Citrouille,
comptez vos doigts, c’est très utile ces trucs là…
La question que vous posez, « Pourquoi l’information ne serait pas une marchandise ? », appelle des réponses assez évidentes. Et consensuelles. Une preuve parmi tant d’autres est le fait que l’information et la culture, comme l’éducation, a été retirée des domaines systématiquement privatisables, dans la deuxième version de la directive Bolkestein.
Je soutiens l’ensemble des propos d’Alain, ci avant. Décidément, ces temps-ci on est d’accord… Zut.
Je ne vais pas résumer en deux lignes ce que des centaines de penseurs ont écrit, pour s’entendre sur cette réponse : il est extrêmement dangereux de traiter l’information comme une marchandise.
Une manière générale de répondre est que l’information la plus dérangeante, qui est par ailleurs souvent la plus chère à obtenir, est loin d’être la plus vendeuse, contrairement à la bêtise, le plagiat, et à diverses moyens de propagande, comme le simple martelage de fait divers pour remplir le temps d’antenne, qui coûtent très peu et n’assurent aucune fonction de contre-pouvoir politique, au contraire.
Quand des mathématiciens, des physiciens, des philosophes, des littéraires, font un travail de recherche, et en viennent à bousculer les idées reçues du grand nombre, Mammon merci, ils ne s’en remettent pas à la décision du grand nombre pour avancer, et dans ces sphères culturelles, c’est l’autorité des pairs qui vaut et donnent voix au chapitre à ces gens dont la production est toujours un temps loin d’être consensuelle.
Une information vraiment gênante ne fait pas recette. Ne pas confondre avec un propos voyeur, populiste, basé sur le tous pourris et autres histoires de complots, qui marchent bien, eux, mais tiennent rarement à l’analyse et la durée. Les pipes de Monica Lewinsky, comme les histoires de couples de M. Sarkozy, ont plongé dans l’ombre médiatique pas mal de lois passées en douce. Mais des infos au demeurant plus gênantes en cachent aussi d’autres. Même le Water Gates a couvert au moins une information bien plus importante, et gênante.
« Pourquoi un photographe n’aurait pas le droit de vendre ses photos au meilleur prix ? »
Si ce n’est pas un reporter, je m’en bas l’oeil. Si c’est un reporter, parce que rien ne doit peser sur son devoir d’informer. Or, la valeur mercantile, esthétique, ou tape à l’oeil, de la photo n’a rien à voir avec sa valeur en matière de travail journalistique. Les chartes déontologiques du métier, qui existent depuis des décennies, parlent d’ailleurs du problème de la dépendance financière des salariés de la presse.
« Pourquoi n’aurais-je pas le droit de vendre un journal et d’en tirer un profit ? […] Allez-vous m’interdire l’accès a des médias étrangers? »
Je n’ai rien dit de cela. Je propose de créer un label « service public de presse », et de soumettre à financement par répartition, et à obligation d’appliquer les chartes déontologiques du journalisme les organes de presse qui décideraient de s’y affilier.
Je prends le pari que bien des journalistes soutiendraient l’idée, et ce régime, et que bien des journaux souhaiteraient en dépendre. Pour pouvoir faire leur travail, et ne plus êtres esclaves d’un audimat et d’une logique de concentration industrielle qui les en empêche. Et s’émanciper des cadres sup. non journalistes ou journalistes pourris qu’on leur parachute, ce qui est totalement contraire à l’idée de reconnaissance des pairs qui doit régir la hiérarchie de cette sphère autonome.
Je n’ai surtout pas parlé de soumettre tous les médias à ce régime, d’interdire une quelconque parution ou de censurer ou d’imposer le contenu d’un média ou d’un autre. Je pense à une foule de parution libres, à commencer par les blogs, que je ne souhaiterait pas voir soumettre à un régime donné. Je veux juste que les gens qui veulent faire leur travail de journaliste puisse le faire, et que ceux qui cherchent de l’info véritable, même si elle ne fait pas recette, puissent y accéder.
« Comment allez-vous financer ce « service public » ? Pas de publicité ? »
Avec la dette !.. non, je déc… C’est que la question est très à la mode, et la réponse est toujours déjà mâchée par ceux qui la martèlent… et qui occultent que le problème vient d’une pénurie d’entrées, liée à l’abstraction d’une bonne part de la finance et à l’accroissement énorme de l’esclavagisme moderne (en attestent les +84% du CAC40 cette année, donc en bonne part des retraites d’américains anonymes, l’accroissement constant du nombre de milliardaires en dollars comme dans tous les autres pays, la pénurie de champagne, en fin d’année 2005 dans les boîtes fréquentées par le gratin de la bourse de Londres, l’évaluation du coût du stress au travail à deux fois le trou de la sécu… et autres coûts sociaux externalisés vers cet Etat qui nous coûte cher (tout est dans le « nous »), …), pas d’un poids excessif des dépenses.
Non, plus sérieusement :
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essentiellement, comme tout service public, par système de répartition, centralisation des bénéfices et redistribution liée à la qualité du produit, jugée par les représentants du peuple, et non liée directement à sa rentabilité ;
Le libéralisme ne nous dit pas autre chose : [bgcolor=#FFFF99]lorsque assurer un service n’est pas rentable pour un seul entrepreneur ou un groupe restreint d’entrepreneurs, mais que ce service a une valeur essentielle pour la communauté (comme l’éducation et la santé, égales pour tous, j’entends) alors l’Etat en fait un service public. [/bgcolor]Il vous faut des démonstrations, au regard des exemples d’une foule de médias d’information, que l’information n’est pas un service rentable ?
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par ailleurs, et sur décision qui ne m’appartient pas, mais appartient au Parlement, qui vote le budget (le contrôle et le décide), sous forme de subventions, à titre culturel. Comme on subventionne un tas d’associations culturelles, comme le bon sens nous y invite, comme le dit la constitution du Venezuela, reconnaissant la culture comme un bien commun essentiel, et une priorité de l’Etat dans ses subventions.
Cela fait exactement la même chose qu’au premier point, sauf qu’ici, la répartition consiste en un transfert de fonds d’un domaine à un autre. Par exemple, de l’industrie automobile, ou des actions de M. Lagardère ou d’une part de son héritage à ses mômes, au service public de presse.
Je n’ai pas même parlé d’interdire la publicité, pas même dans les journaux qui seraient dotés du statut de service public de presse. C’est pour moi une question tout à fait secondaire, pour le sujet qui nous occupe ici.
Bien évidemment, le produit de la publicité, pour les journaux concernés, serait lui aussi soumis au système de financement par répartition.
"Quelle est votre légitimité pour interdire le libre échange entre ceux qui vont chercher l’information, la transmettent, l’analysent et ceux qui la consomment ? "
Si je postule que l’information n’est pas une marchandise et que j’ai une armada de gens, intellos ou simples gens, très cultivés ou peu, qui s’accordent avec moi, j’ai cette légitimité, et le droit de dire que le reste de la question est mal posé…