[color=purple]Sens et avenir…
À propos du message N° 1300 (Sam et Guillaume)…[/color]
Vous parlez de notre « "problème" psychanalytique avec la mort » - encore une note passionante. Vous évoquez la question du "croire en l’avenir en contribuant à sa construction" Vous écrivez "[i]Puisque dans cet avenir, NOUS... n'existerons plus, NOUS SERONS MORTS !!! Alors quelle importance ? Il y a dans cette locution "croire en l'avenir" un mysticisme ou une spiritualité qui s'ignore, mais que nous, humains, trouvons "important" (c'est comme ça) car c'est une manière de nous projeter au-delà de NOUS-MÊME et de nos petites personnes.[/i]"Déjà, j’ai un enfant. Voilà un évènement qui a changé mon rapport à la politique. Non pas que j’en fais moins, mais sans rogner sur les heures que je lui consacre, et sans lui faire partager mes angoisses et critiques (elle a 5 ans à peine), j’ai décrété que le nihilisme, je n’y ai plus droit.
Mais si j’ai parlé du mythe de l’enfer et du paradis, c’est pour une raison bien précise. Le fait que l’ « autorité » de la religion se soit nettement perdu dans nos sociétés occidentales (et plus encore en France – où nous comptons le plus grand pourcentage d’athées et d’agnostiques au monde) ne change pas la réalité qui a conduit Platon à vouloir diffuser ce mythe : la recherche de la vérité est un sacerdoce que ne peuvent se permettre qu’une minorité de gens. Parce que les gens croulent sous les obligations matérielles, le travail comptant pour beaucoup ; Marx et sa « boulangère » (assez qualifiée pour se charger de politique) ne disait pas autre chose, si l’on considère qu’il songeait à l’idéal d’après demain, par opposition à la réalité du temps présent.
Demandez-vous donc ce qui pourrait (peut) remplacer ce mythe, en assurer la fonction sociétale positive, sans lui associer tous ses aspects néfastes.
Je sais bien une chose, pour avoir été croyant longtemps, et être devenu athée : l’idée reçue « si Dieu n’était pas là, alors tout serait permis » est un pur contresens (comme l’écrit Michel Onfray - Traité d’athéologie) : c’est bien parce qu’on a inventé Dieu que l’on peut à ce point mépriser la vie, et justifier le pouvoir établi. Quand j’étais croyant, j’adoptais tout à fait cette idée. (J’avais précisément la religion de G.W. Bush… et je vous affirme qu’elle répand la persuasion que les choses de ce monde n’ont aucune importance, et que tous les autre, qui ne sont pas « born again », sont « dans le monde », pervertis et condamnés). Quand je suis devenu athée, non seulement je me suis rendu compte que la bonté n’est pas du tout l’apanage du croyant… mais c’est alors seulement que j’ai commencer à me cultiver et à m’investir dans la réflexion sur les affaires publiques.
Alors il m’arrive de réfléchir à cette question : qu’est-ce qui pourrait remplacer ce mythe du paradis et de l’enfer, à supposer que l’ignorance continue d’être si répandue, et la vérité (sa recherche) si peu « vendeuse » ?Or qu’est-ce que l’idée de la vie éternelle, outre le déni de notre « « problème » psychanalytique avec la mort » ? Ce déni relève de la psychologie de l’individu, je parle ici de la sphère publique, de la fonction sociale que remplit l’entretien de ce mythe.
Ma réponse est que les gens vivent dans la mémoire des générations futures. Celui qui dans le domaine public a fait quelque chose de grand, comme celui qui a mal agi, vit d’autant plus longtemps dans la mémoire des humains, affublé de gloire ou de mépris. En un sens, c’est ça et ça ne saurait être que ça, la vie éternelle.
[color=purple]C’est vrai qu’au milieu de l’action il est parfois bon de s’interroger sur ses motivations…
Je n’irai pas (pour ce qui me concerne) jusqu’à placer mon engagement sous le signe d’un « « problème » psychanalytique avec la mort » ni d’un désir de « vie éternelle » dans la « mémoire des générations futures », mais il me semble que ma motivation principale est double :
- Essayer concrètement de construire un monde meilleur (ou au moins plus vivable), non seulement pour moi-même, mes proches et, plus largement, mes contemporains (la dégradation de notre monde actuel est si rapide qu’elle exige des réactions immédiates pour tenter d’éviter son pourrissement accru dans les toutes prochaines décennies), mais aussi pour les générations à venir.
Et la présence de mon fils de 3 ans… et 9 mois (tiens, tiens, moi aussi… :)) n’est pas étrangère à l’intensification de ce désir. Faire des enfants ne signifie-t-il pas nécessairement « croire en un avenir » puisque l’on s’y projette ipso facto à travers eux ?
- Le recul de la religion (laquelle n’a jamais eu qu’un rapport très lointain et dégradant avec la spiritualité) et même de la spiritualité dans nos sociétés occidentales laisse un vide vertigineux (même s’il est souvent inconscient) à l’intérieur des personnes concernées.
C’est peut-être la perte de cette réponse toute faite au sens de la vie qui m’a conduit (dans un parcours proche de celui de Sam) à me réveiller il y a une dizaine d’années (l’approche de la quarantaine ?) avec le désir lancinant de « donner un sens à ma vie ». Non pas dans le but de laisser une trace après ma mort, mais vraiment pour donner une cohérence, un fil conducteur, aux décennies qui (je l’espère) se trouvent encore devant moi. Peut-être aussi maintenant dans le but d’essayer de montrer à mon fils ce qu’il faut faire pour ne pas trop se louper dans l’utilisation du temps qui nous est imparti…
Bonne journée à tous…
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