3A1 Désignation des représentants politiques : élections (et avec quel mode de scrutin) ou tirage au sort ?

La valse des certitudes
Lors même que les intellectuels de tous bords s’échinent à détricoter le présent, s’accordant à constater que la situation actuelle est absolument originale et pose des problèmes d’une autre logique que celle jusqu’alors appliquée, que tous - les cathodiques mis à part, mais sont-ils mêmes des intellectuels - échangent, dépassent leurs divergences idéologiques, se confrontent et ce dans le seul dessein de parvenir à une description plausible du réel, alors même que cette situation de désarroi est illustrée par le vide idéologique de tous les partis politiques, cramponnés au XXème siècle parce qu’incapables de simplement comprendre le XXIème, ici même, forum démocratique d’échanges et de construction de l’avenir, beaucoup trop cherchent désormais à faire la leçon aux autres.
L’usage frénétique de locutions de certitude, « évidemment », « aucun », « en fait », « seule », « bon », « mauvais » en témoigne et me désespère. D’autant plus quand je m’essaie à ouvrir pour la énième fois un débat en profondeur sur les questions récurrentes de l’époque et que l’on m’assène, plutôt qu’un silence à peine moins désagréable, une bordée de concepts qui, on le sent bien, sont absolument incarnés par l’auteur qui s’y accrochera comme à sa propre définition, de peur de disparaître. Où l’on confond posture et position de l’enseignant. Car, je vous y renvoie Sandy:

L'égalité, c'est une égale liberté.
Et la liberté alors, c'est quoi?
L'individualisme repose sur une mauvaise conception de la liberté humaine, une mauvaise conception d'une société humaine, et sur beaucoup d'autres erreurs aussi graves.
Et la bonne conception de la liberté humaine, quelle est-elle? Et la bonne conception de la société? Et toute opposition est forcément caricaturale... C'est [autocensuré]. Ce qui ne m'empêchera pas de poursuivre et d'insister. Sauf que je ne cesse d'espérer que mon énergie soit ici employée à comprendre le réel et à le remodeler, plutôt qu'à y faire de la psychanalyse élémentaire. Je conçois mal, par exemple, que nous puissions correctement avancer si les intervenants ne prennent pas eux-mêmes la peine de révéler les zones plus faibles, moins raisonnées de leurs propos. Sans cela, il serait préférable de se limiter à militer. Ailleurs peut-être?
tirage au sort, c'est-à dire le système décisionnel le plus méfiant à l'égard du peuple si l'on excepte la dictature.
ça veut rien dire.
Vous continuez de penser comme si l'élection (...) n'était pas le seul moyen pour le peuple de faire entendre clairement sa volonté
vous voulez dire: il n'y a pas d'alternative "[i]démocratique[/i]" à l'élection ? Depuis des années vous nous assenez ça.

D’abord, faudrait que vous prouviez que la « volonté du peuple » existe avant même de se demander comment le découvrir le mieux. Moi, je prétends que « la volonté du peuple » n’existe pas, donc tout raisonnement qui se base dessus est de la religion.

Exemple: 90% de notre société fonctionne avec des énergies non renouvelables qui vont se tarir d’ici la fin du siècle. Existe-t-il une volonté du peuple sur cette question fondamentale, vitale ? Certains s’en foutent royalement (« après moi le déluge »), certains ne croient pas au problème, certains voient bien qu’il y a un problème mais pensent qu’on va trouver « quelque-chose » pour remplacer le pétrole et l’uranium, certains y voient un problème et veulent imposer une vie d’austérité immédiatement, certains y voient un problème et veulent chercher comment vivre avec moins d’énergie petit-pas par petit-pas…

En gros, et pour vous éviter de tenter de couper les cheveux en 4, je conteste qu’il y ait 1 - une, « sa » - volonté du peuple. Il peut y en avoir plusieurs, ou aucune. Et votre phrase « l’élection est le seul moyen pour le peuple de faire entendre clairement ses multiples volontés » sonnerait nettement plus bizarre.

En d’autres termes, l’élection est une machine à fabriquer la volonté du peuple. C’est effectivement un piège à c***.

Ceux qui voient dans l'élection un piège à c... et lui préfèrent le tirage au sort sous prétexte que les électeurs se laissent embobiner par les politiciens, voilà ceux qui se méfient du peuple.
Et moi je dis, sans plus de preuves que vous, que ceux qui portent des slips à rayures sont ceux qui se méfient [b]réellement[/b] du peuple.
Les peuples se battent pour des élections libres comme on le voit de nos jours.
ou-ça ? Afghanistan ? France ? Chine ? Egypte ? Cuba ?
En connaissez-vous qui se battent pour le tirage au sort ?
La bonne blague. Avec des "[i]arguments[/i]" de ce type, on vivrait encore tout nu dans les arbres ("[i]mais fiston, tu en vois d'autres, des singes, qui mettent des habits et tapent sur des cailloux ?[/i]")

Répliques, France Culture
Une très bonne émission, où l’on constate la complexité de la situation actuelle selon Marcel Gauchet, Pierre Manent et Alain Finkielkraut: Répliques 15/12/2001

[b]La valse des certitudes[/b]
L'individualisme repose sur une mauvaise conception de la liberté humaine, une mauvaise conception d'une société humaine, et sur beaucoup d'autres erreurs aussi graves.
Et la bonne conception de la liberté humaine, quelle est-elle? Et la bonne conception de la société?
Déhel, pour mieux comprendre Sandy tu devrais sans doute lire le bouquin de Jacques Généreux dont Etienne a parlé il y a quelques mois sur ce forum.

Pour faire court, l’état actuel des sciences humaines donne raison à l’intuition de nombreux philosophes, selon laquelle l’homme est un animal social, c’est-à-dire qu’il se construit du fait de ses interactions avec d’autres hommes. Aussi la liberté humaine va se constuire non pas en coupant des liens (mythe de l’indépendence, sauf que le Robinson Crusoë moderne se coupe même de la nature…), mais en les multipliant et surtout en les diversifiant. C’est le fait que l’individu est attaché à plusieurs groupes (culturels, professionels, familiaux etc…) qui rend libre ce même individu au sein d’un groupe donné parce que bon, si le groupe le gonfle, il peut toujours aller voir ailleurs, il a la certitude de ne pas se retrouver seul.

“On est dans le capitalisme, mais le capitalisme est aussi en nous […] Est-il possible de faire une analyse marxiste de cette pollution ?”.telle est la question posée ces jours derniers par un « militant » de retour de la « fête de l’huma »…

Bien sûr, comme le dit Madame Parisot, le monde moderne est devenu bien étrange…Surtout pour la conscience de ces « fiers individus consommateurs » que "nous " sommes devenus.

En consommant des biens matériels, légitimement, car enfin « la force de travail » doit se nourrir, nous avons aussi absorbé un virus qui pollue notre « environnement »:

le virus de l’individualisme !

Je m’excuse de sortir cette horreur, mais puisque l’intelligence est « par nature » une affaire individuelle, il se peut que cette vertu soit gravement affectée par le virus de l’individualisme.

C’est une horreur qui fonctionne bien « en boucle fermée »: si j’appelle au XXIè siècle à solliciter « l’intelligence du peuple », forcément, il y a des sires ayant « la concurrence dans le sang » et tous les stigmates sociaux d’une « haute intelligence certifiée d’appellation controlée », qui vont m’humilier:

-« Pôv’C…, de quoi te mêles-tu, qui t’es toi pour causer d’intelligence?..t’as des oeillères idéologiques du siècle passé! »

OUAIS! le monde moderne est bien étrange pour le monde moderne, mais il est,comme « le roi nu », soudain, d’une transparence désobligeante pour « l’intelligence populaire »…

C’est pourquoi il faut appeller cette dernière « à la barre », comme un témoin devant des experts, dans des universités populaires, des « MPE » et autres organisations « collectives », où l’individu apprend à se confronter à la problématique des « experts », ces derniers creusent les sillons du futur comme ceux du passé, sans chercher à protéger leur petitesse individuelle derrière un soi-disant « changement d’époque »:

les experts reconnaissent que leur confrontation ne vaut pas grand chose si elle reste condamnée à se produire en dehors du « PEUPLE ».:rolleyes:

En réponse au 9340 de Zolko

Mon cher Zolko, ne vous en déplaise, je continuerai à « asséner », comme vous dites, les vérités élémentaires qui ont apparemment beaucoup de mal à se faire jour dans votre tête. Par exemple :

  1. La Déclaration des droits de l’Homme et du Citoyen de 1789 dit dans son article VI : « La Loi est l’expression de la volonté générale. Tous les Citoyens ont droit de concourir personnellement, ou par leur Représentants, à sa formation. » De son côté, l’article 25 du Pacte international de 1966 relatifs aux droits civils et politiques dispose : « Tout citoyen a le droit et la possibilité […] : a) de prendre part à la direction des affaires publiques, soit directement, soit par l’intermédiaire de représentants librements choisis ».

Ces deux déclarations font partie de l’ordre public (constitutionnel) français. Voilà donc la volonté générale bien définie. Ce qui répond à votre objection principale.

  1. Il résulte des définitions constitutionnelles que le tirage au sort ne peut pas servir à adopter la Loi – c’est-à-dire à exprimer la volonté générale.

En effet, le tirage au sort repose sur le hasard et ne peut donc se confondre avec la désignation de représentants librement choisis. .

  1. Je répète – pardon : je réassène – que je ne vois aucun inconvénient à ce que les assemblées et comités citoyens dont il est question ailleurs sur nos forums (filhttp://etienne.chouard.free.fr/forum/viewtopic.php?id=233) soient désignés par tirage au sort, puisque leur fonction ne serait pas de décider (d’adopter la loi) mais de contrôler les pouvoirs publics et de signaler les abus ;

  2. Je ne sais plus où j’ai parlé de volontés multiples du peuple, mais il devrait être évident qu’il s’agissait de la volonté générale telle qu’elle s’exprime sur des sujets multiples, et pas d’une multiplicité de volontés générales, ce qui serait en effet contradictoire.

  3. Et oui, les peuples se battent tous les jours pour avoir des élections libres : en Afghanistan, en France, en Chine, en Égypte, à Cuba, et ailleurs (au Myanmar, au Pakistan, etc.). Quant au tirage au sort, j’attends vos exemples de luttes populaires. JR

J.R.
Nous pouvons aussi asséner une vérité élémentaire; [bgcolor=#FFFF99]Le système actuel ne permet pas de choisir librement les citoyens que nous aimerions élire, car ils n’ont aucune chance d’être élus s’ils ne sont pas désignés par les partis[/bgcolor], ne serait-ce que pour des motifs de « budgets »…

Seulement, voilà, AJH : je vous rappelle que le sujet du fil est en gros « Élection ou tirage au sort », et cette autre vérité que vous nous proposez maintenant s’applique aussi bien – et même mieux – au tirage qu’au système électoral actuel.

Vos préoccupations concernent le perfectionnement de la démocratie participative ou délibérative.

Tout à fait d’accord pour en parler, d’autant plus que nous avons déjà traité du sujet sur ce site (non-cumul des mandats, candidature électorale collégiale, système permanent de cyberconsultation des citoyens, proposition citoyenne de dépôt d’un projet de loi ou de tenue d’un référendum, assemblées et comités de contrôle citoyen permanents, etc.). JR

@Jacques

Je voulais juste signaler ce fait… j’arrête le bla-bla « argumentaire » qui ne sert qu’à discuter entre nous et à passer beaucoup de temps à essayer de se convaincre les uns les autres (sans guère de résultat à ce que je constate)
… Bonne continuation sur ce sujet :wink:

Crrrr o o o, psiiiiuuuu, crrrr o o o, psiiiiuuuu, crrrr o o o, psiiiiuuuu, crrrr o o o, psiiiiuuuu, crrrr o o o, psiiiiuuuu, crrrr o o o, psiiiiuuuu…

1) La Déclaration des droits de l'Homme et du Citoyen de 1789 (...) Ces deux déclarations font partie de l'ordre public (constitutionnel) français.
Et une constitution, ça se change. D'ailleurs, c'est pour ça qu'on débat ici.
Voilà donc la volonté générale bien définie.
Ah, j'ai du louper l'explication. Quel rapport entre un texte écrit en 1789 et "[b]la[/b]" volonté du peuple ?
2) Il résulte des définitions constitutionnelles que le tirage au sort ne peut pas servir à adopter la Loi – c'est-à-dire à exprimer la volonté générale.
- si pour vous la Constitution Française est immuable, pourquoi avez-vous fait Euroconstitution ? - "[i]la volonté générale[/i]" n'existe pas plus que le Père Noël. Si je vous dit que la Dame du Lac - que je suis le seul à pouvoir voir - m'a donné la mission de porter la bonne parole du tirage au sort aux Hommes, ça vous convaincrait ?
3) Je répète – pardon : je [i]réassène[/i] – que je ne vois aucun inconvénient à ce que les assemblées et comités citoyens dont il est question ailleurs sur nos forums (filhttp://etienne.chouard.free.fr/forum/viewtopic.php?id=233) soient désignés par tirage au sort, puisque leur fonction ne serait pas de décider (d'adopter la loi) mais de contrôler les pouvoirs publics et de signaler les abus ;
Je vais peut-être vous surprendre, mais je crois que j'ai fini par adopter votre point de vue. Pour la simple raison que beaucoup de personnes avec qui j'ai discuté du tirage au sort ont vos réticenses, et un peu de tirage au sort est mieux que pas de tirage au sort du tout.

Donc désormais, je milite pour un jury citoyen tiré au sort qui contrôle les élus, avec pouvoir de les démettre de leur mandat (et pas seulement de les signaler !!!). C’est ce que Ségolène Royal avait proposé aux élections de 2007. Je joins ça avec le non-cumul et le non-renouvellement des mandats électifs. Mais cela nécessite une nouvelle constitution - qui n’est pas « la loi » et ne tombe donc pas sous votre couperet - et qui selon moi doit être écrite (entre-autres ?) par des citoyens tirés au sort.

4) Je ne sais plus où j'ai parlé de [i]volontés multiples du peuple[/i]...
Justement, vous n'en parlez pas, vous parlez toujours de "[b]la[/b]" volonté - unique, donc - du peuple. Qui n'existe pas. La preuve, AJH et moi n'avons pas la même volonté concernant la création monétaire.

@ Beo
Je suis ravi des conclusions de Jacques Généreux, à condition bien sûr que je les ai bien comprises en fonction de ce que tu m’as livré (j’ai un doute sur la découverte récente que l’homme est un animal social puisque ça fait des millénaires que lorsque l’on veut rendre quelqu’un fou, on l’isole. Les quartiers de Haute Sécurité ont d’ailleurs été à l’honneur récemment dans le diptyque Mesrine). Quoiqu’il en soit, ces conclusions me semblent faire écho à une pensée que j’ai souvent répété ici, celle de Bakounine: « La liberté des autres étend la mienne à l’infini. » Soit, sans être en mesure de donner une véritable définition de la liberté, l’intuition qu’elle est différente d’individus en individus et que sa nature sociale est un agrégat de toutes les notions de liberté individuelle. On retrouve quelque chose de l’horrible énoncé « ma liberté s’arrête là où commence celle de l’autre » (horrible parce que définir la liberté sur ses limites…) en plus d’une notion fractale (des détails sont similaires à des échelles arbitrairement petites ou grandes ; l’objet est trop irrégulier pour être décrit efficacement en termes géométriques traditionnels ; l’objet est exactement ou statistiquement autosimilaire, c’est-à-dire que le tout est semblable à une de ses parties) qui nous oblige, plus qu’elle nous libère.
La liberté comme contrainte, rien de bien nouveau, l’instruction obligatoire de l’école républicaine en est un parfait exemple. Sauf qu’ici, ma liberté est à la condition de celle des autres, de tous les autres. Avant que l’on ne m’assène la sanction utopiste, je rappelle la notion mathématique de limite asymptotique: la liberté de tous est une direction à suivre pour une société, même si elle la sait inaccessible, une tendance générale dans ce sens sans espoir de l’accomplir jamais mais avec l’intention de s’en rapprocher toujours.
La démarche vers plus de démocratie que nous suivons ici est parfaitement dans cette logique me semble-t-il, reste maintenant à trouver un système qui ampute le minimum de libertés individuelles. Avec dans l’idée peut-être que:
1- l’amélioration des libertés, i.e. l’émancipation individuelle, est le meilleur moyen d’améliorer notre démocratie et que
2- la démocratie participative et le tirage au sort sont eux-mêmes d’excellents moyens d’instruction/éducation à l’émancipation et à la liberté.
Et si nous parvenons à mettre en place ce cercle vertueux, on n’aura pas tout perdu…

En tous les cas, si cette démarche nous séduit, elle nous oblige à dépasser les luttes partisanes comme à oublier nos certitudes et nos convictions. Elle nous oblige aussi à en prendre plein la gueule… parce que ceux qui ne font aucun effort aujourd’hui n’ont pas vraiment envie que ça change, tout comme ceux qui en font et qui dirigent.
L’organisation des communautés autonomes de Chavez est un bel exemple de participation populaire à la destinée d’une nation et je pense que l’on pourrait essayer nous aussi de partir de petites structures locales pour organiser le tirage au sort afin de laisser l’opportunité à chacun de désigner son représentant personnel au tirage au sort, pour le meilleur et pour le pire: si, une fois tirée au sort, la personne désignée par un immeuble du quartier de la Mare Rouge au Havre, personne désignée parce que la plus instruite, la plus éclairée, la plus convaincante, etc., si cette personne prend de mauvaises décisions ou même ne comprend rien à rien, elle sera alors confrontée au choix de faire l’effort de combler son retard ou de laisser tomber, comme tout le quartier qui l’a désignée. C’est en cela que l’opposition systématique de JR à la désignation de décisionnaires par le tirage au sort ne me convient pas: il me semble plus judicieux de prendre un maximum de précautions tout en laissant l’opportunité à l’apprentissage par l’erreur.

Encore une fois, l’éclairage du dernier message d’Alain déborde sur mes propres raisonnements: l’appartenance à une église idéologique n’a plus guère de sens aujourd’hui tant nous sommes d’abord et avant tout des individus consommateurs et hédonistes capables dans le même temps de nous insurger des délocalisations tout en étant ravis de l’achat d’un bien matériel au meilleur prix ou bien scandalisés par la flambée de l’immobilier mais avec la ferme intention de devenir propriétaire. Je serais curieux d’ailleurs de recueillir les motivations personnelles des millions de gens qui ont défilé pour les retraites, comme les motivations des syndicats qui ont exploité le mécontentement…
Pour ce qui relève de la politique actuelle, loin de dire « tous pourris », j’en arrive quand même à me dire qu’il est difficile aujourd’hui d’accéder au pouvoir sans se pourrir un peu et, comme Étienne, je me méfie des Églises que les partis s’évertuent à incarner parce qu’il faut que le message soit clair.
Il ne me paraît plus du tout important aujourd’hui de savoir qui a tort ou qui a raison mais il me semble essentiel d’en discuter.

L’individualisme est une prison si l’on s’y laisse enfermer en jettant soi-même la clef « par dessus bord ».

Le collectivisme en est une autre pour la même raison…ce qui compte dans les deux cas, en effet, c’est de travailler sur « la bonne clef », et là , tout en "croyant "personnellement que les partis sont incontournables et potentiellement autant utiles que nuisibles, j’abonde dans un certain sens avec « les uns »(DEHEL ?)et « les autres »( jusqu’à Jacques ROMAN ?): c’est de « notre faute » si nous n’apprenons pas à asservir les institutions à la souveraineté populaire effective.

La souveraineté se gagne quelquepart à la croisée du collectif et de l’individu, « écrire nous-même » une Constitution se produira sans doute quelquepart entre un travail d’experts et une « mise en mouvement autonome du peuple », ce dernier se constituant en tant que collectif nécessaire à l’émancipation des individus.

(oui, « émancipation » ici est imaginé comme construction de sa liberté non pas « chacun pour soi », mais par un processus bien plus complexe au cours duquel ce qui se « trouve » a forcément sa part de « surprise », car il est sans doute impossible, illusoire et dangereux de prétendre dessiner les limites de la fameuse émancipation, équation à multiples inconnues entre le « singulier » et le « collectif »…:P?).

L’erreur manichéenne

Je relève cette remarque de Déhel (9368) :

« Pour ce qui relève de la politique actuelle, loin de dire « tous pourris », j’en arrive quand même à me dire qu’il est difficile aujourd’hui d’accéder au pouvoir sans se pourrir un peu et, comme Étienne, je me méfie des Églises que les partis s’évertuent à incarner parce qu’il faut que le message soit clair ».

J’irais plus loin. La pourriture me paraît inséparable de la vie, et donc il faudrait commencer par reconnaître que tous, tant que nous sommes, nous sommes pourris à un certain degré, d’une certaine manière ou à un certain moment, ne serait-ce que par lâcheté, par paresse ou par simple souci du confort – pas seulement les politiciens. Ceux-ci peuvent paraître plus pourris que les autres surtout parce qu’ils opèrent à la vue de tous dans des fonctions qui favorisent la corruption.

Donc, d’accord pour se méfier des églises, mais méfions-nous aussi de nous-mêmes : sinon, gare aux solutions radicales… et fausses.

Pas d’église sans adhérents, pas d’idéologie nocive sans les deux. JR

Pensée complexe et dialogique
Jacques, Alain et les autres, pour prolonger votre réflexion sur la complexité du réel, je vous conseille Introduction à la pensée complexe d’Edgar Morin,

[i]La complexité est un mot problème et non un mot solution.[/i] [b] [/b]La nécessité de la pensée complexe ne saurait être justifiée dans un avant-propos. Une telle nécessité ne peut s'imposer que progressivement au cours d'un cheminement où apparaîtraient tout d'abord les limites, les insuffisances et les carences de la pensée simplifiante, puis les conditions dans lesquelles nous ne pouvons éluder le défi du complexe. [...] Il faudra enfin voir s'il est un mode de pensée, ou une méthode capable de relever le défi de la complexité. Il ne s'agira pas de reprendre l'ambition de la pensée simple qui était de contrôler et de maîtriser le réel. Il s'agit de s'exercer à une pensée capable de traiter avec le réel, de dialoguer avec lui, de négocier avec lui. [...] [b] [/b]Pascal avait justement posé que toutes choses sont "causées et causantes, aidées et aidantes, médiates et immédiates, et que toutes (s'entretiennent) par un lien naturel et insensible qui lie les plus éloignées et les plus différentes". Aussi la pensée complexe est animée par une tension permanente entre l'aspiration à un savoir non parcellaire, non cloisonné, non réducteur, et la reconnaissance de l'inachèvement et de l'incomplétude de toute connaissance. [b] [/b]Cette tension a animé toute ma vie.
[b] [/b] et du même auteur, mais plus volumineux, [i]La Méthode (1977-2006)[/i], où Edgar Morin substitue le [i]dialogique[/i], qui unit deux principes antagonistes pour penser les principes organisateurs de la vie et de l'histoire humaine, à la [i]dialectique[/i] qui prétend dépasser les contraires.

merci Déhel, nous sommes sans doute plusieurs ici à avoir lu et à continuer à réfléchir « avec Edgar Morin » (je vous recommande « Ma gauche », qui vient de sortir). Mais personnellement, le but de mes lectures n’est pas de chercher une « pensée bouclier » qui me protègerait contre l’envahissant « terrorisme intellectuel » d’un Marx défiguré…Je cite Clémentine Autain (qui est loin d’être mon maître à penser):
« L’éducation populaire, c’est ce rapport entre un individu et le monde qui l’entoure. Cela crée du lien entre le “je” et le “nous”, l’individu et le collectif. Ce travail est nécessaire pour s’émanciper individuellement et pour contribuer à l’émancipation collective. Je pense d’ailleurs que l’éducation populaire devrait être au cœur de tout projet politique de transformation sociale ».

Je pense d’ailleurs que l’éducation populaire devrait être au cœur de tout projet politique de transformation sociale.
Je pense pareil.

Pascal

Je ne me rappelais pas la phrase de Pascal citée par Déhel via Morin (9374). Elle est très en avance sur son temps, et je la mets presque au même niveau que son commentaire sur la justice et la nécessité, très pertinent lui aussi dans notre débat actuel parce qu’il éclaire magnifiquement le rôle du droit par rapport à la société :

« Il est juste que ce qui est juste soit suivi, il est nécessaire que ce qui est le plus fort soit suivi. La justice sans la force est impuissante, la force sans la justice est tyrannique. La justice sans force est contredite, parce qu’il y a toujours des méchants : la force sans la justice est accusée. Il faut donc mettre ensemble la justice et la force, et pour cela faire que ce qui est juste soit fort, ou que ce qui est fort soit juste » (Les Pensées, V.298).

Deux pensées lumineuses qui valent bien qu’on en excuse quelques autres, elles totalement obscurantistes.

Je tâcherai de lire Edgar Morin. JR

L’ouvrage que je me promets de lire:

  • 10 raisons d’aimer (ou pas) l’éducation populaire
    Livre écrit sous la direction de Damien Cerqueus et de Mikaël Garnier-Lavalley.
    Editions de l’Atelier, 112 pages, 13,50 euros

SANDY, votre réflexion m’interpelle, bien qu’en effet, on raccourcisse toujours le propos, et vous avez sans doute voulu être bref et concis, néanmoins, je cite ce qui pour moi est exactement à remettre en cause dès que l’on cherche à définir « la vraie souveraineté légitime et concrète »…vous écrivez :

« …Tandis que le peuple, par définition, on n’a pas à s’en méfier ni à le contrôler, sinon s’il y a quelqu’un au dessus de lui qui peut s’opposer à ses décisions alors il n’est plus souverain… »

« JE » dois, si je veux exercer la moindre des « souverainetés », « me méfier » (de moi-même), et « me » contrôler. « LE PEUPLE » (dans sa diversité complexe), également.

Donc « La Souveraineté » ne peut être ni donnée ni inventée par la magie d’une élection ou celle d’un tirage au sort, il s’agit d’un combat (mais je dis ça pour faire « beau » dans mon mental à moi, pardon!) ou, au moins, d’une conquête à faire beaucoup plus sur soi-même que soi disant sur des dominants.

Bien sûr, j’ai la faiblesse d’adhérer à l’idée qu’il y a encore aujourd’hui une classe sociale « dominante », et cela me semble peu moderne, mais l’émancipation des dominés émanciperait aussi les « dominants », à condition d’être l’acte « politique » des dominés résultant de la fameuse « éducation populaire »…C’est sans doute une « utopie », cette « vraie souveraineté » ( … mais une utopie « motrice », sans laquelle aucun « progrés » réel ne serait accompli : une utopie « dynamique » et non pas « nostalgique »)…Bref, les « progressistes » ont raison de « se méfier du peuple » c’est-à-dire surtout de l’usage que peuvent faire du concept de « peuple » des « dominants » machiavéliques…Tout comme on doit « se méfier » des partis, tout en refusant l’illusion d’une « politique au-dessus des partis »…Surtout avec l’expérience française de cela, qui a abouti à ce que l’on appelle « le parti-godillot »!

« Souveraineté »

Ça n’est pas une baguette magique, en effet, mais seulement l’attribut de celui qui exerce le pouvoir en dernier recours : dans une démocratie, la majorité (le peuple).

La souveraineté peut être mal exercée dans un régime démocratique et (sans doute beaucoup plus rarement) bien exercée dans un régime non démocratique. Mais la différence essentielle, c’est que dans une démocratie c’est le peuple qui fixe les modalités d’exercice de sa souveraineté et donc se contrôle lui-même (en adoptant et en respectant sa constitution). JR