32 Sortir de l'Union Européenne

Post-scriptum La Nouvelle Europe 1/4: Introduction

Ce texte est un résumé personnel à partir d’extraits du post-scriptum La Nouvelle Europe écrit en juillet 2005 par Marcel Gauchet dans un recueil du même auteur intitulé La condition politique.

Les échéances se précipitent parfois. Le "problème européen", [...], est arrivé à l'ordre du jour encore plus vite qu'il ne paraissait prévisible. La désaffection des peuples vis-à-vis de "l'Europe telle qu'elle est" qu'a révélé le rejet du Traité constitutionnel par les électeurs français et hollandais les 29 mai et 1er juin 2005, l'a installé sur le devant de la scène.

Sûrement de multiples motifs circonstanciels et nationaux se sont-ils conjugués dans ces votes. Reste qu’ils ne s’y réduisent pas. Ils ont aussi procédé en profondeur d’une crise de définition de la construction européenne que la solennité de la démarche constitutionnelle a fait ressortir malgré elle en prétendant la conjurer. [color=red][b]L’élargissement a rendu criante une difficulté que les officiels voulaient ne pas voir.

En se développant, l’Europe politique a changé de nature, d’une manière qui eût exigé de repenser son objet et les institutions adéquates à son dessein. En n’assumant pas cette transformation et en s’acharnant à enfermer le nouveau dans le corset de l’ancien, elle est devenue un carcan anti-politique, ne répondant à aucune des attentes que les peuples placent dans une communauté politique et sécrétant la désorientation et l’anxiété. C’est sur les causes de ce déraillement que je voudrais revenir.[/b][/color][…]

De nombreux observateurs avaient souligné, au début des années 1990, le défi que représentait la disparition de la menace soviétique pour la construction européenne. Force est de constater, quinze ans après, que leurs avertissements ont été aussi prophétiques qu’inutiles.L’Europe a très mal négocié ce tournant capital. On voit bien, rétrospectivement, que l’impératif de défense commune tenait lieu de dimension politique au projet européen, et pas seulement en pratique, mais tout autant sur un plan identitaire. Face à a menace totalitaire, il définissait un idéal partagé, une façon d’être en commun rendant dérisoire les affrontements du passé.

C’est à l’abri de cette nécessité qu’a pu prendre corps, à partir de 1958, un rapprochement institutionnalisé des nations européennes, sur la base de la pacification irréversible de leurs rapports dorénavant acquise - il importe de le rappeler, contre un renversement propagandiste de l’ordre des facteurs devenu routinier: [bgcolor=#FFFF99]c’est la paix des nations qui a permis la construction européenne, et non l’inverse[/bgcolor].

L’horizon lointain, mais prégnant, de cette démarche d’intégration était celui de la formation d’une nouvelle nation, capable de relever le défi de la taille à l’échelle d’un monde dominé par la confrontation de l’Union Soviétique et des États-Unis. En attendant, afin de ménager les susceptibilités du passé tout en préparant l’avenir, l’entité émergente restait dans une indéfinition prudente, le système institutionnel s’arrêtant à un compromis entre un embryon de fédéralisme et une coopération intergouvernementale étroite.

Post-scriptum La Nouvelle Europe 2/4: Le génie cosmopolite

S'il est un épisode qui a montré la fécondité de cette équation fondatrice, du point de vue français, c'est la relance de l'option européenne engagée par François Miterrand à partir de 1983, au titre de grand dessein du règne destiné à faire oublier l'écroulement du rêve de la construction du socialisme dans un seul pays.[...] [color=red][b]L'Europe sera pour la France le moyen de retrouver, grâce à la souveraineté partagée, un rôle dont à elle seule elle n'a plus les moyens. Il est essentiel de se souvenir de cette promesse pour comprendre la désillusion amenée par les changements ultérieurs.[/b][/color] Car 1989 et ses suites ont entièrement redistribué les cartes.[...] La désagrégation de l'ennemi communiste a fonctionné comme une levée du principe de réalité. Elle a libéré le développement d'une bouffée d'onirisme idéologique, mais sous couvert de laquelle s'est joué un phénomène on ne peut plus effectif, une métamorphose de l'État-nation, le parachèvement d'une transformation du politique engagée de longue main. L'aspect le plus spectaculaire du changement a été l'appel d'air créé par l'émancipation des peuples auparavant sous la domination soviétique, lequel s'est soldé par l'élargissement à vingt-cinq, en attendant la suite. Celui-ci a porté en pleine lumière une donnée qui était déjà acquise, à dire vrai, du temps de l'Europe à quinze, mais que l'accroissement de l'hétérogénéité des composantes a rendu patente, à savoir l'évacuation de l'horizon national. [color=red][b]Il est devenu flagrant que l'objet, même lointain, de la construction européenne n'était pas la fusion des anciennes nations au profit d'une nouvelle. S'il est une nation qui s'est effacée de la scène durant cette phase que la fortune du vocable de "post-national" résume à merveille, c'est la nation européenne virtuelle. L'originalité de l'entreprise, a-t-il fallu se résoudre à admettre, est d'associer étroitement des nations qui n'ont pas vocation à disparaître au sein d'une entité de rang supérieure.[/b][/color] Loin de l'idée que s'en faisaient ses Pères fondateurs, la construction européenne s'est révélée être, en fait, l'amorce d'une fédération mondiale des États-nations. Sans doute constitue-t-elle par force une puissance régionale. [color=red][b]Mais son destin n'est pas de s'affirmer dans sa particularité géographique et civilisationnelle. Elle est ouverte dans son principe. Son génie est cosmopolite.[/b][/color] Sauf que les institutions n'ont pas suivi cette évolution, pour des raisons qui sont aisément compréhensibles, l'inertie qui s'attache à des compromis laborieusement négociés, les succès du passé qui ont fait croire qu'on pouvait augmenter le nombre de partenaires sans modifier substantiellement les mécanismes. Non seulement elles n'ont pas accompagné le mouvement, mais elles ont plutôt marché en sens inverse, vers "une union toujours plus étroite" de type fédéral, de par l'intégration monétaire qui s'est imposée comme la première réponse à la disparition du rideau de fer. D'où le porte-à-faux entre les attentes confuses des citoyens et cette machinerie que la démarche constitutionnelle a maladroitement tenté de pérenniser en l'adaptant à la marge. Elle ne procure plus son débouché normal au genre de société politique que l'Europe est devenue sans s'en rendre compte. [color=red][b]Il en résulte une crise de légitimité rampante, à ne pas confondre avec le "déficit démocratique" depuis longtemps répertorié ( l'auteur se dit rejoindre le diagnostic de Larry Siedentrop dans "A crisis of legitimacy", "Une crise de légitimité survient quand il n'y a pas de cadre d'élaboration des décisions publiques largement compris et accepté").[/b][/color]

Post-scriptum La Nouvelle Europe 3/4: L’Europe ne répond plus aux attentes

[color=red][b]Le maître-mot en lequel confluent les différents aspects de la métamorphose est celui d'universalisme.[/b][/color] Il résume les transformations effectives du politique qui sont intervenues, en même temps que les illusions sous le voile desquelles elles se sont effectuées. [...] En réalité, la métamorphose a consacré les États-nations comme unités collectives de base, mais sous une figure inédite qui les rend méconnaissables, au regard des repères traditionnels, et dans une fonction, de surcroît, qui tend par nature a être méconnue. [...] [color=red][b]L'impératif militaire, en présence d'un ennemi redoutable, maintenait l'identification du politique dans sa teneur la plus classique, la force armée, l'emprise coercitive sur un territoire aux fins de défense vis-à-vis de l'extérieur.[/b][/color] L'effacement de son urgence a libéré une transformation engagée de longue main, depuis un bon siècle, dont l'édification de l'État social et de l'État de régulation dans l'après 45 avait représenté déjà une étape majeure, mais qui a brusquement trouvé, dans l'euphorie post-totalitaire, les conditions de son parachèvement. [color=red][b]L'État nation a basculé dans l'infrastructure. Il a cessé de faire figure d'instance de contrainte extérieure et supérieure à la collectivité pour devenir une instance de production de l'espace collectif par en dessous. Il est devenu potentiellement invisible, au profit de sa créature, l'individu de droit universel, dégagé dans l'opération de ses dettes et obligations envers la collectivité, et rendu libre, lui l'enfant de la société, de se penser comme un être de la nature.[/b][/color] Cet universalisme des droits de l'homme s'est épanoui idéologiquement au travers d'un procès en règle du passé, instruit spécialement au titre du péché de "nationalisme", supposé avoir constitué la matrice des iniquités et oppressions sans nombre dont l'individu a été victime. L'Europe s'est ainsi muée en terre des expiations; elle s'est mise à redéfinir son identité à partir d'une répudiation masochiste de son histoire pouvant confiner à la haine de soi. Dans un premier temps, l'universalisme de l'individu a représenté un adjuvant de poids à la démarche européenne, en disqualifiant les frontières et l'étroitesse de la vieille politique selon la souveraineté, jusqu'à recycler les restes de l'internationalisme prolétarien à son service. Il a consacré la perspective post-nationale comme la seule adéquate à un être de droit bâti pour ne s'enfermer dans aucune limite. Mais dans un second temps, sur sa lancée, on l'a dit, il a tout autant sapé de l'intérieur l'idée d'une nation fédérale bornée dans son territoire et restreinte à un "club chrétien". Il a été un levier déterminant pour imposer l'élargissement à l'est et pour rendre imparable la candidature de la Turquie. C'est un nouveau principe de définition qui s'est installé au cœur de l'Europe; il est subrepticement devenu le moteur moral de sa construction; il l'a emportée vers l'utopie du dépassement du politique par le droit. L'irréalité de ce dessein est directement à la source de l'incertitude anxieuse qui a précipité le rejet des peuples. Elle a ajouté aux difficultés pratiques, déjà grandes, du nombre et de l'hétérogénéité une dose fatale de dosage symbolique. Elle a fait de l'Union européenne un objet à ce point non-identifiable qu'il a cessé d'être un objet politique -entendons un objet satisfaisant aux besoins primordiaux de l'animal politique. [color=red][b]En même temps qu'elle est présentée comme le seul horizon d'appartenance possible par rapport aux misérables "égoïsmes nationaux" du passé, l'Europe ne répond pas aux attentes fondamentales que les citoyens placent (de manière largement inconsciente désormais) dans l'appartenance à une communauté politique (et d'autant plus qu'ils se sentent faibles et démunis). Elle ne protège pas, et pas au sens technique étroit de la "défense", mais de la circonscription d'une entité cohérente soucieuse d'exister en tant que telle et apportant de ce fait à la vulnérabilité des personnes l'abri de la compacité d'un collectif. Elle ne procure pas d'identité; elle ne donne pas de quoi se situer et se définir dans le temps et dans l'espace; elle ne dit pas aux individus ce qu'ils sont, compte tenue d'une histoire assumée et d'une situation dans le monde. Elle ne fournit pas la base d'une projection, à la fois dans le collectif et dans le futur, projection qui, au sein de l'univers démocratique, prend la forme particulièrement exigeante d'une ambition débattue et maîtrisée en commun. Faute de satisfaire ces réquisitions constituantes, elle est perçue au contraire sous le signe de la menace, de la dissolution, de la dépossession.[/b][/color] On ne s'étonnera pas, soit dit au passage, que ces sentiments de frustration se soient manifestés avec une vigueur spéciale en France. La déception est à la hauteur des flatteuses espérances qui avaient été investies sur une "Europe puissance" supposée permettre un rôle que l'État-nation n'était plus en mesure d'exercer. Non seulement le prolongement annoncé ne ressemble guère aux projections locales, non seulement l'Europe se révèle de moins en moins française, mais elle se présente comme le théâtre de la déconstruction de ce que la patrie de la politique admettait tacitement, depuis son advenue, comme le foyer de son existence. Pour un pays où il n'existe pas, de par l'histoire, de support alternatif à la scène politique pour l'identification du collectif, le choc en retour est rude.[...]

Post-scriptum La Nouvelle Europe 4/4: l’Europe, entre avenir et passé du monde

Toutefois, cette impasse où la conjonction des circonstances et de l'idéologie a fourvoyé l'Europe n'est pas le dernier mot de la situation.[...] [color=red][b]Les nations ont achevé d'intégrer dans leur idée opératoire d'elles-mêmes les dimensions qui sont à la base de leur construction depuis le départ, à savoir leur similitude dans la pluralité. Elles n'existent qu'à plusieurs et qu'en rapport les unes avec les autres; elles sont taillées sur le même patron; elles se consacrent à la même tâche. En d'autres termes, elles sont semblables dans leur politique et dans leur fonction historique; elles participent d'une double universalité subtilement combinée, en tant que creusets de la démocratie et que laboratoires de la civilisation.[/b][/color] La prise de conscience de cette parenté foncière a représenté une véritable révolution intellectuelle et morale. Elle a liquidé les bases cognitives des égocentrismes nationaux; elle a rendu l'autarcie impossible; elle a vidé de sens les prétentions à l'hégémonie au nom d'une vocation unique et prééminente. En un mot, elle a introduit l'égalité au sein des rapports internationaux, avec ses corollaires, l'ouverture des partenaires les uns sur les autres et la possibilité d'une consociation entre eux fondée sur le sentiment de l'œuvre conduite en commun. Point capital, c'est l'accomplissement des nations, ainsi, qui a rendu le nationalisme obsolète et banni la guerre de l'espace européen. Dans un premier temps, cette révolution cosmopolitique silencieuse a contribué à conforter le règne de l'universalisme juridique, en abaissant les frontières, en alimentant, sur la base des nations, le mirage d'un espace des individus situé au-delà d'elles. Elle a nourri cette projection avec d'autant plus de force qu'elle a simultanément changé l'esprit, la direction, la teneur de la construction européenne, en modifiant, de la même manière subreptice, son principe de composition, en y injectant une dynamique universaliste. [color=red][b]L'horizon a basculé; il a cessé d'être l'édification d'une nation européenne particulière pour devenir la formation d'une communauté des nations à vocation universelle, en droit ouverte à toutes celles qui se reconnaissent dans les conditions de ce processus de mise en commun.[/b][/color][...] [color=red][b]Toujours est-il que l'irruption de cet universalisme en extension derrière l'universalisme en compréhension centré sur l'atome individuel a sans doute été le facteur supplémentaire de destabilisation et de brouillage qui a déterminé la crise. La combinaison de l'élargissement du théâtre d'application avec l'effacement du politique a multiplié les incertitudes.[/b][/color] Les effets de cette dynamique fédératrice ne s'arrêtent pas là, cependant. Ils vont beaucoup plus loin. Si la redéfinition des unités politiques et de leur mode de coexistence a commencé par accroître l'improbabilité de l'agrégat, elle est porteuse d'une alternative, dans un second temps. Elle contient en germe un recentrage de l'ensemble. [color=red][b]L'évanouissement de la figure de la nation européenne ramène aux nations d'Europe en tant que supports de la volonté seule capable de faire vivre leur association.[/b][/color] [...] Aucune gouvernance, si sophistiquée qu'elle soit, ne viendra à bout de l'exigence de se gouverner, laquelle suppose de renouer avec le cadre qui la rend possible. [color=red][b]Il n'y a d'autre issue que de revenir au politique là où il se trouve et où il est destiné à rester, dans les États-nations. Il est à réinvestir, au terme de sa métamorphose, en tant qu'infrastructure d'une démocratie cosmopolite. Car l'idéal de l'autogouvernement, là réside la grande nouveauté de l'heure, est devenue inséparable de l'autogouvernement à plusieurs. Se gouverner ne s'entend qu'en se gouvernant avec d'autres.[/b][/color] C'est cette solidarité des démocraties qu'il s'agit d'aménager en renouvelant l'esprit des institutions où elle a pris corps. Elle demande, vers l'intérieur, une clarification de la règle de subsidiarité distinguant entre ce qui ne peut être valablement fait qu'en commun et ce qui gagne à être accompli chacun par devers soi. Elle requiert, vers l'extérieur, la maîtrise de l'ouverture à d'autres partenaires qui est dans son programme génétique. [color=red][b]La nouvelle Europe en train de décanter au milieu de la confusion propre à ce genre de tournants historiques sera une Europe des peuples à horizon mondial. Cet universalisme est son génie distinctif; elle ne peut y renoncer sans se nier. Il est en même temps sa croix pratique, sa difficulté d'être constitutive; elle ne peut s'y abandonner sans risquer de se perdre. Son avenir dépendra de sa capacité à faire face aux redoutables questions qui en naissent.[/b][/color] Comment concilier la défense des intérêts de l'ensemble existant avec l'hospitalité vis-à-vis de ses membres potentiels? Comment accorder la préservation de la spécificité du noyau européen d'origine avec la vocation à s'étendre du mécanisme initié en Europe? Tels sont les dilemnes avec lesquels il va falloir vivre. Ils ne seront valablement affrontés que s'ils sont débattus de la manière la plus ouverte possible, au rebours de l'opacité oligarchique qui a prévalu jusqu'à présent. Ils réclament à la fois de l'imagination et du réalisme, loin de la mixture de bureaucratie et de bons sentiments qui menacent de nous engloutir -que vaut l'idéalisme des fins sans le réalisme des moyens? [color=red][b]C'est à ce prix que l'Europe restera à la hauteur de son histoire et de sa puissance d'invention. La chance qui lui est offerte est de se transcender, de se porter au-delà de ses limites en devenant le laboratoire de la démocratie mondiale sans État mondial qui constitue notre nouvel horizon. Comment des communautés qui se gouvernent elles-mêmes se gouvernent-elles ensemble? Elle est placée, de par son histoire, pour être pionnière en la matière. Elle est forte d'une expérience à nulle autre pareille, en ce qui cooncerne la dialectique de la singularité des nations et de l'universalité de la civilisation formant la trame de cette société du genre humain en gestation. Saura-t-elle la faire fructifier, au moment où elle prend sens à l'échelle de la planète entière?[/b][/color] Il lui reste toujours la possibilité, il est vrai, de se contenter du rôle de continent des retraités de l'histoire, confits en remords vains et en moralisme sénile.

Pour les courageux qui liront ce texte, je crois qu’il y a grande matière à débattre.
Si l’auteur ne se prononce pas explicitement sur le sujet qui occupe ce fil, il paraît clair qu’il n’est pas question d’abandonner l’UE. La paix, la multi gouvernance des États-nations, l’universalisme d’élargissement et la potentielle mutation de la gouvernance sont autant d’arguments en ce sens, considérant ainsi la machine anti-démocratique et assujetie à l’argent qu’est l’UE aujourd’hui, comme une phase transitoire dont nous sommes seuls responsables de l’issue.
Dans ce contexte, l’assemblée constituante tirée au sort ressemble pour beaucoup à ce que Marcel Gauchet appelle ‹ la chance qui est offerte à l’Europe de se transcender, de se porter au-delà de ses limites en devenant le laboratoire de la démocratie mondiale sans État mondial. ›

Pour info, le blog de Marcel Gauchet, http://gauchet.blogspot.com/.

32 Sortir de l’« Union « Européenne » » - message #67

Faut-il vraiment participer aux élections européennes ?

Visible sur le site original ici :

Par Denis Collin, réponse à Marcel Gauchet :

[color=#114477] « On sait depuis longtemps que les élections ne sont pas synonymes de démocratie. Les plébiscites des régimes bonapartistes et fascistes aussi bien que les élections bidons de toutes les tyrannies de ce monde en sont de bons exemples. Elles ne servent qu’à donner un vernis « démocratique » à des régimes qui bafouent la démocratie la plus élémentaire, dans tous les sens qu’on peut donner à ce terme. Sans que les choses soient complètement comparables, il y a dans le " Parlement européen " quelque chose du même ordre.

L’organisation de la prétendue unité européenne (sous tous ses avatars successifs, CECA, Marché Commun, CEE, UE, etc.) a été construite comme une institution ayant pour objectif la défense du mode de production capitaliste en Europe (face d’abord à la « menace soviétique ») et c’est tout naturellement qu’elle est devenue l’arme de choc pour détruire tous les acquis sociaux et même les maigres éléments de régulation de l’État keynésien. Inutile de s’étendre sur ce sujet longuement développé dans les colonnes de ce site.

L’objectif de l’UE n’est pas et n’a jamais été la construction d’un peuple européen, maître de son destin, ni même une fédération d’États qui uniraient leurs forces à partir d’objectifs politiques et sociaux communs.

L’objectif de l’UE n’est pas et n’a jamais été la construction d’un peuple européen, maître de son destin, ni même une fédération d’États qui uniraient leurs forces à partir d’objectifs politiques et sociaux communs. Il n’y a ni politique étrangère commune, ni intérêts économiques communs. Le démantèlement des tarifs communautaires (qui permettaient un embryon d’attitude commune sur le marché mondial) et le ralliement aux principes du libre marché global (avec un accord transatlantique qui continue de se négocier) démontrent à l’envi que même du point de vue capitaliste, il n‘y a rien qui s’appelle « union » ou « unité » européenne. Comme l’a très bien dit Mme Merkel (une des rares vrais dirigeants politiques en Europe), « Jedem seine Scheisse ».

Les institutions politiques européennes ne sont par conséquent rien d’autre qu’une machine à contraindre les peuples à renoncer à toutes revendications sociales et même à la simple souveraineté. Et le Parlement européen, un parlement croupion typique, n’est qu’un élément de cet machinerie et nullement un organe par lequel on pourrait espérer transformer de l’intérieur la nature de l’UE pour en faire selon les paroles creuses de la gauche de gauche, une « Europe démocratique et sociale ». Donc, autant est stupide le mot d’ordre général « élections piège à cons » – ce mot d’ordre que défendait Krivine avant de se présenter à la présidentielle de 1969 – autant la question vaut d’être posée de savoir si on doit ou non participer aux élections européennes de juin prochain. Je sais bien qu’on me ressortira le petit Lénine de poche : le chef de bolcheviks était favorable à la participation à la douma d’Empire. Alors pourquoi pas le Parlement européen ? J’y vois trois raisons qui, sans être absolument déterminantes, poussent à ne pas voter en juin prochain.

  1. Nous avons voté en 2005 contre le TCE et tout le monde, à commencer par les dirigeants français, s’est assis sur notre « non ». Les Hollandais ont également voté « non » et cela n’a pas eu plus d’effet. Les dirigeants de l’UE ont concocté un nouveau traité, le traité de Lisbonne, une version encore plus obscure de feu le TCE, avec consigne de ne pas le soumettre au vote populaire. Mais les Irlandais, seuls convoqués aux urnes, ont encore voté « non ». Qu’à cela ne tienne ! Ils revoteront… Peut-être pas sur le traité de Lisbonne (la ficelle serait grosse). En fait, ils devront sans doute voter une modification de la constitution qui dispenserait le gouvernement irlandais de consulter le peuple pour ratifier … le traité de Lisbonne. Alors que reste-t-il à dire à ces dirigeants, à toutes ces élites européistes, sinon d’aller se faire f… ? Que peut-on penser d’autres, sinon que ces élections européennes sont une mauvaise farce ?

  2. Le Parlement européen n’est pas un Parlement mais seulement une caricature de Parlement qui ne représente aucun corps politique. Les corps politiques existants sont les nations et non un fantôme de peuple européen. La participation à ce prétendu parlement est donc simplement une caution politique à un dispositif radicalement étranger à toute philosophie républicaine et démocratique. Prétendre qu’on fera des élections européennes un référendum contre le traité de Lisbonne, c’est une plaisanterie. D’une part, la mécanique électorale empêche qu’arrive au Parlement européen une majorité qui pourrait refuser le traité de Lisbonne. Et quand bien même ce serait le cas, cette majorité serait impuissante puisque le traité de Lisbonne est justement un traité et non une loi du prétendu parlement européen. Le problème n’est pas dans la question de savoir si une majorité européenne plus favorable pourrait advenir ou ce qu’elle pourrait ou non faire. Le problème est qu’aucune majorité européenne ne peut imposer à un des peuples d’Europe, fût-il très minoritaire de renoncer à sa liberté. En affirmant qu’on veut une nouvelle majorité européenne contre Lisbonne, on avalise du même coup précisément ce qui a permis Lisbonne. La seule unité européenne possible, admissible d’un point de vue principiel, est une association d’États souverains sur le modèle kantien de la « paix perpétuelle »(*) et non une machine dans laquelle on force les nations à s’unir comme les princes d’ancien régime mariaient leurs fils et leurs filles.

  3. Il n’y a aujourd’hui aucun parti, aucun front qui puisse incarner une alternative sérieuse à cette « union européenne » à la botte de l’empire américain et dont la seule défense est cette coalition impérialiste qu’est l’OTAN. « L’Europe démocratique et sociale » est slogan fumeux, dans le meilleur des cas. Après tout, les gouvernements rétorqueront que l’Europe est démocratique puisque les gouvernements sont, en gros démocratiquement élus et que la majorité d’entre eux a accepté le traité de Lisbonne. Elle est également sociale, puisque le libre marché à permis aux ouvriers slovaques et tchèques de construire les voitures de PSA, obligeant ainsi ces nantis de salariés des pays riches à partager leur richesse avec les pauvres des ex-PECO… Une liste aux élections européennes qui mériterait qu’on se déplace pour voter pour elle devrait au moins dénoncer le traité de Maastricht et ses compléments d’Amsterdam, Dublin et Barcelone, c’est-à-dire tous ces traités qui détruisent les services publics, organisent la privatisation de la santé et disloquent toute protection sociale. Une liste qui mériterait qu’on se déplace pour voter pour elle proposerait des éléments au moins de retour à l’indépendance nationale (sortie de l’OTAN, droit pour un État de nationaliser les secteurs qu’il estime stratégique et de leur accorder l’aide qui lui semble bonne, exclusion de l’éducation et de la santé, des transports, des télécommunications et de l’énergie des règles du libre échange, etc.). Force est de reconnaître que pour l’heure une telle liste n’existe pas. Les listes existantes soit bavardent sur des luttes qu’elles sont bien incapables d’organiser soit en appellent à une autre Europe pour sortir les peuples de la crise. Et attendant cette autre Europe, qu’est-ce qu’on fait ? Mystère.

Pour toutes ces raisons, à l’heure qu’il est, il me semble judicieux de faire comme vont certainement le faire nos concitoyens dans leur majorité, c’est-à-dire voter avec ses pieds. »

(*) J’ai suffisamment développé ce point ailleurs et notamment dans mon Revive la République (A. Colin, 2005) pour n’y pas revenir plus en détail ici.
Denis Collin
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Vos méthodes Gilles ressemblent de plus en plus à des entraves volontaires au débat.
Outre l’ouverture de ce fil au moment même où les discussions étaient très intenses sur celui consacré à la candidature d’Étienne, je constate aujourd’hui qu’en moins de temps qu’il ne faut pour le lire et surtout le comprendre, l’article de Gauchet est immédiatement remplacé par un autre, qualifié de réponse alors qu’il ne fait qu’occuper la place et assimiler ceux qui ne veulent pas abandonner l’UE à des soutiens de l’Europe comme elle est aujourd’hui.

Il n’y a aujourd’hui aucun parti, aucun front qui puisse incarner une alternative sérieuse à cette « union européenne » à la botte de l’empire américain et dont la seule défense est cette coalition impérialiste qu’est l’OTAN.
Et nos propositions de tirage au sort d'une assemblée constituante ne constituent-elles pas une alternative sérieuse? Ces mois d'intenses débats, qui n'apparaissent justement pas sur ce fil, ne sont plus même considérés dans votre raisonnement.
L’objectif de l’UE n’est pas et n’a jamais été la construction d’un peuple européen, maître de son destin, ni même une fédération d’États qui uniraient leurs forces à partir d’objectifs politiques et sociaux communs.
Si vous aviez lu l'article de Gauchet, il n'y est justement pas question de peuple européen ni de fédération mais d'une entente entre États-nations qui détiennent chacun une part de leur propre définition.
C'est à ce prix que l'Europe restera à la hauteur de son histoire et de sa puissance d'invention. La chance qui lui est offerte est de se transcender, de se porter au-delà de ses limites en devenant le laboratoire de la démocratie mondiale sans État mondial qui constitue notre nouvel horizon. Comment des communautés qui se gouvernent elles-mêmes se gouvernent-elles ensemble? Elle est placée, de par son histoire, pour être pionnière en la matière. Elle est forte d'une expérience à nulle autre pareille, en ce qui cooncerne la dialectique de la singularité des nations et de l'universalité de la civilisation formant la trame de cette société du genre humain en gestation. Saura-t-elle la faire fructifier, au moment où elle prend sens à l'échelle de la planète entière? Il lui reste toujours la possibilité, il est vrai, de se contenter du rôle de continent des retraités de l'histoire, confits en remords vains et en moralisme sénile.
Nous proposons le Front du Plan C, mais vous, comme l'a déjà demandé Zolko en vain, que proposez-vous à votre sortie de l'UE?
[size=9][b][color=#114477]Faut-il vraiment participer aux élections européennes ?[/color][/b][/size]
C'est vrai qu'avec une majorité national-socialiste (PPE-PSE) au parlement européen qui est d'accord sur les questions institutionnelles pour bafouer l'article 21.3 de la Déclaration Universelle de Droits de l'Homme, une abstention record est le moyen idéal pour nous prémunir contre l'arrivée d'un nouveau Hitler au pouvoir européen. :lol:

Sissi c’est drôle.

On sait depuis longtemps (...) Elles ne servent qu’à (...) la prétendue unité européenne (...) Inutile de s’étendre sur ce sujet (...) L’objectif de l’UE n’est pas et n’a jamais été
[b]Gilles[/b], vous êtes pitoyable. Sarkozy, au moins, il revendique d'être un connard, tandis que vous vous cachez sur un site qui se voulait, encore il y a peu de temps, ouvert d'esprit, et vous y débitez votre bile et vos certitudes.

Merci, Gilles, de me faire connaitre Marcel Gachet, et en même temps de me faire savoir que vous êtes un irréductible égocentrique qui ne fait que de la propagande unilatérale pour ses vérités dévoilés (quel est votre dieu?) sans jamais vouloir écouter l’avis d’autrui ni questionner le bien-fondé de ses convictions même pas personnelles.

Vous ne faites rien que alimenter des controverses sans issus dans lesquelles mêmes les plus tolérants (surtout d’abord les plus tolérants et civilisés, comme Étienne Chouard) perdent la patience et s’absentent, en ayant ras-le-bol du fait qu’avancer sans besoin d’arguments d’autorité pour écarter les saboteurs n’est pas du tout possible.

C’est la lutte de ceux qui se permettent toutes astuces contre ceux qui renoncent aux astuces parce-que leur honnêteté et leur intégrité intellectuelle leur interdit d’abuser de qui-que-ce-soit, même de ceux qui abusent.

Je ne vous classe même pas entre ceux qui emploient des astuces en sachant ce qu’ils font… mais soit en connaissance de cause, soit par ignorance… vous faites le jeu de ceux qui les emploient à fond en pleine connaissance de cause.

Ceux qui ne font qu’accumuler des moyens (même pas des richesses) à titre personnel parce-que dans leur stratégie de tout le monde contre tout le monde ils savent qu’ils ne peuvent compter sur d’autres moyens que ceux qu’ils contrôlent individuellement… et qui font de la stratégie du diviser pour mieux conquérir la seule viable pour empêcher que n’importe quelle structure organisatrice rassemble plus de ressources qu’ils n’en peuvent gérer individuellement (et avec individuellement, j’inclus aussi n’importe quelle structure organisatrice pyramidale ou la tête individuelle de la pyramide à pouvoir absolu discrétionnaire sur l’emploi des ressources de toute la pyramide).

Je n’ai pas encore eu l’honneur de lire un seul texte dont vous soyez personnellement l’auteur. Est-ce que vous avez assez de personnalité pour ne pas être le valet de quelqu’un d’autre?

Construction européenne : analyses de Marcel Gauchet

Ayant lu très rapidement les textes reproduit par Déhel, je me trouve d’accord avec ce que je pense être les deux conclusions principales de Gauchet :

  • La construction européenne repose sur l’association des peuples (et des États). Il n’y a pas pour le moment (et pour longtemps encore), de peuple européen, de nation européenne ni d’État européen.

  • Cette union européenne non fédérale a vocation universelle,. Plus précisément, elle ne doit connaître aucune limitation d’ordre géographique.

C’est sur cette base, justement, que le projet EUROCONSTITUTION propose une constitution européenne confédérale, démocratique et claire, qui donnera aux États membres la possibilité de se regrouper par affinités tout en développant les liens confédéraux. JR

Bonjour David, ici c'est Gilles du forum.

« Vos méthodes Gilles ressemblent de plus en plus à des entraves volontaires au débat. »

Je ne peux plus assurer le débat en ce moment, je suis fatigué, vous êtes 4, NigùnOtro, Zolko, beo et toi, je réponds à un, c’est un autre qui me réponds, plus un autre qui en remets une couche. Je n’ai même pas eu le temps de répondre à fond aux arguments de Zolko, messages 6618 et 6626 et à beo message 6625 que tu mets 4 placards, mets toi à ma place, j’ai une vie, d’autre choses à faire, comment veux-tu que j’assure un débat correct ? Pourquoi crois-tu qu’Étienne n’intervient plus ? Dès qu’il est là, un essaim d’intervenants veut dialoguer avec lui, comment veut-tu qu’il réponde à tous ? Il adopte une technique de guérilla, il lâche des arguments en rafale et puis il décroche, sans débattre comme il le faisait au début.


Mais je ne crois pas Gilles qu’aucun d’entre nous ait demandé à ce que vous répondiez à tous nos messages. Vous êtes seul à vous donner cette importance. Votre participation est souhaitable mais pas indispensable.

En plus, tu ne connais peut être pas encore assez le BBCode utilisé dans le forum et donc tu te fatigues pour rien en collant des placards alors que quand même nous sommes à l'âge de l'hypertexte et du lien url ! Bon sang ! Fais un lien url vers le site où il y a le texte que tu veux nous soumettre.

Cela se fait comme cela, ouvrir une balise de lien url en BBCode :

Le petit texte que je voir apparaître à l’écran

Un exemple :

le lien que tu veux mettre : Accueil | Un magazine d'actualité et d'informations en continu

La légende que tu veux mettre : Un bon article de Contreinfo.info sur le changement climatique …

Pour le mettre dans les forums à BBCode comme celui du Plan C :

Un bon article de Contreinfo.info sur le changement climatique …


Les imbéciles se reconnaissent crois-je à leur systématique tendance à prendre les autres pour plus imbéciles encore et de le faire avec une exemplaire assurance: j’ai recopié ce texte de mes petites mains parce que je n’ai pas trouvé de traces électroniques.

Voilà, j'ai faim, je vais me préparer quelque chose de bon pour le moral.
Et dire qu'on a mis tout ce temps pour enfin tomber d'accord. Allez vous faire cuire un oeuf!

@ Etienne

Ce qu’écris ce Rosa du figaro est juste, le transfert d’une souveraineté d’un niveau national au niveau européen s’accompagne d’un effet de dilution encore une fois tout à fait évident, ce n’est pas une grande trouvaille et cela ne constitue pas selon moi la moindre raison valable de sortir de l’union européenne vu que c’est pleinement en connaissance de cause que je fais personnellement ce choix quand même de militer pour l’idée d’une construction européenne.

Car malheureusement ce raisonnement que vous pensez imparable omet totalement d’expliquer que cette dilution ne se fait pas en pure perte contrairement à ce que l’ensemble de l’article semble insinuer, car si effectivement le poids du citoyen dans la décision finale est dilué, il omet d’expliquer qu’en contrepartie la portée de ce poids est considérablement augmentée, vu qu’en tant que francais maintenant je ne vais plus m’occuper seulement de mes affaires de francais mais je vais aussi prendre part à des décisions qui vont influer sur les différents autres pays européens … C’est quand même le principal intérêt de mettre en commun nos souverainetés que de prendre des décisions communes qui affectent de manière commune nos différents pays …
L’autre intérêt c’est de pouvoir capter démocratiquement des décisions qui sans cela relèveraient de décisions intergouvernementales.

Rosa évoque le problème du poids des lobbys et du pouvoir executif renforcés au détriment du pouvoir des citoyens. Mais tout ceci n’est pas le résultat comme il explique d’une construction européenne, mais le résultat de CETTE construction européenne. Il me semble que sur ce site justement ont été largement abordées les solutions à apporter à ces dérives pour rendre l’UE vraiment démocratique.

Le seul vrai obstacle à la démocratie en europe et à la création réelle d’un peuple européen c’est la barrière des langues. Je pense que des idées comme des médias européens traduits, des élections ou référendums synchronisés dans tous les pays européens, des transports collectifs gratuits lors de ces campagnes pour permettre aux militants d’aller débattre dans toute l’UE, tout cela ce sont des pistes qui pourraient permettre de dépasser finalement cette barrière …

Marcel Gauchet et l’Europe de juillet 2005, écho aux messages 6628 à 6632

Parce que je tiens beaucoup à ce texte, que je trouve aussi complet qu’intelligent, et comme moyen de lutter contre les guerres d’édition dont souffrent parfois ce site, je poste à nouveau le texte Post scriptum à la Nouvelle Europe, avec cette fois un lien url: http://www.front-plan-c.eu/Forum/viewtopic.php?f=10&t=46&p=348&sid=282896a18d14f3f2d918671e936533b3#p348

... C'est à ce prix que l'Europe restera à la hauteur de son histoire et de sa puissance d'invention. La chance qui lui est offerte est de se transcender, de se porter au-delà de ses limites en devenant le laboratoire de la démocratie mondiale sans État mondial qui constitue notre nouvel horizon. Comment des communautés qui se gouvernent elles-mêmes se gouvernent-elles ensemble? Elle est placée, de par son histoire, pour être pionnière en la matière. Elle est forte d'une expérience à nulle autre pareille, en ce qui cooncerne la dialectique de la singularité des nations et de l'universalité de la civilisation formant la trame de cette société du genre humain en gestation. Saura-t-elle la faire fructifier, au moment où elle prend sens à l'échelle de la planète entière? Il lui reste toujours la possibilité, il est vrai, de se contenter du rôle de continent des retraités de l'histoire, confits en remords vains et en moralisme sénile.
Quant à votre première analyse Jacques, je la partage, même si je pense que ce texte sert aussi bien nos intentions de tirage au sort.

Les analyses de Marcel Gauchet (suite)

Plus je lis vos extraits, Déhel, plus je trouve Marcel Gauchet lucide, précis et clair. Ça me donne envie de lire « La Condition politique ». Merci de m’avoir fait connaître cet auteur.

Je ne sais pas s’il a traité du tirage au sort : j’imagine, d’après ce que j’ai lu, que ce n’est pas une de ses préoccupations principales, surtout dans le contexte de l’Europe. JR

Je cherche aussi chez Marcel Gauchet une analyse sur le tirage au sort, en vain. Si vous trouvez Jacques, ça nous/m’intéresse.

Déhel, vous serez content : j’ai interrogé google sous « Marcel Gauchet » (phrase exacte) + « tirage au sort » (tous les mots), et il y a 20 pages qui en parlent.

Je vous laisse le soin de nous dire ce qu’il pense du tirage au sort et ce qu’il propose exactement (puisque ça vous tient à coeur plus qu’à moi !).

Étienne, qui lit tout, a-t-il lu Marcel Gauchet ? Peut-être même qu’il en a parlé ici et que nous avons oublié ?

Il vaut sans doute mieux traiter cette question sous le fil correspondant (partie « principes »). JR

Une conférence de Annie Lacroix-Riz du 13 juin 2008

    Annie Lacroix-Riz (1947) est une historienne française, professeur d'histoire contemporaine à l'université Paris VII - Denis Diderot, notamment connue pour son engagement « marxiste-léniniste », dixit Wikipedia.
    Je crois me souvenir que sur un des fils de ce forum, il y a quelques mois, l'un d'entre nous avait relayé la vidéo [i]Le Choix de la défaite[/i].

Aujourd’hui, je vous invite vers Europe : mythe et réalités, http://www.dailymotion.com/user/worldhistoria/video/x6s90y_europe-mythe-et-realites_news introduit sur Dailymotion par:

Le veto enregistré dans presque tous les (rares) pays où un référendum sur le cadre politique de l’Union européenne a été organisé atteste la prise de conscience populaire de ses réalités. Le jugement objectif a tardé, tant les promesses d’Eldorado ont accompagné, après la Deuxième Guerre mondiale en Europe occidentale, après la chute de l’URSS en Europe orientale, les grandes étapes de ce vaste plan d’unification des salaires au niveau le plus bas possible. Depuis que le paradis européen est apparu pour ce qu’il était – une impitoyable course au « dumping social » –, un nouveau thème (électoral) a surgi : la liberté illimitée du capital, baptisée « concurrence non faussée », serait la « dérive » malheureuse, récente et inattendue d’une Europe initialement « sociale ». L’exposé historique qui suit révèle une « Union européenne » fidèle, tout au long de sa vieille histoire, à son objectif primitif d’écrasement des salaires et de maximisation des profits. Définis peu après la Première Guerre mondiale, ses plans commencèrent à être mis en œuvre pendant la première phase de la collaboration économique franco-allemande, entre 1924 et la crise des années trente. Leur application prit tout son développement, d'abord sous tutelle strictement allemande, pendant l'Occupation, puis dans la sphère d'influence américaine, celle de l’après-1945 progressivement élargie, depuis la liquidation de l’URSS, à presque tout le continent – le champ de notre « Union européenne » d’aujourd'hui.
Annie Lacroix-Riz y développe l'idée que l'Europe est née de l'entente des grands argentiers et particulièrement de ceux de l'acier, [i]le Comité des Forges[/i], et de la [i]Banque de France[/i], à l'origine aussi de la seconde guerre mondiale, qui n'a été selon elle que la conséquence de la guerre mondiale économique, aux dépens des classes prolétariennes et en réaction à la révolution russe et au régime qui en découla.
    J'entends déjà Gilles et Instit s'enthousiasmer pour l'idée. 
    S'ils pouvaient du même coup intégrer qu'aux luttes idéologiques, on préfère ici la confrontation des raisonnements, je n'aurai pas perdu ma journée. :D
    
    Sa logique, marxiste-léniniste, défend que l'Europe n'est que l'outil d'une politique de dumping social, c'est-à-dire d'alignement sur les plus bas salaires dans une communauté économique internationale où les États-Unis mènent la danse. Et ce, depuis sa conception. [i]L'Europe faite par les patrons, pour les patrons.[/i]

    Quelques remarques alors:
                           1. si l'Europe est viciée depuis son origine, si les pères fondateurs eux-mêmes étaient assujettis aux cartels, si la CECA n'était qu'un moyen de faire pression sur les salaires ouvriers, alors qu'on ne s'étonne pas que la mobilisation prolétarienne soit faible car, depuis 1945, la condition ouvrière s'est nettement améliorée. On stygmatise aujourd'hui le surendettement des pauvres, les drames de la délocalisation, conséquences directes d'un capitalisme devenu libéral et surtout mondial, on déplore les travailleurs pauvres, les mal-logés, les 10% déclarés sous le seuil de pauvreté et je les déplore aussi mais l'anesthésie par les biens matériels a fonctionné comme l'individualisation qui en a découlé. Alors? Il nous reste à constater que les ouvriers préfèrent aujourd'hui être heureux plutôt que libres alors qu'hier ils préfèraient être vivants plutôt que morts. Et je crois que cette Europe n'y est pas pour rien.
                          2. je tiens pour une contre vérité l'idée de l'alignement sur les salaires les plus bas: dans les années 70-80, la France entière allait passer ses vacances sur les côtes espagnoles parce que le différentiel fiducier était largement en leur faveur. Et qu'en est-il aujourd'hui? Espagnols et français vivent à peu de chose près dans le même confort matériel et avec les mêmes accès aux soins, à l'éducation, etc... confort qui ressemble pour beaucoup à celui de la classe moyenne américaine ou japonaise, comme à celle de l'essentiel des pays riches.
                          3. ces arguments économiques qui prônent le retour au protectionnisme afin de protéger le pouvoir d'achat national me choquent. Je croyais qu'un marxiste-léniniste croyait en l'internationale ouvrière. Je croyais que la lutte des classes se targuait d'un universalisme de principe, de fondement. Que l'on s'insurge des conditions de travail dans certains pays, de l'exploitation infantile, de l'exploitation tout court, me ravit, mais que l'on s'insurge d'une même voix de la condition ouvrière en Europe et que l'on réclame un retour au protectionnisme et à la relocalisation est non seulement nauséabond mais violent: 'affamés des autres pays, on vous soutient, à condition qu'on n'ait pas d'efforts à faire. Ou, la révolution prolétarienne oui, à condition qu'Auchan reste ouvert.' Personne ne propose comme idée: pauvres d'Europe, aujourd'hui nous souffrons mais nous l'acceptons à condition que notre sacrifice permette d'améliorer la condition de plus pauvres que nous. Peut-être parce qu'il faudrait alors concéder les efforts nécessaires à l'instruction, l'éducation et la liberté.

     Une question subsidiaire: aux différents forums sociaux, qui se réclament d'être protectionnistes et en quels termes? Ca nous/m'éclairerait.

Ce que je trouve particulièrement nauséabond pour ma part c’est votre idéologie qui consiste à penser que les conditions de vie dans chaque pays seraient des vases communicants et qu’il est tout à fait normal que des personnes s’appauvrissent dans un pays pour que d’autres s’enrichissent dans un autre pays …

Le partage de la misère que vous théorisez, qui consiste en clair à ce que des millions de personnes déjà pauvres dans les pays riches acceptent de se sacrifier et de devenir encore plus pauvres pour que soit disant des encore plus pauvres qu’eux dans d’autres pays puissent devenir moins pauvre.
Vous oubliez dans l’opération évidemment les plus riches, à qui vous ne demandez évidemment aucun sacrifice, et vous oubliez évidemment que ceux dans les pays pauvres qui profitent le plus de tout ça sont évidemment les plus riches et certainement pas les plus pauvres qui restent totalement exploités et sous payés …

Quand vous comprendrez que ce système de vases communicants doit être remis en cause, qu’il n’est que le résultat des politiques néo libérales qui mettent en concurence les peuples et qui créent au niveau mondial une concurrence déloyale génératrice de dumping social pour le plus grand profit des multinationales industrielles et financières et surtout de ceux qui les dirigent … Ce sera déjà bien.
C’est vers une coopération entre les pays, vers un co-développement qu’il faut oeuvrer, et ne vous en déplaise un tel co-développement passe par la protection dans chaque pays de leurs populations, par le développement des économies intérieures de chaque pays sur la base de la satisfaction des besoins des populations et non plus par le développement des économies extérieures sur la base des profits des multinationales …

32 Sortir de l’«Union « Européenne »» - message #81
[color=#114477]à Déhel
J’ai bien lu le texte de Marcel Gauchet qui est d’ailleurs repris ici de manière plus lisible http://contreinfo.info/article.php3?id_article=2601 je regrette de m’être mis en colère, pas contre les arguments que présente Marcel Gauchet comme vous avez pu le croire en l’absence de précisions explicites de ma part, mais contre les passages en couleur rouge du texte que vous avez soumis dans vos messages. Ma vue est telle que j’ai extrêmement du mal à lire ces passages. Vous pouvez d’ailleurs remarquer que j’utilise un bleu marine dans la plupart de mes interventions pour bien pouvoir voir ce que je viens d’écrire.

Maintenant, je trouve inadmissible que vous diffusiez en public sur le forum des parties de messages privés que je vous ai adressés. Tirez en les conclusions pratiques qui s’imposent.

Fin de la polémique

Je connaissais déjà Marcel Gauchet, j’avais lu sur son blog des articles sur la permissivité de l’éducation, sur la culture du narcissisme que j’avais apprécié. Il parle principalement, pour résumer, du fait post-national, ici dans notre bout de continent, et de l’universalisme. Dans l’analyse de la situation que font Marcel Gauchet et Denis Collin, je vois nettement plus de convergences et de points communs que ce que vous exprimez.[/color]

[color=#114477]L’évanouissement de la figure de la nation européenne ramène aux nations d’Europe en tant que supports de la volonté seule capable de faire vivre leur association. [...] Aucune gouvernance, si sophistiquée qu’elle soit, ne viendra à bout de l’exigence de se gouverner, laquelle suppose de renouer avec le cadre qui la rend possible. Il n’y a d’autre issue que de revenir au politique là où il se trouve et où il est destiné à rester, dans les États-nations. Il est à réinvestir, au terme de sa métamorphose, en tant qu’infrastructure d’une démocratie cosmopolite. Car l’idéal de l’autogouvernement, là réside la grande nouveauté de l’heure, est devenue inséparable de l’autogouvernement à plusieurs.[/color]
[color=#114477]L’objectif de l’UE n’est pas et n’a jamais été la construction d’un peuple européen, maître de son destin, ni même une fédération d’États qui uniraient leurs forces à partir d’objectifs politiques et sociaux communs.[/color]
[color=#114477]

Ce que l’on pourrait reprocher à Marcel Gauchet, c’est le manque de prudence quand il évoque la question de l’universalisme. Parce que le terme est devenu ambigu, l’universalisme invoqué par l’Occident, les Droits de l’Homme quand cela arrange bien et que l’on oublie quand il faut, l’ingérence humanitaire et le non-respect des peuples à disposer d’eux-même qui en découle n’est pas l’universalisme de Diderot, d’Alembert, de Voltaire et de Rousseau.

Ce que je trouve dommage, c’est qu’il me semble que vous n’avez pas examiné les arguments de Denis Collin, vous ne voyez pas la déception vis à vis de la construction européenne et le dépit qui s’exprime dans son texte. Vous vous êtes focalisé sur le marxisme-léninisme, qui mériterait à lui seul un fil entier de discussion si on va par là, relisez ce texte, faites le tri dans les arguments, parce qu’il est question d’une construction d’un ensemble politique qui ne tient pas ses promesses et qui prend :

premièrement un tour toujours plus avantageux pour les personnes les plus favorisées de la société et moins avantageux pour les moins favorisées
deuxièmement respecte de moins en moins l’avis de la majorité des personnes
troisièmement, ce qui paradoxal pour une entité qui se voudrait indépendante, est subordonnée pour sa défense à un pays étranger situé dans un autre continent.

Je ne nie pas non plus les efforts méritoires, croyez bien que je vous en sait gré, que vous accomplissez en faveur de la démocratisation de l’Union Européenne, dans le cadre du Plan C, pour une assemblée constituante tirée au sort parmi les citoyens, mais simplement, je doute qu’ils soient couronnés de succès pour des tas de raisons que je n’ai plus le temps matériel de donner ici. Je ne vois donc pas ce qu’il y aurait d’hérétique à voter avec ses pieds dans ce cadre.

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