2E Les médias d'information doivent être libres, politiquement et économiquement

Loi/règlement, pouvoir judiciaire

beo (7899), vous avez raison en ce qui concerne la séparation des domaines de la loi et du règlement : au législateur, les lois ; au pouvoir exécutif, les règlements (décrets, arrêtés, circulaires et textes analogues).

Il faut souligner que la loi empiète de plus en plus sur le règlement, et cela (paradoxe) avec la complicité du pouvoir exécutif, qui tâche de conférer une plus grande autorité à ses décisions en leur donnant le statut de loi même quand la matière est évidemment règlementaire.

Comme vous savez, changer ou invalider une loi relève du législateur ou du Conseil constitutionnel : par contre, tout particulier (en France) peut attaquer un règlement devant la juridiction administrative s’il y a intérêt, et c’est d’autant plus facile que ça coûte moins cher qu’une procédure judiciaire, ne serait-ce que parce qu’on peut se représenter soi-même sans avocat pourvu qu’on ne demande pas d’argent à l’État.

Mais ce n’est pas au pouvoir judiciaire (= aux tribunaux qui ont la Cour de cassation à leur sommet) de dire si une loi est respectée ou n’est pas respectée par le pouvoir exécutif ou par le pouvoir législatif - sauf quand il s’agit d’appliquer le droit à un cas particulier, à condition que le respect ou le non-respect de la loi ou du règlement affecte la situation d’un individu (notamment au pénal).

C’est pourquoi je trouve équilibrée la nouvelle procédure constitutionnelle qui permet à la Cour de cassation et au Conseil d’État de renvoyer la question de constitutionnalité d’une loi au Conseil constitutionnel en cas d’exception soulevée par un particulier lors d’une procédure judiciaire ou administrative.

Le pouvoir judiciaire est uniquement chargé d’appliquer la loi - pas de décider si une disposition relève de la loi ou du règlement : ça, c’est le rôle de la juridiction administrative et du Conseil constitutionnel. Sinon gare au gouvernement des juges et à ses excès (je pense aux ÉUA, dont nous commençons à suivre en France le coûteux exemple, sans parler de la juridisation de la vie sociale ordinaire).

Pour la même raison, ce n’est pas davantage au pouvoir judiciaire (ni d’ailleurs à la juridiction administrative) de fixer les délais dans lesquels les textes d’application doivent être pris - il lui manquerait d’ailleurs pour cela les éléments de réflexion nécessaires. C’est au législateur de fixer ces délais au moment d’adopter chaque loi, ou alors il faut inscrire les règles dans la constitution (c’est effectivement une question de fonctionnement des pouvoirs publics).

Même dans la situation actuelle, si le législateur tenait vraiment à ce qu’on prenne les textes d’application dans les délais il pourrait toujours recourir à la motion de censure contre le gouvernement.

Pour ce qui est de votre première remarque : si les citoyens s’activaient davantage et si les partis politiques étaient de vrais partis politiques, on aurait moins à parler de l’impuissance des citoyens. JR

Il faut souligner que la loi empiète de plus en plus sur le règlement, [i]et cela (paradoxe) avec la complicité du pouvoir exécutif[/i], qui tâche de conférer une plus grande autorité à ses décisions en leur donnant le statut de loi même quand la matière est évidemment règlementaire.
Je ne vois pas le paradoxe, puisque le parlement en France est la la botte du gourvernement qui a une grande latitude quant-à l'ordre du jour du parlement, auquel il soumet d'ailleurs des projets de loi, C'EST LE GRAND N'IMPORTE QUOI.
[...] Mais ce n'est pas au pouvoir judiciaire (= aux tribunaux qui ont la Cour de cassation à leur sommet) de dire si une loi est respectée ou n'est pas respectée par le pouvoir exécutif ou par le pouvoir législatif - sauf quand il s'agit d'appliquer le droit à un cas particulier, à condition que le respect ou le non-respect de la loi ou du règlement affecte la situation d'un individu (notamment au pénal).
Je ne suis pas spécialiste, mais j'affirme que c'est au pouvoir judiciaire de dire si une loi est respectée ou non. Dans une constitution sérieuse bien entendu.
Le pouvoir judiciaire est uniquement chargé d'appliquer la loi - pas de décider si une disposition relève de la loi ou du règlement : ça, c'est le rôle de la juridiction administrative et du Conseil constitutionnel. Sinon gare au gouvernement des juges et à ses excès (je pense aux ÉUA, dont nous commençons à suivre en France le coûteux exemple, sans parler de la juridisation de la vie sociale ordinaire).
Le pouvoir judiciaire est chargé d'appliquer la loi, mais comment peut-il le faire s'il n'a pas compétence à distinguer ce qui relève de la loi de ce qui en est étranger ?

Après, en ce qui concerne les excès aux ÉUA, je ne connais pas la situation, ni comment l’améliorer, mais une judiciarisation excessive me paraît préférable à un déni de démocratie.

Pour la même raison, ce n'est pas davantage au pouvoir judiciaire (ni d'ailleurs à la juridiction administrative) de fixer les délais dans lesquels les textes d'application doivent être pris - il lui manquerait d'ailleurs pour cela les éléments de réflexion nécessaires. C'est au législateur de fixer ces délais au moment d'adopter chaque loi, ou alors il faut inscrire les règles dans la constitution (c'est effectivement une question de fonctionnement des pouvoirs publics).
Je ne suis pas d'accord. Si c'est le législateur qui fixe ces délais à l'exécutif il est à la fois juge et partie et il empiète sur le pouvoir exécutif, ce qui n'est pas davantage acceptable. Si c'est l'exécutif qui fixe ses propres délais, cela me fait penser aux gens qui décicdent eux-même de leur salaire, c'est nauséabond.

Maintenant est-ce vraiment au pouvoir judiciaire de faire cela, je dois avouer que j’ai un doute car il se trouve lui aussi en position de juge et partie (s’il ne veut pas appliquer une loi, alors, il peut fixer un délai arbitrairement long).

Même dans la situation actuelle, si le législateur tenait vraiment à ce qu'on prenne les textes d'application dans les délais il pourrait toujours recourir à la motion de censure contre le gouvernement.
Vu qu'il est élu dans la foulée du Président de la République, j'en doute fort.
Pour ce qui est de votre première remarque : si les citoyens s'activaient davantage et si les partis politiques étaient de vrais partis politiques, on aurait moins à parler de l'impuissance des citoyens. JR
Le but d'un parti politique est de gagner les élections, donc de rendre puissant une poignée de ses membres, dans le "meilleurs" des cas le maximum de membres du partis pour que le système tienne. Donner du pouvoir aux citoyens en général est contradictoire avec la soif de pouvoir d'un parti.

Un peu naïf, je me force à penser le contraire mais jusqu’à present le faits m’ont invariablement donné tort sur ce point.

beo,

Vous écrivez :

Je ne suis pas spécialiste, mais j’affirme que c’est au pouvoir judiciaire de dire si une loi est respectée ou non. Dans une constitution sérieuse bien entendu.

Oui, mais uniquement au cas par cas, par rapport aux affaires qui lui sont soumises ; pas de manière générale en abrogeant une décision du gouvernement ou du parlement : c’est ce que j’ai dit, mais vous me citez en partie seulement et du coup vous changez le sens de mon affirmation.

Le pouvoir judiciaire ne doit pas s’immiscer dans les actes de gouvernement : ce serait contraire à la séparation des pouvoirs et à la démocratie. C’était d’ailleurs le système en vigueur avant la Révolution française, du temps des tribunaux de l’Ancien Régime (dits « parlements »), qui se mêlaient de tout avec les bons résultats qu’on connaît. JR

Collusions?

Je relaie ici une lettre de Marie B., lettre adressée à Là-bas si j’y suis ces derniers jours.

Y’aura-il encore des auditeurs à la rentrée ?

Par Marie B.

C’est la question qui hante France inter. Suite à l’éviction de Didier Porte et de Stéphane Guillon, on ne compte plus les milliers de messages d’auditeurs qui continuent d’arriver pour dire leur colère et jurer qu’ils n’écouteront plus jamais cette radio.

Mais que fait la direction devant cette hémorragie sans précédent ?
Seul, barricadé dans son bureau, le directeur se frotte les mains. Oui, il est ravi, il se sourit à lui-même, tout fier de la mission accomplie. Une mission très claire : faire fuir le plus d’auditeurs possible.

La mise à pied brutale des deux humoristes n’est pas une gaffe stupide, c’est l’exécution d’une feuille de route bien précise. Aux yeux du pouvoir actuel, France inter est un repère de bobos socialistes et d’islamo- gauchiste, c’est surtout et avant tout un bastion de l’anti sarkozysme.

Or, à l’approche des présidentielles, pas question de négliger le moindre détail. Il faut restructurer cette antenne « de façon plus objective » selon l’Elysée.
Conseillé par sa compagne Carla Bruni, le Président lui-même a esquissé une nouvelle grille : Jean-Marie Bigard pour la matinale, Serge Dassault pour les banlieues, Alain Finkielkraut et Michel Sardou pour les grandes idées, Etienne Mougeotte pour le rire, Liliane Bettencourt pour parler d’amour…

Un bien beau projet mais de longue haleine. Le temps pressait, et - on l’a vu - les auditeurs n’apprécient guère que l’on change leurs habitudes.

Donc une autre idée s’est imposée. Pour lutter contre la propagande socialo-communiste, le moyen le plus efficace c’est de faire baisser l’audience. Mais encore fallait-il trouver celui qui l’appliquerait. Prendre une entreprise en bonne santé et la conduire dans le mur n’est pas à la portée du premier venu. Sauf à trouver quelqu’un de suffisamment incompétent et qui serait prêt à tout pour se voir dans le miroir du pouvoir. C’est ainsi que s’imposa le nom de Philippe Val. C’est, dit-on, Carla Bruni en personne qui suggéra le patron de Charlie hebdo, célèbre pour n’avoir pas hésité en juin 2008 à faire accuser d’antisémitisme le vieux dessinateur Siné dont il voulait se débarrasser. Le tribunal reconnut la complète innocence de Siné et les lecteurs laissèrent tomber ce journal comme un fruit pourri.

Coup double pour Val qui, en un temps record, réussit à perdre à la fois un procès et un journal. Cette prouesse allait lui ouvrir les portes de France Inter. C’est Carla qui lui annonça la bonne nouvelle.

Pour masquer sa parfaite ignorance de la radio, il eut l’idée de faire appel à son vieil ami Jean-Luc Hees, ancien grand professionnel de la profession retiré dans le bocage normand à cultiver ses tomates, ses choux et son cheval. Contre un bon salaire et une belle auto (avec chauffeur), Hees accepta le job de Président que lui offrit Nicolas Sarkozy, sur lequel il avait écrit un livre passé inaperçu. Etait-il à jeun en signant son engagement ? On l’ignore. Le lendemain, une fois dissipées les brumes matinales, il s’aperçut qu’il n’y avait pas de marche arrière ni même de frein dans son contrat. Et il comprit que jusqu’à la fin du film, il porterait le chapeau avec écrit en gros « Sarkozy » dessus. Oui, jusque dans son cercueil, sur son chapeau de cow-boy il y aurait, indélébiles, les sept lettres « Sarkozy ».

L’ordre d’éliminer les auditeurs ne fut jamais formulé par le pouvoir. On savait que ces deux-là ne manqueraient pas la première occasion pour combler les attentes de l’actionnaire-Président. On reconnaît les grands professionnels à ce qu’il n’est plus nécessaire de leur donner des ordres. Une petite tape sur le derrière de temps en temps leur suffit, ou une décoration.

En juin 2010, la façon de congédier les deux humoristes les plus populaires du pays et qui assuraient une excellente audience a surpassé toutes les attentes : la brutalité, la mauvaise foi, l’arrogance. Tous les ingrédients pour enrager l’auditeur et le faire fuir vers d’autres radios, Europe 1 par exemple, la radio de l’ami Lagardère.

« Barrez-vous, tas de cons ! Barrez-vous ! » répétait tout seul le directeur enfermé dans son bureau en voyant sur l’écran le nombre de messages et de signatures au bas des pétitions. Certes, pensait-il, il reste des émissions auxquelles les auditeurs sont attachés. Il faudra les déplacer à des horaires confidentiels, les gommer de la une du site de la chaîne, leur refuser toute promotion… Et puis, après tout, pourquoi France inter échapperait au sort de tous les Services Publics ? Nous sommes dans une époque de rigueur et de réduction des coûts. Il y a là des économies à faire et des bouches à faire taire.

Mais voilà qu’il est interrompu par la rumeur d’une manif sous ses fenêtres. Entre les lamelles du store il aperçoit sur le parking de la maison de la radio, la foule des auditeurs venus protester contre la mise à pied des deux chroniqueurs à l’appel de l’intersyndicale. Il les entend faire rire la foule en promettant du goudron et des plumes pour la direction, c’est-à-dire lui-même ! Et là, seul dans son bureau, il glousse de plaisir. Se faire haïr par une foule d’imbéciles est une rare jouissance pour un esthète.

Il sent son portable vibrer dans sa poche. C’est un message de félicitation, signé Nicolas. Il pense que c’est son ami Nicolas Demorand, l’animateur vedette de la chaîne, qui le félicite d’avoir viré Didier Porte. On se souvient en effet comment Demorand, sur Canal+, le 5 juin, avait condamné Didier Porte et approuvé son renvoi.

Mais non, le message est signé « Nicolas S. »

S. comme … heu…

Le directeur ressent comme une bouffée de chaleur, il lui semble même éprouver une légère érection.

Malgré le tremblement de sa main, il parvient enfin à lire le message :

« Cass’toi pauv’con ! t’ es viré ! »

Marie B.

3 Juillet 2010

Une conférence sur les médias :

Au début l’animateur évoque le site en disant : « tout le monde se souvient du blog d’Etienne Chouard » :wink:

http://www.dailymotion.com/video/xeu9fw_la-bataille-des-meydias-ruffin-et-m_news

Arnaud Montebourg condamne publiquement [bgcolor=#FFFF99]la toxicité de TF1 dans la « démocratie » française[/bgcolor] :

D’abord, en vidéo : Quand Arnaud Montebourg attaque TF1 et refuse de présenter ses excuses ! - Purepeople
(10 oct. 2010 : attention, la vidéo d’origine, celle qui a fait scandale, semble devenue difficile à trouver. Le lien ci-dessus pointe désormais vers une bande-annonce assez différente de la vidéo originale.
Voici un autre lien où l’on peut encore voir le premier entretien : Montebourg-TF1, chronologie d’un clash médiatique. ÉC)
:

Puis, par courrier :
http://www.arnaudmontebourg.fr/images/courrier-montebourg-paolini.pdf

Monsieur le Président Directeur Général,

J’accuse volontiers réception de votre lettre reçue au Conseil général de Saône-et-Loire, le 20 septembre dernier, dans laquelle vous qualifiez “d’inadmissibles” les propos que j’ai pu tenir devant la caméra de Monsieur Pierre Carles, dans son film intitulé “Fin de concession”.

Comme vous le savez, [bgcolor=#FFFF99]la chaîne que vous dirigez utilise à des fins commerciales le domaine public hertzien, propriété publique appartenant à la Nation toute entière, et dont la chaîne TF1 et ses actionnaires ne sont, aux termes de la loi, que les utilisateurs à titre précaire et les dépositaires fragiles et éphémères. Le regard libre et sans concession d’un représentant de la Nation sur le comportement d’une chaîne qui fait un usage contestable de ce bien public national, relève de ses devoirs politiques et moraux élémentaires.[/bgcolor]

La chaîne TF1 n’a donc pas d’autre choix que d’accepter, quoi qu’il lui en coûte, toute critique publique de ses agissements, puisque la télévision reste un bien collectif appartenant à tous les Français même si celle-ci s’exerce dans la forme de l’entreprise privée que vous présidez.

Est-il nécessaire de rappeler que l’actionnaire majoritaire et opérateur de la chaîne TF1, la Société Anonyme Bouygues, exploite une activité quasi-exclusive de construction de bâtiments et de travaux publics, à travers des marchés publics, dans lesquels le pouvoir d’Etat et la diplomatie nationale disposent d’une influence avérée.

Les rapports de proximité politique entre les orientations éditoriales de TF1 et le pouvoir actuel posent le problème dans une démocratie comme la nôtre, du respect du pluralisme et de la séparation des intérêts publics et privés, et les échanges de services et de bons procédés entre eux.

TF1 dispose à ce sujet, en quelque sorte d’un long casier judiciaire, constitué de rappels à l’ordre et d’amendes pour violation des règles du pluralisme politique. Dernièrement, vous avez cru devoir donner la parole pendant plus de 2 heures au Président de la République, chef du parti majoritaire, à une heure de grande écoute, tout en ne permettant à la principale dirigeante de l’opposition de ne répliquer que pendant 4 minutes. Dernièrement encore, selon le Conseil Supérieur de l’Audiovisuel, au premier trimestre 2010, en cumulant TF1 et LCI, votre chaîne d’information, vous avez offert 32 heures de temps de parole au Président de la République, au Gouvernement et à l’UMP, contre 8 heures à des membres de l’opposition. Il y a quelques temps déjà, Monsieur François Bayrou, lui-même, avait dénoncé au mois de janvier 2007, votre arrogance et votre mépris du pluralisme en ces termes : “Vous n’êtes pas les patrons de la France. Nous ne cèderons pas à votre matraquage.”

La grossièreté des violations, la lourdeur des sanctions et la répétition des infractions depuis 15 ans, m’amènent à considérer que le comportement de la chaîne TF1 que vous présidez relève du piétinement systématique de nos lois et règlements. A mes yeux, j’ajouterai que les journalistes de TF1, dont le professionnalisme est connu et louable, n’ont pas la responsabilité qui est la vôtre dans cet état de fait condamnable.

[bgcolor=#FFFF99]Malgré ces comportements blâmables, TF1 a néanmoins obtenu des gouvernements et des majorités parlementaires qui se sont succédés, de nombreux privilèges et avantages indus : assouplissement du dispositif anticoncentration, renouvellement automatique de la concession sans mise en concurrence, droit à une deuxième coupure publicitaire dans les oeuvres de fiction, introduction forcée sur la Télévision Numérique Terrestre qui a provoqué des réactions extrêmement vives de vos concurrents, et allègement substantiel et régulier des obligations contenues dans votre cahier des charges. Au point qu’il me paraît possible de faire observer que sur un bien pourtant public, TF1 exerce désormais un monopole privé, profitable et incontrôlable avec la complicité de l’Etat.[/bgcolor]

Puisque vous employez dans votre lettre le vocable “inadmissible” au sujet d’une phrase de ma part qui, semble-t-il, vous aurait froissé, ne pensez-vous pas que ce mot devrait plutôt s’adresser au comportement de l’entreprise que vous dirigez ?

Mais le plus grave n’est pas là. Sur le plan culturel, il faut rappeler les dégâts considérables que votre chaîne a provoqués sur la vision que les Français ont d’eux-mêmes et de notre société contemporaine. Je m’autoriserai à dire, comme il est légitime qu’un représentant de la Nation puisse le faire, que vous avez participé avec méthode et constance à l’appauvrissement de l’imaginaire collectif des Français.

Dans la semaine du 29 septembre au 5 octobre 2010, vous avez choisi de consacrer 41 heures 30 à des émissions liées à l’argent, soit des émissions de vente (télé shopping) ou à des jeux dont l’appât du gain est le moteur (“Une famille en or”, “Les douze coups de minuit”, “Koh Lanta”, “Secret Story”). Les relations entre les hommes ne relèvent pas que de l’argent et une société ne pourra jamais se résumer à celui-ci. Pourtant, sur TF1, l’argent est malheureusement partout.

Les émissions où vous mettez en scène de façon artificielle la compétition acharnée et destructrice de la dignité, entre des êtres humains -jusqu’à leur faire manger des vers de terre-, occupent cette semaine plus de 23 heures d’antenne (“Master Chief”, “Koh Lanta”). Pourtant, les relations entre les humains peuvent être coopératives et non pas forcément conflictuelles, comme vous en conviendrez.

Enfin, je suis surpris par la contribution malheureusement décisive que TF1 a apportée à l’élévation du niveau de violence dans les oeuvres de fiction diffusées. Le nombre de meurtres, de viols, et de violences physiques a acquis en 15 ans une importance démesurée dans les programmes de votre chaîne.

[bgcolor=#FFFF99]En somme, les valeurs dominantes que vous diffusez et transmettez dans la société française ne seraient-elles pas celles de l’argent et de la cupidité, de la compétition acharnée et du conflit, de la violence et du règlement de comptes ?[/bgcolor]

En 1987, la société Bouygues avait obtenu le droit de racheter TF1 en faisant valoir un prétendu “mieux disant culturel”. Votre illustre prédécesseur, Monsieur Patrick Le Lay, déclara presque 20 ans plus tard, “ce que nous vendons à Coca-Cola, c’est du temps de cerveau humain disponible”. Je me souviens que quelques jours après cette déclaration en forme d’aveu, la Société des Compositeurs et Auteurs déclarait : “Les propos tenus par le président de TF1 témoignent du niveau de dégradation que peut atteindre la télévision, le signe du cynisme, du mépris et de l’arrogance”.

Je brise là une énumération éprouvante, pour tous ceux qui ont une meilleure idée de ce que mérite la France. Mais vous conviendrez qu’il n’est pas illégitime de penser que votre chaîne porte une responsabilité considérable dans la dégradation à la fois du niveau du débat démocratique français, mais également de la représentation que les Français peuvent avoir d’eux-mêmes.

Puisque vous vous hasardiez dans votre lettre à évoquer la question des excuses, je me permets de vous dire avec une sincérité dont je ne voudrais pas abuser, que s’il est des excuses à présenter, je crois que c’est plutôt TF1 qui devrait les présenter à la France.

Je vous prie de croire, Monsieur le Président Directeur Général, en l’assurance de ma considération distinguée.

Arnaud MONTEBOURG

http://www.arnaudmontebourg.fr/images/courrier-montebourg-paolini.pdf


De temps en temps, un dirigeant du PS sert à quelque chose.

Je ne comprends cette histoire de concession. Est-il possible de dire demain à TF1 qu’ils n’auront pas le droit de diffuser ?

[bgcolor=#FFFF99][size=13][b]Lettre ouverte à Arnaud Montebourg[/b][/size][/bgcolor] 7 octobre 2010, par Marc Weinstein et Roger Evano http://www.mediapart.fr/club/blog/roger-evano/071010/lettre-ouverte-arnaud-montebourg

[bgcolor=#FFFF99]La France a besoin de medias vraiment publics. [/bgcolor]

Monsieur,

Vous avez récemment fustigé l’extrême partialité de la chaîne TF1 dans son traitement de l’information et la vulgarité obstinée de ses programmes de « divertissement » où s’étalent complaisamment les non-valeurs de l’argent-roi et de la violence. Nous partageons votre indignation devant ce qu’il faut bien appeler une entreprise cynique et cupide de décervelage et de dé-moralisation de notre pays.

Cependant, l’indignation vertueuse dans les paroles ne nous paraît pas suffisante, surtout de la part d’un responsable politique. Toute parole indignée fait signe vers la positivité d’un acte destiné à mettre fin à la cause de l’indignation. C’est cet acte que nous appelons de nos voeux à présent. De toute évidence, la cause de la bassesse actuelle de TF1 est sa privatisation dans les années 1990, qui a livré la chaîne aux purs intérêts de l’argent-roi. Il faut donc en finir avec le statut privé de TF1. Un média, organisme qui a pour essence et vocation de s’adresser au public, doit appartenir au public.

Encore faut-il ne pas confondre « public » et « Etat ».

[bgcolor=#FFFF99]Nous vous demandons, ainsi qu’à tous les démocrates de vous engager publiquement, en cas de retour au pouvoir, à déprivatiser TF1 et les autres chaînes de l’argent-roi et à les rendre au public. Cela ne signifie pas que ces chaînes doivent retourner dans le giron étatique. La privatisation privée et la privatisation étatique sont deux manières de priver les citoyens de la possibilité de créer des institutions autonomes et démocratiques. Il faut inventer un statut nouveau, moderne, autonome et démocratique pour les organismes publics. Cela suppose que lesdits organismes soient dirigés collégialement par des représentants du public (nous les auditeurs et spectateurs) et par des représentants des personnels (techniciens, journalistes, artistes, animateurs). Alors sera assurée l’indépendance des médias publics.[/bgcolor]

Cette future indépendance est la garantie que les médias publics pourront mener une politique d’information pluraliste et contradictoire et viser une élévation générale de la qualité culturelle de leurs programmes. Tout cela à l’abri des pressions des Etats-gouvernements et des intérêts financiers privés.

Nous sommes prêts à soutenir toute initiative qui irait dans ce sens

Marc Weinstein Professeur à l’université de Provence
Roger Evano Ebéniste retraité


Ceux qui sont d’accord avec cette lettre peuvent l’envoyer en leur nom à Mr Montebourg et la faire circuler.

amontebourg@assemblee-nationale.fr

Pour lire la lettre d’Arnaud Montebourg à Nonce Paolini: http://www.arnaudmontebourg.fr/ma-reponse-a-nonce-paolini-pdg-de-tf1/


Source : Lettre ouverte à Arnaud Montebourg | Le Club

Médias et tirage au sort
J’ai peine avec ce discours. Que TF1 soit une télé poubelle, soit, mais lui retirer sa concession (@Sandy, les ondes radio tv appartiennent à l’état qui autorise tel ou tel à les utiliser via des concessions de durée limitée) alors même qu’elle est la première chaîne française et européenne en termes d’audimat mènerait à la confusion. En gros, « vous êtes trop cons pour comprendre que ces émissions vous sont néfastes alors on va vous en priver contre votre gré ».
Si pour lutter contre une dictature il faut avoir recours à une autre…
Maintenant, veiller à ce que le cahier des charges soit respecté avec fortes amendes dans le cas contraire pourrait constituer une première réponse. Resterait à définir ce cahier des charges, ce qu’une assemblée citoyenne tirée au sort serait légitime d’assumer.
Ce débat citoyen devrait commencer alors par déterminer si oui ou non télévision et médias sont un pouvoir à part entière, débat qui devrait naturellement mener à une constitution particulièrement attentive à la séparation de tous ces pouvoirs.
En fait, s’intéresser à la télévision devrait être très mobilisateur, tant elle concerne tout le monde ou presque; au point que la question des médias pourrait ainsi devenir le point de départ de la refonte de notre démocratie.

Maintenant, veiller à ce que le cahier des charges soit respecté.
Ou alors, prendre l'ex directeur au mot ("[i]proposer du temps de cerveau disponible pour Coca-Cola[/i]") et lui couper l'herbe sous les pieds, et tout en lui autorisant à proposer les émissions actuelles, réduire la place de la publicité (interdiction de coupure publicitaire au milieu des émissions....)

L’audimat est « démocratique » comme le tirage au sort…je fais cette provocation car je crois bien qu’elle est utile: le tyran parfait pourra lire dans nos soifs de fantasmes, et nous satisfaire, ensuite nous lui obéirons en animaux démocratiques statistiquement comblés.

Ne faudrait-il pas mettre la maîtrise de la chaîne entre les mains des associations , culturelles et autres, y compris celles qui peuvent représenter les personnels (« attachés à leur chaîne », bien sûr…;)) et effectivement, , confronter à ces organisations un jury tiré au sort, lequel n’apprendra rien de plus à ses interlocuteurs que l’audimat, mais peut-être, par contre, en apprendra-t-il des choses utiles pour l’édification du sens critique populaire…Notament: « d’où viennent les pressions dominantes »?

Cher(e)s SMG*,

Mardi prochain, on sort une nouvelle surprise : un COFFRET DVD DE 2 FILMS DE RAOUL SANGLA sur une histoire de la télévision française de ses débuts jusqu’à la grève de mai 68 à l’ORTF. Vous pouvez déjà vous le procurer sur notre Officine avant tout le monde.

Compagnon de route, Raoul Sangla a participé à l’aventure Zalea TV, mais son expérience de réalisateur remonte aux débuts de l’ORTF qu’il a secoué dans tous les sens avec notamment la célèbre émission Discorama, présentée par Denise Glaser, dont il dévoilera souvent le décor jusqu’à hériter du titre de « l’homme des échelles ». A force de dé-sacraliser la télévision de ses facéties filmiques, Raoul Sangla obtiendra aussi le titre du réalisateur le plus « remercié » de l’histoire de la télévision.

N’ayant rien perdu de sa verve, Raoul Sangla est retourné voir d’autres « anciens », ceux qui ont inventé la télévision française, puis ceux qui ont participé à la grève de l’ORTF en Mai 68. On a eu envie de vous faire partager ces récits et cette réflexion sur la télévision à travers ce coffret “collector”.

Dans le premier DVD, DES INVENTEURS DE LA RTF (une production Les Mutins de Pangée - 2006), Raoul Sangla récolte les témoignages exceptionnels des pionniers, inventeurs de la caméra portable, du direct, du documentaire-fiction, du reportage télévisuel, des feuilletons … Au-delà des prouesses techniques de l’époque, on découvre aussi comment la télévision pouvait être un formidable laboratoire de création et d’éducation populaire grâce aux histoires racontées par ceux dont les noms et les réalisations résonnent encore comme des souvenirs d’enfance ou de jeunesse (selon nos âges) : Marcel Bluwal, Alexandre Tarta, Jean-Noël Roy, Jean-Marie Drot et les regrettes Jac! ques Krier et Jean-Claude Bringuier, tous deux disparus récemment. En savoir plus.

Le deuxième DVD, DU JOLI MAI 68 A l’ORTF (une production Label video - 2008), revient en détail sur l’histoire de la lutte contre la censure d’Etat en Mai 68 à la télévision française, aventure qui ne fut, étonnamment, jamais racontée jusque-là. En savoir plus.

Au fil du récit poétique de Raoul Sangla, ces documents constituent des témoignages exceptionnels sur les premières années (quasiment oubliées) de l’histoire de la télévision… Histoire qui a basculé juste après les évènements de Mai 68, comme un retour de bâton, lorsque la publicité a fait son entrée pour formater peu à peu les esprits à travers le poste de télévision, “sorte d’alambic du consensus” comme dit Raoul Sangla, pour fabriquer du “temps de cerveau disponible” comme dit le moins poète Patrick Lelay, ex-patron de TF1.

Dans chacun de ces deux DVD Raoul Sangla propose aussi des exercices de style et autres “sanglades en sus”, petits films de réflexion sur l’image et sur la manière de filmer et de toujours s’interroger sur le pouvoir de la caméra.

Un dernier mot, pour vous faire remarquer qu’on est très fiers de la jaquette et du livret, confectionnés par le génial graphiste Gérard Paris-Clavel, fauteur de troubles visuels depuis Mai 68 (l’auteur notamment de “Joyeux bordel”, “Rêve générale” et “Je lutte des classes” qu’on voit partout dans les manifs !) et maintenant pilier du collectif Ne Pas Plier.

Bon… si tout ça vous donne envie de vous procurer ce DVD (et par la même occasion soutenir notre coopérative), vous pouvez bien sûr le commander sur notre Officine.

Plus de détails, extraits vidéos, revue de presse, etc… sur le site dédié www.utopierevolte.org.

Chaleureusement.

Les Mutins de Pangée
contact@lesmutins.org

*SOUSCRIPTEURS MODESTES ET GÉNÉREUX (en achetant nos DVD et autres objets sur notre officine, vous soutenez la coopérative Les Mutins de Pangée)

Extrait d’une intervention lors d’un débat sur la liberté d’expression à Istanbul, 20 octobre 2010.

France is much worse. It has laws on the books that effectively grant the state the right to determine Historical Truth and to punish deviation from it, laws that Stalin and Goebbels would have admired. These laws are used regularly though selectively. Primarily they are used, with much cynical posturing, to punish questioning of the Nazi Holocaust. The term “cynical” is entirely appropriate. Right at the same time the intellectual classes remain silent about France’s own participation in monstrous slaughters, which we would certainly call genocide if perpetrated by enemies. We are, in fact, witnessing the cynicism right at this moment. Far worse than denying the Holocaust would be punishing the victims, exactly what France is now doing, by illegally expelling Roma — Gypsies — to misery in Romania. They too were victims of the Holocaust, much in the manner of Jews. This too passes without comment.

Noam Chomsky et l’holocauste en France

Les intellectuels sont particulièrement susceptibles d’exagérations idéologiques, c’est leur déformation professionnelle. Sartre en était un bon exemple, Noam Chomsky en est un autre.

Noam Chomsky semble ignorer - et pourtant je crois qu’il connaît le français - qu’on a beaucoup écrit en français sur l’holocauste en France et la complicité des autorités françaises de l’époque (voir google). Il passe aussi sous silence le fait que l’État français a officiellement reconnu en 1995 par la voix de Jacques Chirac, alors président de la République, la responsabilité générale de la France en relation avec les actes connexes commis par le régime de Vichy (tout récemment, en 2009, le Conseil d’État a spécifiquement reconnu la responsabilité de l’État en rapport avec les opérations de déportation des Juifs de France). J’aimerais bien qu’on nous dise quels autres États, à part l’Allemagne, ont eu le courage de reconnaître officiellement au nom de leur peuple des vérités et des responsabilités analogues : très peu sans doute.

Pour ce qui est du révisionnisme, toutefois, je suis de l’avis (si c’est bien son avis) de Noam Chomsky : la loi pénale qui condamne des gens parce qu’ils affirment publiquement le contraire d’une vérité historique officielle est inique et dangereuse. Chacun devrait avoir le droit de dire publiquement ce qu’il veut, quitte à subir la correction publique de ses erreurs, et à cet égard la loi pénale devrait se contenter de sanctionner la diffamation et les appels à commettre des infractions (incitation au meurtre, etc.) - comme c’est le cas aux ÉUA, qui nous donnent pour une fois un exemple à suivre.

Quant au lien établi par Chomsky entre l’holocauste et le prétendu « châtiment imposé à ses victimes roms ou gitanes » par l’actuel gouvernement français, il est totalement artificiel et ne constitue rien moins qu’un recours au sentimentalisme indigne d’un philosophe : si vraiment les expulsions de Roms et de gitans sont illégitimes, les expulsions d’Africains noirs ou arabes dans les mêmes conditions le seraient tout autant, même s’ils n’ont pas été victimes de l’holocauste.

Noam Chomsky devrait relire ses manuels de logique.

Pour la traduction du texte de Noam Chomsky cité en anglais par Déhel, on peut utiliser http://translate.google.com/# (copier-coller le texte anglais). JR

Bonjour Déhél.

J’ai traduit le texte de Noam Chomsky

La France est bien pire. Elle a légiféré sur la nature des publications, ce qui pour effet d’accorder à l’État le droit de déterminer la vérité historique et de punir tout écart par rapport à cette vérité d’État, des lois que Staline et Goebbels auraient admiré. Ces lois sont régulièrement utilisées mais de manière sélective. Elles sont utilisés principalement, de manière très cynique, pour punir le questionnement et la recherche sur l’Holocauste nazi. Le terme « cynique » est tout à fait approprié. En même temps les intellectuels gardent le silence sur les participations propres à la France dans des massacres monstrueux, qui auraient été certainement appelés génocides, si ils avaient été perpétrés par des ennemis de la France. Nous sommes, en effet, témoins de l’application cynique du droit en ce moment. Bien pire que de nier l’Holocauste serait de punir les victimes, et c’est exactement ce que la France est en train de faire, par l’expulsion illégale des Roms - Tsiganes - vers la misère roumaine. Les Roms ont été aussi victimes de l’Holocauste, d’une manière qui ressemble beaucoup à celle des Juifs. Ceci se passe sans trop de commentaires.

[color=darkgreen]Mon commentaire : Les lois sur la vérité historique sont devenues à la longue responsables d’effets pervers, même si l’intention était bonne au départ. Sétif 1945, Madagascar 1947 sont des massacres honteux et j’en oublie comme ceux de l’indépendance du Cameroun commis par des français. Et c’est vrai que l’on en parle pas beaucoup. C’est moche l’expulsion des Roms, mais je me demande quels emplois ces personnes auraient pu occuper, vu que la plupart ne parlent pas français. L’argent donné par les pays d’Europe par le truchement de la Commission Européenne à la Roumanie pour l’intégration des Roms en Roumanie a été dépensé pour d’autres motifs que le motif initial. On ne peut donc pas charger le gouvernement français à 100 % dans cette histoire. Par contre la mondialisation et le libre-échange sont responsables de bien des drames de licenciement, de chômage, de migrations, de perte de souveraineté face aux entreprises qui menacent de délocaliser.

Dani Rodrik est un professeur d’économie à Harvard, très orienté sur les problématiques de développement macroéconomique. Il a fait apparaître le triangle d’incompatibilité suivant : on ne peut pas avoir à la fois la démocratie, la souveraineté nationale et accepter la mondialisation.[/color]

En anglais version originale ici …

Version française traduite par le blogueur Edgar

Cela sera tout pour cette fois-ci, j’utilise trop Internet, je vais reprendre une activité normale.

Démocratie/souveraineté nationale/mondialisation

Si, comme c’est apparemment le cas de Dani Rodrik, on entend par « souveraineté nationale » la possibilité pour chaque nation de faire tout ce qu’elle veut sans se soucier de ce que font les autres nations et de ce qui se passe ailleurs dans le monde, il y a belle lurette que cette « souveraineté nationale » est incompatible avec la mondialisation.

Il serait hypocrite de ne pas reconnaître que le processus de mondialisation a pour condition et conséquence inéluctables la création d’une nation supérieure qui se substitue plus ou moins rapidement, en dépit de toutes les dénégations, aux États-nations actuels. Ce processus n’a rien de nouveau ni de scandaleux : ou alors soyons honnêtes et demandons-nous pourquoi les régions, les départements et les communes ne sont pas « souverains ».

Par contre, la démocratie est parfaitement compatible avec la mondialisation dans la mesure où les peuples, agissant directement ou par leurs représentants librement choisis (c’est-à-dire élus, pas nommés par le dictateur ou tirés au sort !) délèguent expressément l’exercice de leurs pouvoirs souverains à des organismes internationaux tels que l’ONU (maintien et rétablissement de la paix), le Conseil de l’Europe (protection des droits fondamentaux), et bien sûr l’Union européenne (large délégation dans tous les domaines). La thèse de Rodrik est à corriger sur ce point, sous réserve de vérifier ce qu’il a dit exactement (je ne l’ai pas fait). JR

[bgcolor=#FFFF99][b][size=15]L’art de la fuite.[/size] La philosophie politique de Julian Assange par lui-même.[/b][/bgcolor] http://www.contretemps.eu/print/930

À titre de document et de contribution au débat, Contretemps publie un texte écrit par Julien Assange en 2006, au moment de la fondation de Wikileaks. Ce texte théorique éclaire rétrospectivement sa visée stratégique. Contrairement à ce qu’une lecture hâtive peut laisser penser, ce qui est proposé ici n’est pas tant une théorie du complot - du moins pas sous la forme classique de la dénonciation paranoïaque - qu’un usage heuristique du modèle organisationnel de la conspiration : un réseau de pouvoir dont on peut tracer la carte. [bgcolor=#FFFF99]Assange est un hacker. S’il modélise la structure d’un pouvoir, c’est pour en découvrir les failles. Son but n’est pas de crier à la conspiration, mais de trouver les instruments à même de rendre tout « pouvoir conspiratif » - c’est-à-dire toute gouvernance autoritaire fondée sur le secret partagé - impossible.[/bgcolor] Que faire pour qu’un pouvoir de ce type ne puisse plus exister ? Ce moyen, ce contre-dispositif, il l’entrevoit dans ces lignes. Ce sera l’organisation de « fuites » massives, ceci dans une stratégie de désorganisation et d’affaiblissement cognitif des régimes de gouvernance autoritaire. Par l’organisation de fuites de masse, produire des effets structurels sur ces régimes, alors supposés être contraints, par pression adaptative, par modification de leur environnement informationnel, de se réformer ou de s’écrouler.

Préambule : Des effets non-linéaires des fuites sur les systèmes de gouvernance injustes.

Il se peut que vous lisiez La route d’Hanoï ou La conspiration comme mode de gouvernance, un texte d’orientation obscur, à peu près inutile tiré de son contexte, et peut-être même dès le départ. Mais si vous pensez, en lisant ce document, à la façon dont différentes structures de pouvoir peuvent être diversement affectées par des fuites (la défection de l’intérieur vers l’extérieur), les motivations vous apparaîtront peut-être plus clairement.

[bgcolor=#FFFF99]Plus une organisation est secrète ou injuste, plus des fuites vont entraîner de la peur et de la paranoïa dans son leadership et dans la coterie qui le dirige. Il en résultera immanquablement un affaiblissement de ses mécanismes efficaces de communication interne (un alourdissement de la « taxe du secret » cognitive) et une détérioration cognitive systémique entraînant pour cette organisation une capacité moindre à conserver le pouvoir dans un contexte où l’environnement exige son adaptation.[/bgcolor]

Ainsi, dans un monde où les fuites deviennent faciles, les systèmes secrets ou injustes sont touchés de façon non-linéaire par rapport à des systèmes justes et ouverts. Puisque des systèmes injustes engendrent par nature des opposants, et qu’ils ont bien du mal à garder la haute main sur un grand nombre de domaines, les fuites de masse les rendent délicieusement vulnérables à ceux qui cherchent à les remplacer par des formes plus ouvertes de gouvernance.

L’injustice ne peut trouver de réponse que lorsqu’elle est révélée, car, pour que l’homme puisse agir intelligemment, il lui faut savoir ce qui se passe réellement.

La conspiration comme mode de gouvernance.

« Conspiration, conspirer : faire de façon concertée des plans secrets pour commettre un acte nuisible; travailler ensemble à produire un résultat, généralement au détriment de quelqu’un. Origine : moyen Anglais tardif, de l’ancien Français conspirer, du latin conspirare, s’accorder, intriguer, de con-, ensemble, et de spirare, respirer. »

« Le meilleur parti n’est rien qu’une forme de conspiration contre le reste de la nation. » (Lord Halifax)

« La sécurité cède le pas à la conspiration ». (Jules César, acte 2, sc. 3. Message du devin, mais César est trop occupé pour y prêter attention)

Introduction.

Pour changer radicalement le comportement d’un régime, nous devons penser clairement et courageusement car, si nous avons appris quelque chose, c’est que les régimes ne veulent pas être changés. Il nous faut penser plus loin que ceux qui nous ont précédés et être capables de découvrir les mutations technologiques susceptibles nous doter de moyens d’action dont nos prédécesseurs ne disposaient pas. Nous devons comprendre quelle structure-clé engendre la mauvaise gouvernance [1]. Nous devons développer une conception de cette structure qui soit suffisamment forte pour nous sortir du bourbier des morales politiques rivales et pour accéder à une position de clarté. Plus important encore, nous devons nous servir de ces vues pour inspirer, en nous et en d’autres, un plan d’action noble et efficace qui nous permette de remplacer les structures qui conduisent à la mauvaise gouvernance par quelque chose de mieux.

La conspiration comme mode de gouvernance dans les régimes autoritaires.

[bgcolor=#FFFF99]Lorsque l’on se penche sur les détails du fonctionnement interne des régimes autoritaires, on observe des interactions de type conspiratif au sein l’élite politique, non seulement afin d’obtenir de l’avancement ou les faveurs du régime, mais aussi en tant que principale méthode pour planifier le maintien ou le renforcement du pouvoir autoritaire. Les régimes autoritaires, en ce qu’ils contrecarrent dans le peuple la volonté de vérité, d’amour et de réalisation de soi, engendrent des forces qui leur résistent. Une fois révélés, les plans qui sous-tendent l’action d’un régime autoritaire provoquent une résistance accrue. Les pouvoirs autoritaires victorieux sont par conséquent ceux qui parviennent à dissimuler leurs plans jusqu’à ce que toute résistance soit devenue futile ou dépassée face à l’efficacité sans fard d’un pouvoir nu. Cette pratique du secret collaboratif, exercée au détriment d’une population, suffit pour qualifier leur comportement de conspiratif.[/bgcolor]

« Même chose arrive dans les affaires d’Etat : en les prévoyant de loin, ce qui n’appartient qu’à un homme habile, les maux qui pourraient en provenir se guérissent tôt; mais quand pour ne les avoir pas prévus, on les laisse croître au point que tout le monde les aperçoit, il n’y a plus de remède. ». (Nicolas Machiavel, Le Prince)

Les conspirations terroristes comme graphes connexes.

Avant et après les attentats du 11 septembre, le « Maryland Procurement Office »[2], entre autres, a financé les recherches de mathématiciens visant à étudier les conspirations terroristes comme des graphes connexes (précisons qu’aucune connaissance en mathématiques n’est requise pour suivre la suite cet article). Nous élargissons cette façon de concevoir les organisations terroristes et nous l’appliquons à des organisations telles que celle qui a financé la recherche en question. Nous l’utilisons comme un scalpel pour disséquer les conspirations qui permettent à des structures de pouvoir autoritaires de se maintenir.

[bgcolor=#FFFF99]Nous allons nous servir du modèle des graphes connexes afin d’appliquer nos facultés de raisonnement spatial aux rapports politiques. Ces graphes sont très faciles à visualiser. Prenez d’abord quelques clous (les « conspirateurs ») et enfoncez-les au hasard dans une planche. Ensuite, prenez de la ficelle (la « communication ») et reliez les clous entre eux, en boucle, de façon continue. Le fil qui relie deux clous s’appellera un lien. Un fil continu signifie qu’il est possible de passer de n’importe quel clou à n’importe quel autre via le fil et des clous intermédiaires. Les mathématiciens disent que ce type de graphe est connexe. L’information circule de conspirateur à conspirateur. Tout conspirateur ne connaît pas tous les autres, ni ne fait confiance à tous, même si tous sont connectés. Certains sont en marge de la conspiration, d’autres sont au centre et communiquent avec un grand nombre de conspirateurs, d’autres encore ne connaissent peut-être que deux conspirateurs mais constituent un véritable pont entre des sections ou des groupes majeurs de la conspiration.[/bgcolor]

Scinder une conspiration.

Si tous les conspirateurs sont assassinés ou si tous les liens entre eux sont détruits, alors la conspiration n’existe plus. Cela exige ordinairement plus de ressources que nous n’en pouvons déployer, d’où notre première question : quel est le nombre minimum de liens qui doivent être sectionnés afin de scinder la conspiration en deux groupes égaux ? (Diviser pour mieux régner). La réponse dépend de la structure de la conspiration. Parfois, il n’existe pas de canaux de communication alternatifs pour que l’information conspirative puisse continuer à circuler entre les différents conspirateurs, parfois il en existe de nombreux. Il s’agit là d’une caractéristique utile et intéressante pour une conspiration. Il peut par exemple être possible de diviser une conspiration en assassinant un conspirateur faisant office de « pont ». Mais notre propos est de dire quelque chose qui vaille en général pour toutes les conspirations.

Certains conspirateurs dansent plus serré que d’autres.

Les conspirateurs font souvent preuve de perspicacité : certains se font confiance et dépendent les uns des autres, tandis que d’autres parlent peu. Les informations importantes circulent souvent via certains liens déterminés, et les informations triviales à travers d’autres. Nous étendons donc notre modèle de graphe connexe simple afin d’y inclure non seulement des liens, mais aussi leur « importance ».

Mais revenons à notre analogie du tableau et des clous. Imaginez une grosse corde entre certains clous et un fil très fin entre d’autres. L’importance, l’épaisseur ou la lourdeur d’un lien, s’appellera son poids. Entre des conspirateurs qui ne communiquent jamais, le poids est égal à zéro. L’ « importance » de la communication qui transite par un lien est difficile à évaluer a priori, puisque sa valeur réelle dépend de l’issue de la conspiration. Nous disons simplement que « l’importance » de la communication détermine à l’évidence le poids d’un lien, que le poids d’un lien est proportionnel à la quantité de communications importantes qui y transitent. S’interroger sur les conspirations en général ne nécessite pas de connaître le poids de chaque lien, sachant celui-ci change d’une conspiration à l’autre.

Les conspirations sont des dispositifs cognitifs. Leur capacité de pensée excède celle du même groupe d’individus agissant seuls.

Les conspirations recueillent des informations au sujet du monde dans lequel elles opèrent (l’environnement conspiratif), les transmettent aux conspirateurs, et agissent ensuite en conséquence. Nous pouvons considérer les conspirations comme un type de dispositif ayant des inputs (les informations au sujet de l’environnement), un réseau computationnel (les conspirateurs et les liens qui les relient les uns aux autres) et des outputs (les actions visant à modifier ou à conserver l’environnement).

Tromper les conspirations.

Puisqu’une conspiration est un type de dispositif cognitif agissant sur la base d’informations obtenues dans son environnement, [bgcolor=#FFFF99]la distorsion ou la restriction de ces intrants peut rendre « déplacées » les actions qui en découlent. Les programmeurs appellent ça l’effet « déchets à l’entrée, déchets à la sortie » (« garbage in, garbage out »).[/bgcolor] D’habitude, l’effet joue en sens inverse puisque c’est la conspiration qui est l’agent de la tromperie et de la restriction de l’information. Aux États-Unis, l’aphorisme du programmeur est aussi parfois appelé [bgcolor=#FFFF99]« l’effet Fox News ».[/bgcolor]

Qu’est-ce que calcule une conspiration ? Elle calcule la prochaine action de la conspiration.

À présent, la question est la suivante : à quel point un tel dispositif est-il efficace ? Peut-on le comparer à lui-même à différents moments ? La conspiration se renforce-t-elle ou s’affaiblit-elle ? Une telle question implique de comparer deux valeurs dans le temps.

Peut-on trouver une valeur décrivant le pouvoir d’une conspiration ?

Nous pourrions compter le nombre de conspirateurs, mais cela ne tiendrait pas compte de la différence cruciale entre une conspiration et les individus qui la composent. En quoi différent-ils ? Dans une conspiration, les individus conspirent, alors qu’ils ne le font pas lorsqu’ils sont isolés. La différence apparaît si l’on fait la somme de toutes les communications importantes entre tous les conspirateurs, la somme de leurs poids. On appellera cela le « pouvoir conspiratif total ».

Le pouvoir conspiratif total.

Ce nombre est une abstraction. Le schéma des connexions au sein une conspiration est en général unique. Mais en considérant cette valeur, qui est indépendante de la disposition spécifique des connexions entre les conspirateurs, on peut dire quelque chose au sujet des conspirations en général.

Si le pouvoir conspiratif total est nul, il n’y a pas de conspiration.

Si le pouvoir conspiratif total est égal à zéro, alors il n’y a clairement aucun flux d’informations entre les conspirateurs et, partant, pas de conspiration. Un accroissement ou une diminution importante du pouvoir conspiratif total signifie presque toujours ce à quoi il faut s’attendre, à savoir une augmentation ou une diminution de la capacité de la conspiration à penser, agir et s’adapter.

Scinder les conspirations pondérées.

Nous revenons maintenant à notre idée précédente, sur la façon de scinder une conspiration en deux. Nous avions pensé pouvoir diviser une conspiration en deux groupes de même nombre en rompant les liens entre les conspirateurs. Nous voyons à présent apparaître une idée plus intéressante : [bgcolor=#FFFF99]fractionner en deux le pouvoir conspiratif total[/bgcolor]. Toute moitié détachée pouvant à son tour être considérée comme une conspiration en elle-même, nous pourrons continuer indéfiniment à la scinder sur le même mode.

Étrangler les conspirations pondérées.

Au lieu de couper les liens entre les conspirateurs afin de scinder une conspiration pondérée, nous pouvons obtenir un résultat similaire en étranglant la conspiration – par constriction, en réduisant le poids des liens lourds qui font le pont entre des régions dotées d’un égal pouvoir total de conspiration.

Attaques contre les capacités cognitives des conspirations.

[bgcolor=#FFFF99]Un homme enchaîné sait qu’il aurait dû agir plus tôt, car sa capacité à influer sur l’action de l’Etat touche à sa fin. Face à de puissantes actions conspiratrices, nous devons anticiper et nous attaquer au processus qui les sous-tend, puisque nous ne pouvons pas prendre pour cible ces actions en elles-mêmes. Nous pouvons duper ou aveugler une conspiration en distordant ou en restreignant les informations dont elle dispose. Nous pouvons réduire le pouvoir conspiratif total par des attaques non-structurées sur certains liens ou bien en procédant par étranglement et par scission. Une conspiration qui aurait été suffisamment attaquée de cette façon ne serait plus en mesure de comprendre son environnement ni de formuler un plan d’action cohérent. [/bgcolor]

Conspirations traditionnelles / conspirations modernes.

Les formes traditionnelles d’attaques contre les groupes de pouvoir conspiratif, telles que l’assassinat, sectionnent des liens qui ont un poids important. L’acte de l’assassinat - le ciblage d’individus visibles, est le résultat d’inclinations mentales forgées dans le cadre des sociétés sans écriture dans lesquelles notre espèce a évolué. L’essor révolutionnaire de l’alphabétisation et des communications a doté les conspirateurs de nouveaux moyens pour conspirer, leur permettant d’accroître la vitesse de précision de leurs interactions et, partant, la taille maximale qu’une conspiration peut atteindre avant de sombrer.

Les conspirateurs qui disposent de cette technologie sont en mesure de distancer les conspirateurs qui en sont dépourvus. Pour le même coût, ils sont en mesure d’atteindre un pouvoir conspiratif total plus élevé. C’est la raison pour laquelle ils adoptent ces technologies.

En se rappelant le mot de lord Halifax, on peut par exemple considérer deux groupes de pouvoir qui sont au coude à coude et qui sont largement conspiratifs : le parti démocrate et le parti républicain aux États-Unis. Que se passerait-il si l’un de ces partis abandonnait ses téléphones portables, ses fax et ses emails - sans parler des systèmes informatiques qui gèrent les souscripteurs, les donateurs, les budgets, les sondages, les centres d’appels et les campagnes de publipostage ? Il tomberait immédiatement dans une sorte de stupeur organisationnelle et l’autre l’emporterait.

Une conspiration autoritaire qui perd sa capacité de penser est impuissante à se préserver face aux adversaires qu’elle suscite.

Si l’on considère une conspiration autoritaire comme un tout, on voit un système d’organes en interaction, une bête avec des artères et des veines dont le sang peut être épaissi et ralenti jusqu’à ce qu’elle s’écroule, stupéfaite, incapable de comprendre et de contrôler de façon suffisante les forces qui peuplent son environnement.

Nous verrons plus tard comment les nouvelles technologies et l’analyse des motivations psychologiques des conspirateurs peuvent nous fournir [bgcolor=#FFFF99]des méthodes pratiques permettant de stopper ou de réduire les flux de communications importantes entre les conspirateurs autoritaires, de fomenter un fort mouvement de résistance contre la planification autoritaire et de créer de puissantes incitations à adopter des formes de gouvernance plus humaines.[/bgcolor]

Julian Assange.

Traduit par Grégoire Chamayou.

Textes originaux : “The non linear effects of leaks on unjust systems of governance”, Sun 31 Dec 2006, et « Conspiracy as Governance », December 3, 2006.

Source : http://web.archive.org/web/20071020051936/http://iq.org/


[1] [bgcolor=#FFFF99]Chaque fois que nous assistons à un acte que nous estimons être injuste et que nous n’agissons pas, nous nous faisons les partisans de l’injustice. Ceux qui restent de façon répétée passifs face à l’injustice voient bientôt leur caractère se corrompre dans la servilité.[/bgcolor] La plupart des actes d’injustice dont nous sommes témoins sont liés à la mauvaise gouvernance, car lorsque la gouvernance est bonne, l’injustice sans réponse est rare. Par l’affaiblissement progressif du caractère d’un peuple, l’impact de l’injustice signalée mais restée sans réponse est de très loin supérieur à ce qu’il semble de prime abord. [bgcolor=#FFFF99]Les États de communication modernes, de par leur échelle, leur homogénéité et leurs excès, fournissent à leur population un déluge sans précédent d’injustices avérées, mais sans réplique apparente[/bgcolor]. (Note de l’auteur)

[2] Paravent de la NSA pour le financement universitaire. Pour en savoir plus sur ce programme de recherche, cherchez sur google le code de bourse « MDA904 ». (Note de l’auteur)

date:
15/12/2010 23:58


URL source: http://www.contretemps.eu/interventions/art-fuite-philosophie-politique-julian-assange-par-lui-meme

[b]Démocratie/souveraineté nationale/mondialisation[/b]

Si, comme c’est apparemment le cas de Dani Rodrik, on entend par « souveraineté nationale » la possibilité pour chaque nation de faire tout ce qu’elle veut sans se soucier de ce que font les autres nations et de ce qui se passe ailleurs dans le monde, il y a belle lurette que cette « souveraineté nationale » est incompatible avec la mondialisation.

Il serait hypocrite de ne pas reconnaître que le processus de mondialisation a pour condition et conséquence inéluctables la création d’une nation supérieure qui se substitue plus ou moins rapidement, en dépit de toutes les dénégations, aux États-nations actuels. Ce processus n’a rien de nouveau ni de scandaleux : ou alors soyons honnêtes et demandons-nous pourquoi les régions, les départements et les communes ne sont pas « souverains ».

Par contre, la démocratie est parfaitement compatible avec la mondialisation dans la mesure où les peuples, agissant directement ou par leurs représentants librement choisis (c’est-à-dire élus, pas nommés par le dictateur ou tirés au sort !) délèguent expressément l’exercice de leurs pouvoirs souverains à des organismes internationaux tels que l’ONU (maintien et rétablissement de la paix), le Conseil de l’Europe (protection des droits fondamentaux), et bien sûr l’Union européenne (large délégation dans tous les domaines). La thèse de Rodrik est à corriger sur ce point, sous réserve de vérifier ce qu’il a dit exactement (je ne l’ai pas fait). JR


La souveraineté c’est le droit pour un peuple de décider librement ce qui est bon pour lui, et comment s’organiser sur son propre territoire, quelles lois mettre en place, quel type de société, quel système politique économique et social etc …

Il est évident qu’il existe un intérêt général mondial, les enjeux écologiques en sont le parfait exemple, ce qui oblige les différents peuples à se concerter et à prendre des décisions communes à un niveau supérieur à la nation.
Il y a d’autres domaines comme la préservation de la paix, la guerre, les échanges économiques, les possibles coopérations dans d’autres domaines, comme la lutte contre la criminalité, contre le terrorisme etc … Tout cela justifie en effet encore une fois des concertations à un niveau supérieur à celui de la nation.

Mais là où vous vous trompez Jacques, et lourdement, c’est quand vous confondez le processus de mondialisation, qui est principalement un processus de libéralisation financière, d’accords de libre échange économique, et d’uniformisation des systèmes monétaires, avec tous ces enjeux qui lient les différents peuples.
Et vous vous trompez encore plus quand vous assimilez ce processus de mondialisation avec la construction d’une nation plus grande et avec l’extention de la démocratie à un niveau supérieur. C’est en réalité dans la direction totalement contraire que nous allons.

Les accords de libre échange organisent une guerre économique entre les peuples. C’est donc tout le contraire des relations qui peuvent lier les mêmes régions dans une même nation, ce serait une catastrophe si les régions se faisaient la guerre, au contraire il n’y a pas de cohésion nationale si il n’y a pas un lien des liens de solidarité entre les régions.
Le libre échange, par la mise en concurrence des peuples et des systèmes fiscaux et sociaux, oblige, pour des raisons de compétitivité les peuples à adopter des conduites automatiques, il les met sous contraintes, ce qui évidemment rogne sur leur souveraineté.
A partir du moment où vous acceptez l’idée que votre pays doit être compétitif dans une guerre économique mondiale, c’est simple, vous renoncez dès lors à la démocratie et vous vous soumettez à ces conduites automatiques qui mènent au moins disant social / fiscal.

La libéralisation financière, on le voit avec la crise actuelle, constitue un large transfert de souveraineté vers les puissances économiques, créant ainsi une dépendance aux marchés financiers, leur donnant des possibilités de nuisance et de chantage qui encore une fois ont les mêmes but, contraindre les peuples à adopter des conduites automatiques, privatisation et réduction de l’état, des services publics, augmentation de l’age de départ à la retraite, baisse des salaires etc … C’est encore une fois renoncer à la démocratie.

On ne va donc pas vers la construction d’une nation et d’une démocratie plus grande, mais vers la construction d’une dictature où les citoyens n’ont plus de pouvoir sur rien, où les décisions sont toutes prises par une oligarchie trans nationale.

Si les accords entre gouvernements, si les accords dans des institutions internationales, si les accords dans des entreprises privées, si les accords dans des autorités indépendantes des peuples remplacent la souveraineté du peuple, alors on atteindra une bonne vieille dictature mondiale, comme celle imaginée par des auteurs de science fiction dans des romans d’anticipation, où ce sont des corporations et conglomérats financiers qui dirigent tout. Je pense que c’est plutôt à combattre.

Il ne faut pas laisser votre idéal fédéraliste vous aveugler, comme c’est le cas malheureusement pour bon nombre d’européeistes qui à cause de leur fédéralisme n’arrivent pas à voir le caractère antidémocratique de l’UE et qui défendent toutes les régressions démocratiques dès lors qu’on leur présente ces mesures comme plus d’europe et plus d’intégration européenne.

WikiLeaks a raison !

La police australienne (sinon le gouvernement australien, qui semble partagé) vient de conclure qu’Assange et Wikileaks ne sont rendus coupables d’aucune infraction pénale par rapport à la loi australienne lorsqu’ils ont publié des documents confidentiels du gouvernement américain.

Au contraire !

La publication de ces documents constitue en réalité une magnifique et efficace application des Quatorze Points du Président Wilson (son programme pour mettre fin à la première guerre mondiale, proclamé en session conjointe du Congrès le 8 Janvier 1918 – voir http://www.ladocumentationfrancaise.fr/dossiers/maintien-paix/14points.shtml).

Les Quatorze Points commencent ainsi :

"[i]Ce que nous voulons, c’est que le monde devienne un lieu où tous puissent vivre en sécurité, … (un lieu sûr) pour toute nation qui désire vivre sa propre vie en toute liberté, décider de ses propres institutions, et être assurée que les autres nations la traitent en toute justice et loyauté, au lieu de se voir exposée à la violence et aux agressions égoïstes de jadis…C’est donc le programme de paix dans le monde qui constitue notre programme. Et ce programme, le seul que nous croyons possible, est le suivant :

« 1. Des conventions de paix préparées et conclues publiquement; par la suite, il n’y aura plus d’accords secrets entre les nations, mais une diplomatie qui procédera toujours franchement et ouvertement, à la vue de tous […][/i] » (voir http://www.ladocumentationfrancaise.fr/dossiers/maintien-paix/14points.shtml) :

Ce point - le premier, donc - a donné l’Article 18 de la Société des Nations Pacte et plus tard l’Article 102 de la Charte des Nations Unies, lesquels ont rendu obligatoires l’enregistrement et la publication par l’organisation internationale de tous les accords internationaux quelle que soit leur forme.

Nul ne peut nier qu’il est dans l’intérêt de l’humanité de savoir ce qui se passe dans les coulisses des gouvernements lorsque le bien-être de toute la planète est en jeu : surtout lorsqu’il s’agit d’un État qui se considère comme la seule superpuissance au monde et détenteur d’une autorité de droit quasi divin.

Il est évidemment embarrassant pour un tel pays de se révéler publiquement incapable de garder des secrets, légitimes ou non, et l’on pourrait comprendre qu’il veuille punir ses citoyens activement responsables de la divulgation, mais Assange et WikiLeaks, quant à eux, ne méritent qu’une chose : le prix Nobel, pour éminent service rendu à la Paix. JR