-ce que tu vois d’irrationnel dans ce que je dis. Je dis bien d’irrationnel, pas nécessairement incompatible avec ta propre lecture diagonale.

Je peu t’assurer que je comprends absolument tout, et quand j’ai des doutes je sais ou trouver ce qui me manque pour compléter la vision correcte.

Quand je dis ingénuité, je le dis parce-que tu ne sembles pas tenir compte des marges de manœuvres qui peuvent être exploités par plusieurs intervenants dans les procédures que tu proposes.

Des fois je pense que tu es conscient de celles qui joueraient en faveur de ceux que t’aime bien… et alors je dois douter de ton honnêteté, des fois je pense que tu n’es pas conscient de celles qui pourraient être abusés contre vous, et alors je vous plains.

Comme les choses ne termineront pas bien si l’on n’empêche pas les abus (tant ceux à faveur que ceux en contre)… je dois bien vous dire quelque-chose.

Dommage si vous n’arrivez pas ou ne voulez pas comprendre.

Bien sur que si j’essaie de prendre en compte toutes les possibilités, et notamment les failles qui pourraient faire en sorte que cela ne marche pas comme souhaité.

Seulement j’aimerais que tu m’expliques clairement où tu vois des failles. Comme j’ai dis j’accepte totalement l’idée de pouvoir me tromper, encore faut-il me le prouver. Tes convictions fantasmées ne sont pas des preuves.
La seule chose que tu m’as répondu ce sont des choses totalement incensées comme l’existence d’une liste d’attente de gens à corrompre pouvant être corrompus le temps de l’organisation de la constituante, prends conscience que ça n’aide pas à te prendre au sérieux :wink:
D’autant plus que l’envoie d’hommes de pailles est prévu et déjoué par le passage nécessaire par des comités.

Tu m’as parlé de comités de paille mais lol quoi c’est quoi ce mélange ?

Pour l’instant j’ai lu tes différentes interventions et tu n’as pas brillé d’aucune façon bien au contraire, je pense donc qu’il serait plus avisé de ta part d’essayer de discuter sans prendre de haut ton interlocuteur car tu n’as absolument rien accomplit qui puisse te permettre un tel comportement hautain.

Je ne te traite pas d’idiot parce que tu ne comprends pas mes propos. Je ne pars pas du principe que tu es malhonnête non plus. Fais-en autant si tu veux avoir une conversation calme et sereine.

Bien sur que si j'essaie de prendre en compte toutes les possibilités, et notamment les failles qui pourraient faire en sorte que cela ne marche pas comme souhaité.

Seulement j’aimerais que tu m’expliques clairement où tu vois des failles. Comme j’ai dis j’accepte totalement l’idée de pouvoir me tromper, encore faut-il me le prouver. Tes convictions fantasmées ne sont pas des preuves.


Les failles… voyons.

Tu t’arranges pour utiliser le tirage au sort. C’est bien. Tu proposes que quelques-uns soient jetés dehors comme possibles « candidats » (tous des ennemis de ta propre idéologie) en utilisant un critère opportuniste. Est-ce que la mince probabilité statistique que quelques-uns de ceux-la soient choisis par le tirage au sort ne te suffit pas? Puis, ces comités que tu appelles de tes veux… ils sont tirés au sort? Ils sont élus dans quel type de procédure? Une procédure de paille avec un résultat garanti à ta faveur d’avance? Pour éviter que tes adversaires aient même les chances que le sort pourrait leur fournir?

La seule chose que tu m'as répondu ce sont des choses totalement incensées comme l'existence d'une liste d'attente de gens à corrompre pouvant être corrompus le temps de l'organisation de la constituante, prends conscience que ça n'aide pas à te prendre au sérieux ;)
Pas une liste d'attente de gens à corrompre... une liste de gens déjà corrompus en attente d'être des candidats à être élus. Comme des cellules dormantes. Ça n'aide pas que tu ne comprennes pas comme il faut (pas parce-que c'est moi qui le dit, mais parce-que c'est la chose logique et éthique à comprendre).
D'autant plus que l'envoie d'hommes de pailles est prévu et déjoué par le passage nécessaire par des comités.
Bien sur, déjoué en ce cas... en faveur de la stratégie de qui? Avec un comité sensé jouer en faveur de qui?
Tu m'as parlé de comités de paille mais lol quoi c'est quoi ce mélange ?
J'ai l'impression que ce ne peut être vrai que tu sois si innocent...
Pour l'instant j'ai lu tes différentes interventions et tu n'as pas brillé d'aucune façon bien au contraire, je pense donc qu'il serait plus avisé de ta part d'essayer de discuter sans prendre de haut ton interlocuteur car tu n'as absolument rien accomplit qui puisse te permettre un tel comportement hautain.
Je ne joue pas exclusivement en ta faveur, c'est peut-être cela qui te gène?
Je ne te traite pas d'idiot parce que tu ne comprends pas mes propos. Je ne pars pas du principe que tu es malhonnête non plus. Fais-en autant si tu veux avoir une conversation calme et sereine.
Je fais tout ce qu'il faut pour que tu comprennes justement la même chose... mais peut-être qu'en ridiculisant ex absurdo tes raisonnements j'arriverai à ce que tu voies une petite lumière.

Si non, tant pis, les miracles, c’est pas encore dans mes attributions :wink:

Puis, ces comités que tu appelles de tes veux... ils sont tirés au sort? Ils sont élus dans quel type de procédure? Une procédure de paille avec un résultat garanti à ta faveur d'avance? Pour éviter que tes adversaires aient même les chances que le sort pourrait leur fournir?
Mais non ...

N’importe qui peut s’y rendre dans ces comités … C’est ça tout l’intérêt …

Ya aucune garantie que les résultats aillent dans mon sens …

Je t’ai déjà expliqué que je ne cherche pas à obtenir un avantage pour mon camp idéologique, je suis simplement démocrate, je cherche à ce que les citoyens qui le veulent participent à la rédaction de la constitution parce que je crois que la constitution doit être rédigée par l’ensemble des citoyens. C’est à mon sens l’acte fondateur d’une communauté politique !

Comme je t’ai dit, je ne peux pas accepter l’utilisation du tirage au sort car cela exclu 99% de la population de la rédaction de la constitution.

Mais non ...

N’importe qui peut s’y rendre dans ces comités … C’est ça tout l’intérêt …


Et quelle serait la la procédure simple pour que ce soit un comité ou tout le monde peut se rendre, et que cela soit aussi minimement opératif comme comité? Tout le monde peut s’y rendre + tous ceux qui s’y rendent ont les mêmes droits = personne n’a d’autorité pour organiser + le chaos est garanti. Un peu d’excitation (et même quelques provocateurs)… et c’est la meute avec rien que la Loi de Lynch. Faudrait être fou pour se rendre à proximité en portant une cravate.

Cela ne me concernerait pas, moi je porte plutôt une barbe style taliban, mais vouloir organiser des « circonstances » ou les adversaires démocrates donneraient forfait parce-que leur sécurité physique ne serait nullement garantie… n’est pas très démocrate. D’accord, les gens qui portent des cravates ne sont pas très démocrates d’habitude… ce n’est pas une raison pour ne pas l’être soi-même. On peut même ne pas être conscient de ne pas l’être, parce-que ce n’est pas l’attitude concrète de quelqu’un qui fait cela, mais le déséquilibre que les circonstances forcent su ce qu’il propose.

Ya aucune garantie que les résultats aillent dans mon sens ...
C'est que tu n'es même pas conscient des mécanismes et circonstances qui jouent leur rôle. Les résultats, dans le sens ou tu voudrais les voir... sont implicites.

L’aristocratie passe à la guillotine… et la bourgeoisie prends le relais. Le peuple, il n’aura même pas l’impression de se faire avoir avant que ce ne soit trop tard.

Je t'ai déjà expliqué que je ne cherche pas à obtenir un avantage pour mon camp idéologique, je suis simplement démocrate, je cherche à ce que les citoyens qui le veulent participent à la rédaction de la constitution parce que je crois que la constitution doit être rédigée par l'ensemble des citoyens. C'est à mon sens l'acte fondateur d'une communauté politique !
Entre ce que tu crois, et ce qui est possible... il y à l'incompatibilité. Il faudra réviser ce que tu crois.
Comme je t'ai dit, je ne peux pas accepter l'utilisation du tirage au sort car cela exclu 99% de la population de la rédaction de la constitution.
Et une élection cela ne choisirait pas le même chiffre de personnes, disons 300, en excluant les autres 99,99% de la population de l'écriture d'une seule ligne de la constitution? En quoi une délégation élue serait plus représentative qu'une délégation tirée au sort? L'élection, qu'on le veuille ou non, discrimine beaucoup plus que le tirage au sort. Il n'y à pas de procédé qui ne puisse pas être abusé dans ses détails. Si ce n'était pas le cas, on ne se trouverait pas aujourd'hui justement ou l'on se trouve.

La représentation est une relation.
Quelqu’un ne peut nous représenter que si on s’est entendu avec lui sur ce qu’il devra dire et défendre en notre nom.
Un tiré au sort, comme vous l’entendez, c’est à dire pioché au hasard dans la population, ne s’est entendu avec personne sur ce qu’il devra dire ou défendre, il ne parlera au nom de personne, il ne représentera personne.
En se concertant et en désignant un porte parole, on participe à la décision, certes indirectement, mais on participe quand même, notre avis pèse dans la décision finale. En tirant au sort ceux qui décideront du contenu de la constitution parmi l’ensemble de la population, vous écartez tous ceux qui ne seront pas tirés au sort de la décision, ils n’y participeront ni directement ni indirectement.

Quand à l’organisation de telles assemblées de citoyens que j’appelle comités, je ne pense pas que cela soit une chose insurmontable. Là encore tu ne m’opposes rien de tangible, uniquement tes certitudes caricaturales et tes fantasmes.
Il me semble que les institutions d’athènes utilisaient déjà un tel procédé, et sans doute dans les mêmes buts, faire participer les citoyens et dissuader la corruption.
Depuis cela a été utilisé de nombreuses fois sans aucun problème d’organisation ou de débordement ^^

Quand tu me dis que j’essaie d’avantager mon camp idéologique, je pensais que tu parlais de mon camp politique ( parti de gauche ), et donc un certain contenu de la constitution favorable à mon parti politique, voilà pourquoi je contestais tes accusations, car jamais je ferais un truc pareil
Je ne pensais pas que par mon camp idéologique tu désignais en fait les « démocrates ».
Car dans ce cas en effet, j’essaie de faire en sorte que les non démocrates, les corrompus, soient écartés du processus constituant, et je le revendique totalement, parce que je défends la mise en place d’une démocratie :wink:
Et je trouve contradictoire de ta part de me faire un tel reproche alors que tu essaies de faire la même chose en proposant le tirage au sort des membres de la constituante …

Arrêtons la, Sandy. Vous êtes irrécupérable pour la raison non-biaisée. Si vous n’arrivez plus à détecter ce qui n’est pas équitable dans vos raisonnements, c’est inutile que nous continuions à échanger des idées qui resteront totalement incompatibles.

Il parait que nous ne partageons même pas le même avis sur ce que constituent les « démocrates » :wink: .

Un tiré au sort, Sandy, représentera plus ou moins exactement la proportion statistique de la population de ceux qui auront des raisons matérielles, intellectuelles et sociales de penser et vouloir agir plus ou moins de la même façon que lui. La distribution statistique due à la loi des grands nombres (elle qui dit que si tu lances une monnaie 1 million de fois… la probabilité que la distribution se trouve loin de 500.000 fois face et 500.000 fois pile… est quasiment inexistante -même si pas absolument improbable quelquefois-). Tout autre procédé, comme l’élection, comme le triage par des comités, en fine, tout ce qui nécessite de l’intervention et du jugement d’un humain pas dénué d’intérêts particuliers… donnera pied à ce qu’il fasse jouer ces intérêts pour avantager les options qui lui sont les plus favorables. Toute l’histoire en témoigne, Sandy. Comme elle témoigne aussi que la grande masse des moins instruits n’a jamais été celle qui en à tiré le plus d’avantage.

C’est bien dommage de me voir traiter comme tu le fais quand je m’efforce pour défendre tes intérêts mieux que tu ne saurais le faire. Je ne fais pas la même chose, Sandy, j’essaie de faire mieux :wink: . Même si tu ne sembles pas comprendre.

Sornettes

« Un tiré au sort représentera plus ou moins exactement la proportion statistique de la population de ceux qui auront des raisons matérielles, intellectuelles et sociales de penser et vouloir agir plus ou moins de la même façon que lui »

Peut-être qu’un jour, du moment que « tout n’est pas perdu », NingúnOtro se rendra compte de la force de cette sornette (en tant que sornette).

Sur le simple plan statistique, j’aimerais savoir comment un échantillon de, mettons, 500 législateurs sur 30 millions de citoyens pourrait être « représentatif ».

D’autant qu’il ne s’agit pas ici de vérité statistique mais de vérité politique. Le choix n’est pas limité à pile ou
face ; les variables correspondantes (sensibilité sociale et philosophique, compétence intellectuelle, bon sens, énergie, honnêteté, aptitude à la négociation, efficacité de l’expression, &) sont trop nombreuses pour espérer que cinq cents tirés au sort renvoient collectivement l’image même très approximative de 30 millions de citoyens.

Élire, c’est choisir. Je veux élire mon politicien exactement pour la raison que je veux choisir mon dentiste plutôt que de le tirer au sort.

En tout cas, qu’on ne qualifie pas les tirés au sort de « représentants » : un tiré au sort, c’est justement et par définition le contraire d’un représentant. JR

Sur le simple plan POLITIQUE, j’aimerais savoir comment un échantillon de, mettons, 500 législateurs sur 30 millions de citoyens pourrait être « représentatif ». :wink:

Sornette pour sornette, Jacques :wink:

En quoi l’échantillonnage POLITIQUE serait-il plus utile à la représentation de la diversité sociale que l’échantillonnage par le tirage au sort?

Est-ce que tu voudrais dire que la « diversité » représentée au parlement est toute la diversité existante?

[bgcolor=#FFFF99]Prochaines conférences :
financement de l’économie sans avoir besoin d’épargne préalable
et rôle irremplaçable du tirage au sort en démocratie
[/bgcolor]

http://etienne.chouard.free.fr/Europe/forum/index.php?2011/04/20/121-prochaines-conferences-financement-de-l-economie-sans-avoir-besoin-d-epargne-prealable-et-radicalite-du-tirage-au-sort-en-politique

Bonjour à tous.

Je vous signale, dans l’ordre chronologique, trois prochaines conférences-débats (où j’aimerais vous rencontrer, si cela est possible) :

• [bgcolor=#FFFF99]Samedi prochain, 23 avril 2011, 15 h, à MARSEILLE[/bgcolor] : La Cobema, 7 impasse Albarel-Malavasi (15e) :
Les enjeux économiques et politiques de la création monétaire et la solution juridique et politique du tirage au sort.


• [bgcolor=#FFFF99]Vendredi 29 avril 2011, 19 h, à NICE[/bgcolor] :

Le Comité pour une Nouvelle Résistance-CNR organise une conférence
sur le thème de la création monétaire et de la dette publique
le vendredi 29 avril 2011 à 19 h, maison des associations, place Garibaldi à Nice.


• [bgcolor=#FFFF99]Samedi 28 mai 2011, 19 h, à FRÉJUS[/bgcolor] :

Ce sera à 19 h, après le Congrès d’Europe-Écologie, au Palais des Congrès. On parlera surtout de tirage au sort, mais les deux sujets (avec le contrôle de la monnaie) sont indissociables. Je vous en dirai un peu plus bientôt.


Amicalement.

Étienne.

Conférences du père Chouard sur le tirage au sort

Voici le texte de ce que je dis ces temps-ci en conférence-débat, sous forme de commentaires du schéma (ci-dessous) que j’ai créé pour fixer les idées sur le tirage au sort ; c’est un résumé de l’état actuel de mes recherches sur le sujet :

[size=15][bgcolor=#FFFF99][b]CENTRALITÉ DU TIRAGE AU SORT EN DÉMOCRATIE[/b][/bgcolor][/size]

La principale racine de nos problèmes politiques est que nous appelons démocratie son strict contraire : l’élection est aristocratique (on élit le meilleur, le meilleur = aristos).

Et pourtant les fondateurs de nos régimes —dont le vrai nom est en fait « gouvernement représentatif »— n’avaient nullement l’intention d’instituer une démocratie, au contraire ! Sieyès en France et Madison aux États-Unis, pour des raisons différentes, tenaient à écarter le peuple des décisions politiques, et ne s’en cachaient nullement (il faut lire à ce propos le petit livre essentiel de Bernard Manin, « principes du gouvernement représentatif »).

C’est par un curieux retournement de vocabulaire (assez bien décrit par Pierre Rosanvallon en 1993) que le mot démocratie s’est mis, dès le début du XIXe siècle, à qualifier un régime qui la méprisait pourtant explicitement dès l’origine. Aujourd’hui, le fait d’appeler démocratie son strict contraire nous emprisonne dans une glu intellectuelle qui nous empêche de formuler une alternative sérieuse : [bgcolor=#FFFF99]nous n’arrivons pas à désigner l’ennemi car l’ennemi a pris le nom de l’ami, LE NOM de ce qui le détruirait. Tenant cette place stratégique, il nous empêche de l’occuper.[/bgcolor]

Alors, qu’est-ce qu’une véritable démocratie ?
L’exemple d’Athènes, il y a 2500 ans, est tout à fait passionnant. Pour comprendre la logique des institutions athéniennes et pour percevoir l’essentiel de ce qui fait leur cohérence, je vous propose un petit schéma :

En gros, les Athéniens avaient comme principal objectif de mettre un terme à plusieurs siècles de tyrannie. Ils étaient armés et ont décidé d’imposer une véritable égalité politique, tout en sachant parfaitement qu’il était impossible (et inutile) d’imposer une égalité générale (physique, économique, sociale, mentale, etc.) ; on parle bien d’égalité politique.

Un premier pilier, dans les institutions de la démocratie, était l’iségoria, droit de parole pour tous à tout moment et à tout propos : les Athéniens considéraient ce droit de parole comme une hygiène de base qui permettait à la démocratie de se protéger elle-même en faisant DE CHAQUE CITOYEN UNE SENTINELLE apte à dénoncer d’éventuelles dérives oligarchiques et à protéger la démocratie, un peu comme si des milliers de paires d’yeux surveillaient en permanence que tout se passe bien, un peu comme des globules blancs. Cette égalité de droit de parole est à la fois une conséquence et une condition de l’égalité politique. Cette égalité est indissociable de la démocratie ; les Athéniens y tenaient plus qu’à toute autre institution. Aujourd’hui, en pleine oligarchie, d’une certaine façon, l’Internet nous rend (un peu) l’iségoria que les élus nous ont volée depuis 200 ans.

C’est l’iségoria qui rendait possible des citoyens actifs et à l’inverse ce sont les citoyens actifs qui donnaient vie à l’iségoria. Les deux se tiennent, vont ensemble.

Je rappelle, pour mémoire, que les citoyens athéniens étaient armés ; je crois que c’est tout sauf un détail : au moment d’écrire des institutions protectrices contre les abus de pouvoir, en 1791, au moment de bâtir des remparts solides contre la tyrannie, Robespierre a écrit un important Discours sur les gardes nationales, expliquant que c’était folie de désarmer le peuple en laissant subsister en son sein un corps armé : pour lui, c’était le chemin garanti vers la tyrannie. Apparemment, effectivement, nous y sommes. On peut noter que les Suisses sont tous armés et que leur service militaire dure toute leur vie.

Pour atteindre cet objectif central d’égalité politique, constatant que le pouvoir corrompt et en déduisant logiquement qu’il faut éviter de laisser au pouvoir le temps de corrompre les acteurs, les Athéniens ont établi qu’il fallait absolument garantir, DE FAÇON TOUT À FAIT PRIORITAIRE, L’AMATEURISME POLITIQUE, et donc LA ROTATION DES CHARGES. Remarque : tout ça est très logique, on ne peut pas retirer une institution sans courir le risque de créer une incohérence. Le seul moyen pour désigner les représentants en faisant tourner rapidement les charges (mandats courts et non renouvelables) était le tirage au sort : en effet, ce qui conduit à une élection conduit mécaniquement, le plus souvent, à une réélection (et donc une stabilisation du personnel politique) ; l’élection conduit donc progressivement et immanquablement à la formation d’une corporation de politiciens professionnels radicalement contradictoire avec l’objectif central de l’égalité politique réelle.

NOTA : donc, si on remplace le tirage au sort par l’élection dans ce schéma, on met tout par terre, on perd la démocratie. Il faut comprendre la cohérence de l’ensemble et l’aspect décisif de la procédure du tirage au sort par rapport aux objectifs fondamentaux de la Cité et par rapport aux autres institutions (qui visent toutes les mêmes objectifs).

On n’a pas le choix : PAS DE DÉMOCRATIE SANS TIRAGE AU SORT.

Ce qu’il est très important d’observer, vraiment très important, c’est un effet fondamental du tirage au sort qui est la DÉSYNCHRONISATION ENTRE LE POUVOIR ÉCONOMIQUE ET LE POUVOIR POLITIQUE. Ceux qui étaient riches étaient souvent privés de tout pouvoir politique puisqu’ils n’étaient même pas citoyens (on appelait « métèques » les étrangers, souvent riches et accueillis pour leurs richesses, pratiquant leurs affaires et vivant confortablement sans être trop gênés, apparemment, par leur impuissance politique), alors que LA PLUPART DES CITOYENS (RICHES POLITIQUEMENT) ÉTAIENT PAUVRES (ÉCONOMIQUEMENT).

Autrement dit, et je trouve ça fondamental, PENDANT 200 ANS D’EXPÉRIENCE DE TIRAGE AU SORT, LES RICHES N’ONT JAMAIS GOUVERNÉ ET LES PAUVRES TOUJOURS. Il ne devrait pas être indifférent à des militants de gauche, aujourd’hui, de constater que, AU CONTRAIRE, 200 ANS D’EXPÉRIENCE DE L’ÉLECTION ONT PERMIS AUX RICHES DE TOUJOURS GOUVERNER, ET AUX PAUVRES JAMAIS.

Il faut comprendre un paradoxe (ou un contresens) : contrairement aux apparences, l’élection repose sur la confiance, alors que le tirage au sort repose sur la défiance. L’élection se fonde sur un idéal (à mon avis parfaitement inaccessible et relevant de l’escroquerie) selon lequel un élu serait vertueux par le seul fait d’être élu et le resterait durablement grâce à la même élection (censée permettre aussi une sanction par non réélection), le peuple étant supposé apte à bien choisir ses maîtres… ce qui est extravagant, un vrai mythe, parfaitement irréaliste. Alors que, au contraire, les Athéniens, très pragmatiques, se connaissaient bien eux-mêmes, se méfiaient les uns des autres et ont bâti des institutions prenant acte de la réalité de leurs imperfections et fondées sur la défiance, sur des contrôles permanents des magistrats qui n’étaient les maîtres de personne ; des institutions comptant sur la mise en scène des conflits, sur l’argumentation contradictoire, à l’occasion de débats publics, dans lesquels aucune décision ne pouvait être prise sans que tous n’aient été obligés d’écouter et réfuter publiquement les arguments des pires adversaires.

L’élection est un abandon politique, un renoncement, un geste de confiance avant de consentir à obéir pendant plusieurs années ; c’est une organisation politique qui n’accorde aux hommes que le droit de choisir des maîtres.
Alors que le tirage au sort est au cœur d’une organisation politique qui matérialise une volonté de tous les hommes de conserver le pouvoir politique et de ne nommer que des exécutants serviles pour leur représentation.

Il ne faut pas oublier qu’en démocratie, ce ne sont pas les tirés au sort qui ont le pouvoir (on les appelait des « magistrat »s), c’est l’assemblée du peuple en corps qui exerce la plénitude du pouvoir politique. Les tirés au sort ne servent qu’à exécuter les tâches que l’assemblée ne peut pas assumer elle-même : par exemple, la préparation et la publication de l’ordre du jour, l’exécution des décisions de l’assemblée, l’organisation matérielle du tirage au sort, de la reddition des comptes, etc.

OBJECTIONS et RÉFUTATION DES OBJECTIONS :

Alors, bien sûr, les objections au tirage au sort tiennent souvent à la crainte de tirer au sort des personnages indésirables ou même dangereux. Mais les Athéniens, comme nous, avaient très peur de tirer au sort des incapables, des malhonnêtes, des abrutis, des salauds… Et pourtant, j’attire votre attention sur le fait que, malgré cette peur, ils ont pratiqué le tirage au sort pendant 200 ans avec succès… On peut donc penser qu’ils avaient trouvé des institutions complémentaires capables d’apaiser ces craintes.

Effectivement, on trouve dans les institutions athéniennes [bgcolor=#FFFF99]toute une série d’institutions protectrices[/bgcolor] qui servaient à « border le système » et empêcher les abus de pouvoir :

Avant le mandat, le volontariat, d’abord, permettait une forme d’autocensure puisque ceux qui ne se considéraient pas eux-mêmes comme capables s’excluaient d’eux-mêmes. Par ailleurs, la docimasie, sorte d’examen d’aptitude (mais pas de compétence puisque l’égalité politique était de principe), examen qui permettait d’éliminer les bandits et les fous, était un autre barrage contre les indésirables avant tout mandat. Enfin, l’ostracisme (importante institution qui n’avait pas, à l’époque, de connotation péjorative, au contraire) permettait de mettre au ban (temporairement) un citoyen considéré comme effrayant (sans le tuer, sans le ruiner, et sans même le déshonorer) : chaque citoyen pouvait graver le nom d’un personnage jugé dangereux sur un ostracon, fragment de poterie, et celui qui était le plus souvent cité était éloigné de la vie politique pour dix ans.

Pendant le mandat, les tirés au sort étaient révocables à tout moment, par un vote de l’assemblée.

En fin de mandat, les tirés au sort devaient rendre des comptes et cette reddition des comptes était suivie de récompenses (honorifiques) ou de punitions éventuellement sévères. Montesquieu soulignait à ce propos que la combinaison entre le risque de punitions et le volontariat permettait de filtrer efficacement les citoyens désignés et rendait le tirage au sort intéressant pour le bien commun : grâce au risque de punitions, il y avait moins de volontaires fantaisistes ou dangereux.

Après le mandat, même, deux procédures d’accusation publique ex post permettaient de mettre en cause après-coup des acteurs éventuellement fautifs : le graphe para nomon et l’ésangélia : l’une pour réexaminer une décision de l’assemblée (et éventuellement punir un citoyen qui aurait induit l’assemblée en erreur en défendant un projet finalement nuisible), l’autre pour mettre en accusation un magistrat isolé.

Tout cela est infiniment plus protecteur qu’un système d’institutions reposant sur l’élection, qui fait, elle, comme si on pouvait compter sur la vertu de certains acteurs. Le tirage au sort, lui, est au centre d’institutions qui assument les conflits et les imperfections individuelles en se fondant sur la défiance et en prévoyant des contrôles à tous les étages. De ce point de vue, un système basé sur l’élection ne peut fonctionner qu’à petite échelle puisqu’il suppose que les gouvernés CONNAISSENT à la fois les gouvernements et leurs actions (ce qui est littéralement impossible à grande échelle : qui donc peut savoir ce que font tous les jours nos élus au niveau européen ?), alors qu’un système basé sur le tirage au sort est beaucoup mieux adapté à des États de grande échelle puisqu’il emporte avec lui DES CONTRÔLES PERMANENTS À TOUS LES ÉTAGES POLITIQUES.

Ce qui est essentiel en démocratie, c’est que chaque citoyen garde l’initiative. Le mot initiative est fondamental et corrélé à l’iségoria. C’est un outil pussant contre toute dérive oligarchique.

Autre objection courante contre le tirage au sort, la rotation des charges empêcherait de maintenir une ligne politique cohérente sur la durée ; des magistrats aux mandats courts et non renouvelables seraient incapables de poursuivre des stratégies cohérentes à long terme… Mais là encore, c’est faire comme si les tirés au sort avaient le même pouvoir que les élus modernes, ce qui n’est pas du tout le cas : dans un système organisé autour du tirage au sort, c’est l’assemblée qui a le pouvoir, et cette assemblée, elle, est tout à fait stable. Les Athéniens n’avaient aucun problème de ce point de vue, au moins rien de plus grave que les incohérences liées aux élections contradictoires, évidemment elles aussi possibles.

Autre objection courante : le monde devient complexe et les tirés au sort ne seraient pas aussi COMPÉTENTS que les élus… Parce que vous trouvez que les élus sont « compétents » ? C’est une blague ? Savez-vous combien de bombes atomiques les élus soi-disant compétents ont fait exploser dans l’atmosphère, en plein air ou sous l’eau !, depuis 1945 ? Plus de 2 000 ! en fait de compétence, c’est de la folie furieuse, oui. Et combien de guerres ?! Et combien de millions de milliards de dollars gaspillés avec des armées suréquipées —qui se neutralisent mutuellement !!!—pendant que des milliards d’hommes crèvent de faim ? Et combien de scandales de corruption avérée ? Et combien de cas de collusion abjecte avec les riches qui ont permis d’élire les élus ? Et combien de trahisons du bien commun ? Un avocat ou un prof qui vient d’être élu est tout à fait incompétent dans le domaine nucléaire ou climatique ou médical ou autre, et c’est son travail sur les dossiers qui va le rendre compétent. On peut en dire tout autant de n’importe quel tiré au sort volontaire qui va devenir compétent en travaillant sur ses dossiers. Les très nombreuses expériences d’assemblées tirées au sort sur des sujets techniques complexes montrent au contraire une extraordinaire compétence collective et un formidable désintéressement par rapport aux lobbys. L’honnêteté et l’absence de conflit d’intérêts sont des caractéristiques bien plus importantes pour le bien commun que la compétence, puisque aucun être humain ne peut prétendre être encyclopédique a priori.

Autre objection fréquente : on nous rappelle aimablement, comme si nous l’ignorions, que les Athéniens étaient esclavagistes, phallocrates, et xénophobes. Effectivement, à l’époque, les femmes ne faisaient pas partie du peuple, les esclaves non plus, et les étrangers non plus. Mais juger ces faits antiques avec les valeurs d’aujourd’hui est un anachronisme, une injustice, une absurdité ; c’est aussi idiot que de reprocher aux Athéniens de ne pas voler en avion… (l’image est de Jacqueline de Romilly). Quand on s’intéresse aux institutions athéniennes, on ne défend pas l’esclavagisme, ni la misogynie, ni la xénophobie, évidemment… Simplement, on a le sens du discernement, on sépare le bon grain de l’ivraie : la démocratie ne fonctionnait pas grâce à l’esclavagisme, ou grâce à la phallocratie, ou grâce à la xénophobie. Autrement dit, débarrassées de ces caractères infamants, les institutions athéniennes auraient produit les mêmes résultats bénéfiques en termes d’égalité politique et de protection contre les oligarques.

Autrement dit, cette objection malhonnête consiste à monter en épingle (exagérer l’importance) de caractères sans aucun rapport avec le sujet central de la démocratie : comment organiser la Cité pour qu’aucun corps n’opprime les autres ? Il ne faut pas se laisser distraire et détourner de l’essentiel, et voir comment le peuple de l’époque, défini comme il pouvait l’être à l’époque, AVEC SES RICHES ET SES PAUVRES (CECI EST ESSENTIEL), voir comment ce peuple s’est protégé contre les oligarques, contre la tendance des riches à tout prendre pour eux, toujours plus. Comme dit Castoriadis, Athènes n’est pas un modèle mais un germe. Certes, on pourrait dire, d’une certaine façon, que l’esclavagisme et le travail des femmes à la maison libéraient du temps pour les hommes, et leur permettaient de la sorte d’aller à l’assemblée, ce qui est vrai, mais la situation actuelle du monde moderne, avec des machines mues par le pétrole qui font à notre place beaucoup plus de travail que les esclaves antiques, cette présence d’esclaves de fer à la place d’esclaves de chair permet d’imaginer que nous pourrions très bien, aujourd’hui, libérer du temps pour que tous les humains puissent exercer une activité politique. C’est donc un mauvais procès, le plus souvent mené par des gens (élus et/ou riches) qui ont intérêt à discréditer la démocratie (puisque le tirage au sort mettrait au chômage les élus et ôterait aux riches leurs précieuses courroies de transmission politiques). Par un amalgame calomnieux, les élus (et leurs parrains) essayent de nous conduire à jeter un beau bébé démocratique avec l’eau sale de son bain esclavagiste.


En complément de ces considérations théoriques, l’étude des FAITS permet de douter de la pertinence des mythes aujourd’hui rabâchés : à l’évidence, la vache sacrée du suffrage universel ne tient pas ses promesses. JAMAIS.

D’ailleurs, le fait que le suffrage universel ait été institué par Napoléon III et Bismarck, et soit aujourd’hui ardemment défendu par les multinationales, par exemple, devrait nous inciter à la plus grande méfiance. Dès 1835, Tocqueville avouait : « Je ne crains pas le suffrage universel, les gens voteront comme on leur dira ». Nous disposons donc de 200 ans d’expérience et de résultats FACTUELS pour chacune des deux procédures : le tirage au sort a été testé pendant 200 ans, au Ve et au IVe siècle avant Jésus-Christ, et l’élection a été testée pendant également 200 ans environ, depuis la fin du XVIIIe siècle. Quels sont les faits intéressants qui ressortent de ces deux expériences de longue durée ? Eh bien, pendant 200 ans de tirage au sort quotidien, les riches n’ont jamais gouverné, trop peu nombreux pour être majoritaires, et LES PAUVRES TOUJOURS. Intéressant, n’est-ce pas ? Au contraire, pendant 200 ans d’élection, les riches ont toujours gouverné, malgré leur petit nombre, et LES PAUVRES JAMAIS.

Il n’est donc pas étonnant que le suffrage universel soit défendu mordicus par tous les MEDEF, UMP, GOLDMAN SACHS et autres MONSANTO du monde.

Il est par contre très étonnant, je trouve, que TOUS les militants de gauche, humanistes, socialistes, communistes, anarchistes, écologistes, tous soucieux de progrès social réel, soutiennent eux aussi le suffrage universel comme une vache sacrée, alors que tout indique que ce mythe est mensonger, une véritable entourloupe !

Pour moi, c’est incompréhensible. De la part des élus, je comprends : ces gens-là haïssent naturellement une idée qui les mettrait au chômage, OK. Mais de la part des non élus, l’attachement à l’élection et le refus du tirage au sort, en déni total de faits criants sur 400 ans, est proprement incompréhensible.

Par définition, l’élection est aristocratique et conduit mécaniquement à l’oligarchie, et les faits confirment l’analyse théorique : toujours et partout, L’ÉLECTION PERMET AUX RICHES D’ACHETER LE POUVOIR POLITIQUE comme on achète une voiture, et L’ISSUE LOGIQUE, MÉCANIQUE, DE L’ÉLECTION, C’EST LE GOUVERNEMENT DES PLUS RICHES, C’EST-À-DIRE DES BANQUES. Voir l’influence de Goldman Sachs, Morgan, Rockefeller, Rothschild et autres sur toutes les gouvernements du monde. D’où le lien indissociable entre le tirage au sort et la création monétaire, qui est le moyen suprême pour les riches de devenir immensément riche et de le rester, en asservissant tous les autres acteurs économiques, y compris les États, par leur dépendance à l’argent rare, l’argent-dette.

C’est un autre pan de la résistance à mener.


BIBLIOGRAPHIE sur le tirage au sort :

LIVRES :

• Bernard Manin, « Principes du gouvernement représentatif » (Champs Flammarion, 1995)

• M. H. Hansen, « La démocratie athénienne à l’époque de Démosthène » (Les Belles Lettres, 2003)

• Moses I. Finley, « Démocratie antique et démocratie moderne » (Petite bibliothèque Payot, 2003)

• Yves Sintomer, « Le pouvoir au peuple. Jurys citoyens, tirage au sort et démocratie participative » (La Découverte, 2007)

• Jacques Rancière, « La haine de la démocratie » (La Fabrique, 2005)

• Cornelius Castoriadis, « Post-scriptum sur l’insignifiance. Entretiens avec Daniel Mermet » (Poche Essai, 1998)

[bgcolor=#FFFF99]Simone Weil, « Note sur la suppression générale des partis politiques » (Écrits de Londres, Gallimard 1957).[/bgcolor]

• Alexis de Tocqueville, « De la démocratie en Amérique » (1835-1840).

• Robert Michels, Les partis politiques (1911).

• Fabrice Wolff, Qu’est-ce que la démocratie directe ? Manifeste pour une comédie historique (Éditions antisociales, 2010).

SITES :

http://stochocratie.free.fr/

http://www.clerocratie.com

http://www.mic-fr.org

Plan C

DIVERS :

André Tolmère, « Manifeste pour la vraie démocratie »

Hervé CHAYGNEAUD-DUPUY, Des députés tirés au sort : proposition iconoclaste pour des citoyens législateurs (2003)

_______

Un texte vraiment superbe, de Simone Weil, à la fin de sa vie :

[bgcolor=#FFFF99][size=15][b]NOTE SUR LA SUPPRESSION GÉNÉRALE DES PARTIS POLITIQUES[/b][/size][/bgcolor]

Simone Weil, 1943, Écrits de Londres, p. 126 et s.

Le mot parti est pris ici dans la signification qu’il a sur le continent européen. Le même mot dans les pays anglo-saxons désigne une réalité tout autre. Elle a sa racine dans la tradition anglaise et n’est pas transplantable. Un siècle et demi d’expérience le montre assez. Il y a dans les partis anglo-saxons un élément de jeu, de sport, qui ne peut exister que dans une institution d’origine aristocratique; tout est sérieux dans une institution qui, au départ, est plébéienne.

L’idée de parti n’entrait pas dans la conception politique française de 1789, sinon comme mal à éviter. Mais il y eut le club des Jacobins. C’était d’abord seulement un lieu de libre discussion. Ce ne fut aucune espèce de mécanisme fatal qui le transforma. C’est uniquement la pression de la guerre et de la guillotine qui en fit un parti totalitaire.

Les luttes des factions sous la Terreur furent gouvernées par la pensée si bien formulée par Tomski : « Un parti au pouvoir et tous les autres en prison. » Ainsi sur le continent d’Europe le totalitarisme est le péché originel des partis.

C’est d’une part l’héritage de la Terreur, d’autre part l’influence de l’exemple anglais, qui installa les partis dans la vie publique européenne. Le fait qu’ils existent n’est nullement un motif de les conserver. Seul le bien est un motif légitime de conservation. Le mal des partis politiques saute aux yeux. Le problème à examiner, c’est s’il y a en eux un bien qui l’emporte sur le mal et rende ainsi leur existence désirable.

Mais il est beaucoup plus à propos de demander : Y a-t-il en eux même une parcelle infinitésimale de bien ? Ne sont-ils pas du mal à l’état pur ou presque ?

S’ils sont du mal, il est certain qu’en fait et dans la pratique ils ne peuvent produire que du mal. C’est un article de foi. « Un bon arbre ne peut jamais porter de mauvais fruits, ni un arbre pourri de beaux fruits. »

Mais il faut d’abord reconnaître quel est le critère du bien.

Ce ne peut être que la vérité, la justice, et, en second lieu, l’utilité publique.

La démocratie, le pouvoir du plus grand nombre, ne sont pas des biens. Ce sont des moyens en vue du bien, estimés efficaces à tort ou à raison. Si la République de Weimar, au lieu de Hitler, avait décidé par les voies les plus rigoureusement parlementaires et légales de mettre les Juifs dans des camps de concentration et de les torturer avec raffinement jusqu’à la mort, les tortures n’auraient pas eu un atome de légitimité de plus qu’elles n’ont maintenant. Or pareille chose n’est nullement inconcevable.

Seul ce qui est juste est légitime. Le crime et le mensonge ne le sont en aucun cas.

Notre idéal républicain procède entièrement de la notion de volonté générale due à Rousseau, Mais le sens de la notion a été perdu presque tout de suite, parce qu’elle est complexe et demande un degré d’attention élevé.

Quelques chapitres mis à part, peu de livres sont beaux, forts, lucides et clairs comme Le Contrat Social. On dit que peu de livres ont eu autant d’influence. Mais en fait tout s’est passé et se passe encore comme s’il n’avait jamais été lu.

Rousseau partait de deux évidences. L’une, que la raison discerne et choisit la justice et l’utilité innocente, et que tout crime a pour mobile la passion. L’autre, que la raison est identique chez tous les hommes, au lieu que les passions, le plus souvent, diffèrent. Par suite si, sur un problème général, chacun réfléchit tout seul et exprime une opinion, et si ensuite les opinions sont comparées entre elles, probablement elles coïncideront par la partie juste et raisonnable de chacune et différeront par les injustices et les erreurs.

C’est uniquement en vertu d’un raisonnement de ce genre qu’on admet que le consensus universel indique la vérité.

La vérité est une. La justice est une. Les erreurs, les injustices sont indéfiniment variables. Ainsi les hommes convergent dans le juste et le vrai, au lieu que le mensonge et le crime les font indéfiniment diverger. L’union étant une force matérielle, on peut espérer trouver là une ressource pour rendre ici-bas la vérité et la justice matériellement plus fortes que le crime et l’erreur.

Il y faut un mécanisme convenable. Si la démocratie constitue un tel mécanisme, elle est bonne. Autrement non.

Un vouloir injuste commun à toute la nation n’était aucunement supérieur aux yeux de Rousseau — et il était dans le vrai — au vouloir injuste d’un homme.

Rousseau pensait seulement que le plus souvent un vouloir commun à tout un peuple est en fait conforme à la justice, par la neutralisation mutuelle et la compensation des passions particulières. C’était là pour lui l’unique motif de préférer le vouloir du peuple à un vouloir particulier.

C’est ainsi qu’une certaine masse d’eau, quoique composée de particules qui se meuvent et se heurtent sans cesse, est dans un équilibre et un repos parfaits. Elle renvoie aux objets leurs images avec une vérité irréprochable. Elle indique parfaitement le plan horizontal. Elle dit sans erreur la densité des objets qu’on y plonge.

Si des individus passionnés, enclins par la passion au crime et au mensonge, se composent de la même manière en un peuple véridique et juste, alors il est bon que le peuple soit souverain. Une constitution démocratique est bonne si d’abord elle accomplit dans le peuple cet état d’équilibre, et si ensuite seulement elle fait en sorte que les vouloirs du peuple soient exécutés.

Le véritable esprit de 1789 consiste à penser, non pas qu’une chose est juste parce que le peuple la veut, mais qu’à certaines conditions le vouloir du peuple a plus de chances qu’aucun autre vouloir d’être conforme à la justice.

Il y a plusieurs conditions indispensables pour pouvoir appliquer la notion de volonté générale. Deux doivent particulièrement retenir l’attention.

L’une est qu’au moment où le peuple prend conscience d’un de ses vouloirs et l’exprime, il n’y ait aucune espèce de passion collective.

Il est tout à fait évident que le raisonnement de Rousseau tombe dès qu’il y a passion collective. Rousseau le savait bien. La passion collective est une impulsion de crime et de mensonge infiniment plus puissante qu’aucune passion individuelle. Les impulsions mauvaises, en ce cas, loin de se neutraliser, se portent mutuellement à la millième puissance. La pression est presque irrésistible, sinon pour les saints authentiques.

Une eau mise en mouvement par un courant violent, impétueux, ne reflète plus les objets, n’a plus une surface horizontale, n’indique plus les densités.

Et il importe très peu qu’elle soit mue par un seul courant ou par cinq ou six courants qui se heurtent et font des remous. Elle est également troublée dans les deux cas.

Si une seule passion collective saisit tout un pays, le pays entier est unanime dans le crime. Si deux ou quatre ou cinq ou dix passions collectives le partagent, il est divisé en plusieurs bandes de criminels. Les passions divergentes ne se neutralisent pas, comme c’est le cas pour une poussière de passions individuelles fondues dans une masse; le nombre est bien trop petit, la force de chacune est bien trop grande, pour qu’il puisse y avoir neutralisation. La lutte les exaspère. Elles se heurtent avec un bruit vraiment infernal, et qui rend impossible d’entendre même une seconde la voix de la justice et de la vérité, toujours presque imperceptible.

Quand il y a passion collective dans un pays, il y a probabilité pour que n’importe quelle volonté particulière soit plus proche de la justice et de la raison que la volonté générale, ou plutôt que ce qui en constitue la caricature.

La seconde condition est que le peuple ait à exprimer son vouloir à l’égard des problèmes de la vie publique, et non pas à faire seulement un choix de personnes. Encore moins un choix de collectivités irresponsables. Car la volonté générale est sans aucune relation avec un tel choix.

S’il y a eu en 1789 une certaine expression de la volonté générale, bien qu’on eût adopté le système représentatif faute de savoir en imaginer un autre, c’est qu’il y avait eu bien autre chose que des élections. Tout ce qu’il y avait de vivant à travers tout le pays — et le pays débordait alors de vie — avait cherché à exprimer une pensée par l’organe des cahiers de revendications. Les représentants s’étaient en grande partie fait connaître au cours de cette coopération dans la pensée; ils en gardaient l’a chaleur; ils sentaient le pays attentif à leurs paroles, jaloux de surveiller si elles traduisaient exactement ses aspirations. Pendant quelque temps — peu de temps — ils furent vraiment de simples organes d’expression pour la pensée publique.

Pareille chose ne se produisit jamais plus.

Le seul énoncé de ces deux conditions montre que nous n’avons jamais rien connu qui ressemble même de loin à une démocratie. Dans ce que nous nommons de ce nom, jamais le peuple n’a l’occasion ni le moyen d’exprimer un avis sur aucun problème de la vie publique; et tout ce qui échappe aux intérêts particuliers est livré aux passions collectives, lesquelles sont systématiquement, officiellement encouragées.

L’usage même des mots de démocratie et de république oblige à examiner avec une attention extrême les deux problèmes que voici :

Comment donner en fait aux hommes qui composent le peuple de France la possibilité d’exprimer parfois un jugement sur les grands problèmes de la vie publique ?

Comment empêcher, au moment où le peuple est interrogé, qu’il circule à travers lui aucune espèce de passion collective ?

Si on ne pense pas à ces deux points, il est inutile de parler de légitimité républicaine.

Des solutions ne sont pas faciles à concevoir. Mais il est évident, après examen attentif, que toute solution impliquerait d’abord la suppression des partis politiques.

Pour apprécier les partis politiques selon le critère de la vérité, de la justice, du. .bien public, il convient de commencer par en discerner les caractères essentiels.

On peut en énumérer trois :

Un parti politique est une machine à fabriquer de la passion collective.

Un parti politique est une organisation construite de manière à exercer une pression collective sur la pensée de chacun des êtres humains qui en sont membres.

La première fin, et, en dernière analyse, l’unique fin de tout parti politique est sa propre croissance, et cela sans aucune limite.

Par ce triple caractère, tout parti est totalitaire en germe et en aspiration. S’il ne l’est pas en fait, c’est seulement parce que ceux qui l’entourent ne le sont pas moins que lui.

Ces trois caractères sont des vérités de fait évidentes à quiconque s’est approché de la vie des partis.

Le troisième est un cas particulier d’un phénomène qui se produit partout où le collectif domine les êtres pensants. C’est le retournement de la relation entre fin et moyen. Partout, sans exception, toutes les choses généralement considérées comme des fins sont par nature, par définition, par essence et de la manière la plus évidente uniquement des moyens. On pourrait en citer autant d’exemples qu’on voudrait dans tous les domaines. Argent, pouvoir, Etat, grandeur nationale, production économique, diplômes universitaires ; et beaucoup d’autres.

Le bien seul est une fin. Tout ce qui appartient au domaine des faits est de l’ordre des moyens. Mais la pensée collective est incapable de s’élever au-dessus du domaine des faits. C’est une pensée animale. Elle n’a la notion du bien que juste assez pour commettre l’erreur de prendre tel ou tel moyen pour un bien absolu.

Il en est ainsi des partis. Un parti est en principe un instrument pour servir une certaine conception du bien public.

Cela est vrai même de ceux qui sont liés aux intérêts d’une catégorie sociale, car il est toujours une certaine conception du bien public en vertu de laquelle il y aurait coïncidence entre le bien public et ces intérêts. Mais cette conception est extrêmement vague. Cela est vrai sans exception et presque sans différence de degrés. Les partis les plus inconsistants et les plus strictement organisés sont égaux par le vague de la doctrine. Aucun homme, si profondément qu’il ait étudié la politique, ne serait capable d’un exposé précis et clair relativement à la doctrine d’aucun parti, y compris, le cas échéant, le sien propre.

Les gens ne s’avouent guère cela à eux-mêmes. S’ils se l’avouaient, ils seraient naïvement tentés d’y voir une marque d’incapacité personnelle, faute d’avoir reconnu que l’expression : « Doctrine d’un parti politique » ne peut jamais, par la nature des choses, avoir aucune signification.

Un homme, passât-il sa vie à écrire et à examiner des problèmes d’idées, n’a que très rarement une doctrine. Une collectivité n’en a jamais. Ce n’est pas une marchandise collective.

On peut parler, il est vrai, de doctrine chrétienne, doctrine hindoue, doctrine pythagoricienne, et ainsi de suite. Ce qui est alors désigné par ce mot n’est ni individuel ni collectif; c’est une chose située infiniment au-dessus de l’un et l’autre domaine. C’est, purement et simplement, la vérité.

La fin d’un parti politique est chose vague et irréelle. Si elle était réelle, elle exigerait un très grand effort d’attention, car une conception du bien public n’est pas chose facile à penser. L’existence du parti est palpable, évidente, et n’exige aucun effort pour être reconnue. Il est ainsi inévitable qu’en fait le parti soit à lui-même sa propre fin.

Il y a dès lors idolâtrie, car Dieu seul est légitimement une fin pour soi-même.

La transition est facile. On pose en axiome que la condition nécessaire et suffisante pour que le parti serve efficacement la conception du bien public en vue duquel il existe est qu’il possède une large quantité de pouvoir.

Mais aucune quantité finie de pouvoir ne peut jamais être en fait regardée comme suffisante, surtout une fois obtenue. Le parti se trouve en fait, par l’effet de l’absence de pensée, dans un état continuel d’impuissance qu’il attribue toujours à l’insuffisance du pouvoir dont il dispose. Serait-il maître absolu du pays, les nécessités internationales imposent des limites étroites.

Ainsi la tendance essentielle des partis est totalitaire, non seulement relativement à une nation, mais relativement au globe terrestre. C’est précisément parce que la conception du bien public propre à tel ou tel parti est une fiction, une chose vide, sans réalité, qu’elle impose la recherche de la puissance totale. Toute réalité implique par elle-même une limite. Ce qui n’existe pas du tout n’est jamais limitable.

C’est pour cela qu’il y a affinité, alliance entre le totalitarisme et le mensonge.

Beaucoup de gens, il est vrai, ne songent jamais à une puissance totale; cette pensée leur ferait peur. Elle est vertigineuse, et il faut une espèce de grandeur pour la soutenir. Ces gens-là, quand ils s’intéressent à un parti, se contentent d’en désirer la croissance; mais comme une chose qui ne comporte aucune limite. S’il y a trois membres de plus cette année que l’an dernier, ou si la collecte a rapporté cent francs de plus, ils sont contents. Mais ils désirent que cela continue indéfiniment dans la même direction. Jamais ils ne concevraient que leur parti puisse avoir en aucun cas trop de membres, trop d’électeurs, trop d’argent.

Le tempérament révolutionnaire mène à concevoir la totalité. Le tempérament petit-bourgeois mène à s’installer dans l’image d’un progrès lent, continu et sans limite. Mais dans les deux cas la croissance matérielle du parti devient l’unique critère par, rapport auquel se définissent en toutes choses le bien et le mal. Exactement comme si le parti était un animal à l’engrais, et que l’univers eût été créé pour le faire engraisser.

On ne peut servir Dieu et Mammon. Si on a un critère du bien autre que le bien, on perd la notion du bien.

Dès lors que la croissance du parti constitue un critère du bien, il s’ensuit inévitablement une pression collective du parti sur les pensées des hommes. Cette pression s’exerce en fait. Elle s’étale publiquement. Elle est avouée, proclamée. Cela nous ferait horreur si l’accoutumance ne nous avait pas tellement endurcis.

Les partis sont des organismes publiquement, officiellement constitués de manière à tuer dans les âmes le sens de la vérité et de la justice.

La pression collective est exercée sur le grand public par la propagande. Le but avoué de la propagande est de persuader et non pas de communiquer de la lumière. Hitler a très bien vu que la propagande est toujours une tentative d’asservissement des esprits. Tous les partis font de la propagande. Celui qui n’en ferait pas disparaîtrait du fait que les autres en font. Tous avouent qu’ils font de la propagande. Aucun n’est audacieux dans le mensonge au point d’affirmer qu’il entreprend l’éducation du public, qu’il forme le jugement du peuple.

Les partis parlent, il est vrai, d’éducation à l’égard de ceux qui sont venus à eux, sympathisants, jeunes, nouveaux adhérents. Ce mot est un mensonge. Il s’agit d’un dressage pour préparer l’emprise bien plus rigoureuse exercée par le parti sur la pensée de ses membres.

Supposons un membre d’un parti — député, candidat à la députation, ou simplement militant — qui prenne en public l’engagement que voici : « Toutes les fois que j’examinerai n’importe quel problème politique ou social, je m’engage à oublier absolument le fait que je suis membre de tel groupe, et à me préoccuper exclusivement de discerner le bien public et la justice. »

Ce langage serait très mal accueilli. Les siens et même beaucoup d’autres l’accuseraient de trahison. Les moins hostiles diraient : « Pourquoi alors a-t-il adhéré à un parti ?» — avouant ainsi naïvement qu’en entrant dans un parti on renonce à chercher uniquement le bien public et la justice. Cet homme serait exclu de son parti, ou au moins en perdrait l’investiture; il ne serait certainement pas élu.

Mais bien plus, il ne semble même pas possible qu’un tel langage soit tenir. En fait, sauf erreur, il ne l’a jamais été. Si des mots en apparence voisins de ceux-là ont été prononcés, c’était seulement par des hommes désireux de gouverner avec l’appui de partis autres que le leur. De telles paroles sonnaient alors comme une sorte de manquement à l’honneur.

En revanche on trouve tout à fait naturel, raisonnable et honorable que quelqu’un dise : « Comme conservateur — » ou : « Comme socialiste — je pense que… »

Cela, il est vrai, n’est pas propre aux partis. On ne rougit pas non plus de dire : « Comme Français, je pense que… » « Comme catholique, je pense que… »

Des petites filles, qui se disaient attachées au gaullisme comme à l’équivalent français de l’hitlérisme, ajoutaient : « La vérité est relative, même en géométrie. » Elles touchaient le point central.

S’il n’y a pas de vérité, il est légitime de penser de telle ou telle manière en tant qu’on se trouve être en fait telle ou telle chose. Comme on a des cheveux noirs, bruns, roux ou blonds, parce qu’on est comme cela, on émet aussi telles et telles pensées. La pensée, comme les cheveux, est alors le produit d’un processus physique d’élimination.

Si on reconnaît qu’il y a une vérité, il n’est permis de penser que ce qui est vrai. On pense alors telle chose, non parce qu’on se trouve être en fait Français, ou catholique, ou socialiste, mais parce que la lumière irrésistible de l’évidence oblige à penser ainsi et non autrement.

S’il n’y a pas évidence, s’il y a doute, il est alors évident que dans l’état de connaissances dont on dispose la question est douteuse. S’il y a une faible probabilité d’un côté, il est évident qu’il y a une faible probabilité; et ainsi de suite. Dans tous les cas, la lumière intérieure accorde toujours à quiconque la consulte une réponse manifeste. Le contenu de la réponse est plus ou moins affirmatif; peu importe. Il est toujours susceptible de révision ; mais aucune correction ne peut être apportée, sinon par davantage de lumière intérieure.

Si un homme, membre d’un parti, est absolument résolu à n’être fidèle en toutes ses pensées qu’à la lumière intérieure exclusivement et à rien d’autre, il ne peut pas faire connaître cette résolution à son parti, Il est alors vis-à-vis de lui en état de mensonge.

C’est une situation qui ne peut être acceptée qu’à cause de la nécessité qui contraint à se trouver dans un parti pour prendre part efficacement aux affaires publiques. Mais alors cette nécessité est un mal, et il faut y mettre fin en supprimant les partis.

Un homme qui n’a pas pris la résolution de fidélité exclusive à la lumière intérieure installe le mensonge au centre même de l’âme. Les ténèbres intérieures en sont la punition.

On tenterait vainement de s’en tirer par la distinction entre la liberté intérieure et la discipline extérieure. Car il faut alors mentir au public, envers qui tout candidat, tout élu, a une obligation particulière de vérité.

Si je m’apprête à dire, au nom de mon parti, des choses que j’estime contraires à la vérité et à la justice, vais-je l’indiquer dans un avertissement préalable ? Si je ne le fais pas, je mens.

De ces trois formes de mensonge — au parti, au public, à soi-même — la première est de loin la moins mauvaise. Mais si l’appartenance à un parti contraint toujours, en tout cas, au mensonge, l’existence des partis est absolument, inconditionnellement un mal.

Il était fréquent de voir dans des annonces de réunion : M. X. exposera le point de vue communiste (sur le problème qui est l’objet de la réunion). M. Y. exposera le point de vue socialiste. M. Z. exposera le point de vue radical.-

Comment ces malheureux s’y prenaient-ils pour connaître le point de vue qu’ils devaient exposer ? Qui pouvaient-ils consulter ? Quel oracle ? Une collectivité n’a pas de langue ni de plume. Les organes d’expression sont tous individuels. La collectivité socialiste ne réside en aucun individu. La collectivité radicale non plus. La collectivité communiste réside en Staline, mais il est loin; on ne peut pas lui téléphoner avant de parler dans une réunion.

Non, MM. X., Y. et Z. se consultaient eux-mêmes. Mais comme ils étaient honnêtes, ils se mettaient d’abord dans un état mental spécial, un état semblable à celui où les avait mis si souvent l’atmosphère des milieux communiste, socialiste, radical.

Si, s’étant mis dans cet état, on se laisse aller à ses réactions, on produit naturellement un langage conforme aux « points de vue » communiste, socialiste, radical.

A condition, bien entendu, de s’interdire rigoureusement tout effort d’attention en vue de discerner la justice et la vérité. Si on accomplissait un tel effort, on risquerait — comble d’horreur — d’exprimer un « point de vue personnel ».

Car de nos jours la tension vers la justice et la vérité est regardée comme répondant à un point de vue personnel.

Quand Ponce Pilate a demandé au Christ: «Qu’est-ce que la vérité ? » le Christ n’a pas répondu. Il avait répondu d’avance en disant : « Je suis venu porter témoignage pour la vérité. »

Il n’y a qu’une réponse. La vérité, ce sont les pensées qui surgissent dans l’esprit d’une créature pensante uniquement, totalement, exclusivement désireuse de la vérité.

Le mensonge, l’erreur — mots synonymes — ce sont les pensées de ceux qui ne désirent pas la vérité, et de ceux qui désirent la vérité et autre chose en plus. Par exemple qui désirent la vérité et en plus la conformité avec telle ou telle pensée établie.

Mais comment "désirer la vérité sans rien savoir d’elle ? C’est là le mystère des mystères. Les mots qui expriment une perfection inconcevable à l’homme — Dieu, vérité, justice — prononcés intérieurement avec désir, sans être joints à aucune conception, ont le pouvoir d’élever l’âme et de l’inonder de lumière.

C’est en désirant la vérité à vide et sans tenter d’en deviner d’avance le contenu qu’on reçoit la lumière. C’est là tout le mécanisme de l’attention.

Il est impossible d’examiner les problèmes effroyablement complexes de la vie publique en étant attentif à la fois, d’une part à discerner la vérité, la justice, le bien public, d’autre part à conserver l’attitude qui convient à un membre de tel groupement. La faculté humaine d’attention n’est pas capable simultanément des deux soucis. En fait quiconque s’attache à l’un abandonne l’autre.

Mais aucune souffrance, n’attend celui qui abandonne la justice et la vérité. Au lieu que le système des partis comporte les pénalités les plus douloureuses pour l’indocilité. Des pénalités qui atteignent presque tout — la carrière, les sentiments, l’amitié, la réputation, la partie extérieure de l’honneur, parfois même la vie de famille. Le parti communiste a porté le système à sa perfection.

Même chez celui qui intérieurement ne cède pas, l’existence de pénalités fausse inévitablement le discernement. Car s’il veut réagir contre l’emprise du parti, cette volonté de réaction est elle-même un mobile étranger à la vérité et dont il faut se méfier. Mais cette méfiance aussi; et ainsi de suite. L’attention véritable est un état tellement difficile à l’homme, tellement violent, que tout trouble personnel de la sensibilité suffit à y faire obstacle. Il en résulte l’obligation impérieuse de protéger autant qu’on peut la faculté de discernement qu’on porte en soi-même contre le tumulte des espérances et des craintes personnelles.

Si un homme fait des calculs numériques très complexes en sachant qu’il sera fouetté toutes les fois qu’il obtiendra comme résultat un nombre pair, sa situation est très difficile. Quelque chose dans la partie charnelle de l’âme le poussera à donner un petit coup de pouce aux calculs pour obtenir toujours un nombre impair. En voulant réagir il risquera de trouver un nombre pair même là où il n’en faut pas. Prise dans cette oscillation, son attention n’est plus intacte. Si les calculs sont complexes au point d’exiger de sa part la plénitude de l’attention, il est inévitable qu’il se trompe très souvent. Il ne servira à rien qu’il soit très intelligent, très courageux, très soucieux de vérité.

Que doit-il faire ? C’est très simple. S’il peut échapper des mains de ces gens qui le menacent du fouet, il doit fuir. S’il a pu éviter de tomber entre leurs mains, il devait l’éviter.

Il en est exactement ainsi des partis politiques.

Quand il y a des partis dans un pays, il en résulte tôt ou tard un état de fait tel qu’il est impossible d’intervenir efficacement dans les affaires publiques sans entrer dans un parti et jouer le jeu. Quiconque s’intéresse à la chose publique désire s’y intéresser efficacement. Ainsi ceux qui inclinent au souci du bien public, ou renoncent à y penser et se tournent vers autre chose, ou passent par le laminoir des partis. En ce cas aussi il leur vient des soucis qui excluent celui du bien public.

Les partis sont un merveilleux mécanisme, par la vertu duquel, dans toute l’étendue d’un pays, pas un esprit ne donne son attention à l’effort de discerner, dans les affaires publiques, le bien, la justice, la vérité.

Il en résulte que — sauf un très petit nombre de coïncidences fortuites — il n’est décidé et exécuté que des mesures contraires au bien public, à la justice et à la vérité.

Si on confiait au diable l’organisation de la vie publique, il ne pourrait rien imaginer de plus ingénieux.

Si la réalité a été un peu moins sombre, c’est que les partis n’avaient pas encore tout dévoré. Mais en fait, a-t-elle été un peu moins sombre ? N’était-elle pas exactement aussi sombre que le tableau esquissé ici ? L’événement ne l’a-t-il pas montré ?

Il faut avouer que le mécanisme d’oppression spirituelle et mentale propre aux partis a été introduit dans l’histoire par l’Église catholique dans sa lutte contre l’hérésie.

Un converti qui entre dans l’Église — ou un fidèle qui délibère avec lui-même et résout d’y demeurer — a aperçu dans le dogme du vrai et du bien. Mais en franchissant le seuil il professe du même coup n’être pas frappé par les anathema sit, c’est-à-dire accepter en bloc tous les articles dits « de foi stricte ». Ces articles, il ne les a pas étudiés. Même avec un haut degré d’intelligence et de culture, une vie entière ne suffirait pas à cette étude, vu qu’elle implique celle des circonstances historiques de chaque condamnation.

Comment adhérer à des affirmations qu’on ne connaît pas? Il suffît de se soumettre inconditionnellement à l’autorité d’où elles émanent.

C’est pourquoi saint Thomas ne veut soutenir ses affirmations que par l’autorité de l’Église, à l’exclusion de tout autre argument. Car, dit-il, il n’en faut pas davantage pour ceux qui l’acceptent; et aucun argument ne persuaderait ceux qui la refusent.

Ainsi la lumière intérieure de l’évidence, cette faculté de discernement accordée d’en haut à l’âme humaine comme réponse au désir de vérité, est mise au rebut, condamnée aux tâches serviles, comme de faire des additions, exclue de toutes les recherches relatives à la destinée spirituelle de l’homme. Le mobile de la pensée n’est plus le désir inconditionné, non défini, de la vérité, mais le désir de la conformité avec un enseignement établi d’avance.

Que l’Église fondée par le Christ ait ainsi dans une si large mesure étouffé l’esprit de vérité — et si, malgré l’Inquisition, elle ne l’a pas fait totalement, c’est que la mystique offrait un refuge sûr — c’est une ironie tragique. On l’a souvent remarqué. Mais on a moins remarqué une autre ironie tragique. C’est que le mouvement de révolte contre l’étouffement des esprits sous le régime inquisitorial a pris une orientation telle qu’il a poursuivi l’œuvre d’étouffement des esprits.

La Réforme et l’humanisme de la Renaissance, double produit de cette révolte, ont largement contribué à susciter, après trois siècles de maturation, l’esprit de 1789. Il en est résulté après un certain délai notre démocratie fondée sur le jeu des partis, dont chacun est une petite Église profane armée de la menace d’excommunication. L’influence des partis a contaminé toute la vie mentale de notre époque.

Un homme qui adhère à un parti a vraisemblablement aperçu dans l’action et la propagande de ce parti des choses qui lui ont paru justes et bonnes. Mais il n’a jamais étudié la position du parti relativement à tous les problèmes de la vie publique. En entrant dans le parti, il accepte des positions qu’il ignore. Ainsi il soumet sa pensée à l’autorité du parti. Quand, peu à peu, il connaîtra ces positions, il les admettra sans examen.

C’est exactement la situation de celui qui adhère à l’orthodoxie catholique conçue comme fait saint Thomas.

Si un homme disait, en demandant sa carte de membre : « Je suis d’accord avec le parti sur tel, tel, tel point; je n’ai pas étudié ses autres positions et je réserve entièrement mon opinion tant que je n’en aurai pas fait l’étude », on le prierait sans doute de repasser plus tard.

Mais en fait, sauf exceptions très rares, un homme qui entre dans un parti adopte docilement l’attitude d’esprit qu’il exprimera plus tard par les mots : « Comme monarchiste, comme socialiste, je pense que… » C’est tellement confortable ! Car c’est ne pas penser. Il n’y a rien de plus confortable que de ne pas penser.

Quant au troisième caractère des partis, à savoir qu’ils sont des machines à fabriquer de la passion collective, il est si visible qu’il n’a pas à être établi. La passion collective est l’unique énergie dont disposent les partis pour la propagande extérieure et pour la pression exercée sur l’âme de chaque membre.

On avoue que l’esprit de parti aveugle, rend sourd à la justice, pousse même d’honnêtes gens à l’acharnement le plus cruel contre des innocents. On l’avoue, mais on ne pense pas à supprimer les organismes qui fabriquent un tel esprit.

Cependant on interdit les stupéfiants.

Il y a quand même des gens adonnés aux stupéfiants.

Mais il y en aurait davantage si l’Etat organisait la vente de l’opium et de la cocaïne dans tous les bureaux de tabac, avec affiches de publicité pour encourager les consommateurs.

La conclusion, c’est que l’institution des partis semble bien constituer du mal à peu près sans mélange. Ils sont mauvais dans leur principe, et pratiquement leurs effets sont mauvais.

La suppression des partis serait du bien presque pur. Elle est éminemment légitime en principe et ne paraît susceptible pratiquement que de bons effets.

Les candidats diront aux électeurs, non pas : « J’ai telle étiquette » — ce qui pratiquement n’apprend rigoureusement rien au public sur leur attitude concrète concernant les problèmes concrets — mais : « Je pense telle, telle et telle chose à l’égard de tel, tel, tel grand problème. »

Les élus s’associeront et se dissocieront selon le jeu naturel et mouvant des affinités. Je peux très bien être en accord avec M. A. sur la colonisation et en désaccord avec lui sur la propriété paysanne; et inversement pour M. B. Si on parle de colonisation, j’irai, avant la séance, causer un peu avec M. A.; si on parle de propriété paysanne, avec M. B.

La cristallisation artificielle en partis coïncidait si peu avec les affinités réelles qu’un député pouvait être en désaccord, pour toutes les attitudes concrètes, avec un collègue de son parti, et en accord avec un homme d’un autre parti.

Combien de fois, en Allemagne, en 1932, un communiste et un nazi, discutant dans la rue, ont été frappés de vertige mental en constatant qu’ils étaient d’accord sur tous les points !

Hors du Parlement, comme il existerait des revues d’idées, il y aurait tout naturellement autour d’elles des milieux. Mais ces milieux devraient être maintenus à l’état de fluidité. C’est la fluidité qui distingue du parti un milieu d’affinité et l’empêche d’avoir une influence mauvaise. Quand on fréquente amicalement celui qui dirige telle revue, ceux qui y écrivent souvent, quand on y écrit soi-même, on sait qu’on est en contact avec le milieu de cette revue. Mais on ne sait pas soi-même si on en fait partie; il n’y a pas de distinction nette entre le dedans et le dehors. Plus loin, il y a ceux qui lisent la revue et connaissent un ou deux de ceux qui y écrivent. Plus loin, les lecteurs réguliers qui y puisent une inspiration. Plus loin, les lecteurs occasionnels. Mais personne ne songerait à penser ou à dire : « En tant que lié à telle revue, je pense que… »

Quand des collaborateurs à une revue se présentent aux élections, il doit leur être interdit de se réclamer de la revue. Il doit être interdit à la revue de leur donner une investiture, ou d’aider directement ou indirectement leur candidature, ou même d’en faire mention.

Tout groupe d’ « amis » de telle revue devrait être interdit.

Si une revue empêche ses collaborateurs, sous peine de rupture, de collaborer à d’autres publications quelles qu’elles soient, elle doit être supprimée dès que le fait est prouvé.

Ceci implique un régime de la presse rendant impossibles les publications auxquelles il est déshonorant de collaborer (genre Gringoire, Marie-Claire, etc.).

Toutes les fois qu’un milieu tentera de se cristalliser en donnant un caractère défini à la qualité de membre, il y aura répression pénale quand le fait semblera établi.

Bien entendu il y aura des partis clandestins. Mais leurs membres auront mauvaise conscience. Ils ne pourront plus faire profession publique de servilité d’esprit. Ils ne pourront faire aucune propagande au nom du parti. Le parti ne pourra plus les tenir dans un réseau sans issue d’intérêts, de sentiments et d’obligations.

Toutes les fois qu’une loi est impartiale, équitable, et fondée sur une vue du bien public facilement assimilable pour le peuple, elle affaiblit tout ce qu’elle interdit. Elle l’affaiblit du fait seul qu’elle existe, et indépendamment des mesures répressives qui cherchent à en assurer l’application.

Cette majesté intrinsèque de la loi est un facteur de la vie publique qui est oublié depuis longtemps et dont il faut faire usage.

Il semble n’y avoir dans l’existence de partis clandestins aucun inconvénient "qui ne se trouve à un degré bien plus élevé du fait des partis légaux.

D’une manière générale, un examen attentif ne semble laisser voir à aucun égard aucun inconvénient d’aucune espèce attaché à la suppression des partis.

Par un singulier paradoxe les mesures de ce genre, qui sont sans inconvénients, sont en fait celles qui ont le moins de chances d’être décidées. On se dit : si c’était si simple, pourquoi est-ce que cela n’aurait pas été fait depuis longtemps ?

Pourtant, généralement, les grandes choses sont faciles et simples.

Celle-ci étendrait sa vertu d’assainissement bien au-delà des affaires publiques. Car l’esprit de parti en était arrivé à tout contaminer.

Les institutions qui déterminent le jeu de la vie publique influencent toujours dans un pays la totalité de la pensée, à cause du prestige du pouvoir.

On en est arrivé à ne presque plus penser, dans aucun domaine, qu’en prenant position « pour » ou « contre » une opinion. Ensuite on cherche des arguments, selon le cas, soit pour, soit contre. C’est exactement la transposition de l’adhésion à un parti.

Comme, dans les partis politiques, il y a des démocrates qui admettent plusieurs partis, de même dans le domaine des opinions les gens larges reconnaissent une valeur aux opinions avec lesquelles ils se disent en désaccord.

C’est avoir complètement perdu le sens même du vrai et du faux.

D’autres, ayant pris position pour une opinion, ne consentent à examiner rien qui lui soit contraire. C’est la transposition de l’esprit totalitaire.

Quand Einstein vint en France, tous les gens des milieux plus ou moins intellectuels, y compris les savants eux-mêmes, se divisèrent en deux camps, pour et contre. Toute pensée scientifique nouvelle a dans les milieux scientifiques ses partisans et ses adversaires animés les uns et les autres, à un degré regrettable, de l’esprit de parti. Il y a d’ailleurs dans ces milieux des tendances, des coteries, à l’état plus ou moins cristallisé.

Dans l’art et la littérature, c’est bien plus visible encore. Cubisme et surréalisme ont été des espèces de partis. On était « gidien » comme on était « maurrassien ». Pour avoir un nom, il est utile d’être entouré d’une bande d’admirateurs animés de l’esprit de parti.

De même il n’y avait pas grande différence entre l’attachement à un parti et l’attachement à une Église ou bien à l’attitude antireligieuse. On était pour ou contre la croyance en Dieu, pour ou contre le christianisme, et ainsi de suite. On en est arrivé, en matière de religion, à parler de militants.

Même dans les écoles on ne sait plus stimuler autrement la pensée des enfants qu’en les invitant à prendre parti pour ou contre. On leur cite une phrase de grand auteur et on leur dit : « Êtes-vous d’accord ou non ? Développez vos arguments. » A l’examen les malheureux, devant avoir fini leur dissertation au bout de trois heures, ne peuvent passer plus de cinq minutes à se demander s’ils sont d’accord. Et il serait si facile de leur dire : « Méditez ce texte et exprimez les réflexions qui vous viennent à l’esprit ».

Presque partout — et même souvent pour des problèmes purement techniques — l’opération de prendre parti, de prendre position pour ou contre, s’est substituée à l’obligation de la pensée.

C’est là une lèpre qui a pris origine dans les milieux politiques, et s’est étendue, à travers tout le pays, presque à la totalité de la pensée.

Il est douteux qu’on puisse remédier à cette lèpre, qui nous tue, sans commencer par la suppression des partis politiques.

Simone Weil, Note sur la suppression générale des partis politiques (1943),
Écrits de Londres (Gallimard, 1950), p. 126 et s.


Remarque : la racine de notre mal politique est peut-être plus profonde encore.

À Athènes, il y a 2 500 ans, le monde a vu vivre une authentique démocratie. Authentique parce que fondée sur le tirage au sort, et confirmée par 200 ans de pratique quotidienne de ce tirage au sort, équitable et incorruptible. Pendant toute cette longue période de tirage au sort, les pauvres ont toujours gouverné et les riches jamais.

Dans cette vraie démocratie, il n’y avait pas de partis parce que les partis y étaient inutiles (et d’ailleurs interdits) ; les partis étaient alors inutiles car il n’y avait pas (ou peu) d’élections : les partis ne servent qu’à gagner les élections et à rien d’autre, et 200 ans de pratique de l’élection (depuis la fin du XVIIIe siècle) montrent que ce sont TOUJOURS les riches qui gagnent les élections —précisément grâce aux partis qu’ils financent à grands frais— et les pauvres jamais.

La résistance aux partis est donc très liée à la résistance à l’élection (des représentants politiques), qui est une procédure fondamentalement et inévitablement aristocratique (on choisit les meilleurs=aristos), par définition, et donc, comme toutes les procédures aristocratiques, une procédure qui conduit mécaniquement à l’oligarchie.

Pas de démocratie sans tirage au sort.

Étienne Chouard, 22 avril 2011.
Plan C


[bgcolor=#FFFF99]Pour une impression soignée, ce texte magnifique est disponible à cette adresse :
http://etienne.chouard.free.fr/Europe/Simone_Weil_Note_sur_la_suppression_generale_des_partis_politiques.pdf[/bgcolor]
Amicalement.

Étienne.

Il est par contre très étonnant, je trouve, que TOUS les militants de gauche, humanistes, socialistes, communistes, anarchistes, écologistes, tous soucieux de progrès social réel, soutiennent eux aussi le suffrage universel comme une vache sacrée, alors que tout indique que ce mythe est mensonger, une véritable entourloupe !

Pour moi, c’est incompréhensible. De la part des élus, je comprends : ces gens-là haïssent naturellement une idée qui les mettrait au chômage, OK. Mais de la part des non élus, l’attachement à l’élection et le refus du tirage au sort, en déni total de faits criants sur 400 ans, est proprement incompréhensible.


La, enfin, vous commencez à comprendre!

Moi, cela fait un bout de temps que j’ai une explication rationnelle pour cela qui est universelle.

Je suis tout gagné pour le tirage au sort, sans aucune doute.

Mais… pour arriver à installer le tirage au sort démocratiquement… il faut passer par le fait de le faire adopter par une majorité… d’élus. Cela ne peut être fait qu’en travaillant pour faire élire des gens convaincus du fait qu’il faut passer au tirage au sort aussi tôt que possible.

Cela ne se fera pas d’un coup, mais par étapes intermédiaires et toujours fragiles (voire la situation en Islande). Des étapes intermédiaires qui signifient… avancer progressivement ET partager l’existence avec des élections traditionnelles, faisant un travail de divulgation et de pression croissante.

Le plus grand problème n’est pas l’argent des autres… il est plutôt l’ignorance de ceux qui seraient « naturellement » de notre coté si seulement ils savaient que cela leur convient.

Je trouve, Étienne, que tu devrais faire la différence entre les humanistes et la gauche. La gauche, ce sont presque tous des humanistes (je dirais même qu’ils peuvent faire > 80% des humanistes, des autres se trouvant réfugiées chez les anarchistes, les écolo et les indigénistes/décroissants), mais qui ont la mauvaise idée fixe de l’égalité matérialiste par la lobotomie égalisatrice. Lobotomie égalisatrice intellectuelle, dépossession égalisatrice matérielle… cela mène à des zombis individuels sans possibilité de structure organisationnelle opérative = desarmement total (on croirait faire une radiographie de toute la gauche actuelle :wink: ). C’est du à une mauvaise définition (je dirais intentionnelle, mais je ne sais pas si due à des considérations opérationnelles à court terme ou stratégiques à long terme) de la condition de classe sociale par Karl Marx. La possession de biens (de production ou normaux) n’est qu’un symptôme (qui peut être mal interprété, souvent de manière induite pour inciter des masses analphabètes :wink: ), la vraie base de la distinction de classe ne peut se trouver dans des symptômes… elle doit être cherchée dans LES CAUSES qui mènent vers l’apparition de tels symptômes.

L’origine d’une cause chez les humains… est et sera toujours rationnelle (avec un reste d’irrationalité toutefois, celle-ci étant de fait due à notre incapacité pour modéliser notre comportement jusqu’au bout). Si nous faisons quelque-chose et pas une autre… c’est parce-que nous avons développé une logique qui nous fait faire ce choix en suivant des critères (souvent logiques, mais quelques-fois instinctifs et en ratant des logiques contre-intuitives).

Tout ce qui est… est du à des choix, et à des équilibres de force entre choix opposés.

[bgcolor=#FFFF99]Dernière version de mon exposé et de mon schéma sur le tirage au sort[/bgcolor]

Chers amis,

Comme vous ne l’avez peut-être pas remarqué, je viens de mettre [bgcolor=#FFFF99]au propre[/bgcolor] mon [bgcolor=#FFFF99]SCHÉMA sur le tirage au sort au coeur de toute démocratie digne de ce nom[/bgcolor].

Voir plus haut, message n°10589.

J’ai aussi [bgcolor=#FFFF99]mis au propre mon EXPOSÉ[/bgcolor], pour une impression soignée.
C’est là : http://etienne.chouard.free.fr/Europe/centralite_du_tirage_au_sort_en_democratie.pdf

Demain après-midi, conférence-débat à Marseille ; c’est sur la création monétaire, mais on parlera aussi sans doute de tirage au sort, puisque c’est complètement lié (on ne récupèrera jamais la création monétaire tant que l’élection permettra aux banques de s’approprier les élus).

Étienne.