32 Sortir de l'Union Européenne

Les institutions de l'UE imposent pour toujours une politique économique (favorable aux multinationales et défavorable aux peuples, comme par hasard).
[b]C'est justement ce qui est faux[/b], et je vous ai déjà fourni 2 exemples. On peut se jeter à la face des exemples [i]ad infinitum[/i] si vous voulez :
  1. la loi Hadopi où le Parlement Européen a expressément voté une directive qui invalide la « riposte graduée » imposée par l’exécutif français (la jurisprudence sur cette question sera intéressante à suivre; mon pronostique, si on regarde ce qui se passe ailleurs, est que certains fournisseurs d’accès refuseront tout simplement de suivre la loi Hadopi en se protégeant derrière la directive européenne; ceci leur donnera une promotion énorme, et les autres devront suivre; à l’inverse, le premier fournisseur d’accès qui coupera la ligne à un de ses abonnés verra fuire le jour même tous ses clients)

  2. le refus des brevets logiciels par le même Parlement Européen qui protège l’open source au détriment des Microsoft et autres IBM.

Il y a aussi des « structures » européennes que je refuse de voir abattre en les mélangeant aux questions relatives à l’OTAN ou la BCE: les programmes de recherche européens, les échanges d’étudiants, les normes communes, la protection de l’environnement…

Vous, vous pensez que TOUT est à jeter, pas moi. Vous pourrez me raconter ça autant de fois que vous voudrez, ce simple fait est là. Et je suis persuadé que mon opinion est largement majoritaire, en Europe et en France. Ceci-dit, le seul moyen de savoir est de provoquer un référendum, mais vous ne reconnaissez même pas la validité d’un tel référendum. Alors quoi ? C’est quoi votre objectif ?

[i](*) j'espère que vous vous rappelez les horreurs introduites par le TCE et qui n'existent pas aujourd'hui dans l'UE (la soumission de toute défense européenne à l'OTAN, l'introduction de lois européennes en remplacement des directives, une politique étrangère commune avec un président pour 2 ans 1/2...)[/i]
je ne considère comme vétilles que les deux derniers points de la note de Zolko.
1) [b]directive != loi[/b]: La différence entre une "loi" et une "directive" est dans la constitution française: "nul n'est censé ignorer la loi" Rien n'est dit sur les directives, donc tant que les lois sont nationales, on respecte un point fondamental d'une république (res publica, la chose publique), celui du débat et de l'établissement et de la législation, un des points que Nikonoff justement soulevait. Tant que les lois sont nationales, l'Europe est techniquement une Confédération. [b]Ce point est fondamental.[/b]
  1. politique étrangère commune: les guerres en Afghanistan, en Iraq, en Palestine sont des preuves qu’une politique étrangère peut être abominable. Aujourd’hui, cela se fait au nom de l’OTAN, pas de celui de l’Europe. Il ne s’agit plus de « démocratie », Étienne, mais de milliers de morts. Que vous appeliez ça des « vétilles » me choque (pourquoi pas des « détails de l’histoire » pendant que nous y sommes)

PS: et en plus: tant qu’il n’y a pas de politique étrangère commune, l’Europe reste techniquement une Confédération.

PPS: donc le TCE allait transformer, techniquement, légalement, l’UE d’une confédération en une fédération. C’est fondamental ! tant que l’Europe reste une confédération, elle est réparable, si elle devient une fédération, elle ne l’est plus. C’est une discontinuité, le TCE n’est pas l’UE ! La « fédéralisation » était le seul objectif du TCE, faire un grand état Européen, les États Unis d’Europe, tout le reste ne servait qu’à noyer le poisson: je suis surpris que vous n’ayez pas vu ça, il me semble qu’à l’époque, cela faisait parti de votre analyse.

[bgcolor=#FFFF99]Comment défendre l’UE en détestant l’OTAN (puisque l’une constitutionnalise l’autre) ?[/bgcolor]

Zolko,

  1. les lois dont vous parlez sur l’informatique, les échanges d’étudiants, les programmes de recherche commune, tous ces points indubitablement positifs mais de portée limitée n’ont quasiment aucun intérêt par rapport à l’interdiction constitutionnelle durable pour les États de créer la monnaie nécessaire aux investissement publics, ou en face de la liberté d’établissement et de circulation des capitaux garantie pour toujours, ou en regard de l’institutionnalisation du chômage de masse par la mission exclusive anti-inflation dévolue à la BCE sans revirement possible, ou en comparaison d’autres verrouillages antisociaux des politiques économiques de la partie III (ouverture totale de toutes les frontières, par exemple).

Il faut savoir discerner l’essentiel de l’accessoire.

  1. Je maintiens : le point de savoir si une norme obligatoire de portée générale et sans limitation de durée s’appelle une « loi » ou une « directive » ne représente aucun enjeu de société.

Aucun.

  1. Au prétexte que je dis que les modalités (savoir qui préside le machin et comment on le nomme) la prétendue politique étrangère de l’UE sont des vétilles sans intérêt, des leurres à destination des nigauds, vous convoquez les milliers de morts de diverses guerres pour me faire dire que ces morts sont des détails ?!

Zolko, c’est malhonnête.
Il ne suffit pas (de feindre) d’être indigné pour avoir raison.

  1. Enfin et surtout, vous défendez les institutions de l’UE tout en nous jouant le couplet scandalisé devant les guerres de l’OTAN… Mais vous faites bizarrement la sourde oreille et ne répondez pas quand on vous signale que les institutions de l’UE, précisément, nous asservissent à l’OTAN que vous prétendez détester…

Sur ce point, pourtant important, vous oubliez d’expliquer votre position (intenable) : [bgcolor=#FFFF99]Zolko, comment justifiez-vous votre soutien aux institutions européennes alors que le traité de Nice (et pas seulement le TCE) institue pour toujours l’OTAN comme le cadre qui s’impose à la politique étrangère de l’UE ? [/bgcolor]

Relisez l’article 17 du traité de Nice.

En soutenant les institutions de l’UE, vous soutenez l’OTAN.

C’est votre droit.

Je trouve que vos contradictions deviennent flagrantes, en même temps que votre nouvelle et incompréhensible hostilité.

Étienne.


PS :

Vous dites aussi : [color=gray][b]"Vous, vous pensez que TOUT est à jeter, pas moi. Vous pourrez me raconter ça autant de fois que vous voudrez, ce simple fait est là. Et je suis persuadé que mon opinion est largement majoritaire, en Europe et en France. Ceci-dit, le seul moyen de savoir est de provoquer un référendum, [u]mais vous ne reconnaissez même pas la validité d'un tel référendum. Alors quoi ? C'est quoi votre objectif ?[/u]"[/b][/color]
En disant que je ne reconnais pas la validité d'un référendum sur l'adhésion aux institutions de l'UE, Zolko, vous dites n'importe quoi.

Alors, c’est sûr : quand vous inventez des bêtises pour les mettre sous ma plume, vous pouvez bien vous mettre en colère, fâché tout rouge… Mais tout le monde peut constater calmement que vous vous mettez en colère tout seul… :confused: en inventant de toute pièce le monstre qui vous indigne.

On tourne en rond… en résumé, si vous projetez de demander un référendum sur l’UE, je vous approuve, sinon, je me vois d’être désolé de constater la pente étrange que votre réflexion a prise.

1) les lois [url=http://etienne.chouard.free.fr/forum/viewtopic.php?pid=6762#p6762]dont vous parlez[/url] sur l'informatique, les échanges d’étudiants, les programmes de recherche commune, tous ces points indubitablement positifs mais de portée limitée n'ont quasiment [b]aucun intérêt[/b] [u][color=blue]par rapport à[/color][/u] l'interdiction constitutionnelle durable pour les États de créer la monnaie
Cette interdiction n'est pas "constitutionnelle" puisque seulement dit dans un traité. Ce n'est pas plus constitutionnel que la loi française. On l'a déjà évoqué 10 fois, avec les mêmes arguments à chaque fois: c'est VOTRE opinion contre la MIENNE: il n'y a pas de solution. Mais je vois avec plaisir que vous voyez quand-même des choses positives dans l'action de l'UE.
2) Je maintiens : le point de savoir si [b]une norme obligatoire de portée générale et sans limitation de durée[/b] s'appelle [i]une "loi"[/i] ou [i]une "directive"[/i] ne représente [b]aucun enjeu de société[/b].
Vous pouvez vous assoir et/ou pisser sur une directive, pas une loi. Par exemple, sur les OGM, sous la pression de l'OMC l'UE a interdit l'interdiction de cultiver les OGM (par des directives), alors que la France et d'autres pays continuent de l'interdire (par loi): c'est la loi française qui prévaut, pas les directives. Et c'est pour cela que la jurisprudence sur Hadopi sera intéressante à suivre (au passage, j'espère que vous appréciez la superbe démonstration de "démocratie" que le système politique français montre avec cette loi Hadopi, tant sur le fond que sur la forme: c'est vraiment à [i]ça[/i] que vous voulez exposer vos compatriotes ?).
3) Au prétexte que je dis que les modalités (...) la prétendue politique étrangère de l'UE sont des vétilles sans intérêt
Une politique étrangère commune ou pas est la définition de le différence entre une Confédération et une Fédération: dans l'une, les états sont souverains vis-à-vis de la politique étrangère, dans l'autre ils n'en ont pas de spécifique et leur visibilité de l'extérieur passe forcément par la Fédération. Dans une Confédération, les états qui la composent sont souverains, dans une Fédération, non. Si c'est pour les nigauds, je veux bien être appelé un nigaud. Mais si un débat public s'organisait sur la question, je doute que ce soit moi qui passe pour un nigaud. Je doute que vous souhaitiez faire passer le message que "[i]la souveraineté est pour les nigauds[/i]"

Le TCE allait faire passer l’UE d’une confédération à une fédération, avec un président et une politique étrangère commune: vous vous rappelez bien de cela, non ? Pour moi c’était ça le point fondamental (avec l’OTAN et d’autres trucs similaires) pour lesquels je m’opposais au TCE, pas pour des raisons de politique économique libérale (qu’il va falloir tacler d’une façon bien plus fondamentale)

Zolko, comment justifiez-vous votre soutien aux institutions européennes alors que le traité de Nice (et pas seulement le TCE) institue pour toujours l'OTAN comme le cadre qui s'impose à la politique étrangère de l'UE ? (...) En soutenant les institutions de l’UE, vous soutenez l’OTAN.
Je vous ai dit et répété qu'il y a pleins de choses que je trouve mauvaises dans les institutions de l'UE et que je voudrais changer (grâce au PLAN C): ceci en fait partie. Pourquoi martelez-vous sans cesse que je soutiens TOUTES chose de l'UE ? Quant à savoir quelles choses garder et lesquelles supprimer et lesquelles modifier, j'ai mon idée mais d'autres en ont d'autres, et trier les bon de l'ivraie est justement le rôle que j'aimerais donner à une assemblée tirée au sort.
En disant que je ne reconnais pas la validité d'un référendum sur l'adhésion aux institutions de l'UE, Zolko, vous dites n'importe quoi.
Bonne nouvelle: vous reconnaissez donc la validité et la légitimité du traité de Maastricht, qui était justement un référendum sur l'UE (le premier, même) ?

Zolko,

Vous dites : [color=gray]"Cette interdiction n'est pas "constitutionnelle" puisque seulement dit dans un traité."[/color]
Manifestement, vous ne comprenez pas ce que vous impose l'oligarchie à coups de traités (et de propagande sur le mode [i]"tout va bien, ayez confiance, occupez-vous de vos affaires, laissez-nous faire, ce ne sont que des traités, restez calme, ayez confiance, ce n'est pas une constitution puisque ce n'est pas un État, dormez, regardez ailleurs, d'inoffensifs traités on vous dit, allez ne soyez pas si méfiants..."[/i]). Oui Zolko, voilà, c'est ça : c'est un traité, donc ce n'est pas une constitution... Qu'est-ce que vous êtes malin, vous alors.
Vous dites : [color=gray]"Vous pouvez vous assoir et/ou pisser sur une directive, pas une loi."[/color]
C'est vraiment n'importe quoi... Les directives sont des normes obligatoires qui s'imposent dans le droit des États membres. Sans compter que, pour ce qui concerne les [u]proportions[/u] [i]directives-lois[/i], [bgcolor=#FFFF99]80% de nos nouvelles lois sont des transpositions automatiques (sans débat !) de directives européennes.[/bgcolor]
Vous dites : [color=gray]"Une politique étrangère commune ou pas est la définition de le différence entre une Confédération et une Fédération"[/color] et vous dites aussi : [color=gray]"Le TCE allait faire passer l'UE d'une confédération à une fédération, avec un président et une politique étrangère commune"[/color].
Plongé dans votre rêve (publicitaire), vous oubliez de constater que [bgcolor=#FFFF99][b]ceux qui pourraient fixer une éventuelle politique européenne ne seraient [u]pas vos élus[/u] puisque le Parlement est parfaitement impuissant en la matière : [u]LE PARLEMENT EST EXCLU DE LA PESC[/u] [/b][/bgcolor] ; voyez cette synthèse :
[color=green][[bgcolor=#FFFF99][b]Actes non législatifs :[/b][/bgcolor] pas facile de comprendre quelle est la portée de ces normes européennes qui ressemblent à notre pouvoir réglementaire en France :

On a un bel exemple de ces « actes non législatifs » à propos de la PESC, politique étrangère et de sécurité commune : où, quand et comment allons-nous faire la guerre… Le Parlement n’a aucun pouvoir en la matière : les exécutifs semblent y avoir confisqué tous les pouvoirs, sans contre-pouvoir (vous avez dit « démocratie » ?) :][/color]

Article 24 TUE

  1. La compétence de l’Union en matière de politique étrangère et de sécurité commune couvre tous les domaines de la politique étrangère ainsi que l’ensemble des questions relatives à la sécurité de l’Union, y compris la définition progressive d’une politique de défense commune qui peut conduire à une défense commune.

La politique étrangère et de sécurité commune est soumise à des règles et procédures spécifiques. Elle est définie et mise en oeuvre par le Conseil européen et le Conseil, qui statuent à l’unanimité, sauf dans les cas où les traités en disposent autrement. [bgcolor=#FFFF99]L’adoption d’actes législatifs est exclue[/bgcolor]. Cette politique est exécutée par le haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité et par les États membres, conformément aux traités. Les rôles spécifiques du Parlement européen et de la Commission dans ce domaine sont définis par les traités. La Cour de justice de l’Union européenne n’est pas compétente en ce qui concerne ces dispositions, à l’exception de sa compétence pour contrôler le respect de l’article 40 du présent traité et pour contrôler la légalité de certaines décisions visées à l’article 275, second alinéa, du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne.

[Les Présidents des États membres fixent les grandes lignes de la PESC, les Ministres décident les détails… Donc, notez : sur la PESC, le Parlement semble n’avoir AUCUN pouvoir… PESC = domaine désormais strictement réservé aux exécutifs. Vous avez dit « démocratie » ?]

Source : http://etienne.chouard.free.fr/Europe/Citoyens_d_Europe_Contre_le_Regime_Illegitime_references.pdf (page 4).


De plus, à l’unanimité de 27 pays, cette idée d’une politique commune est simplement impossible, théorique.

Donc, oui, la PESC, c’est bien un leurre, un miroir aux alouettes, un attrape-nigaud, oui c’est cela.

Vous dites enfin : [color=gray]"vous reconnaissez donc la validité et la légitimité du traité de Maastricht, qui était justement un référendum sur l'UE."[/color]
Selon vous, un référendum serait donc éternel, une sorte de prison ? [b][bgcolor=#FFFF99]Si un référendum récent contredit un référendum ancien, l'ancien est évidemment invalidé.[/bgcolor] [color=red]Non ?[/color][/b]

Vous comptez glorifier longtemps le référendum de Maastricht en méprisant le référendum de 2005 ?

Retire ton masque, Giscard, on t’a reconnu :confused:

Étienne.

vous reconnaissez donc la validité et la légitimité du traité de Maastricht, qui était justement un référendum sur l'UE."
Selon vous, un référendum serait donc éternel, une sorte de prison ? Si un référendum récent contredit un référendum ancien, l'ancien est évidemment invalidé. Non ? Vous comptez glorifier longtemps le référendum de Maastricht en méprisant le référendum de 2005 ?
Le référendum de 2005 était contre le TCE, pas l'UE, donc l'UE continue d'être valide et légitime. Vous dites que les 2 sont identiques, moi non., la différence majeure étant le passage d'une confédération - qui me plait - à une fédération - qui me déplait. C'est fondamental, structurel, institutionnel.

Je vais laisser le mot de la fin à un autre:

Il y a une idée à laquelle les gens ont adhéré, c'est celle d'une coopération entre les peuples européens, celle d'une UNION. Svp, acceptez de dissocier cette idée de l'Europe qui s'est construite. Sinon on va avoir un dialogue de sourd. Je suis d'accord cette idée a servit à tromper les gens sur la vraie nature de l'UE, mais ce n'est pas une raison pour rejeter cette idée. On l'a vu en 2005, c'est en appelant à une alternative, et non pas en appelant à un retour en arrière, que les gens ont été convaincus de voter non.

Encore une fois Zolko, je ne veux pas parler à la place d’Etienne , il le fait mieux que moi , je lui reconnais au passage des tonnes de patience et de pugnacité qui sont à louer à notre époque, il ne s’agit donc pas de cela, simplement apporter une petite note accessoire.

Quand on utilise des mots- on suppose - qu’ils veulent dire PLUS OU MOINS la même chose pour ceux qui nous entendent.

Mais c’est dans ce PLUS OU MOINS que s’inscrit une frange d’ombre qui peut parfois amener à l’incompréhension .

C’est ce qui me semble être le cas ici même.

L’idée de l’Union « en -soi » est une bonne idée, elle sera bonne en fonction de ce que les hommes en feront et au profit de qui elle servira les intérêts.

Ce n’est donc pas l’idée qui est mauvaise, c’est ce que les hommes en font, rien n’est neutre ZOLKO ce qui donne sens à quelque chose, c’est son ordonnancement, sa composition, sa place, et il se trouve que l’existence d’un gouvernement invisible dont BERNAYS a la justesse de remarquer que son pouvoir s’exerce davantage sous la forme d’interactions coordonnées a posteriori par la convergence d’intérêts , Bourdieu, lui, parlait de connivence , et bien c’est de cela qu’il s’agit, plus que de complot savamment orchestré, n’empêche on n’attrape pas les mouches avec du vinaigre, en parlant d’Union, forcément que ça plaît aux gens, mais ce n’est qu’un mot, il faut donc observer ce qu’il contient et ne pas confondre le doigt qui montre la lune avec la lune elle-même.

C’est cette représentation mentale qui piège, mais le mot n’est pas la chose, dire que quelque chose est de l’ordre de l’Union, ce n’est qu’un mot qu’il faut remplir de contenu, l’Union européenne aujourd’hui , c’est surtout l’union de la misère humaine, et il ne me semble pas que ce soit celle à laquelle vous rêviez, non?

Enfin Etienne, avez-vous suivi la crise ?

Comment pouvez-vous utiliser les verrouillages dans les traités européens comme arguments pour vous justifier alors que ces verrouillages grâce à la crise ont tous sautés les uns après les autres ?

Ces traités n’ont plus aucune valeur, par exemple l’article 104 du traité de Maastricht a été rendu caduque par le prêt par la BCE à la Hongrie …

Tous les articles les plus stratégiques au niveau économique ont sauté … Pacte de stabilité, création monétaire, règles de la concurrence …

Il est désormais plus qu’indispensable pour eux de faire appliquer le traité de Lisbonne, seul moyen pour eux de rétablir une base juridique pour nous réimposer leurs règles lamentables … Parce que les règles du traité de Maastricht ne valent plus rien !

Vous n’avez réussi à aucun moment à prouver l’impossiblité d’étendre la démocratie à des territoires et des populations plus larges, vous n’avez réussi à aucun moment à prouver l’impossibilité de rendre démocratique l’union européenne, vous n’avez réussi qu’à prouver qu’une telle entreprise était forcément plus difficile, et l’argument de la difficulté est insuffisant pour justifier le recul que serait un retrait pur et simple de l’UE.

Dans l’irresponsabilité la plus totale, par un médiocre tour de passe-passe rhétorique, vous refusez de nous expliquer quelles pourraient être les conséquences d’un tel retrait, vous n’envisagez qu’une chose, votre idée utopique que cela résoudrait tous les problèmes ou du moins que désormais ils pourraient être réglés plus facilement.

On en revient donc toujours dans cette notion de facilité / difficulté, qui semble en réalité l’argument central de votre toute nouvelle idéologie nationaliste.

Argument qui devient totalement ridicule dès lors que l’on comprend qu’il serait tout aussi difficile si ce n’est même plus de convaincre les gens de sortir de l’UE, pour preuve le poids politique de ceux qui tiennent les même genre de discours que vous …

Votre dérive nationaliste / souverainiste m’attriste vraiment …

Le succès de la campagne de 2005 tient énormément de l’espoir d’alternative que cela représentait.

En abandonnant l’aspiration d’alternative pour adopter celle du repli nationaliste, vous ne faites que rejoindre une marginalité permanente et définitive, bref l’oubli. Quelle connerie vraiment, je ne comprend vraiment pas ce gachis.

[bgcolor=#FFFF99]L’européisme est un nationalisme,
un cran géographique au-dessus du précédent, c’est tout.
L’UE conduit les peuples à la guerre (économique).
[/bgcolor]

Ça y est, Sandy, après Zolko, vous basculez vous aussi dans l’insulte ?

Mais l’insulte est souvent la marque d’un cruel manque d’arguments.


Vous me traitez de nationaliste comme si c’était une insulte.

• D’abord, vous n’avez vous-même nullement prouvé que le concept de nation soit problématique. Vous l’usez péjorativement comme si c’était une évidence. Ça ne l’est que pour vous (comme ça l’est pour certains journalistes chiens de garde du système antidémocratique qui se met en place, sans notre accord et au profit des multinationales). Je ne marche pas dans cette injonction de détester la nation : prouvez donc les raisons de votre mépris.

• Ensuite, je ne me sens guère concerné par ce mépris, moi qui suis beaucoup plus convaincu par l’échelle de la commune que par celle de la nation, pour organiser un monde commun à l’abri des abus de pouvoirs (puisque, pour moi, c’est ça l’essentiel, et pas l’Europe ; pour vous, je ne sais pas).

Ceci dit, je garde en tête l’espoir immense qu’ont mis nos grands-parents révolutionnaires dans l’idée de nation, de patrie, et je constate que, le plus souvent, les ennemis de la nation sont aussi des ennemis du peuple (et de la démocratie en général), même s’il s’en trouve (très paradoxalement, il est vrai) au sein du peuple lui-même, sans doute circonvenus par une propagande de plus en plus habile.

Assimiler ceux qui donnent un sens positif au mot « nation » à des xénophobes racistes est, je pense, une malhonnêteté intellectuelle de premier ordre. En poursuivant cette « méthode », par amalgames infamants successifs, fins et sympathiques, vous devriez bientôt me traiter d’antisémite, puis finalement, de nazi, ou apparenté. Et l’on aura quitté le terrain du débat constructif.

• Enfin et surtout, [bgcolor=#FFFF99]si l’on conçoit (ce qui n’est pas mon cas) le nationalisme comme un chauvinisme étroit qui prépare une société à se battre contre le reste du monde, l’européisme est un nationalisme.[/bgcolor] Soyez honnête et donnez leur vrai sens à tous ces arguments rabâchés des partisans de l’UE qui prétendent que l’union est indispensable pour [bgcolor=#FFFF99]« faire pièce à »[/bgcolor] la Chine, à l’Inde et aux USA… Si ce n’est pas du nationalisme, ça… On a changé d’échelle, voilà tout, mais nous en sommes toujours à monter les peuples les uns contre les autres.

Alors, au lieu de me traiter de nationaliste, vous qui défendez l’Union européenne, vous feriez mieux de faire votre introspection.

La fraternité voulue par l’Union européenne, c’est un mythe mensonger grossier : relisez les témoignages rapportés par Raoul Marc Jennar dans « Europe : la trahison des élites » à propos des négociations commerciales entre l’UE et les pays pauvres, négociations à coup de massue où l’UE est plus dure et plus cruelle encore que les USA contre des pays déjà affamés, qui doivent tout céder, tout consentir, tout abandonner, devant le rouleau compresseur des intérêts rigoureusement « nationaux » (au sens péjoratif que vous prétendez paradoxalement me reprocher) de l’UE. Vous auriez honte, Sandy, d’apprendre ce que le commissaire européen au commerce extérieur impose en secret en votre nom aux pays pauvres : un seul homme — en dehors de tout contrôle démocratique — représente tout seul 480 millions de citoyens de l’Union européenne, et en profite pour écrabouiller les faibles pour le profit des multinationales qui l’ont mis en place.

C’est ce système que vous défendez Sandy.

Je suis sûr que vous ne le savez pas.

Sinon, vous feriez sûrement comme moi.

Je crois.


Pour avoir moi-même longtemps cru sincèrement à ce rêve, je comprends ceux qui tiennent à l’idée d’union européenne, qui pourrait conduire progressivement les peuples à fraterniser : c’est une idée superbe, une utopie formidable.

Mais il se trouve que, après avoir beaucoup travaillé sur le détail des institutions réelles (au-delà des discours lénifiants des menteurs au pouvoir), et sur l’histoire de ces institutions et de l’idée européenne (notamment le projet — non dissimulé, depuis les années 1920 —des industriels et des banquiers d’une intégration des États nationaux pour avoir la peau des démocraties parlementaires), il se trouve que mon opinion évolue profondément (je ne suis pas psychorigide, pas arc-bouté sur mes certitudes : si mon analyse m’y conduit, je change, je m’adapte, simplement) : mon travail, mes lectures, mes entretiens, me conduisent à découvrir un piège hideux, un piège qui est prévu pour se refermer, se verrouiller, avec le consentement même des ses propres victimes, grâce à une propagande redoutable, passée du stade de ‹ technique › à celui de ‹ science ›.

Contrairement à ce que vous affirmez, j’ai cherché pendant quelques années des alternatives pour réformer l’UE de l’intérieur. (J’en cherche toujours à l’extérieur.)

Mais c’est devant la corruption généralisée de ces institutions, de ses acteurs et de ses promoteurs, devant la brutalité et le cynisme des décideurs, devant mon impuissance politique, radicale et verrouillée, que je renonce à réformer et me décide à fuir.

Et vos insultes n’y changeront rien ; elles sont votre problème.

Je sais que je peux me tromper. Je sais que c’est peut-être vous qui avez raison : l’UE est peut-être réformable de l’intérieur par des citoyens déterminés. C’est peut-être vous qui avez raison, JE SAIS CELA. Mais, en l’état actuel de mes connaissances, même si je vous comprends, j’estime que vous avez tort, complètement tort. C’est bien mon droit, n’est-ce pas ?

Mais si, subitement, vous me trouvez si nul, que faites-vous encore ici ?


Vous me dites : « Comment pouvez-vous utiliser les verrouillages dans les traités européens comme arguments pour vous justifier alors que ces verrouillages grâce à la crise ont tous sautés les uns après les autres ? »

Sandy, les verrous ont effectivement sauté, mais vous oubliez un « détail » stratégique : au profit de qui ? Pour sauver qui ? Au profit des salariés ? Pour augmenter les salaires ? Évidemment pas puisque la raison d’être de ces institutions, puisque le fil d’Ariane de l’Union européenne, c’est [bgcolor=#FFFF99]la police des salaires[/bgcolor].

Alors, quand les verrous sautent pour sauver les banquiers (et quelques géants industriels) de la faillite frauduleuse et de la prison, je ne prends pas ça comme un signe de victoire des salariés qui peuvent enfin se féliciter des institutions communautaires. Je ne suis pas du tout d’accord avec votre analyse, je crois que vous vous trompez. Dès que les escrocs auront été sauvés, vous constaterez que les verrous n’ont pas « sauté » comme vous dites, qu’ils seront toujours là pour nous imposer la police des salaires, sans institution pour résister.

Pour ce qui nous concerne, c’est-à-dire l’essentiel, Maastricht et Lisbonne, c’est quasiment la même chose : vous vous sentez protégé par l’un et pas par l’autre ? Nous ne lisons pas les mêmes traités, probablement.

Contrairement à ce que vous prétendez, j’ai argumenté — suffisamment pour forger mon opinion jusqu’à plus ample informé — pour montrer que [bgcolor=#FFFF99]le contrôle des pouvoir devient difficile et diminue mécaniquement avec la taille géographique et démographique des structures politiques[/bgcolor]. Que je ne sois pas arrivé à vous convaincre, c’est très clair, mais que vous ayez vous-même apporté le moindre argument contraire, ça l’est beaucoup moins : vos insultes (traiter l’autre de vulgaire nationaliste replié sur lui-même, c’est une insulte) ne sont pas des arguments.

Nous en sommes là.

Si vous n’êtes pas un sous-marin (si vous êtes un vrai « simple citoyen »), vous travaillez à votre propre perte (et à la nôtre) en forçant l’intégration politique de nombreux pays qui ne n’ont pas voulu (sans débat, sans assemblée constituante et sans référendum). De toute façon, ce qui est sûr, c’est que vous n’êtes pas un démocrate — et c’est votre droit le plus strict, évidemment ! — puisque vous vous contentez d’institutions parfaitement antidémocratiques et parfaitement verrouillées en les présentant non seulement comme acceptables mais même comme indispensables…

Étienne.


Pour éclairer cet échange de nouveaux arguments, j’ai passé quelques heures à vous préparer un long extrait d’un livre essentiel dont je vous recommande la lecture avant toute autre :

Raoul Marc Jennar : "Europe : la trahison des élites", Fayard 2004. Extrait : page 129, Chapitre 4 – L'UE à l'OMC, le vrai visage de l'Europe.

Chapitre 4

[bgcolor=#FFFF99]L’Union européenne à l’Organisation mondiale du commerce
Le vrai visage de l’Europe
[/bgcolor]

« Novembre 2001. Je suis à Doha, capitale du Qatar, le pays choisi pour être le siège de la IVe conférence ministérielle de l’OMC. La conférence se termine. Devant la résistance persistante d’un grand nombre de pays du Sud qui refusent les propositions américano-européennes, elle a été prolongée d’un jour. Et surtout d’une nuit. Rompus aux marathons nocturnes, les négociateurs européens comptent sur cette épreuve physique pour achever de faire fléchir leurs interlocuteurs, déjà écrasés par les promesses et les menaces mises sur la table.

Je m’informe des résultats de cette nuit de tous les dangers quand je croise Martin Khor. C’est le directeur de Third World Network, le plus rigoureux et le plus influent des réseaux hostiles à la globalisation. Nous nous connaissons depuis une réunion de l’International Forum on Globalisation (IFG), à Sauve, dans le Gard, chez Agnès Bertrand1. L’IFG, c’est le réseau des réseaux, que le journaliste Hervé Kempf a très justement baptisé internationale citoyenne. Martin et moi, nous nous rencontrons régulièrement à Genève où son organisation, basée en Malaisie, dispose d’une importante antenne. L’URFIG traduit souvent ses remarquables analyses. Il me confie :

[b]Qu'est-ce que vous pouvez être hypocrites, vous, Européens ! Vous parlez tout le temps d'humanisme, de démocratie, de solidarité, mais à la table des négociations vous pratiquez la même arrogance, la même intransigeance et surtout la même injustice que les Américains.[/b]
Quel est, aujourd'hui, le visage de l'Europe dans le monde ? Quel regard portent les autres peuples sur ce que Valéry appelait « une étroite presqu'île, qui ne figure sur le globe que comme appendice de l'Asie » ?

Je viens de passer à peu près quinze ans à voyager, à travailler et à vivre dans l’hémisphère Sud. J’ai vu ce qu’y fait l’Union européenne, les positions qu’elle adopte, les projets qu’elle porte. J’ai pu observer aussi le comportement de ceux qui nous représentent dans ces ambassades de la Commission qu’on appelle « délégations ». Parfois j’en ai été fier ; souvent j’ai eu honte. J’ai eu maintes fois l’occasion de m’entretenir avec des dirigeants et des diplomates des pays en développement amenés à négocier avec la Commission européenne. J’ai pu comparer l’arrogance et la brutalité des négociateurs européens lorsqu’ils traitent avec des gouvernements de pays pauvres et faibles qui contrastent avec leur courtoisie dès qu’ils sont en face de poids lourds, comme, par exemple, la Chine.

Je peux porter témoignage de la conscience grandissante d’une Europe à deux faces, comme Janus, ce dieu des Romains. Il y a une face plaisante : celle d’une Europe porteuse de valeurs, de culture, de générosité, de partenariat et aussi d’espoir pour tous ceux qui voient en elle un contrepoids, une alternative à l’empire américain. Il y a une face sinistre, tournée vers l’Atlantique, d’une Europe qui partage la vision néolibérale, marchande, égoïste, individualiste et arrogante que nous imposent les États-Unis. Cette face sinistre, c’est particulièrement le visage de l’Europe dans les négociations à l’OMC, que ce soit pendant les sessions à Genève ou lors des conférences ministérielles.

Il importe qu’on sache comment se comportent ceux qui agissent en notre nom, mais sur lesquels nous n’avons aucun pouvoir de contrôle.

Ainsi, en juillet 2003, à Genève, un négociateur d’un pays du Sud, qui tient à garder l’anonymat, constatait :

[b]Les négociateurs des États-Unis et de l'Union européenne nous conduisent à l'abattoir à la fin de chaque négociation; ces derniers sont peut-être plus subtils et plus polis, néanmoins le résultat final est le même : nous sommes écrasés. Je préfère avoir affaire avec les États-Unis... Au moins vous savez exactement où vous en êtes avec eux[/b]2.
Aucune déclaration ne traduit mieux ce que ressentent les interlocuteurs de l'Union européenne lorsqu'ils sont confrontés à ses représentants.

Les États membres de l’Union européenne disposent d’une représentation diplomatique à Genève et donc d’un ambassadeur accrédité auprès de l’OMC. Celui-ci peut s’exprimer dans cette enceinte, mais il ne peut pas engager son pays. [bgcolor=#FFFF99]Seul le représentant de l’Union européenne a qualité pour engager l’Union européenne et ses États membres à l’OMC.[/bgcolor] C’est Carlos Trojan qui, aidé de dix-huit experts, assure la représentation de l’Union européenne à l’OMC. Il reçoit ses instructions de Pascal Lamy. Du fait du poids de l’Union dans le commerce mondial, M. Trojan est un des négociateurs les plus importants à l’intérieur de cette institution qui, on va le voir, n’est pas une institution internationale comme les autres.

L’OMC : LA PLUS PUISSANTE INSTITUTION AU SERVICE D’UN PROJET ÉCONOMIQUE

Les accords de Marrakech, signés en 1994 au terme de l’Uruguay Round, fournissent le cadre institutionnel et normatif de la marchandisation de la planète. Pour mesurer les risques réels de voir cette transformation du monde devenir réalité, il faut garder à l’esprit l’idéologie dominante qui inspire lesdits accords, la puissance de l’OMC et le caractère contraignant des accords qu’elle gère. L’OMC est par excellence l’instrument de l’idéologie marchande.

Avec les accords de Marrakech que gère l’OMC, on est entré dans une transformation globale des rapports en tout genre qui régissent la vie des humains. La doctrine qui s’impose est celle d’un libre-échange sans limites. Toutes les activités humaines - boire, manger, communiquer, apprendre, se soigner, se cultiver, se distraire, se déplacer, se chauffer, s’éclairer… - sont assimilées à des activités marchandes qui doivent être régies par les règles de la concurrence, laquelle ne peut être soumise à des entraves, à des discriminations, c’est-à-dire une concurrence qui requiert l’absence de toute prise en considération des particularités individuelles ou collectives.

À terme, si l’on n’y prend garde, plus aucun État n’aura le droit de mettre en œuvre des politiques spécifiques qui tiennent compte des particularités, des besoins et des priorités nationales ou qui expriment un mode précis de vouloir vivre ensemble. Des choix économiques et fiscaux, des préférences sanitaires, sociales, environnementales et éthiques seront assimilés à des «entraves au commerce». Cela est vrai dans les pays industrialisés comme dans ceux dits en développement, et a été démontré à de multiples reprises par d’excellents auteurs ; je n’y reviendrai donc pas3.

Si l’on n’arrête pas cette mécanique infernale lancée à Marrakech, tous les États devront un jour renoncer à leurs législations propres et soumettre leurs ressortissants aux règles de la concurrence commerciale qui privilégient ipso facto les intérêts particuliers les plus puissants. C’est bien la raison pour laquelle ils nous trompent, ceux qui disent, à droite comme à gauche, que l’objectif de l’OMC est de réguler le commerce mondial et rien d’autre. C’est une véritable mystification, entretenue par les élites politico-technocratiques et relayée par l’immense majorité des médias.

Et pourtant, les textes sont là. Il suffit de les lire. Allez sur le site de l’OMC4. Lisez les accords qu’elle gère. Et vérifiez par vous-même : [bgcolor=#FFFF99]il n’y a pas une seule règle de l’OMC qui régule les entreprises commerciales.[/bgcolor] Toutes les règles de chacun des accords de l’OMC concernent les législations et les réglementations des États et de leurs collectivités territoriales. Pas les firmes privées. Pas les sociétés transnationales. Pas ces espaces de non-droit que sont les zones franches. Pas les paradis fiscaux. Pas les transactions financières internationales que nourrit l’argent du crime organisé et de la fraude. La régulation à la manière de l’OMC, c’est en fait une dérégulation imposée à chaque État membre. Comme le reconnaît l’actuel directeur général de l’OMC, M. Supachai Panitchpakdi, « l’OMC n’est pas concernée par les multinationales. Nous ne visons pas le secteur privé5 ».

À terme, si l’on n’y prend garde, tout, le solide comme le liquide, le minéral, le végétal, l’animal, l’humain, et ce que l’humain crée et produit, tout sera à vendre et à acheter. Tout.

Et c’est à la réalisation de ce projet de société qu’œuvre l’OMC, une organisation internationale qui se révèle être la plus puissante du monde. Pour cinq raisons, au moins :

[bgcolor=#FFFF99]L’OMC concentre le pouvoir de faire les règles, de les appliquer et de sanctionner les pays qui ne les respectent pas. Elle cumule ainsi les trois pouvoirs et, grâce à cette concentration et cette confusion des pouvoirs, elle dispose des moyens de l’arbitraire. Aucune autre institution internationale ne s’est vu confier une telle puissance.[/bgcolor]

L’OMC est la seule institution internationale qui dispose du pouvoir d’imposer le respect des règles qu’elle gère6. Chaque pays est en effet tenu de mettre sa propre législation en conformité avec les règles de l’OMC.

L’OMC offre aux États membres, par le biais d’un mécanisme intitulé «Organe de règlement des différends», la capacité de sanctionner le pays qui, selon l’interprétation qu’en fera cet organe, sera considéré comme ne respectant pas telle ou telle règle de l’OMC. L’OMC est la seule, par rapport aux autres organisations internationales édictant des normes (UNESCO, OMS, OIT, OMPI et PNUE7), à disposer d’un tel instrument.

Les règles de l’OMC dépassent très largement les questions strictement commerciales. En passant du régime du GATT, dont les dispositions ne sortaient pas du domaine commercial, aux règles de l’OMC, on a étendu les principes du libre-échange à quasiment toutes les activités humaines.

L’OMC fonctionne dans des conditions d’opacité et d’oligarchie qui soumettent les pays qui en sont membres à la volonté des plus puissants8.

Avec l’OMC et les pouvoirs qu’elle est la seule à détenir, le droit de la concurrence commerciale l’emporte sur tous les autres droits et en particulier les droits humains fondamentaux, les droits économiques, sociaux et environnementaux reconnus aux citoyens par les dispositions constitutionnelles ou légales adoptées dans le cadre national ou par l’adhésion à des pactes internationaux. Une hiérarchie des normes internationales s’est imposée de fait. Désormais les États sont soumis à l’arbitraire d’une organisation contrôlée par les pays les plus riches et les plus puissants.

L’OMC : INSTITUTION MULTILATÉRALE OU DIRECTOIRE DES PAYS RICHES ?

À l’ouverture de la IIIe conférence ministérielle de l’OMC, à Seattle, Mike Moore, alors son directeur général, déclarait : «Je peux accepter toutes les critiques, sauf celles qui consistent à nier le caractère démocratique de l’OMC. » Et de rappeler que, à l’OMC, le principe inscrit dans les textes, c’est un État = une voix, et que les décisions se prennent par consensus en vertu de l’article IX.

Mais ce principe est dévoyé par une précision sur ce qu’il faut entendre par consensus. Et c’est dans une note de bas de page à cet article IX qu’on apprend qu’il s’agit du consensus implicite, c’est-à-dire l’application du dicton «Qui ne dit mot consent». [bgcolor=#FFFF99]Ceux qui se taisent ou ne sont pas présents au moment de la décision sont considérés comme étant d’accord ! Or, une vingtaine de pays sont trop pauvres pour pouvoir disposer d’une représentation diplomatique à Genève. Ils sont donc considérés comme étant d’accord sur toutes les propositions faites.[/bgcolor] En outre, près de quatre-vingts autres délégations ne disposent pas d’un personnel qualifié en nombre suffisant pour assurer la représentation de leur pays à toutes les réunions. Sans compter que chaque mission diplomatique à Genève doit aussi assurer la représentation de son pays auprès des autres organisations internationales intergouvernementales dont le siège se trouve dans la cité helvétique. Il en résulte que sur les cent quarante-huit pays qui sont membres de l’OMC, moins de cinquante peuvent assurer une présence effective et une participation réelle à toutes les réunions qui se tiennent chaque semaine à l’OMC.

À cette étrange conception du consensus s’ajoutent des pratiques qui donnent la prééminence aux rapports de forces.

L’égalité dont jouissent en principe les cent quarante-huit États membres de l’OMC est donc tout à fait formelle. Selon le célèbre mot de George Orwell, certains « sont plus égaux que d’autres». En particulier les États qui constituent, dans le jargon des initiés, la «Quadrilatérale», ou «Quad», formée par les États-Unis, l’Union européenne, le Japon et le Canada. Aucune décision ne peut être prise sans l’accord de ces quatre puissances. L’existence de cette « Quad», qui n’est pas prévue par le traité créant l’OMC, est pourtant reconnue comme une réalité quasi institutionnelle au sein de celle-ci9.

La «Quad» possède ses propres modes de fonctionnement. Ainsi des réunions entre États-Unis et Union européenne précèdent presque toujours les réunions à quatre, lesquelles se tiennent avec l’assistance et la présence des plus hautes autorités de l’OMC.

La «Quad» s’est comportée jusqu’ici comme un véritable directoire mondial. C’est à son initiative que se tiennent de manière systématique des réunions informelles, qui ont généralement lieu à l’invitation du directeur général. S’y retrouvent, sans publicité aucune, les représentants des États retenus par la «Quad», auxquels s’associent des partenaires de circonstance, parmi lesquels on retrouve souvent l’Australie, la Corée, la Nouvelle-Zélande, la Suisse, et quelques pays dont l’adhésion aux propositions entraînera celle d’autres États. On y arrête des décisions qui sont ensuite présentées comme étant à prendre ou à laisser par les autres États membres. [bgcolor=#FFFF99]L’accès à ces réunions est interdit aux représentants des États qui ne sont pas invités[/bgcolor], en dépit du fait qu’elles ont lieu dans les locaux de l’OMC et qu’on y traite des matières en rapport avec l’OMC. Dans le jargon des initiés, on appelle cela des réunions green room, par référence à la couleur verte des murs du bureau du directeur général en 1995.

Cette pratique ramène le multilatéralisme à peu de chose puisque, chaque fois que se tient une réunion informelle, plus de cent États sont exclus de délibérations décisives. Une telle pratique aboutit à la restauration de rapports bilatéraux entre les pays riches et les autres. On est très loin de cette égalité de tous, États riches et États pauvres, devant des règles communes, égalité tant vantée par ceux qui, à droite comme à gauche, et en particulier le commissaire européen Pascal Lamy10, prétendent lutter contre le chaos des rapports commerciaux internationaux.

Cette pratique des réunions informelles a connu de nouveaux développements en vue de la préparation de la IVe conférence ministérielle, qui allait se tenir à Doha. Lesdites réunions se sont tenues au niveau ministériel, extra muros, à Mexico puis à Singapour. Et certains ministres, qui, estimant avoir le droit de participer à toute réunion de l’OMC, s’y sont présentés sans avoir été invités, se sont vu en interdire l’accès. Les mêmes pratiques se sont répétées en vue de la conférence de Cancún, avec multiplication des réunions informelles au siège de l’OMC et organisation de ce qu’on appelle désormais des « mini-ministérielles » réservées à une bonne vingtaine de pays à Sydney, Montréal et Charm el-Cheik.

Même si l’OMC nourrit son site Internet de milliers de pages de documents divers, cette institution, à la différence de toutes les autres, se caractérise par un degré élevé d’opacité qui facilite le travail de la «Quad». L’OMC est la seule organisation internationale intergouvernementale dont les travaux se déroulent à huis clos. Son instance de décision la plus importante, entre les conférences ministérielles, est le Conseil général, qui réunit, en principe, les ambassadeurs des cent quarante-huit États membres. On a vu ce qu’il en est dans les faits.

Le Conseil général siège comme organe compétent pour toutes les affaires relevant de l’OMC, mais également pour donner son acquiescement à l’analyse des politiques commerciales des États membres. Il se transforme enfin en Organe de règlement des différends pour acter les décisions prises dans le cadre du règlement des conflits. Or, les débats de cet organe se déroulent à huis clos, ce qui est contraire à ce principe universel selon lequel la justice doit être rendue en public. Ainsi, les débats de la Cour internationale de justice de La Haye - autre institution intergouvernementale qui, elle, fonctionne selon les principes de base d’une authentique juridiction - sont publics.

La manière dont se préparent et se déroulent les conférences ministérielles est très révélatrice du système oligarchique en vigueur à l’OMC. La conférence ministérielle, son organe suprême, constituée des ministres du Commerce extérieur de tous les États membres, est compétente dans toutes les matières sur lesquelles ils s’accordent et se réunit au moins tous les deux ans. Jusqu’ici, elle s’est tenue chaque fois dans des endroits différents; après Singapour en 1996, ce fut Genève en 1998, puis Seattle en 1999, Doha en 2001 et Cancún en 2003.

La préparation comme le déroulement de la conférence sont l’objet de manipulations où la démocratie est loin de trouver son compte. Pour chacune des cinq conférences tenues jusqu’ici, pas une seule fois les procédures ne furent les mêmes, celles-ci changeant au gré des opportunités. C’est la «Quad» qui, avec ses alliés (Australie, Corée, Hong Kong11, Nouvelle-Zélande, Suisse), convient des règles, selon les circonstances.

Après la IIIe conférence ministérielle, celle de Seattle, où aucun accord n’était intervenu, on a vu les pays industrialisés se multiplier en formules concédant qu’il fallait tirer les leçons de l’échec et accorder la priorité à la transparence des procédures et à une participation effective de tous les membres à la décision. L’Union européenne avança même, pour l’occasion, quelques propositions qui furent vite oubliées une fois que commencèrent les préparatifs de la IVe conférence. Et les représentants de l’Europe, avec leurs partenaires nord-américains et japonais, continuèrent à user et à abuser de pratiques qu’ils avaient déclaré vouloir réformer.

À l’OMC, les pays en développement, pourtant les plus nombreux, sont en permanence victimes de manipulations et de pressions très précisément décrites dans un livre récent12. Ce qu’ils subissent là est en totale contradiction avec le discours convenu dans les sphères occidentales quant à l’importance du commerce pour le développement.

Ainsi, par exemple, à l’ouverture de la conférence de Doha, M. Lamy annonçait que l’Union européenne offrait 50 millions d’euros aux pays en développement afin de leur permettre de respecter leurs engagements à l’égard de l’OMC. Pendant la conférence, il retardait la demande de dérogation requise pour que puisse être appliqué l’accord de Cotonou, passé entre l’Union européenne et les pays d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique (ACP), jusqu’au moment où ceux-ci eurent appuyé la demande européenne d’ouverture de négociations sur les matières dites de Singapour (voir chap. 5, « Matières de Singapour = AMI »). De même, peu avant la conférence de Cancún, l’Union européenne usait de promesses d’octroi et de menaces de retrait du système des préférences généralisées (SPG, voir note 60, p. 277) vis-à-vis de tel ou tel pays en développement. Lors d’une réunion à Bruxelles, six semaines avant Cancún, M. Lamy annonçait aux pays ACP le lancement d’un programme d’aide financière en leur faveur afin d’accroître leur capacité à mettre en œuvre les accords commerciaux internationaux.

Manipulations et pressions de la part des pays occidentaux se manifestent tout particulièrement à l’occasion de la préparation de chaque conférence ministérielle. Cette préparation consiste à mettre au point un texte qu’on appelle «projet de déclaration ministérielle». L’objectif de la «Quad» est que ce texte exprime le point de vue des pays industrialisés. Il est atteint grâce à une procédure qui, dans toute autre institution, serait considérée comme un véritable coup de force.

Tout d’abord, le texte est préparé de concert par le président en exercice du Conseil général et le directeur général de l’OMC qui travaillent sur instruction de la «Quad». L’essentiel des demandes exprimées par les pays en développement et formulé dans des documents officiels, en particulier leur souhait de corriger les déséquilibres les plus criants qui caractérisent les accords existants, n’est pas repris dans le projet de déclaration ministérielle. Par contre, l’essentiel des attentes des pays industrialisés fait l’objet de multiples paragraphes.

Ensuite, de sa propre autorité, avec le soutien de la «Quad» et du directeur général, au terme de réunions informelles, le président du Conseil général décide que son projet de déclaration ministérielle, bien qu’il ne réunisse pas le consensus, sera envoyé comme tel à la conférence ministérielle, sans l’accord du Conseil général et sous sa propre responsabilité. Toutes les indications susceptibles d’informer la conférence sur les réserves ou les oppositions de certains pays qui ont pu être enregistrées pendant les débats sont supprimées. Si d’aventure l’un ou l’autre État membre a formellement exprimé son désaccord, le document qui en fait mention n’est pas annexé. Grâce à cette violation manifeste des procédures de décision prévues par l’accord instituant l’OMC, et en dépit des protestations formulées par plusieurs États membres, la conférence, à Doha comme à Cancún, a pu commencer sur la base d’un texte qui, pour l’essentiel, convenait parfaitement aux pays les plus riches et ne traduisait nullement le consensus pourtant requis.

À Doha, la conférence ministérielle a offert un spectacle dont les hérauts occidentaux de la démocratie ne se sont guère vantés. Les participants n’ont pu délibérer de l’ordre du jour de la conférence et de son organisation. Ils ont été forcés d’en accepter la présentation faite au cours de la cérémonie officielle d’ouverture. Les groupes de travail chargés de faciliter la négociation étaient animés par des ambassadeurs acquis aux propositions américano-européennes. Sur instruction de l’Union européenne et des USA, des réunions informelles ont été organisées, d’où certains ministres, malgré leurs protestations, ont été exclus ; à d’autres, l’accès n’était autorisé qu’à la condition qu’ils ne soient pas accompagnés d’experts -même pas leur ambassadeur à Genève ! -, tandis qu’Européens et Américains disposaient de leurs équipes de juristes ; certains étaient admis à condition qu’ils se taisent. La conférence a été prolongée, sans l’accord formel des délégations, au moment où les représentants de plusieurs pays en développement étaient obligés de partir avec les vols spéciaux organisés à leur intention par le pays hôte. Des documents préparés par la «Quad» ont été soumis à la séance plénière finale sans avoir fait l’objet de consultations13.

Tirant les leçons de Doha, quinze pays14 ont proposé un ensemble de règles permanentes afin que les procédures ne relèvent plus de l’arbitraire des pays riches. Selon ces pays l’OMC devrait, comme la plupart des organisations internationales, garantir que la préparation et le déroulement de la conférence ministérielle seront transparents, non discriminatoires et prévisibles. Ils ont demandé que les décisions adoptées dans le cadre de réunions informelles soient sans valeur et ne soient en aucun cas considérées comme faisant partie du processus formel de préparation. Ils ont présenté une série de réformes techniques permettant d’associer pleinement tous les États membres à toutes les phases de préparation de la conférence ministérielle. Ils ont proposé qu’il soit impossible d’interdire au représentant d’un État membre de participer à une réunion au sein de l’OMC. Et surtout, ils ont demandé que le projet de déclaration ainsi que l’ordre du jour à soumettre à la conférence aient fait l’objet du consensus du Conseil général et que, à défaut de consensus, les différentes options formulées soient soumises à la conférence. Enfin, ils ont suggéré que la conférence ministérielle se tienne systématiquement au siège de l’OMC, à Genève, ce qui faciliterait grandement la participation de tous les pays.

Leurs propositions ont reçu l’accueil encourageant de plusieurs délégations15. Mais elles ont été combattues au nom de la flexibilité - qui profite toujours aux puissants - par l’Union européenne et les USA. Des propositions allant dans le même sens ont été déposées en août 200316. Elles ont connu le même accueil de la part des Occidentaux. Et certaines pratiques observées à Doha se sont ainsi répétées à Cancún.

Contrairement aux discours officiels et aux efforts de communication des gouvernements occidentaux et de la Commission européenne, une conférence ministérielle de l’OMC ne consacre jamais la victoire du droit sur la force. Au contraire, comme l’observe à juste titre le député Jean-Claude Lefort17 :

Les membres de l'OMC, et les plus pauvres d'entre eux, peuvent se demander, en toute légitimité, si cette organisation est bien fondée sur la règle du droit et non sur les rapports de forces.
[b]L'UNION EUROPÉENNE, ACTEUR DÉCISIF À L'OMC[/b]

On vient de le voir, en sa qualité de membre de la « Quad», l’Union européenne est un acteur décisif dans les négociations commerciales internationales. Et si M. Lamy a pu qualifier l’OMC d’institution «médiévale» lors de sa conférence de presse à l’issue de l’échec de Cancún, il n’est pas disposé pour autant à débattre de sa réforme. Bien au contraire.

Dans une récente communication au Conseil des ministres sur les négociations à l’OMC18, la Commission considère que «l’OMC n’est pas un système structurellement inéquitable qui a besoin d’être rééquilibré».

M. Lamy, qui connaît ses classiques, n’ignore pas cette formule célèbre de Lamennais : « Entre le riche et le pauvre, entre le fort et le faible, c’est la liberté qui opprime et la loi qui protège. » Et pourtant, il refuse la loi, il refuse les règles quand il s’agit du fonctionnement de l’OMC. Il est, selon ses propres termes, partisan de la flexibilité. C’est au nom de la flexibilité que son représentant à l’OMC a rejeté toutes les propositions de réforme dont il vient d’être question.

En fait, le commissaire européen entend user pleinement de la puissance que confère l’importance économique de l’Union européenne non pas au profit d’un rééquilibrage mondial des richesses et d’une plus grande solidarité entre les peuples, mais bien pour satisfaire les ambitions des milieux d’affaires européens.

Il s’agit dès lors d’user de tous les moyens de la persuasion : annoncer l’octroi ou le retrait d’aides ; de même pour l’assistance technique; faire miroiter ou non des promesses de réduction de la dette (on comprend pourquoi l’Union européenne refuse de soutenir l’abolition d’une dette des pays du Sud pourtant déjà remboursée huit fois - elle perdrait un formidable moyen de pression) ; laisser poindre la perspective d’un accord commercial bilatéral avantageux, évoquer des initiatives possibles de la Banque mondiale et du Fonds monétaire international…

Alors que les États-Unis exercent des pressions en signalant qu’ils peuvent placer leur interlocuteur sur une liste de pays amis ou sur une «liste noire», les méthodes de l’Union européenne sont plus subtiles ; on peut parler d’une approche où l’on manie alternativement la carotte et le bâton. Cette approche se pratique «tous azimuts». Ainsi, en vue de la conférence ministérielle de Doha, Pascal Lamy et ses collaborateurs ont déployé une stratégie à plusieurs niveaux.

La Commission européenne s’est tout d’abord assuré le soutien des pays qui souhaitent adhérer à l’Union européenne. Pour l’essentiel, il s’agit des pays d’Europe centrale qui ont été, après la chute de l’empire soviétique, reformatés à l’économie de marché par les experts du FMI et de la Banque mondiale et sont devenus aujourd’hui des adeptes des thèses néolibérales.

Par sa présence incontournable dans le noyau initial de la «Quad» et grâce aux réunions informelles, aux «mini-ministérielles » et à la méthode décrite ci-avant pour la rédaction du projet de déclaration ministérielle, la Commission a obtenu l’agenda désiré pour la conférence.

La Commission a ensuite ciblé un certain nombre de pays en développement dont l’économie émerge peu à peu, l’Afrique du Sud, le Brésil, le Chili et le Mexique, afin d’obtenir leur soutien pour l’ouverture des négociations sur les matières dites de Singapour. Chacun de ces pays est lié à l’Union européenne par un traité bilatéral de libre-échange qui était alors déjà négocié ou en cours de négociation. À ces quatre pays Pascal Lamy a promis ce qu’ils souhaitaient le plus : une réduction des subventions aux exportations agricoles européennes. En échange de cette promesse non tenue, ces quatre pays, à Doha, ont rompu avec l’immense majorité des pays en développement opposés aux matières de Singapour et ont adopté une attitude neutre.

Une quatrième cible, dans la stratégie européenne, fut l’ensemble des pays qualifiés de PMA : les pays les moins avancés, c’est-à-dire les plus pauvres. Et donc les plus faibles. Ce sont ces pays qui ont subi avec le maximum d’intensité les pressions décrites plus haut et sur lesquels la Commission européenne a usé et de la carotte et du bâton. Lors de la IIIe conférence des PMA, à Bruxelles, en mai 2001, Pascal Lamy reçut tour à tour les délégations des vingt-neuf pays qui, parmi les quarante-neuf PMA, sont membres de l’OMC. Il ne manqua pas de rappeler, au cours de ces entretiens bilatéraux, les accords préférentiels passés avec l’Union européenne dont bénéficiaient ces pays. Le gouvernement de chacun de ceux-ci reçut ensuite de la Commission une demande explicite de soutien à ses positions. La Tanzanie, qui présidait alors le groupe des PMA à l’OMC, eut droit à un traitement spécial : une décision concernant une prise en charge d’une partie de sa dette, qui était en attente depuis plus d’un an, fut annoncée par le FMI et la Banque mondiale deux semaines avant Doha. Pur hasard, bien entendu…

Enfin, pendant la conférence ministérielle elle-même, l’Union européenne s’est employée à présenter aux médias de manière très négative ceux qui s’opposaient à elle. Ainsi, l’Inde fut qualifiée de pays pratiquant une obstruction systématique. À lire les journaux français au terme de la conférence, ce n’était pas la tâche la plus ardue.

Le fossé entre la rhétorique de l’Union européenne en faveur du développement et sa pratique à la table des négociations est tel que, après la conférence ministérielle de Doha, un ambassadeur originaire d’un des PMA m’a déclaré :

[b]Ce que je regrette le plus, c'est de ne pas avoir proposé à mon ministre qu'il demande la suppression de tous les termes faisant référence au développement des pays les plus pauvres dans la déclaration ministérielle. Cela n'aurait rien changé quant au fond, mais cela aurait empêché l'Union européenne d'user de ce texte auprès de ses médias, de ses opinions publiques et des responsables politiques pour faire croire à son prétendu attachement à l'amélioration de notre sort.[/b]
(…) »

(La suite —le chap. 5— s’intitule « L’Europe et les pays du sud ». C’est à hurler, de rage et de honte. Vous devriez tous lire ça !)


Notes :

  1. Agnès Bertrand, qui fut en France à la pointe des mobilisations contre l’Accord multilatéral sur l’investissement, anime avec Laurence Kalafatidès l’Institut pour la relocalisation de l’économie. Toutes deux ont signé [bgcolor=#FFFF99]un livre militant incontournable : OMC, le pouvoir invisible[/bgcolor], Paris, Fayard, 2002.

  2. Deux auteurs ont collectionné les témoignages d’ambassadeurs des pays en développement auprès de l’OMC : Jawara, Fatouma, et Kwa, Aileen, Behind the Scenes at the WTO. The Real World of International Trade Negotiations, Londres, Zed Books, 2003.

  3. Outre l’ouvrage référencé en note 1, on consultera avec profit la bibliographie proposée sur le site www.urfig.org.

  4. www.wto.org ; on peut consulter les versions anglaise, espagnole et française.

  5. Interviewé par Vincent Glenn, réalisateur du film Pas assez de volume. Notes sur l’OMC, 2004.

  6. L’article 16.4 de l’accord créant l’OMC consacre la prééminence de cet accord et de tous les accords gérés par cette institution sur le droit national des États membres.

  7. Unesco : Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture ; OMS : Organisation mondiale de la santé ; OIT : Organisation internationale du travail ; OMPI : Organisation mondiale de la propriété intellectuelle ; PNUE : Programme des Nations unies pour l’environnement.

  8. Jennar, Raoul Marc, «L’Organisation mondiale du commerce et le déclin de la démocratie», Res publica, Paris, n° 32, février 2003, p. 36-41.

  9. OMC, Un commerce ouvert sur l’avenir, Genève, OMC, 1999 (2e éd.).

  10. Dans un article quasi lyrique publié à la veille de la conférence de
    Cancún, Pascal Lamy exaltait cette égalité de tous devant les règles de l’OMC : «Mes jours et mes nuits à Cancún», Le Monde, 5 septembre 2003.

  11. La rétrocession de Hong Kong à la Chine n’a pas mis fin à la représentation de ce territoire jouissant, à l’OMC, d’un statut analogue à celui d’un État indépendant. En fait, selon une note explicative annexée à l’accord créant l’OMC, le terme «pays» désigne «tout territoire douanier distinct, membre de l’OMC», ce qui en dit long sur la perception de la souveraineté des peuples et des États.

  12. Jawara, Fatouma, et Kwa, Aileen, Behind the Scenes…, op. cit.

  13. On trouvera de multiples témoignages sur la conférence de Doha émanant de diplomates de pays du Sud dans Kwa, Aileen, Power Politics in the WTO, Bangkok, Focus on the Global South, 2003 (http://www.focusweb.org).

  14. OMC, «Preparatory Process in Geneva and Negotiating Procédure at the Ministerial Conférences», communication présentée par Cuba, Egypte, Honduras, Inde, Indonésie, Jamaïque, Kenya, Malaisie, Maurice, Pakistan, République dominicaine, Sri Lanka, Tanzanie, Ouganda et Zimbabwe, WT/CG/W/471, 24 avril 2002.

  15. Le Brésil, la Chine, la Malaisie, la Norvège, les Philippines, la Turquie. WT/GC/M74, 1er juillet 2002.

  16. Document WT/CG/W/510.

  17. Lefort, Jean-Claude, député, Assemblée nationale, Rapport sur la place des pays en développement dans le système commercial multilatéral, Paris, 23 novembre 2000.

  18. Communication de la Commission au Conseil et au Parlement européen, [i]Redynamiser les négociations relatives au programme de Doha pour le développement – l’optique de l’UE, Bruxelles, 26 novembre 2003, COM(2003) 734, final.

Source : Raoul Marc Jennar : « Europe : la trahison des élites », Fayard 2004, page 129, Chapitre 4 - L’UE à l’OMC, le vrai visage de l’Europe.


Ce livre de Raoul est le meilleur livre que j’aie jamais lu sur l’Union européenne, le plus bouleversant, le plus révoltant, le plus important. Tous ceux qui ont une opinion sur l’UE devraient avoir lu — et relu ! — ce livre essentiel.

Dans le débat sur l’Union européenne, les plus nationalistes ne sont pas ceux qu’on croit.

Étienne

[bgcolor=#FFFF99][b]L'européisme est un nationalisme, un cran géographique au-dessus du précédent, c'est tout. L'UE conduit les peuples à la guerre (économique).[/b][/bgcolor]

Ça y est, Sandy, après Zolko, vous basculez vous aussi dans l’insulte ?

Mais l’insulte est souvent la marque d’un cruel manque d’arguments.


Vous me traitez de nationaliste comme si c’était une insulte.

• D’abord, vous n’avez vous-même nullement prouvé que le concept de nation soit problématique. Vous l’usez péjorativement comme si c’était une évidence. Ça ne l’est que pour vous (comme ça l’est pour certains journalistes chiens de garde du système antidémocratique qui se met en place, sans notre accord et au profit des multinationales). Je ne marche pas dans cette injonction de détester la nation : prouvez donc les raisons de votre mépris.

• Ensuite, je ne me sens guère concerné par ce mépris, moi qui suis beaucoup plus convaincu par l’échelle de la commune que par celle de la nation, pour organiser un monde commun à l’abri des abus de pouvoirs (puisque, pour moi, c’est ça l’essentiel, et pas l’Europe ; pour vous, je ne sais pas).

Ceci dit, je garde en tête l’espoir immense qu’ont mis nos grands-parents révolutionnaires dans l’idée de nation, de patrie, et je constate que, le plus souvent, les ennemis de la nation sont aussi des ennemis du peuple (et de la démocratie en général), même s’il s’en trouve (très paradoxalement, il est vrai) au sein du peuple lui-même, sans doute circonvenus par une propagande de plus en plus habile.

Assimiler ceux qui donnent un sens positif au mot « nation » à des xénophobes racistes est, je pense, une malhonnêteté intellectuelle de premier ordre. En poursuivant cette « méthode », par amalgames infamants successifs, fins et sympathiques, vous devriez bientôt me traiter d’antisémite, puis finalement, de nazi, ou apparenté. Et l’on aura quitté le terrain du débat constructif.

• Enfin et surtout, [bgcolor=#FFFF99]si l’on conçoit (ce qui n’est pas mon cas) le nationalisme comme un chauvinisme étroit qui prépare une société à se battre contre le reste du monde, l’européisme est un nationalisme.[/bgcolor] Soyez honnête et donnez leur vrai sens à tous ces arguments rabâchés des partisans de l’UE qui prétendent que l’union est indispensable pour [bgcolor=#FFFF99]« faire pièce à »[/bgcolor] la Chine, à l’Inde et aux USA… Si ce n’est pas du nationalisme, ça… On a changé d’échelle, voilà tout, mais nous en sommes toujours à monter les peuples les uns contre les autres.

Alors, au lieu de me traiter de nationaliste, vous qui défendez l’Union européenne, vous feriez mieux de faire votre introspection.

La fraternité voulue par l’Union européenne, c’est un mythe mensonger grossier : relisez les témoignages rapportés par Raoul Marc Jennar dans « Europe : la trahison des élites » à propos des négociations commerciales entre l’UE et les pays pauvres, négociations à coup de massue où l’UE est plus dure et plus cruelle encore que les USA contre des pays déjà affamés, qui doivent tout céder, tout consentir, tout abandonner, devant le rouleau compresseur des intérêts rigoureusement « nationaux » (au sens péjoratif que vous prétendez paradoxalement me reprocher) de l’UE. Vous auriez honte, Sandy, d’apprendre ce que le commissaire européen au commerce extérieur impose en secret en votre nom aux pays pauvres : un seul homme — en dehors de tout contrôle démocratique — représente tout seul 480 millions de citoyens de l’Union européenne, et en profite pour écrabouiller les faibles pour le profit des multinationales qui l’ont mis en place.

C’est ce système que vous défendez Sandy.

Je suis sûr que vous ne le savez pas.

Sinon, vous feriez sûrement comme moi.

Je crois.


Pour avoir moi-même longtemps cru sincèrement à ce rêve, je comprends ceux qui tiennent à l’idée d’union européenne, qui pourrait conduire progressivement les peuples à fraterniser : c’est une idée superbe, une utopie formidable.

Mais il se trouve que, après avoir beaucoup travaillé sur le détail des institutions réelles (au-delà des discours lénifiants des menteurs au pouvoir), et sur l’histoire de ces institutions et de l’idée européenne (notamment le projet — non dissimulé, depuis les années 1920 —des industriels et des banquiers d’une intégration des États nationaux pour avoir la peau des démocraties parlementaires), il se trouve que mon opinion évolue profondément (je ne suis pas psychorigide, pas arc-bouté sur mes certitudes : si mon analyse m’y conduit, je change, je m’adapte, simplement) : mon travail, mes lectures, mes entretiens, me conduisent à découvrir un piège hideux, un piège qui est prévu pour se refermer, se verrouiller, avec le consentement même des ses propres victimes, grâce à une propagande redoutable, passée du stade de ‹ technique › à celui de ‹ science ›.

Contrairement à ce que vous affirmez, j’ai cherché pendant quelques années des alternatives pour réformer l’UE de l’intérieur. (J’en cherche toujours à l’extérieur.)

Mais c’est devant la corruption généralisée de ces institutions, de ses acteurs et de ses promoteurs, devant la brutalité et le cynisme des décideurs, devant mon impuissance politique, radicale et verrouillée, que je renonce à réformer et me décide à fuir.

Et vos insultes n’y changeront rien ; elles sont votre problème.

Je sais que je peux me tromper. Je sais que c’est peut-être vous qui avez raison : l’UE est peut-être réformable de l’intérieur par des citoyens déterminés. C’est peut-être vous qui avez raison, JE SAIS CELA. Mais, en l’état actuel de mes connaissances, même si je vous comprends, j’estime que vous avez tort, complètement tort. C’est bien mon droit, n’est-ce pas ?

Mais si, subitement, vous me trouvez si nul, que faites-vous encore ici ?


Vous me dites : « Comment pouvez-vous utiliser les verrouillages dans les traités européens comme arguments pour vous justifier alors que ces verrouillages grâce à la crise ont tous sautés les uns après les autres ? »

Sandy, les verrous ont effectivement sauté, mais vous oubliez un « détail » stratégique : au profit de qui ? Pour sauver qui ? Au profit des salariés ? Pour augmenter les salaires ? Évidemment pas puisque la raison d’être de ces institutions, puisque le fil d’Ariane de l’Union européenne, c’est [bgcolor=#FFFF99]la police des salaires[/bgcolor].

Alors, quand les verrous sautent pour sauver les banquiers (et quelques géants industriels) de la faillite frauduleuse et de la prison, je ne prends pas ça comme un signe de victoire des salariés qui peuvent enfin se féliciter des institutions communautaires. Je ne suis pas du tout d’accord avec votre analyse, je crois que vous vous trompez. Dès que les escrocs auront été sauvés, vous constaterez que les verrous n’ont pas « sauté » comme vous dites, qu’ils seront toujours là pour nous imposer la police des salaires, sans institution pour résister.

Pour ce qui nous concerne, c’est-à-dire l’essentiel, Maastricht et Lisbonne, c’est quasiment la même chose : vous vous sentez protégé par l’un et pas par l’autre ? Nous ne lisons pas les mêmes traités, probablement.

Contrairement à ce que vous prétendez, j’ai argumenté — suffisamment pour forger mon opinion jusqu’à plus ample informé — pour montrer que [bgcolor=#FFFF99]le contrôle des pouvoir devient difficile et diminue mécaniquement avec la taille géographique et démographique des structures politiques[/bgcolor]. Que je ne sois pas arrivé à vous convaincre, c’est très clair, mais que vous ayez vous-même apporté le moindre argument contraire, ça l’est beaucoup moins : vos insultes (traiter l’autre de vulgaire nationaliste replié sur lui-même, c’est une insulte) ne sont pas des arguments.

Nous en sommes là.

Si vous n’êtes pas un sous-marin (si vous êtes un vrai « simple citoyen »), vous travaillez à votre propre perte (et à la nôtre) en forçant l’intégration politique de nombreux pays qui ne n’ont pas voulu (sans débat, sans assemblée constituante et sans référendum). De toute façon, ce qui est sûr, c’est que vous n’êtes pas un démocrate — et c’est votre droit le plus strict, évidemment ! — puisque vous vous contentez d’institutions parfaitement antidémocratiques et parfaitement verrouillées en les présentant non seulement comme acceptables mais même comme indispensables…

Étienne.


D’abord, avec un brun d’amusement, j’aimerais vous faire remarquer que si l’on reprend, à partir de votre réponse, toutes les paroles / idées que vous me pretez, et auxquelles vous réagissez, il y a fort à parier qu’elles formeront un ensemble trois fois plus long que ma propre réponse qui fut pourtant à l’origine de votre réaction.
Vraiment que de procès d’intentions et que d’extrapolations !
A qui répondez-vous en fait ? A moi ? Ou à l’image que vous vous faites de moi à partir d’extrapolations que vous déduisez de vos préjugés ou de vos idées reçues ?

Alors oui je vous ai traité de nationaliste, et oui dans mon accusation il y a une part de mépris, mais vous remarquerez dans un premier temps que si effectivement je vous traite de nationaliste c’est uniquement à la fin de mon message … après avoir développé quand même un certain nombre d’arguments … Ce qui rend votre accusation de manque d’arguments de ma part un peu ridicule. Voyez dans cette insulte simplement l’équivalence de la claque que l’on infligerait à la personne que l’on veut reveiller.
Et de deux où ai-je parlé de nation ? Comment pouvez-vous en déduire ce que je pense à propos du mot nation à partir seulement de mon accusation de « nationaliste » à votre égard ? Le fait que je vous traite de nationaliste aurait-il donc déclenché dans votre esprit tout un tas de souvenirs d’autres personnes qui vous auraient elles-même traité de la même façon au point que vous m’amalgamiez avec eux et avec ce qu’ils pouvaient penser ?

Non pour moi la nation n’est pas une insulte ni un gros mot, et la part de mépris que j’éprouve à propos du nationalisme n’a rien avoir avec la nation en elle-même mais se rapporte plutôt à cette volonté de repli sur soi qui caractérise généralement le nationalisme et qui caractérise votre propos.
La nation en elle-même n’a aucun rapport avec ce genre de volonté de repli sur soi, une nation peut avoir n’importe quelle taille, on peut imaginer une cité-nation, tout comme on peut imaginer un état-nation et je ne vois pas pourquoi on ne pourrait pas imaginer des nations qui s’etendent à l’infini, car après tout la nation n’est elle pas à la base un groupe d’humains réunis autour d’idées ou de liens, et les humains ne peuvent-ils pas partager des idées ou tisser des liens à l’infini ?

C’est le repli sur soi que je méprise, et c’est ce que malheureusement vous prônez au nom de la démocratie. Comme si la démocratie serait possible en se repliant sur soi, n’importe quoi, quelle naiveté vraiment. Vous aurez beau vous replier sur vous-même, vous continuerez toujours de subir des contraintes de toutes sortes venues de l’extérieur qui rendront votre démocratie bien illusoire.

Et oui … On a beau inventer artificiellement des frontières, on restera malgré tout toujours interdépendants les uns des autres … Et ce sont ces interdépendances qui nous poussent depuis la nuit des temps à nous organiser ensemble et ensuite à former des nations justement …

Je m’attends à ce que vous me fassiez encore des procès d’intentions ou que vous extrapoliez mes propos, donc je préfère le préciser. Je ne suis pas contre les nations, je ne suis pas contre les frontières, je suis simplement contre le repli sur soi. Je ne suis pas hostile par principe non plus aux divisions. Parfois les divisions sont justifiées ( ex décolonisations / indépendances / droit pour une population à l’auto détermination etc … ). Mais le retrait de l’UE n’est pas justifié …

Tous vos autres arguments justifient que l’on réforme radicalement l’UE, aucun ni même l’ensemble ne peuvent justifier comme unique ou meilleur solution un retrait de l’UE, le seul argument qu’il reste comme je vous ai fait remarqué est celui de la fuite face à la difficulté.

Alors oui nationaliste c’est une insulte, car un nationaliste aujourd’hui ce n’est pas quelqu’un qui veut construire une nation, ce n’est pas quelqu’un qui veut rassembler des hommes, un nationaliste aujourd’hui c’est quelqu’un qui prône le repli sur soi, et sa motivation est systématiquement mauvaise, pour certains c’est la xenophobie, pour d’autres comme vous c’est la résignation face à la difficulté, la peur, c’est l’utopie de la facilité. Comme si l’histoire ne nous avait pas déjà de nombreuses fois enseigné que la solution n’est pratiquement jamais dans la facilité et que justement c’est souvent la destruction qui est le chemin le plus facil et la construction le plus difficile, étrange coincidence n’est ce pas ? …

Alors vous voyez, remballez vos préjugés svp, je ne vous assimile pas aux xénophobes, je sais faire preuve de discernement, et si je vous pensais xénophobe sachez que je ne prendrais certainement pas le temps de vous répondre.

De toute évidence cette capacité à discerner les choses c’est un avantage que j’ai sur vous. C’est aussi une qualité que vous avez perdu car je me rappelle depuis 2005 si j’ai été convaincu par vos thèses c’est parce qu’elles se caractérisaient notamment par une grande qualité de discernement de votre part.

Si je dis ça c’est parce que vous m’amalgamez ensuite avec ceux qui voient en l’europe un moyen de mener une guerre économique, franchement qu’est ce que je foutrais sur ce forum si tel était mon cas ?
Ces gens là je les combat … Depuis 2005 où j’ai découvert comme vous et en partie grâce à vous et en même temps que vous, ce qu’était l’Union Européenne réellement. Donc vous ne m’apprenez absolument rien sur l’Europe actuelle, je l’ai appris en même temps que vous. Ne vous ai-je pas déjà dit que je vous ai considéré pendant un moment comme un mentor ? C’est ça qui est triste. Vous avez changé, et changé en mal.

Cette europe là je ne la défends pas, depuis 2005 je la combats, pendant un long moment je l’ai combattu avec vous, mais là malheureusement je ne peux plus vous suivre, je ne suis pas d’accord vous vous trompez complètement, vous ètes à la dérive totale.

Vous pouvez sortir les violons et me jouer le coup du vétéran qui croyait en un beau rêve mais qui finalement par la force des choses s’est rendu compte de son utopie et a changé d’avis. Moi qui suis militant politique et qui ait « croisé le fer » assez souvent avec la droite ou l’extreme droite, je peux vous assurer que cette rhétorique là c’est une constante pour tous ceux qui veulent se justifier de leur allégeance par opportunisme aux puissants, de leur renoncement ou de leur repli sur soi.

Et ce n’est pas une question de connaissances, vous croyez en savoir plus que moi, mais ces connaissances de l’UE on a les même, tout ce que vous dites sur l’UE je le sais déjà et je partage totalement ces critiques. Si nos points de vues sont différents au final, alors qu’ils étaient convergents à un moment, il est surement très confortable pour vous de penser que c’est parce que je soufrirais de lacunes ou de manque d’informations, mais moi j’ai une autre explication, c’est que sur certaines choses on ne porte tout simplement pas les mêmes jugements.

Je vous ai fait remarqué la perte de votre capacité de discernement, c’est un début de piste pour expliquer ces différences de jugements, vous ne croyez pas ?.

Sandy, les verrous ont effectivement sauté, mais vous oubliez un "détail" stratégique : au profit de qui ? Pour sauver qui ? Au profit des salariés ? Pour augmenter les salaires ? Évidemment pas puisque la raison d'être de ces institutions, puisque le fil d'Ariane de l'Union européenne, c'est la police des salaires.
Encore une belle extrapolation, cela me semble être un sacré raccourci que de déduire de l'absence de l'évocation de quelquechose dans les propos d'une personne, forcément un oubli, logiquement vous conviendrez du fait qu'il existe aussi une autre possibilité à cette absence, peut être est-ce délibéré ! ? ! ?

Et là en l’occurence si je n’en ai pas parlé c’est parce qu’il me semble qu’en fait je n’en avais aucune utilité pour réaliser ma démonstration.

Et quelle était ma démonstration rappellons-nous ? C’était de démontrer que l’utilisation de l’argument du verrouillage au niveau des traités européens pour justifier le retrait de l’UE était infondée du fait que ces articles dans les traités que vous prennez comme excuse n’ont plus aucune valeur, alors qu’ils ne sont plus une contrainte, aujourd’hui alors qu’ils ont été violé par ceux là même qui les ont écrit, par la force des choses, par nécessité pour sauver leur système face à la crise.

Mon propos c’était ça et uniquement ça, et il n’y avait rien d’autre à déduire de mes propos que ça.

Rassurez-vous, je ne vois aucune victoire dans aucun des évènements qui ont pu se dérouler depuis le début de la crise. Comment pourrais-je ressentir une queconque joie ou un quelconque sentiment de victoire face à la mascarade qui est en train de se jouer devant nos yeux, face à la violence qu’on nous inflige, on fait payer cette crise à des millions de gens, on perd nos emplois, on voit nos vies se briser, tandis que les responsables, ainsi que leur système pourrit, vont s’en tirer à bon compte, et pouvoir recommencer comme si de rien n’était.

Alors vous voyez à quelles méprises mènent vos multiples extrapolations ?

Mais, parce que justement je veux changer cette situation et empécher que cela ne se déroule ainsi, je prends un grand soin à relever les formidables opportunités qui se présentent à nous à cause de cette crise.

Si vous ne trouviez pas de solution parce que vous ne voyiez pas comment contourner ces verrous, Etienne désormais il est quand même important de relever que ces verrous ont disparu, ils les ont eux même par nécessité fait sauté.

Réfléchissez bien à ça …

[bgcolor=#FFFF99]Union européenne ou démocratie, choisissez votre camp,
puisque l’une exclut l’autre, expressément et durablement
[/bgcolor]

Sandy,

Nous avons chacun des facultés de discernement spécifiques.
On n’est pas obligés de tous discerner de la même façon.

Manifestement, nous avons des analyses qui convergent sur de nombreux points, et qui divergent (gravement ?) sur d’autres.

Vous estimez qu'il est possible — et même absolument nécessaire (sous peine d'anathème et d'excommunion radicale, anti nationaliste, ce que je trouve complètement déplacé) — possible pour les citoyens de se battre contre les injustices sociales avec ce que je considère comme des "fers" aux pieds (des fers juridiques, au plus haut niveau du droit, c'est-à-dire parfaitement [b]inaccessibles[/b] pour vous et moi, Sandy), alors que moi, je considère désormais que cette bataille-là est perdue d'avance (compte tenu du nombre de verrous qui sont d'ores et déjà en place) et que nous aurions besoin de beaucoup plus de liberté juridique pour résister aux multinationales.
Cette différence de points de vue sur une modalité de la résistance devrait pouvoir faire l'objet d'un débat sans sombrer dans l'insulte et le mépris.

Je ne méprise pas votre position, je ne la partage pas, voilà tout.

De votre côté, vous martelez votre mépris. C’est pénible.


Vous n’avez pas répondu sur le fait que l’unioneuropéisme est manifestement un nouveau nationalisme (à l’usage des nouveaux princes que sont nos créatures les multinationales, cette fois). Avez-vous lu le texte de Jennar ? N’êtes-vous pas un peu gêné quand vous constatez que l’UE est une arme de domination au service de certains hommes (au nord et à l’ouest) dans la guerre économique contre d’autres hommes (au sud et à l’est) ? Vous devez bien le sentir de temps en temps quand même, non ? Vous ne vous reprochez pas de défendre un nationalisme (au pire sens du terme) ?

Pendant que vous m’accusez de « repli sur soi », vous défendez de votre côté un système qui supprime toute membrane protectrice à la cellule qu’est la société des nations européennes. C’est cohérent : vous me reprochez de chercher à me protéger et vous défendez un système qui me l’interdit. Mais je trouve ça idiot, c’est mon droit. Sans aucune exception, [bgcolor=#FFFF99]tout organisme vivant a besoin d’une membrane protectrice. Le libre échange (très vieux dogme qui cherche à supprimer toutes les protections) est le comble de la sottise en milieu hostile, en compétition inégale[/bgcolor] (sottise pour le plus grand nombre, mais suprême habileté pour les puissants).

Qu’est-ce qui vous permet de parler de repli sur soi à propos de ceux qui cherchent à sortir du piège de l’UE ? On pourrait dire exactement le contraire : [bgcolor=#FFFF99]sortir[/bgcolor] de cette UE qui nous impose durablement la confrontation (la libre concurrence) et interdit durablement les coopérations (en y mettant des conditions irréalisables), [bgcolor=#FFFF99]c’est justement retrouver sa liberté, le grand large, le contraire du repli sur soi, et la possibilité (enfin !) de coopérer avec les autres au lieu de les affronter.[/bgcolor] Avez-vous lu comment le Commissaire européen écrase en secret et en votre nom vos frères du sud ? C’est un détail ? Vos reproches sont à fronts renversés : l’UE, c’est précisément le triomphe de l’idéologie ‹ CHACUN POUR SOI ›. Sortir de l’UE, c’est précisément le contraire du repli sur soi.

Et puis même… Quand bien même voudrais-je me replier sur moi… N’y aurais-je pas droit sans encourir votre souverain mépris ?

Bon, décidément, cette déchirure est absurde.

[align=center][bgcolor=#FFFF99]La protection des hommes contre les abus de pouvoir est plus importante
— mille fois plus importante ! — que l’Union européenne,
qui n’est qu’un moyen et évidemment pas une fin.
[/bgcolor][/align]

J’ai mon cap, mes priorités, vous avez les vôtres.
Il me semble qu’ils ne sont pas si incompatibles que cela.

Comme si on n’avait que ça à faire, de se déchirer entre nous.

:frowning:

Étienne.

[bgcolor=#FFFF99][b]Alain Supiot : « Voilà l' "économie communiste de marché" »[/b][/bgcolor]

Une critique accablante de l’Union européenne par un Européen spécialiste du Droit du travail.

par Luc Douillard, sur Respublica

http://www.gaucherepublicaine.org/2,article,1936,_Alain-Supiot-l-Voila-l-qeconomie-communiste-de-marcheq-r.-Une-critique-accablante-de-l-Union-europeenne-par-un-Europeen-specialiste-du-Droit-du-travail…htm

Friedrich Hayek et la « démocratie limitée ». « Sécession des élites ». Conseil national de la Résistance. « Smic mondial ».

Voici un texte très important, qui est une accusation inédite et accablante de la construction institutionnelle actuelle de l’Union européenne, d’un point de vue social et démocratique, à l’occasion de deux décisions récentes et iniques de la Cour de justice européenne, visant à mettre radicalement en cause le droit de grève et la liberté syndicale. L’auteur Alain Supiot n’a pas tort de rappeler ici le programme et les conquêtes sociales du Conseil national de la Résistance (1944). Dans une présentation de ce texte (d’abord paru la semaine dernière dans « Le Monde » daté du 25 janvier 2008), le sociologue nantais Jacky Réault écrivait très justement : « Voilà pour longtemps je le crains un texte d’anthologie. Peut-être n’avez vous pas vu passer cet article très inhabituel pourtant dans les pages du « Monde », à la tonalité inhabituelle aussi depuis si longtemps sous la plume d’Alain Supiot, théoricien du droit du travail, si longtemps confiant dans le dit « processus » européen, ce qu’il nomme désormais cette « sécession des élites » et que, constante de l’histoire de France, Versailles symbolise ces jours-ci. Au fait quel était le cri de ralliement du printemps 1789 ? Bon courage pour l’hiver, l’hiver finit toujours. »

Alain Supiot, un très grand nom de la recherche internationale sur le droit social, prédit ici le pire pour cette Europe conçue exclusivement selon les plans de Friedrich Hayek, le père de la « démocratie limitée » au nom du libéralisme (en fait à mon avis un « antilibéralisme-capitaliste » forcené, basé sur la négation du droit à l’initiative des citoyens, qu’elle soit politique, économique et sociale ou bien culturelle, et sur la concurrence sauvage de tous contre tous, radicalement « faussée » par le recours au pire esclavagisme social : celui qui est garanti par la dictature léniniste chinoise). À cet égard, il serait urgent de mener enfin un combat démocratique planétaire pour un Droit international du travail, digne de ce nom, autour de l’objectif d’un « smic mondial » social et écologique. C’est un combat ni plus, ni moins utopique, ni plus, ni moins urgent, que celui des abolitionnistes de la traite esclavagiste à la fin du XVIIIe et au début du XXe siècles. Que manque-t-il seulement pour engager ce combat dans l’opinion publique et l’imposer dans les enceintes insitutionelles de l’Europe, du G9 et de l’ONU ? Seulement la volonté politique de se consacrer tous ensemble et sans faux-semblant, à un objectif commun et supérieur, comme pendant la Résistance anti-nazie.

Alain Supiot écrit notamment à propos de notre Europe présente, celle du traité de Lisbonne : « Le blocage progressif de tous les mécanismes politiques et sociaux susceptibles de métaboliser les ressources de la violence sociale ne pourra bien sûr engendrer à terme que de la violence, mais ce sont les Etats membres et non les institutions communautaires qui devront y faire face. »

À méditer !

Luc Douillard

[bgcolor=#FFFF99][b]Voilà l' "économie communiste de marché"[/b][/bgcolor], par [b]Alain Supiot[/b] "Le Monde", 25 janvier 2008

[bgcolor=#FFFF99]La Cour de justice européenne détient une part essentielle du pouvoir législatif dans l’Union. À la différence de nos juridictions, elle statue pour l’avenir par disposition générale et à l’égard de tous, comme la loi elle-même.[/bgcolor]

Par deux arrêts, capitaux pour le devenir de « l’Europe sociale », elle vient de trancher la question de savoir si les syndicats ont le droit d’agir contre des entreprises qui utilisent les libertés économiques garanties par le traité de Rome pour abaisser les salaires ou les conditions de travail.

Dans l’affaire Viking, une compagnie finlandaise de navigation souhaitait faire passer l’un de ses ferrys sous pavillon de complaisance estonien, afin de le soustraire à la convention collective finlandaise. L’affaire Laval concernait une société de construction lettonne, qui employait en Suède des salariés lettons et refusait d’adhérer à la convention collective suédoise. Dans les deux cas, les syndicats avaient recouru à la grève pour obtenir le respect de ces conventions, et la Cour était interrogée sur la licéité de ces grèves.

Le droit de grève étant explicitement exclu du champ des compétences sociales communautaires, un juge européen respectueux de la lettre des traités se serait déclaré incompétent. Mais la Cour juge depuis longtemps que rien en droit interne ne doit échapper à l’empire des libertés économiques dont elle est la gardienne. Elle s’est donc reconnue compétente. L’arrêt Laval interdit aux syndicats d’agir contre les entreprises qui refusent d’appliquer à leurs salariés détachés dans un autre pays les conventions collectives applicables dans ce pays. Au motif qu’une directive de 1996 accorde à ces salariés une protection sociale minimale, la Cour décide qu’une action collective visant à obtenir, non pas seulement le respect de ce minimum, mais l’égalité de traitement avec les travailleurs de cet Etat, constitue une entrave injustifiée à la libre prestation de services.

L’arrêt Viking affirme que le droit de recourir à des pavillons de complaisance procède de la liberté d’établissement garantie par le droit communautaire. Il en déduit que la lutte des syndicats contre ces pavillons est de nature à porter atteinte à cette liberté fondamentale. La Cour reconnaît certes que le droit de grève fait « partie intégrante des principes généraux du droit communautaire ». Mais elle interdit de s’en servir pour obliger les entreprises d’un pays A qui opèrent dans un pays B à respecter l’intégralité des lois et conventions collectives de ce pays B. Sauf « raison impérieuse d’intérêt général », dont la Cour se déclare seule juge, les syndicats ne doivent rien faire qui serait « susceptible de rendre moins attrayant, voire plus difficile » le recours aux délocalisations ou aux pavillons de complaisance.

Cette jurisprudence jette une lumière crue sur [bgcolor=#FFFF99]le cours pris par le droit communautaire. Il échappait déjà à peu près complètement aux citoyens, tant en raison de l’absence de véritable scrutin à l’échelle européenne que de la capacité des Etats à contourner les résistances électorales lorsqu’elles s’expriment dans des référendums nationaux. L’apport des arrêts Laval et Viking est de le mettre également à l’abri de l’action syndicale.[/bgcolor] À cette fin, les règles du commerce sont déclarées applicables aux syndicats, au mépris du principe de « libre exercice du droit syndical », tel que garanti par la convention 87 de l’Organisation internationale du travail (OIT).

Le droit de grève et la liberté syndicale sont le propre des vraies démocraties, dans lesquelles l’évolution du droit n’est pas seulement imposée d’en haut, mais vient aussi d’en bas, de la confrontation des intérêts des employeurs et des salariés. Le blocage progressif de tous les mécanismes politiques et sociaux susceptibles de métaboliser les ressources de la violence sociale ne pourra bien sûr engendrer à terme que de la violence, mais ce sont les Etats membres et non les institutions communautaires qui devront y faire face.

L’Europe est ainsi en passe de réaliser les projets constitutionnels de l’un des pères du fondamentalisme économique contemporain : Friedrich Hayek. [bgcolor=#FFFF99]Hayek a développé dans son oeuvre le projet d’une « démocratie limitée », dans laquelle la répartition du travail et des richesses, de même que la monnaie, seraient soustraites à la décision politique et aux aléas électoraux. Il vouait une véritable haine au syndicalisme et plus généralement à toutes les institutions fondées sur la solidarité[/bgcolor], car il y voyait la résurgence de « l’idée atavique de justice distributive », qui ne peut conduire qu’à la ruine de « l’ordre spontané du marché » fondé sur la vérité des prix et la recherche du gain individuel. Ne croyant pas à « l’acteur rationnel » en économie, il se fiait à la sélection naturelle des règles et pratiques, par la mise en concurrence des droits et des cultures à l’échelle internationale. Cette faveur pour le darwinisme normatif et cette défiance pour les solidarités syndicales se retrouvent dans les arrêts Laval et Viking.

Le succès des idées de « démocratie limitée » et de « marché des produits législatifs » doit moins toutefois aux théories économiques, qu’à la conversion de l’Europe de l’Est et de la Chine à l’économie de marché. Avec leur arrogance habituelle, les Occidentaux ont vu dans ces événements, et l’élargissement de l’Union qui en a résulté, la victoire finale de leur modèle de société, alors qu’ils ont donné le jour à ce que les dirigeants chinois appellent aujourd’hui « l’économie communiste de marché ».

On aurait tort de ne pas prendre au sérieux cette notion d’allure baroque, car elle éclaire le cours pris par la globalisation. Édifié sur la base de ce que le capitalisme et le communisme avaient en commun (l’économisme et l’universalisme abstrait), [bgcolor=#FFFF99]ce système hybride emprunte au marché la compétition de tous contre tous, le libre-échange et la maximisation des utilités individuelles, et au communisme la « démocratie limitée », l’instrumentalisation du droit, l’obsession de la quantification et la déconnection totale du sort des dirigeants et des dirigés. Il offre aux classes dirigeantes la possibilité de s’enrichir de façon colossale (ce que ne permettait pas le communisme) tout en se désolidarisant du sort des classes moyennes et populaires (ce que ne permettait pas la démocratie politique ou sociale des Etats-providence). Une nouvelle nomenklatura, qui doit une bonne part de sa fortune soudaine à la privatisation des biens publics, use ainsi de la libéralisation des marchés pour s’exonérer du financement des systèmes de solidarité nationaux.[/bgcolor]

Cette « sécession des élites » (selon l’heureuse expression de Christopher Lasch) est conduite par un nouveau type de dirigeants (hauts fonctionnaires, anciens responsables communistes, militants maoïstes reconvertis dans les affaires) qui n’ont plus grand-chose à voir avec l’entrepreneur capitaliste traditionnel. Leur ligne de conduite a été exprimée il y a peu avec beaucoup de franchise et de clarté par l’un d’entre eux : il faut « défaire méthodiquement le programme du Conseil national de la Résistance ». En tête de ce programme figuraient « l’établissement de la démocratie la plus large (…), la liberté de la presse et son indépendance à l’égard des puissances d’argent, (…) l’instauration d’une véritable démocratie économique et sociale, impliquant l’éviction des grandes féodalités économiques et financières de la direction de l’économie, (…) la reconstitution, dans ses libertés traditionnelles, d’un syndicalisme indépendant ». Rien de tout cela n’est en effet compatible avec l’économie communiste de marché.

Alain SUPIOT, docteur d’Etat, agrégé de droit, licencié en sociologie.
Professeur à Poitiers puis à Nantes, a été chercheur à Berkeley, Florence et Berlin.
Membre du conseil scientifique de la International Labour Review (BIT, Genève).
Membre du Conseil d’administration de la Fondation MSH de Paris.
Membre de l’Institut universitaire de France.
Membre du Conseil scientifique de la « Revue internationale du travail ». Collaborateur régulier de la revue « Droit Social ».
Il a surtout publié dans le domaine du droit du travail et de la sécurité sociale. Ses travaux actuels portent sur l’analyse des fondements juridiques du lien social et de ses transformations.

Sandy, Zolko... et les autres qui tiennent tant aux institutions de l'UE : vous défendez, j'en ai peur, un nouveau système totalitaire, certes plus "soft" que les précédents, mais aussi dangereux pour les libertés individuelles. Comment peut-on laisser les juges (qui dépendent, pour leur carrière, des exécutifs qui sont censés juger) avec de tels pouvoirs, alors que nos élus n'ont, eux, aucun pouvoir ?

Je ne comprends pas pourquoi vous tenez à rester dans ce piège évident.

Pourquoi y tenez-vous tant ?

Pourquoi ?

Étienne.

Sandy, Zolko... et les autres qui tiennent tant aux institutions de l'UE : vous défendez, j'en ai peur, un nouveau système totalitaire (...) Je ne comprends pas pourquoi vous tenez à rester dans ce piège évident.
1) vous nous refaites le coup de la loi de Godwin (parler de "totalitarisme" dans le cas de l'UE est surréaliste de la part d'une citoyen français qui lit [i]probablement[/i] les journaux et les dérives monarchiques du système politique français)
  1. « piège évident » est un peu court en argument, n’est-il pas ?

  2. dans votre retournement de veste - que vous niez mais que nous vous avons expliqué et que je vais résumer ici: le combat en 2005 était contre le TCE et pour une autre Europe, alors qu’aujourd’hui vous êtes contre toute notion d’Union Européenne qui est mauvaise et mensongère depuis 50 ans - vous devenez un boulet pour vos anciens compagnons (« nous ») et inaudible pour vos nouveaux compagnons (les « souverainistes ») qui occupent déjà le créneaux.

  3. vos « copier-coller » de plusieurs pages d’extraits de textes d’autres auteurs sont à la fois illisibles et manquent cruellement de réflexion personnelle: c’est comme si vous pensiez pouvoir nous enfumer en nous noyant de « quantité » à défaut de « qualité ». Est-ce insultant de ma part ? Je trouve insultant de votre part d’imaginer que mon intelligence ne saura pas voir à travers cette manipulation grossière. Les usages d’Internet - que vous n’ignorez pas - veulent que l’on indique un lien cliquable au lieu de citer le texte en entier, et de ne citer que les passages particuliers. Votre habitude d’éditer les messages des autres pour y injecter vos réponses est pour le moins curieux aussi, et donne le sentiment « c’est chez moi ici et je vous emmerde ».

Je sais bien que c’est votre site et que vous y faites ce que bon vous semble, mais dans quelques mois aura lieu le 2-ième référendum Irlandais sur le traité de Lisbonne et il est très probable - comme l’a justement souligné Sandy - que cette bataille est vitale pour les crapules au pouvoir et qu’ils useront de TOUS les stratagèmes pour gagner, y compris fouiller dans vos poubelles où un fil « sortir de l’UE » sur un forum d’opposants au TCE sera du pain béni pour eux (« si vous êtes contre le traité de Lisbonne c’est que vous êtes contre l’UE, Mr Chouard en est la preuve. ». La pression de cette menace sera terrible sur les Irlandais). Je voudrais que soit très clair pour les futurs lecteurs - Irlandais ? - de ce forum que sortir de l’UE est votre lubie personnelle et récente et que cela ne reflète PAS DU TOUT le sentiment général des opposants au TCE. Beaucoup d’opposants au TCE - et donc au traité de Lisbonne - défendent l’Union Européenne « globalement » mais souhaitent une autre organisation pour cette Union Européenne. Nous ne souhaitons pas arrêter l’UE et sommes entièrement avec les Irlandais qui peuvent voter « NON » en toute tranquillité. Cette nouvelle organisation pourrait être mise en place et approuvée par référendum selon une méthode que nous avions appelé le PLAN C. Vous, Étienne, avez abandonné ce PLAN C, pas « nous ». Et le refus par les Irlandais du PLAN B sera le signal de départ pour le PLAN C.

Protégez moi de mes amis (mes ennemis, je m’en charge).

Vous, vous seriez bien à l’aise en chef de parti, non ?
Bien chef, et bien dans votre parti.

:slight_smile:

Effectivement, je n’ai pas votre approche —strictement politicienne— de la situation.


PS : vous n’avez pas répondu à ma question. Pourquoi tenez-vous à ce point à ces institutions-là ?
C’est très contradictoire avec vos « critiques de l’UE », au point de discréditer ces prétendues critiques : on se dit que vos critiques pourraient bien n’être qu’une facade, et que vous pourriez, en fait, n’être que des européistes acharnés, n’accordant en fait AUCUNE importance réelle à la démocratie. C’est ce que vos positions récentes conduisent à penser.

PPS : quand une citation est longue, je vous suggère de… la lire.
En effet, il n’y a pas que ses caractéristiques de forme qui soient intéressantes (longueur, fréquence, proportion par rapport aux commentaires, etc.) Peut-être y a-t-il une information utile pour vous au fond… :wink:
Mais comme vous ne lisez manifestement pas les citations, vous trouvez que ma qualification de « piège » (à propos des institutions européennes) est dépourvue d’arguments… C’est vrai : il faudrait lire ces arguments pour les re-connaître. Il n’est pire sourd que celui qui ne veut pas entendre.

PPPS : cette houleuse conversation me conduit surtout à remarquer que vous n’accordez aucune importance aux institutions —puisque vous les défendez mordicus malgré leurs vices honteux— et que vous êtes donc un politicien comme les autres : tout est dans la lutte entre partis, tous les enjeux sont dans la prochaine compétition électorale, tous ceux qui refusent cette compétition simulacre sont les traîtres qui vont nous faire perdre la prochaine bataille, etc.

Pourtant, sur ce site, le processus constituant est bien conçu comme la source originelle, la vraie source de nos impuissances.
Vous prétendez le contraire, comme tous les élus et tous les notables, — et c’est votre droit — mais vous êtes maintenant repéré comme un ami des institutions antidémocratiques (et un futur homme de parti).

Au moins, assumez vos choix. :wink:

Pourquoi rester à l’UE

Voyons, Étienne, c’est évident : pour garder ce qui est bon et changer ce qui est mauvais. JR

@Jacques Roman
Je ne sais pas si c’est votre rêve, mais compte tenu des groupes de pression existants et des règles en application, c’est évidemment impossible : personne ne pourra rien changer de l’intérieur . Il faut d’abord sortir de l’UE et ensuite renégocier une autre UE avec ceux qui le voudront…

c'est évidemment impossible : personne ne pourra rien changer de l'intérieur.
évidemment...impossible...personne... Quelle certitude, quelle prétention !!! Je pensais trouver ici des gens pleins de projets et ouverts d'esprit, je ne vois plus que des râleurs qui savent tout.

Message précédent supprimé pour cause de changement d’avis. Je pense maintenant que ma proposition de sortie négociée de l’UE avec maintien dans le Conseil de l’Europe et participation accrue à l’ONU n’est pas pertinente en ce sens qu’elle installe un horizon d’attente qui passe par des candidats à des élections plus tard, ce qui est démobilisateur. Elle ne s’ancre pas dans une action concrète, ici et maintenant. Donc, je l’abandonne.

( Suite du message abandonné pour cause d’autre activité )

@Zolko
certitude oui,
prétention non … (prétention à quoi?)
C’est juste mon avis, mais je n’empêche aucun Don Quichotte de s’épuiser dans une lutte contre des moulins à vent…
Des projets il y en a plein: mais aucun n’est « compatible »…

@Zolko certitude oui, prétention non ... (prétention à quoi?) C'est juste mon avis, mais je n'empêche aucun Don Quichotte de s'épuiser dans une lutte contre des moulins à vent.... Des projets il y en a plein: mais aucun n'est "compatible"...
Parce que ce n'est pas lutter contre des moulins à vent que de militer pour la sortie de l'UE ?

Vous ètes combien à vouloir la sortie de l’UE en France ?