24 CONSTITUTION DE 1958 : CRITIQUES ET PROPOSITIONS DE RÉFORMES (discussion lancée par Orbi)

Nicolas Sarkozy veut enterrer le futur référendum sur l’adhésion turque !

http://debout-la-republique.fr/actu/Nicolas-Sarkozy-veut-enterrer-le.html

Le 20 décembre 2007

COMMUNIQUE DE PRESSE

Remise en cause de l’obligation du référendum pour l’adhésion turque : Nicolas Sarkozy a trompé les Français sur toute la ligne !

L’avant-projet de loi sur la réforme des institutions remet en cause l’obligation du référendum pour l’adhésion à l’Union européenne de nouveaux membres.

Après avoir refusé une indispensable consultation populaire sur la Constitution-bis signée jeudi dernier à Lisbonne, Nicolas Sarkozy récidive en faisant cette fois sauter la seule garantie qu’avaient les Français que les négociations ouvertes avec Ankara ne doivent pas aboutir à une adhésion automatique.

Après l’ouverture à deux reprises de chapitres supplémentaires de négociation avec la Turquie, la preuve est ainsi faite que le président de la République a trompé nos concitoyens sur toute la ligne : son opposition à l’adhésion turque n’est qu’une posture.

Tout doit donc être fait pour empêcher cette révision institutionnelle et les parlementaires de l’UMP portent désormais une responsabilité écrasante devant les Français.

Nicolas DUPONT-AIGNAN Député DLR de l’Essonne Président de Debout la République


Et on va me dire que je suis un « populiste » quand je souligne cette criante évidence que les politiciens sont presque tous de dangereux MENTEURS…

Concernant les abus de pouvoir Etienne, j’ai cru lire à un endroit qu’au fur et à mesure de vos lectures vous arriviez à expliquer de plus en plus d’abus de pouvoir qui auraient pu être évités avec une bonne constitution

Avez vous de tels exemples ?

Je crois que pour les gens il est difficile de comprendre en quoi s’interesser à la constitution ou s’interesser aux institutions est important, peut être qu’avec des exemples concrets les choses seraient différentes ?

[b]Nicolas Sarkozy veut enterrer le futur référendum sur l’adhésion turque ![/b]

http://debout-la-republique.fr/actu/Nicolas-Sarkozy-veut-enterrer-le.html

Le 20 décembre 2007

COMMUNIQUE DE PRESSE

Remise en cause de l’obligation du référendum pour l’adhésion turque : Nicolas Sarkozy a trompé les Français sur toute la ligne !

L’avant-projet de loi sur la réforme des institutions remet en cause l’obligation du référendum pour l’adhésion à l’Union européenne de nouveaux membres.

Après avoir refusé une indispensable consultation populaire sur la Constitution-bis signée jeudi dernier à Lisbonne, Nicolas Sarkozy récidive en faisant cette fois sauter la seule garantie qu’avaient les Français que les négociations ouvertes avec Ankara ne doivent pas aboutir à une adhésion automatique.

Après l’ouverture à deux reprises de chapitres supplémentaires de négociation avec la Turquie, la preuve est ainsi faite que le président de la République a trompé nos concitoyens sur toute la ligne : son opposition à l’adhésion turque n’est qu’une posture.

Tout doit donc être fait pour empêcher cette révision institutionnelle et les parlementaires de l’UMP portent désormais une responsabilité écrasante devant les Français.

Nicolas DUPONT-AIGNAN Député DLR de l’Essonne Président de Debout la République


Et on va me dire que je suis un « populiste » quand je souligne cette criante évidence que les politiciens sont presque tous de dangereux MENTEURS…

Puis-je me permettre une critique ? :wink:

Bien sûr Sandy, on ne progresse jamais tant que dans la contradiction. Critiquez donc, sans vous retenir :confused:

Des exemples d’abus de pouvoir ? Tous les jours, on en a des brouettes dans l’actualité politique, tous les jours on doit constater que les élus et leurs riches protégés/protecteurs se goinfrent : un texte refusé par référendum que les élus imposent pourtant par voie parlementaire ; une protection contre les élargissements exagérés inscrite dans la Constitution pour rassurer les gens avant le vote qui est retirée de la Constitution dès que les élections sont passées ; les élus qui se permettent de réviser la constitution sans référendum ; des appartements pour les élus et leurs proches à des prix qui font rire pendant que les gueux dorment dehors ; des salaires mirobolants même quand on n’est pas élu (chômage des parlementaires bien réglé entre deux mandats pour ne plus jamais manquer de rien) ou même quand on a ruiné l’entreprise ou les salariés pendant que les manants tirent la langue pour seulement se nourrir ; retraites disproportionnées et indécentes ; protection des notables contre les foudres de la Justice par la scandaleuse procédure du non lieu complaisant ; droit du travail censé protéger 16 millions de salariés affaibli en douce depuis trente ans sans pouvoir résister ; mille mesures qui, chaque jour, oppressent un peu plus les gueux et flattent un peu plus les riches ; la liste est interminable, non ?

Tout cela ne serait simplement pas possible si les acteurs politiques étaient surveillés, attaquables et punissables, à tout moment, ce que permettrait une bonne Constitution, à condition qu’elle n’ait pas été écrite par des tricheurs, évidemment.

Mais chaque fois, les acteurs indélicats sont hors de portée de tout contrôle sérieux… simplement parce que eux, ou leurs amis, ont écrit les règles des contrôles en question.

Mais c’est la même chose dans l’entreprise, dans les partis, les syndicats, les corporations, et jusque dans les familles peut-être !
Montesquieu le disait en quelques mots de portée générale et d’une pureté parfaite :

La démocratie et l'aristocratie ne sont point des États libres par leur nature. La liberté politique ne se trouve que dans les gouvernements [b]modérés[/b]. Mais elle n'est pas toujours dans les États modérés ; elle n'y est que lorsqu'on n'abuse pas du pouvoir; mais [bgcolor=#FFFF99][b]c'est une expérience éternelle que tout homme qui a du pouvoir est porté à en abuser; il va jusqu'à ce qu'il trouve des limites.[/b][/bgcolor] Qui le dirait ! la vertu même a besoin de limites.

Pour qu’on ne puisse abuser du pouvoir, il faut que, par la disposition des choses, le pouvoir arrête le pouvoir.

(L’esprit des lois
Livre XI: des lois qui forment la liberté politique dans son rapport avec la constitution,
chapitre IV : Ce que c’est que la liberté.
)


Mais Montesquieu a oublié de nous dire que JAMAIS le pouvoir ne prendrait lui-même les dispositions nécessaire pour se limiter lui-même.

Je vous propose de procéder à l’inverse : dites-moi quels abus de pouvoirs vous semblent inaccessibles à une Constitution d’origine Citoyenne.

Amicalement.

Étienne.

Critique envoyée par message privé visiblement, enfin je crois ^^ Par contre je sais pas comment voir les messages privés :frowning:

Sinon, oui, vous voyez je pense qu’en prennant l’exemple d’abus de pouvoir concrètement comme cela et en expliquant derrière comment cela aurait pu être évité simplement par un malheureux article dans une constitution, ca peut beaucoup plus parler aux gens :slight_smile:

Je pense que c’est là où se situe le blocage qui fait que les gens abandonnent si facilement la question de la constitution ou des institutions aux politiciens. Je pense que c’est parceque l’utilité d’une constitution n’est pas évidente pour tout le monde.

Pour qu’il n’y ait plus d’abus de pouvoirs, il faudrait qu’il n’y ait plus de pouvoir.

Cce qui n’est guère envisageable. Dès qu’il y a rapport humain , il y a pouvoir et donc risque d’abus de pouvoir. C’est pour cela que le combat démocratique est sans fin et permanent.

Ainsi, même le tirage au sort des représentants qui semble pour certains être la panacée n'est pas exempt de risques d'abus de pouvoir. (ne serait-ce que lors de l'établissement des échantillons dans lesquels on puisera les tirés au sort)
Il ne sert à rien de vouloir faire une constitution qui nierait le pouvoir. Ce serait la quête du graal, ou la recherche de la pierre philosophale. Et, s'il y avait un paradis constitutionnel et démocratique, certains de nos "grands" anciens, l'auraient déjà formalisé sur un document.

Je crois qu’il y a plusieurs choses sur lesquelles nous sommes d’accord et qui je crois nous guident et guident par exemple un tel forum…

  1. tendre vers toujours plus de précarisation des pouvoirs.

  2. renforcer continuellement les moyens de contrôle des gouvernants par les gouvernés.

  3. développer une pédagogie démocratique (informations, éducation, échanges …) et enrichir l’esprit civique…

et tout cela en tenant compte de l’état des lieux et du contexte dans lequel on situe notre combat. (Et tout ça, c’est déjà un sacré combat institutionnel et démocratique sans fin l!!)

Ainsi à côté de la réflexion et de la recherche d’une meilleure constitution, ce serait une faute de négliger la lutte sur les réformes envisagées pour l’amélioration de l’existant démocratique, en l’occurence la réforme de la Véme République.

Pour ma part je déplore ainsi que des mouvements comme ATTAC, ou des mouvements alter ne s’expriment pas actuellement avec force, parce que le moment est important) sur le cumul des mandats, la proportionnelle le RIC etc… et se satisfont de la présence, depuis Mathusalem, de quelques principes dans leur programme. Ils donnent l’impression (ce n’est pas une impression) de négliger ce combat institutionnel. Je ne parle pas évidement des partis car des Verts à l’extrême gauche, pour des raisons différentes, c’est vraiment le rejet de la discussion. les Verts, PC et autres parce qu’on a des élus à placer, l’extrême gauche parce que les problèmes sociaux sont plus importants, semble-t’il.
Ils ont tort, c’est mon avis.

Pouvoirs et contrôle des pouvoirs

Merci Orbi (2982), d’avoir rappelé le parole d’Alain, que l’essentiel n’est pas l’origine des pouvoirs mais le contrôle des pouvoirs.

Et merci, Étienne, de ne plus penser que je serais moins sensible que vous à la nécessité de lutter contre les abus de pouvoir, d’où qu’ils viennent.

Je ne partage pas, vous le savez, la vision des pouvoirs comme intrinsèquement mauvais, dangereux, mal nécessaire, etc., préférant laisser ces notions (et l’irritante notion de « contrepoids » qui en découle) aux philosophes anglais du XVIIIe siècle et à leurs successeurs, qui confondent tout le temps les pouvoirs et leurs détenteurs. Bien préférable, à mon avis, est l’approche des révolutionnaires français qui ne s’imaginaient pas créer forcément des monstres en écrivant des constitutions.

Il y a de bonnes et de mauvaises constitutions, et de bons et de mauvais pouvoirs. Et puis, il y a les personnes qui exercent les pouvoirs.

Une bonne constitution commence donc par définir et organiser de bons pouvoirs - des pouvoirs qui garantissent le maximum de liberté dans le maximum de justice. La démocratie est, à mon avis, le seul système qui permette d’y arriver, puisque le seul qui admette le contrôle des gouvernants par les gouvernés.

Ensuite, puisque les pouvoirs sont exercés par les hommes, une bonne constitution organise le contrôle efficace des gouvernants par les gouvernés. Ce contrôle doit être permanent, et il est entendu que les régimes qui se contentent d’élections (surtout à temps fixe) sont le plus souvent des démocraties intermittentes.

Les comités citoyens dont avait parlé Ségolène Royale (qui a eu cependant le tort de parler de « jurys ») seraient un bon moyen d’exercer ce contrôle permanent sur l’exercice des pouvoirs, à condition de bien définir les compétences et le mode de fonctionnement de ces organismes et de ne pas en faire des organes décisionnels.

Dans certains cas, les gouvernés (mandants) doivent pouvoir se substituer au gouvernants (mandataires) pour prendre eux-mêmes les décisions. Mais l’opération correspondante ne doit pas simplement consister en une question posée au peuple avec réponse par oui ou par non. Il faut que le référendum (toujours d’initiative citoyenne, sauf quand il est explicitement prévu dans la constitution) soit précédé par un débat citoyen actif. C’est la « proposition citoyenne de projet de loi », avec ou sans demande citoyenne de référendum, envisagée par la CIPUNCE, : la procédure aboutirait au dépôt d’un projet de loi au parlement et éventuellement à sa soumission au référendum (après le débat parlementaire) si 10 % des électeurs inscrits en sont d’accord. Car je ne crois pas pour ma part à la validité démocratique ou décisionnelle d’une procédure référendaire dans laquelle 100 000 ou même un million de citoyens français pourraient se permettre de déranger les autres pour voter sur toute question qui leur passe par la tête.

Ces quelques points me paraissent la condition minimale pour mettre en place des pouvoirs qui peuvent être bons (parfaitement, Étienne !) tout se donnant les moyens d’exercer sur leurs détenteurs, sujets comme nous tous aux faiblesses humaines, des contrôles efficaces.

Orbi dit : « Pour qu’il n’y ait plus d’abus de pouvoir, il faudrait qu’il n’y ait plus de pouvoirs ». Je dirais, moi, qu’il faudrait qu’il n’y ait plus d’humains pour les exercer. Et encore, il faut faire des réserves sur les animaux.

Cordialement. JR

Fusion des forums 1B et 24 ?

Suite à la remarque d’Étienne dans son message 2984 (deuxième paragraphe), je propose de fusionner les deux forums - par exemple sous le titre « Contrôle effectif des pouvoirs et changements à effectuer par rapport à la constitution française actuelle », titre qui résumerait, me semble-t-il, toutes les préoccupations qui nous sont communes. JR

[bgcolor=#FFFF99]Peut-on se rapprocher d’un régime présidentiel ?[/bgcolor]

Actes d’un colloque intéressant de la Fondation Res Publica :

Voyez notamment (je pense à mon Jacques préféré ;)) :

[bgcolor=#FFFF99][b]Faut-il changer ? Un bilan rapide de la place du Président de la Cinquième République[/b][/bgcolor] par [i][b]Christophe Boutin[/b][/i], professeur agrégé de droit public à l'Université de Caen : http://www.fondation-res-publica.org/Faut-il-changer-Un-bilan-rapide-de-la-place-du-President-de-la-Cinquieme-Republique_a249.html

Merci, Monsieur le Président. Chers collègues, Mesdames, Messieurs, « la Ve se meurt, la Ve est morte », la cause semble depuis longtemps entendue, même si les commentateurs autorisés ne sont pas d’accord sur l’origine du mal. Olivier Duhamel évoque ainsi un virus « césaro-papiste », une souche typiquement française et, on s’en doute, particulièrement redoutable. D’autres préfèrent se tourner vers le contexte historique de la formation du régime, ce coup d’Etat à peine déguisé. Mais tous insistent sur la crise profonde de nos institutions apportant comme preuves irréfutables les « séismes » réguliers de notre vie politique. 2002, 2005, autant de cadavres dans le placard, autant de « secrets de famille » dirait Madame Parisot. Que la gauche ne soit pas présente à un second tour des présidentielles ou que la France dise « non » au traité sur l’Union européenne prouverait manifestement en effet la faillite d’un régime.

Alors il faut changer, il faut réformer, pour que naisse une « République plus républicaine » et une « démocratie plus démocratique ». On nous l’a dit à juste titre, le nouveau logiciel constitutionnel créé à cet effet ne sera pas le France-VIe Rep, trop cher et manifestement bugé, mais nous pourrions avoir sous peu un France-Ve Rep.23, un logiciel piraté à une petite entreprise française, la « Georges Vedel et Cie», et largement bidouillé ensuite par les hackers constitutionnels et sur lequel on peut émettre les plus grandes réserves.

Mais si l’on dépasse ce discours un rien convenu : il faut changer, c’est la modernité, pourquoi changer ? Une crise institutionnelle impose-t-elle ce choix ? Rien n’est moins sûr.

Entendons nous bien, qu’il y ait un profond « malaise dans les institutions », nul n’en disconviendra et en tout cas pas moi. J’en prendrai trois exemples évidents : l’ordre public, essentiel au fonctionnement de la démocratie, n’est pas respecté sur une bonne partie du territoire. Sondages après sondages, les électeurs affirment n’accorder qu’une confiance très limitée à leurs représentants. Enfin les réformes nécessaires et indispensables sont, justement, nécessaires et indispensables depuis au moins une vingtaine d’années.

Il y a donc une crise dans nos institutions, mais une crise purement institutionnelle – et, partant, demandant une solution véritablement constitutionnelle – ne devrait résulter que d’une inadaptation de la Constitution. C’est, si l’on en croit la légende noire de notre histoire constitutionnelle, ce qui caractérisa nos régimes de séparation trop stricte des pouvoirs, Directoire ou Seconde république, conduisant à chaque fois à des coups de force pour sortir de la crise. On peut bien sûr espérer des changements institutionnels moins violents, établissement d’une nouvelle constitution ou révision.

Mais une telle modification constitutionnelle suppose à mon sens l’impossibilité préalable pour les pouvoirs publics de réaliser leur mission principale qui reste d’établir, au terme d’un processus strictement encadré, une norme conforme aux aspirations légitimes d’une majorité de la population. Et m’autorisant de l’illustre exemple du baron de la Brède, j’écarterai ici le pouvoir judiciaire pour dire qu’il n’y a crise institutionnelle et constitutionnelle que lorsque la volonté générale ne peut se traduire en norme à la suite du dysfonctionnement des pouvoirs exécutif et législatif.

Or rien dans la mécanique constitutionnelle actuelle ne vient empêcher l’accomplissement de cette mission, même en cas de crise majeure, et j’en prendrai quelques exemples dans un premier temps. Par contre, la crise institutionnelle actuelle me semble beaucoup plus découler, d’abord, de la négation de l’esprit du texte au profit de sa lettre, ensuite d’un trop profond décalage entre la théorie institutionnelle et la réalité du fonctionnement des pouvoirs, deux éléments que j’évoquerai à la suite.

Mais d’abord, quelques exemples du bon fonctionnement de nos institutions.

À tout seigneur tout honneur, notre Président de la République, « clef de voûte des institutions » selon l’immortelle formule. Partagé qu’il était entre ses deux rôles d’« arbitre » ou de « capitaine », pour reprendre les termes du dilemme classique, il aurait maintenant vocation à jouer pleinement le second pour être en phase avec la modernité. Mais si l’on sort de la légende dorée des institutions et que l’on revient à la réalité de leur fonctionnement, on constatera que notre Président n’a jamais été cet arbitre idéal présenté par Michel Debré devant le Conseil d’État. Il ne l’a pas été, bien sûr, en période de fait majoritaire, alors que les majorités présidentielle et parlementaire étaient identiques. Si, parfois, la pression qu’il pouvait exercer sur le gouvernement se relâchait, c’était simplement que le Premier ministre d’alors veillait à prévenir ses moindres désirs. Mais arbitre il ne l’a pas été non plus en période de cohabitation, car il conservait alors une capacité de nuisance qu’on ne saurait décemment nommer un pouvoir d’arbitrage.

Ce qui peut nous tromper si nous regardons vers le passé, c’est que ce « capitaine » a pu, selon les périodes, apparaître au premier plan ou rester plus en retrait derrière le gouvernement. Nous avons ainsi connu des Présidents plus pressés de s’abîmer dans la contemplation des pyramides ou le spectacle des combats de Sumo que d’engager ces réformes indispensables dont nous parlions. Nous en connaissons de plus directement actifs, des vibrions très largement impliqués dans les moindres aspects du travail gouvernemental. Notons pour nous en féliciter que cette variété de postures, due aux personnalités autant qu’aux circonstances, peut exister avec un même texte constitutionnel qui ne semble donc ne gêner que fort peu la réalisation de leur karma.

Face à cet exécutif dans lequel le Président occupe si souvent le devant de la scène, le Parlement, ne semble pas incapable de jouer son rôle de législateur. Nos parlementaires disposent des moyens d’amender les textes qui leur sont présentés, au point de le faire parfois avec un excès manifeste. Ils peuvent les apprécier en leur âme et conscience grâce au vote personnel. Et la motion de censure n’ayant pas disparu que je sache lors d’une précédente révision, l’Assemblée nationale conserve le pouvoir de faire chuter le gouvernement.

Notre Constitution permet donc toujours à ces institutions de réaliser leur mission principale. Mieux, elle leur a permis de le faire en surmontant sans heurts excessifs une crise institutionnelle majeure, celle de la cohabitation. Comme l’a rappelé Jean-Marie Denquin dans sa Monarchie aléatoire, notre texte fondateur autorise en effet deux lectures, et deux systèmes politiques distincts peuvent exister. En période de fait majoritaire, le chef de l’Etat dirige l’action du gouvernement ; en période de cohabitation, le Premier ministre étant alors pleinement chef du gouvernement, le Président se replie sur un « domaine réservé » - défense, affaires étrangères - partagé avec le Premier ministre. Mais dans les deux cas une activité normative conforme aux vœux de la majorité est envisagée et envisageable.

En bref, rien dans le fonctionnement de notre mécanique institutionnelle ne suggère une crise due à l’inadaptation du texte constitutionnel. Des améliorations sont sans doute possibles, comme toujours, mais les grands objectifs sont respectés.

D’où vient alors cette sensation que nous vivrions une crise institutionnelle ? Pour le comprendre, il importe de sortir de la lettre, de la mécanique, de l’horlogerie constitutionnelle pour s’interroger d’abord sur la distorsion existant entre l’esprit du texte et son application.

Prenons pour expliciter notre propos l’exemple justement de la place prépondérante du Président de la République dans nos institutions. Si un tel rapport de forces existe ab initio entre les différents pouvoirs institués, accordant au Président un statut à ce point à part, ce n’est pas seulement parce que le texte constitutionnel énumère ses pouvoirs avant ceux des autres institutions. C’est bien plutôt parce qu’il dispose d’une légitimité différente. Le premier titulaire de la charge bénéficiait, on le sait, d’une légitimité charismatique toute particulière. C’est d’ailleurs cette légitimité qui permettait de le présenter à la fois comme le « capitaine » du bateau gouvernemental, le chef de la majorité, mais aussi comme « l’arbitre » entre les différentes forces politiques en présence. Il aurait représenté ici une dimension supérieure, celle de la France avec laquelle il entretenait un dialogue tout personnel. Encore fallait-il croire à ses voix.

Pour que ses successeurs bénéficient d’une légitimité comparable, contrebalançant et dépassant même celle de la Chambre, le choix fut fait de leur élection au suffrage universel direct, la seule qui se fasse à l’échelle nationale. Mais cette relation directe avec le peuple impliquait des devoirs autant - sinon plus - que des droits, des devoirs privés, certes, mais aussi des devoirs politiques.

Nous retrouvons ici l’habituel débat entre la lettre et l’esprit d’une constitution, débat que résume la célèbre phrase gaullienne : « Une constitution, c’est un esprit, des institutions, une pratique ». Or l’esprit de notre constitution ne permettait pas d’envisager le maintien au pouvoir d’un président désavoué par un scrutin national, parce qu’il y aurait eu un conflit de légitimité majeur le reléguant à un rôle secondaire pour lequel il n’était pas conçu. Le général de Gaulle, on le sait, en tira la conclusion en démissionnant à la suite de l’échec du référendum de 1969, initiative derrière laquelle il s’était effectivement personnellement engagé, mais pas plus, pour prendre un exemple plus récent, que Jacques Chirac dans la campagne référendaire de 2005.

Si la cohabitation était en théorie impossible, elle eut lieu en pratique, portant atteinte à cette fonction de direction de l’État assurée par un pouvoir exécutif sinon clairement monocéphale, au moins bien peu bicéphale ou bicéphale mais pas dyarchique, on pourrait gloser sur les termes. Pour en finir avec cette curiosité bien française, on aurait pu intégrer dans le texte constitutionnel cette responsabilité politique présidentielle devant le peuple qui semblait découler de son esprit (la commission Balladur s’est d’ailleurs posé la question). On se contenta de mettre en place un quinquennat auquel, pour faire bonne mesure, on ajouta une inversion de calendrier électoral qui faisait précéder les législatives des présidentielles.

Le but était clair : voir naître systématiquement des majorités conjointes. Rappelons en passant que, même si en 2002 et en 2007 on aboutit au but recherché, cela n’a rien d’obligatoire. Dissolution de l’Assemblée nationale, décès du Président, volonté des électeurs de forcer les politiques à la collaboration ou simples effets de découpages électoraux différents, rien n’interdit le retour de la cohabitation, c’est d’ailleurs clairement indiqué dans les propositions Balladur.

Ce qui est révélateur c’est que l’on se refusa à voir dans la cohabitation la suite logique du refus du titulaire du pouvoir suprême d’assumer ses responsabilités politiques, ou au moins, que l’on n’osa pas mettre en cause la possibilité de ce refus. Conséquences de la cohabitation et plus encore du quinquennat, le Président devint un politique comme les autres. Le raccourcissement symbolique de la durée du mandat sonnait le glas de la « monarchie républicaine » gaullienne, monarchie légitime et d’influence. Mais diminuait-elle pour autant les pouvoirs du Président ?

Selon ses promoteurs, le quinquennat, avec l’apport supplémentaire de la coïncidence des élections allait renforcer le chef de l’État, « présidentialisant » le régime. Posons-nous la question au vu du second mandat de Jacques Chirac. Voici un Président très largement élu, convenons-en, non sur un programme mais contre le programme de son adversaire du second tour. Sa légitimité politique était aussi mise à mal par son refus d’assumer quelque responsabilité politique que ce soit au moment du référendum sur le traité dit constitution européenne. Pourtant, était-ce parce qu’il avait été élu par une majorité bien composite en 2002 et souhaitait respecter cette diversité, était-ce parce qu’il retrouvait les idéaux de sa jeunesse, mais il est indéniable en tout cas qu’il arbitra parfois contre sa majorité parlementaire. Curieusement donc, l’affaiblissement symbolique ne gênait pas la prépondérance pratique.

Pour présenter un élément d’explication sur ce point, il faut confronter la théorie constitutionnelle à la réalité, et passer par les sommets de l’exécutif, par cette dyarchie. La constitution de la Cinquième république, en faisant de tout chef de gouvernement un présidentiable, peut renforcer les antinomies existant entre le Président et le Premier ministre. On connut des chefs de l’État et des chefs de gouvernement ayant des projets de société dissemblables, on vit même de chefs de gouvernement obtenir sur leur programme propre, différent de celui du Président, le soutien de l’Assemblée nationale. Pourtant, lorsque les rapports entre De Gaulle et Pompidou, Pompidou et Chaban-Delmas, ou Giscard et Chirac, traduisirent des divergences sur la politique à mener, le Président de la République réussit toujours à s’imposer contre son Premier ministre. Selon la volonté gaullienne, et malgré le partage opéré par la Constitution, jamais de véritable dyarchie ne se fit jour au sommet de l’exécutif hors cohabitation. Et ce déséquilibre était tel que certains chefs de l’État purent même se permettre de nommer des rivaux potentiels pour leur faire perdre, comme premiers ministres, toute chance de devenir présidents…

[color=purple]Pourquoi l'épreuve de force entre Président et Premier ministre tourne-t-elle toujours à l'avantage du premier, alors que l'article 8 de la Constitution ne prévoit aucune responsabilité politique du gouvernement devant le Chef de l'État ?

Parce que ce dernier dispose d’une légitimité particulière ? Peut-être.

Mais sans doute aussi parce que l’article 12 lui donne le droit de dissoudre une Assemblée qui, elle-même, peut faire tomber le gouvernement. Et que si le Premier ministre refuse de se soumettre, le Président peut offrir aux députés un choix simple : voter la censure ou arpenter à nouveau les places de marchés pour y distribuer leurs tracts comme candidats. :confused: Revient alors cette crainte qu’ont nos parlementaires de déranger trop souvent leurs électeurs. :rolleyes: C’est la même, d’ailleurs, qui, depuis qu’une dissolution a suivi, en 1962 la seule motion de censure votée sous la Ve, les maintient dans le droit chemin.

Ajoutons sur ce point qu’avec le quinquennat, la concordance et la succession des élections, [bgcolor=#FFFF99]le Président est devenu un chef de parti et dispose, par sa maîtrise des investitures, d’un pouvoir presque absolu.[/bgcolor] Il est en effet aujourd’hui bien risqué pour un candidat potentiel de se trouver « en dehors » du bipartisme, alors que les partis minoritaires peinent à avoir des représentants à proportion des suffrages obtenus, et le sésame de l’investiture représente aussi un financement indispensable à qui ne dispose pas d’une fortune personnelle.[/color]


On l’a bien vu a contrario avec la crise de la fin du second mandat de Jacques Chirac, quand il dut présenter son Premier ministre comme successeur désigné pour faire face à l’ascension d’un autre ministre qu’il n’arrivait plus à contrôler. Pour la première fois sous la Cinquième, un ministre échappa au dilemme cruel dans lequel il était jusqu’alors enfermé, « fermer sa gueule ou démissionner ». Mais pour la première fois aussi, le député de base, sur l’appui duquel dépendait le maintien au pouvoir de cet opposant au chef de l’État, avait plus à craindre en termes de réélection de ce ministre devenu chef du parti que d’un Président singulièrement affaibli.

Ainsi, il nous semble que le Président de la République de 2007 conserve la place institutionnelle prépondérante de celui de 1959, mais gardons-nous de toute erreur de perspective. En 1959, il le devait à la confiance populaire. En 2007 le peuple n’existe plus, la destruction systématique de toute identité nationale ayant créé un conglomérat toujours plus lâche, et sa fiction politique est à peine crédible.

On se souvient de la définition donnée par Ambrose Bierce de [bgcolor=#FFFF99]l’électeur : « celui qui jouit du privilège sacré de voter pour l’homme choisi par un autre »[/bgcolor]. Le monopole de nos partis politiques sur la présentation de candidats aux élections en donne un parfait exemple. Encore aurai-je la pudeur de ne pas évoquer ici les conséquences électorales de cette admirable fusion du paritaire et du parasitaire qui préside aux investitures.

Derrière cet écran de fumée, le Président de 2007 doit finalement beaucoup de sa suprématie à un rôle de chef de parti qui n’était certes pas souhaité par le fondateur du régime. Mais pour quoi faire ? N’a-t-il pas saisi une ombre ?

Que dire en effet d'un pouvoir normatif qui tenait une partie au moins de sa légitimité du fait d'être [u]sans concurrence[/u] dans l'édiction de la norme ?

Le voici dépossédé par le bas, avec le développement de pouvoirs normatifs locaux, dont certains n’entretiennent plus avec notre État que des liens fort distendus au nom d’une distance géographique ou culturelle.

Le voici dépossédé par le haut, avec la concurrence de normes émanant de l’Union européenne et qu’il doit se contenter de simplement mettre en œuvre.

Le voici affublé d’un co-législateur auto-proclamé, le Conseil constitutionnel, pour lequel la loi n’exprime l’intérêt général qu’en respectant son interprétation de la Constitution.

Et quand par extraordinaire, il tente d’agir – en dehors des zones de non-droit - il se trouve dans l’impossibilité de dégager une marge de manoeuvre financière suffisante.


[bgcolor=#FFFF99]Toutes ces involutions sont-elles les conséquences de dysfonctionnements constitutionnels ? À l’évidence non, elles ne résultent que de renoncements successifs, de reniements d’un pouvoir finalement trop heureux d’être dépossédé pour n’être plus responsable. [/bgcolor]

Monsieur le ministre, Madame le conseiller, chers collègues, Mesdames, Messieurs, que dire en conclusion ? Gardons-nous d’abord de faire en droit constitutionnel la même erreur que dans tant d’autres domaines juridiques, et, face à une crise, de réclamer de nouveaux textes sans appliquer ceux qui existent. Gardons-nous aussi et surtout de faire reposer sur le seul texte constitutionnel la responsabilité des crises.

Face à cette crise, l’équilibre recherché par Sieyès est plus que jamais nécessaire : « La confiance — disait-il — vient d’en bas, l’autorité vient d’en haut ». Il n’y a plus de confiance et bien peu d’autorité légitime ; la mécanique constitutionnelle peut-elle les rétablir ?

De plus, tout régime politique, comme l’a bien montré Montesquieu, est fondé sur un principe, et pour le parlementaire bordelais, [bgcolor=#FFFF99]le fondement du régime démocratique était la vertu, chez les citoyens comme chez les dirigeants[/bgcolor].

Une réforme constitutionnelle peut-elle nous rendre vertueux ?

Notre texte fondateur ne mérite sans doute ni cet excès d’honneur ni cet excès d’indignité.

Je vous remercie.


Je sens que Jacques va adorer ce texte… :slight_smile:

Pourtant, pour moi, c’est une évidence : [bgcolor=#CCFFFF]OUI, une bonne constitution pourrait rendre tous ses acteurs VERTUEUX (à quelque chose près), par un CONTRÔLE STRICT qu’elle prévoirait À TOUT MOMENT et ce contrôle, à l’évidence, pour l’instant fait totalement défaut.[/bgcolor]

On ne peut évidemment pas analyser correctement la crise politique sans prendre cet aspect des choses en compte.

La suite du colloque est assez intéressante.

Étienne.

L’intervention de Chevènement est également intéressante, pour arrêter de caresser le rêve des fondateurs des institutions et découvrir la sordide réalité des hommes soumis au joug de l’appareil des partis :

[bgcolor=#FFFF99]Vers un régime présidentiel à la Française ? [/bgcolor]
par Jean-Pierre Chevènement, président de la Fondation Res Publica :
http://www.fondation-res-publica.org/Vers-un-regime-presidentiel-a-la-Francaise-_a250.html

(les binettes de commentaires insérées dans le texte sont de moi, évidemment :/)

Merci, Monsieur le Professeur, vous nous avez donné une leçon de droit constitutionnel mais aussi de science politique en nous montrant que beaucoup des évolutions que nous pouvons déplorer procèdent, non de dispositions constitutionnelles mais de la dégradation des moeurs. La vertu a toujours été un paradigme républicain, une référence, je ne suis pas sûr qu'elle ait toujours brillé d'un très vif éclat. Il est vrai qu'aujourd'hui on a le sentiment qu'on est moins vertueux qu'hier, à tort ou à raison, je vous laisse y réfléchir.
Pour ce qui me concerne, je voudrais vous présenter une réflexion nourrie d'une assez longue expérience du Parlement. En tant que parlementaire, j'ai toujours éprouvé le sentiment de [b]l'extrême dépendance où se trouve le Parlement vis-à-vis du Gouvernement.[/b]

[bgcolor=#FFFF99]La soi-disant responsabilité du Gouvernement devant le Parlement se renverse, en réalité le Parlement est responsable de soutenir le Gouvernement si les députés ne veulent pas retourner sur les marchés pour distribuer des tracts[/bgcolor], comme le disait le Professeur Boutin. Le parlementaire ressent presque physiquement cette condition d’obligé dans laquelle il se trouve vis-à-vis du Gouvernement.

J’ajoute que le Gouvernement dispose toujours de moyens techniques considérables. Un ministre est surpuissant vis-à-vis du Parlement quant à la capacité de préparer des textes, des amendements. Peut-être les parlementaires ne savent-ils pas très bien se servir des moyens que l’Assemblée nationale met à leur disposition mais il est frappant de voir la nuée d’experts qui entoure un ministre. Les bancs des commissaires du Gouvernement sont toujours pleins, les petits papiers circulent. Face à ce ministre, quelques pauvres hères se débattent, rédigent des amendements sur un coin de table… encore faut-il qu’ils les écrivent assez tôt pour ne pas voir leurs textes rejetés.


Nos institutions auront bientôt cinquante ans, c’est un bail assez long et je partage le point de vue qu’a exprimé Christophe Boutin : pour avoir duré aussi longtemps, il faut bien que ces institutions aient du bon. :frowning: Elles doivent en effet s’adapter à la diversité des tempéraments des présidents, à la diversité des situations, des majorités. Le fait que nos institutions aient survécu - même s’il y a eu vingt-deux modifications constitutionnelles - plaide relativement en leur faveur.

Ces institutions peuvent être décrites comme étant à géométrie variable. [bgcolor=#CCFFFF]Au départ, le texte de 1958 visait un parlementarisme rationalisé. Les propos de Michel Debré devant le comité consultatif étaient d’une grande clarté : le régime était un régime parlementaire et le Général De Gaulle avait d’ailleurs donné toutes assurances pour qu’il en fût ainsi, excluant même l’idée que le Président de la République pût révoquer le Premier ministre.[/bgcolor]

Mais, dès le début, compte tenu des circonstances exceptionnelles, compte tenu de l’attachement quasi-filial de Michel Debré au fondateur de la Ve République, une lecture présidentialiste de fait s’imposa, encore que Michel Debré fût un Premier ministre extrêmement actif et que le Général De Gaulle se consacrât aux grandes orientations concernant la gestion du dossier algérien ou la politique étrangère beaucoup plus qu’aux réformes auxquelles Michel Debré attachait son nom. Je pense par exemple à la réforme des hôpitaux, tout à fait remarquable à l’époque, qui date de 1959.

La nomination de Georges Pompidou alors directeur de cabinet du Général comme Premier ministre, en mai 1962, et surtout l’élection au suffrage universel du Président de la République (septembre 1962) ont donné un tour franchement présidentialiste aux institutions de la Ve République : il était clair que les grandes décisions se prenaient à l’Elysée et, dans une conférence de presse de décembre 1964, le Général De Gaulle a même fait des déclarations aux termes desquelles tout pouvoir procédait du Président de la République, y compris d’ailleurs en matière judiciaire. Ce n’était qu’une conférence de presse mais enfin c’était fort…

Après la mort politique du Général de Gaulle, l’élection de Georges Pompidou en 1969 perpétue encore la « logique présidentialiste » : bien que bénéficiant d’un vote de confiance très confortable à l’Assemblée Nationale en 1972 sur son projet de « nouvelle société » — le Professeur Boutin y a fait allusion — le Premier ministre, Jacques Chaban-Delmas, s’est vu aussitôt remercié et remplacé dans la foulée par Pierre Messmer.

L’arrivée de François Mitterrand à la tête de la République n’a pas, dans un premier temps, changé la lecture présidentialiste de la Constitution. Le nouveau Président de la République a simplement hasardé un bon mot, l’auteur du « Coup d’Etat permanent » a déclaré : « Ces institutions, mauvaises avant moi, le redeviendront après moi mais pour le reste elles me conviennent parfaitement ». Chacun se souvient comment Pierre Mauroy a été adoubé comme Premier ministre en mai 1981. Il était à l’époque minoritaire au sein du Parti socialiste mais après une courte pénitence il est devenu Premier ministre. Après avoir hésité à le remplacer en 1983, François Mitterrand s’en est séparé après « l’affaire scolaire » et le retrait du projet de loi Savary en juillet 1984. C’est alors que François Mitterrand donne à la France le plus jeune Premier ministre qu’elle ait jamais eu, depuis Villèle : Laurent Fabius. La prépotence présidentielle paraissait définitivement établie. C’était l’ensemble des décisions et pas seulement les grandes orientations — on le vit par exemple en matière de politique industrielle — qui remontait à l’Elysée.

Pourtant une nouvelle lecture de la Constitution va s’imposer. L’élection d’une majorité de droite à l’Assemblée Nationale en mars 1986 ouvre la voie, pour la première fois, à la cohabitation d’un Président et d’un gouvernement procédant l’un de la gauche, l’autre de la droite. Cette configuration inédite, celle d’une cohabitation évidemment contraire à la conception qu’avait affirmée le général de Gaulle, avait déjà été envisagée par Valéry Giscard d’Estaing dans son discours de Verdun-sur-le-Doubs, avant les élections de mars 1978. Il déclara que, n’ayant pas les moyens de s’opposer à une majorité nouvelle de gauche, il se tiendrait un peu à l’écart, au Château de Rambouillet [ce n’était quand même pas Fontainebleau !]. Cette hypothèse — on le sait — ne se produisit pas.

1988 arrive, François Mitterrand est réélu, il incite le peuple à ne pas donner une majorité absolue au Parti socialiste qui, effectivement, ne disposera que d’une majorité relative. L’ouverture ne sera déjà qu’un simulacre et on verra qu’en réalité le Parti socialiste exerce un certain pouvoir puisqu’il va, huit jours après l’élection de François Mitterrand, refuser d’introniser comme premier secrétaire le candidat patronné par François Mitterrand. Juste après sa réélection, François Mitterrand se voyait bravé et, en quelque sorte, délégitimé par le parti qu’il avait remis au pouvoir.

La grande novation, me direz-vous, est depuis 2000-2001 l’instauration du quinquennat et l’inversion du calendrier : les présidentielles d’abord, les élections législatives ensuite. Mais il y a quelque chose de plus profond sur quoi, à ce stade de mon exposé, j’aimerais attirer votre attention. C’est la montée de quelque chose qui n’existait pas en 1958 : le fait majoritaire, grâce au mode de scrutin majoritaire, qui ne figure pas dans la Constitution puisqu’il procède d’une simple loi. D’autre part, le Président de la République joue un rôle directeur. Cette majorité va se présenter souvent comme la majorité présidentielle.

Le Président de la République commence par dissoudre l’Assemblée nationale en 1981, avec succès, en 1988, encore avec succès, et même avec un calibrage très fin et puis en 1997, son successeur dissoudra, cette fois sans succès, car la dissolution est intervenue — faut-il le rappeler ? — deux ans après la présidentielle de 1995.

Mais le fait majoritaire finit par faire passer au second plan bien des dispositions constitutionnelles, tels les articles du parlementarisme rationalisé, institués en 1958 pour permettre à un gouvernement de faire passer des lois, de ne pas être à la merci d’un refus du Parlement de voter telle ou telle loi de finances. Ces articles du parlementarisme rationalisé s’imposent-ils encore quand ce mode de scrutin, qui va progressivement simplifier l’échiquier politique, produit un parti dominant ?

On va passer à quatre grandes forces : les socialistes, les communistes, l’UDF et le RPR. Mais, très vite, dès 1962, l’UNR-UDT dispose à elle seule de la majorité (ou peut-être avec l’appoint des Républicains indépendants, encore n’en suis-je pas sûr). De même après les élections de juin 1968, l’UDR, qui a succédé à l’UNR-UDT, sera massivement majoritaire ; on peut alors parler d’une «Chambre introuvable ».

De l’autre côté, le spectre va se resserrer très progressivement, à partir des années 1970, avec la montée du Parti socialiste d’Epinay qui, revenu de l’abîme (le Parti socialiste recueillait 10% ou 12% des voix à la fin de la IVe République, 5% en 1969) va atteindre environ 20% en 1973. François Mitterrand, au premier tour de 1981, recueillera 26% des voix (il sera élu au deuxième tour avec un peu plus de 52% des voix). Suite à la dissolution de 1981, le Parti socialiste reviendra, majoritaire à son tour, dominant une « Chambre introuvable ». Ce qui s’était produit à droite se produit à gauche. Les propos d’Alain Peyrefitte : « Si nous ne faisons pas de bêtises, nous serons au pouvoir pour trente ans » ont été démentis. Il s’est produit à gauche un phénomène de rassemblement autour de François Mitterrand qui a donné le pouvoir au parti majoritaire, à la majorité présidentielle.

Avec les cohabitations successives, on a toujours vu un parti majoritaire : le RPR en 1986 et en 1993 et le PS en 1997 (même si le Parti socialiste n’avait pas la majorité à lui seul).

Ce fait majoritaire massif nous impose une lecture totalement différente de la Constitution. La Constitution de la Ve République, avec le système politique de la IVe, avec cet éclatement des forces politiques, serait très différente de ce qu’en fait cette extraordinaire concentration qui ne laisse subsister aujourd’hui que deux partis dominants et quelques poussières de petits partis.

Ce qui a clairement résulté de la double réforme de 2000-2001, quinquennat sec et inversion du calendrier, a été l’accroissement de la prépotence présidentielle. Je peux vous dire, pour avoir vécu tout cela, que même si Jacques Chirac s’était contenté d’imposer le quinquennat sec, la logique de ces réformes était en réalité d’aller vers un régime beaucoup plus présidentiel où le Parlement retrouverait des couleurs et s’affranchirait de l’extrême dépendance dans laquelle le mettait un soutien obligé au Gouvernement par le biais de l’article 49-3 et de l’impossibilité pour lui d’encourir une dissolution.

À partir de 2002, il était manifeste que le déséquilibre entre le Président et le Parlement élu dans la foulée s’accroissait, suscitant une formidable concentration de pouvoir à travers non seulement le Président de la République mais également le parti majoritaire, l’UMP. Toutes les grandes décisions, comme d’ailleurs les petites, pouvaient dès lors remonter au Président de la République. Ni le Président Chirac, ni le Président Mitterrand, le Professeur Boutin l’a dit, n’ont manifesté un interventionnisme constant d’un bout à l’autre de leurs mandats. Même s’ils étaient très interventionnistes, ils laissaient aller les choses dans certains domaines.

Les causes de l'abaissement du Parlement sont de plusieurs ordres :

Le régime est déséquilibré en fait depuis le départ, et notamment depuis 1962 par l’élection au suffrage universel du Président de la République. Ce déséquilibre est encore accentué par les articles dits du parlementarisme rationalisé adapté en 1958 dans un autre contexte. Ce déséquilibre a été redoublé par les réformes institutionnelles de 2001-2002, et enfin, considérablement accru par le bipartisme de fait auquel a conduit le scrutin majoritaire et la mécanique institutionnelle de la Ve République.


Comment rompre cet enchaînement et libérer le Parlement ?

Je ne suis pas un expert et Madame Anne-Marie Le Pourhiet, qui va intervenir après moi, pourra critiquer la suggestion que j’ai faite à la Commission Balladur.

En fait, pour libérer le Parlement du Gouvernement, il faudrait organiser encore plus la désuétude de la dissolution et de la censure. La dissolution n’a plus été utilisée depuis 1997 (elle a laissé à ses initiateurs un mauvais souvenir). Quant à la censure, elle est tombée en désuétude depuis 1962. Les députés ne veulent pas retourner sur les marchés. :rolleyes:

J’ai donc proposé d’aller plus loin dans l’organisation de la désuétude de l’une et de l’autre pour aller vers ce qu’on appelle un régime présidentiel de fait, disons « à la française ». Je veux bien que le régime présidentiel soit une de ces idées qui fuient à mesure qu’on avance mais j’ai proposé de pousser le curseur vers le régime présidentiel. Il s’agit d’aller vers un système de deux pouvoirs distincts ne dépendant pas l’un de l’autre, ce qui est, à mon sens, la vraie définition du régime présidentiel. J’ai même cru voir cela dans les propos de Monsieur Troper : « Quand ces deux pouvoirs ne dépendent pas l’un de l’autre, on n’est pas loin de ce qu’on appelle vulgairement un régime présidentiel. »

La France n’est pas les États-Unis. [bgcolor=#FFFF99]Les États-Unis ont un système souple, les Partis républicain et démocrate sont très divers et un président peut gouverner avec une majorité qui lui est hostile au Congrès, on le voit aujourd’hui.[/bgcolor] En France nous avons un système beaucoup plus rigide, avec, maintenant, deux partis disciplinés. Il est difficile d’aller vers un régime présidentiel avec des structures politiques comme les nôtres, à moins d’assouplir ce système par une représentation proportionnelle « à l’allemande » dont je serais partisan dans l’hypothèse où on voudrait aller vers un régime présidentiel. En effet, on retrouverait alors un spectre beaucoup plus divers et un parlement qui reflèterait bien davantage le pays. Rappelez-vous que les candidats du Parti socialiste et du RPR ne représentaient en 2002 que 35% des suffrages exprimés et à peine le quart des électeurs inscrits !

[b]La représentation proportionnelle pourrait donc être introduite dans le mode de scrutin législatif[/b] avec des listes nationales inspirées du modèle allemand préservant cependant [b]l'élection des députés dans des circonscriptions[/b], condition de leur indépendance vis-à-vis des appareils partisans.

Si on allait dans ce sens-là, il suffirait d’introduire dans la Constitution une disposition prévoyant le retour simultané du Président de la République et des députés devant le peuple en cas de censure ou de dissolution.

Les deux « soupapes de sécurité » permettraient d’éviter les risques de blocage dont je ne suis pas sûr que, dans un pays aussi « politique » que le nôtre, ils ne viendraient pas à se produire si un désaccord de fond se manifestait entre le Président de la République et une majorité du Parlement.

Ces deux « soupapes de sécurité » résulteraient du maintien dans les textes du droit de dissolution dans la main du Président et du droit de censure du gouvernement au bénéfice du Parlement, [bgcolor=#FFFF99]maintien assorti de la règle explicitement formulée du retour simultané devant le Peuple du Président et des députés[/bgcolor], soit en cas de dissolution, soit en cas de renversement du Gouvernement.

On peut imaginer que cette « dissuasion mutuelle assurée » exercerait un effet pacifiant sur les conflits (personne n’a envie de retourner sur les marchés :rolleyes: ni dans les grandes salles de meetings), sauf en cas de crise nationale très grave, et favoriserait les compromis entre les deux Pouvoirs.


Alors on m’a fait des objections :
On m’a dit : « Ca n’existe nulle part ».
Mais ce système existe en Grande-Bretagne avec le Premier ministre qui peut dissoudre et retourner lui-même, par anticipation, devant le corps électoral.
On m’a objecté le vide du pouvoir sans chef de l’Etat ni Assemblée nationale.
Mais le chef de l’Etat peut demeurer en fonction jusqu’à la nouvelle élection ou être remplacé par le Président du Sénat.
On m’a opposé le risque d’une rupture de continuité en cas de démission ou de décès du Président.
Mais il peut être contourné par une dissolution ne concernant que l’Assemblée, décidée par son successeur. Il faudrait alors prévoir ce cas.

Ma proposition a dû paraître trop complexe, Monsieur Balladur et les membres de la commission m’ont écouté, ont manifesté, m’a-t-il semblé, un certain intérêt. Je pense que cet intérêt venait de ce que plusieurs d’entre eux étaient favorables à un régime présidentiel mais les directives qu’ils avaient reçues leur demandaient de ne pas aller jusque là.

Toujours est-il que ce système de retour simultané devant le peuple du Président et des députés, en cas de dissolution ou de censure, n’a pas été retenu bien que ce soit, à mon avis, un système très démocratique puisque c’est le Peuple, c’est-à-dire le Souverain qui trancherait, en cas de conflit. Ce rôle du peuple est pour moi tout à fait essentiel.

Dans cette hypothèse — celle d’un régime présidentiel à la française —, on pourrait coupler cette réforme avec une réforme du mode de scrutin « à l’allemande » bien préférable à l’ajout d’une petite tranche de proportionnelle qui risquerait de compliquer beaucoup les choses et pourrait rendre impossible la constitution d’une majorité stable dans le cadre actuel qui reste — rappelons-le — un cadre parlementaire. Rappelez-vous qu’en 1967, le Général De Gaulle et Georges Pompidou n’ont conservé la majorité qu’à un siège de député près. Si on ajoute vingt ou trente parlementaires, les deux partis dominants vont confisquer l’essentiel de cette représentation additionnelle, et on ne permettra qu’à une ou deux personnes supplémentaires, aujourd’hui absentes du Parlement de pouvoir s’y exprimer, ce qui — du point de vue de la démocratie — ne changera pas le fond des choses.

Voilà la proposition que j’ai faite pour revaloriser le Parlement. Je crois utile de dire que je n’ai jamais cru à la « reparlementarisation » de nos institutions dès lors que l’on conservait l’élection du Président de la République au suffrage universel. Les Français y sont attachés, ils y voient une prérogative de leur citoyenneté, à tort ou à raison. Il serait très difficile de supprimer l’élection du Président de la République au suffrage universel. C’est la raison pour laquelle je crois qu’on ne peut pas revenir, comme l’avait proposé Jean-Pierre Bel et, à sa suite, Ségolène Royal, vers un régime beaucoup plus parlementaire. Ségolène Royal avait d’ailleurs parlé de VIe République, ce qui est beaucoup plus vague. Je ne pense pas que cette voie soit réellement praticable.

Je pense qu’il faut aller plutôt dans le sens que j’ai indiqué — celui d’un régime présidentiel à la française —, ce qui n’exclut pas un certain nombre de réformes intéressantes proposées par la Commission Balladur, visant à revaloriser le rôle du Parlement.

Ce que je critique dans les propositions de la Commission Balladur, c’est l’article 5 qui dispose que « Le Président de la République définit la politique de la nation ». Vous me direz que c’est ce qui se passe… Ce n’est pas tout à fait le cas : il en définit les grandes orientations. En tout cas il n’est pas nécessaire de l’encourager à aller plus loin qu’il ne va déjà. J’ajoute que ce n’est pas compatible avec l’hypothèse d’une cohabitation qui peut toujours survenir. Que se passerait-il dans le cas d’une nouvelle majorité soutenant un gouvernement censé conduire une politique que le Président de la République continuerait à définir… ?

Tout ceci est un peu incohérent. Je pense que la réflexion contenue à la page 4 du rapport, (« … le Comité ne s’est pas interdit, dans ses discussions, d’envisager l’hypothèse d’une évolution vers un régime nettement présidentiel, dans lequel la responsabilité gouvernementale devant le Parlement n’a plus sa place. ») est cohérente avec cette formulation d’un Président de la République qui définit la politique de la nation. Mais je pense qu’on pourrait se contenter d’une formulation plus souple : « Il contribue à définir les grandes orientations de la politique nationale » ou « Il impulse les grandes orientations de la politique nationale ». On sait bien que c’est le cas mais entre le dire et le faire, il y a toujours un effet cumulatif. Soyons donc prudents.

Je ne me sens pas de plain pied avec l’idée d’organiser le premier tour des élections législatives en même temps que le deuxième tour de l’élection présidentielle, ce qui renforcerait encore plus le caractère présidentialiste du système. Je ne vois pas l’intérêt de cette disposition.

Mais ceci n’est pas l’objet de notre colloque qui est de savoir si on peut se rapprocher d’un système présidentiel.

Selon moi cette évolution est possible, elle devrait toutefois s’accompagner de la revalorisation du Parlement. À cette fin, j’ai déjà évoqué les articles du parlementarisme rationalisé (vote bloqué – 49.3 –, fixation de l’ordre du jour par le gouvernement) qui pourraient être maintenus dans l’hypothèse d’une représentation proportionnelle intégrale, être supprimés ou limités dans l’hypothèse du maintien du scrutin majoritaire et du fait majoritaire (ils sont largement devenus inutiles).

J’avais évoqué devant le Comité Balladur la création de nouvelles commissions, notamment une Commission des Affaires européennes, et la suppression du pouvoir de veto du Sénat (pour les révisions constitutionnelles de l’article 89 et pour les lois organiques le concernant). Il semble que les propositions du Comité aillent dans ce sens.

Enfin, je préconisais la création de Commissions de codification de la loi (loi qui, devenue très bavarde, prolifère aujourd’hui), ce qui va dans le bon sens de la proposition de la Commission Balladur visant à faire respecter plus nettement le domaine de la loi et celui du règlement par l’initiative laissée aux Présidents des assemblées qui pourraient retoquer un texte ou un amendement qui empièterait sur le domaine réglementaire.

[bgcolor=#FFFF99]Il est clair que le pouvoir du peuple gagne toujours à être renforcé. On peut imaginer des référendums d’initiative populaire, c’est une des propositions de la Commission Balladur, ou bien de lier le référendum et la responsabilité politique du Président, c’est ce que faisait spontanément le Général De Gaulle. Peut-on obliger le Président de la République à s’engager à se démettre en cas d’échec du référendum ? Rien ne l’en empêche mais rien ne l’y oblige non plus, on l’a constaté lors du référendum sur le projet de constitution européenne initié par le Président Chirac. Enfin, on pourrait imaginer des référendums d’initiative populaire pour la révocation du Président ; ce type de référendum révocatoire existe au Venezuela où le Président Chavez a dû s’y soumettre, avec succès d’ailleurs. [/bgcolor]

J’aurais pu ajouter quelques propos sur le contrôle de la constitutionnalité mais le Professeur Troper, un éminent expert, s’exprimera sur sa proposition concernant le renforcement de la légitimité du contrôle par des procédures assouplies de révision constitutionnelle ou d’authentification de l’interprétation de la Constitution.

On pourrait aussi se poser la question du contrôle de constitutionnalité s’appliquant aux directives européennes. On ne voit pas pourquoi cela s’appliquerait à la loi et non aux directives européennes.

Enfin je souhaite qu’on aille vers le renforcement de l’autorité de la loi elle-même, qui doit être simple, lisible, intelligible, pérenne, d’où ce système de commissions de réforme législative que j’ai évoqué tout à l’heure et qui aurait beaucoup de travail à accomplir pour atteindre cet objectif éminemment républicain.

Mon propos était de vous présenter une réflexion qui tendrait à déplacer le curseur, comme je l’ai dit. Je ne prétends pas que cette idée soit à prendre comme telle. Je l’avais proposée en 2002, au moment des élections présidentielles, je l’ai reprise, je ne sais pas si on peut s’en inspirer pour la suite. Il y a beaucoup de propositions et, parmi elles, sans doute d’autres manières de revaloriser le rôle du Parlement. C’est le sujet dont doit nous entretenir Madame Anne-Marie Le Pourhiet, professeur à l’université de Rennes, à laquelle je donne maintenant la parole.

Je vous remercie.


J’ai déjà eu l’occasion de signaler que la stabilité des institutions n’est pas du tout une qualité en soi : à titre d’exemple (on n’a qu’à se baisser pour en trouver à la pelle), les institutions soviétiques ont duré plus de cinquante ans et survécu à la fois à une guerre mondiale et à 21 millions de morts pour le pays… C’étaient pourtant des institutions abominables qui permettaient les pires exactions sans laisser au peuple le moindre moyen de résister. Donc, la Vème pourrait fort bien avoir été un régime très stable ET très injuste, la stabilité ne prouvant nullement la moindre vertu démocratique.

Que pensez-vous ce cette idée d’un régime présidentiel avec appel au peuple facilité en cas de conflit ?

Étienne.

La communication de Madame Le Pourhiet n’est pas moins intéressante :

[bgcolor=#FFFF99]Comment remédier à l’abaissement du parlement ? Y a-t-il des alternatives au régime présidentiel ?[/bgcolor]
par Anne-Marie Le Pourhiet, professeur de droit public à l’Université de Rennes 1, vice-président de l’Association française de droit constitutionnel

http://www.fondation-res-publica.org/Comment-remedier-a-l-abaissement-du-parlement-Y-a-t-il-des-alternatives-au-regime-presidentiel-_a251.html

Merci, Monsieur le ministre.

Vous m’avez en réalité posé deux questions. « Comment remédier à l’abaissement du Parlement ? ». J’essaierai d’abord de répondre à cette question.

« Y a-t-il des alternatives au régime présidentiel ? » La seconde question donne l’impression bizarre qu’on y répond en même temps qu’on la pose. Je pense – et j’espère – qu’il y a des alternatives au régime présidentiel.

Ces deux questions ne se recoupent pas et n’ont d’ailleurs pas forcément de rapport entre elles. L’une concerne la structure de l’exécutif, l’autre les pouvoirs du Parlement. Je les traiterai donc séparément mais je voudrais d’abord lever toute ambiguïté et tout risque de malentendu en redonnant les définitions classiques des régimes présidentiel et parlementaire pour vérifier où nous en sommes actuellement après les évolutions décrites par Christophe Boutin, dans la typologie en question.

Tout d’abord, donc, quelques rappels de définitions, pour être bien sûrs de savoir ce dont nous parlons.

[color=blue]Un régime présidentiel n'est pas, loin s'en faut, un régime de concentration des pouvoirs au profit d'un président et ne se définit pas non plus par l'élection de celui-ci au suffrage universel direct. Je rappelle qu'aux Etats-Unis il s'agit d'une désignation indirecte par un collège de grands électeurs. Ce ne sont donc ni le statut ni les pouvoirs du président qui caractérisent ce régime mais le caractère rigide de la séparation des pouvoirs entre le président et le congrès. Dans ce système, en effet, aucun des deux pouvoirs ne peut destituer l'autre : le président ne peut dissoudre aucune chambre du Congrès qui ne peut non plus renverser le président. Celui-ci est assisté par des ministres dénommés secrétaires qui ne constituent nullement une instance de décision collégiale et solidaire. Il n'y a pas de gouvernement mais seulement une administration au service du président, la structure exécutive n'est pas dualiste comme en régime parlementaire.

La séparation fonctionnelle est aussi plus forte qu’en régime parlementaire mais elle n’est pas totalement étanche : le président n’a pas, en droit, l’initiative des lois mais dispose cependant d’un droit de veto surmontable par le Congrès à une majorité renforcée.

Il ne dispose juridiquement d’aucun moyen pour contraindre les membres du Congrès à adopter les lois qu’il souhaite et doit procéder par persuasion et négociation.

En revanche le Congrès dispose de pouvoirs de contrôle importants notamment par l’intermédiaire du vote du budget, qui est tout sauf une formalité, et des puissantes commissions législatives et d’enquête. [/color]

[color=purple][b]Le régime parlementaire, au contraire, se définit par la souplesse de la séparation des pouvoirs et notamment l'interdépendance des organes.[/b]

Le gouvernement est politiquement responsable devant le parlement dont au moins une chambre peut le renverser, tandis que ce parlement ou cette chambre peut aussi être dissout(e) par l’exécutif.

La collaboration fonctionnelle y est aussi plus forte que dans le régime précédent en ce sens que le gouvernement partage l’initiative des lois avec les parlementaires et dispose de moyens juridiques, parfois très importants, pour intervenir dans la procédure législative. L’efficacité de ces moyens est évidemment redoublée lorsque le mode de scrutin majoritaire (à un ou deux tours) assure une majorité parlementaire stable et confortable au gouvernement.

En outre, des raisons historiques liées à l’origine monarchique des régimes politiques européens expliquent qu’ici, la structure de l’exécutif soit duale et comporte un chef de l’Etat (monarque ou président de la République) et un chef de gouvernement (premier ministre, chancelier, président du conseil ou du gouvernement).

La plupart des régimes parlementaires sont dits « monistes » c’est-à-dire que le chef de l’Etat, politiquement irresponsable, y « règne mais ne gouverne pas », y compris dans les républiques dont le président est élu au suffrage direct. Il incarne l’unité et la continuité de l’Etat mais n’exerce pas le pouvoir exécutif, essentiellement concentré entre les mains du gouvernement et de son chef qui contresignent les actes du chef de l’Etat.[/color]


Où le régime politique français actuel se situe t-il dans cette typologie ?

En droit strict, c’est à dire selon la lettre de la Constitution, nous sommes dans un régime parlementaire moniste dans lequel le président, arbitre et garant, se trouve au dessus des partis et des contingences politiques (voir le Discours de Bayeux) tandis que c’est le gouvernement, responsable devant la chambre basse qui détermine et conduit la politique de la nation (article 20) y compris la défense nationale dont le premier ministre est responsable (article 21).

En fait cependant, le président de la République se comporte en capitaine d’une équipe gagnante et se fait élire depuis 1962 au suffrage universel direct, non pas sur ses qualités arbitrales mais sur un programme de gouvernement. C’est donc toujours un régime parlementaire moniste mais dans lequel c’est bizarrement le chef de l’Etat qui gouverne au lieu et place du chef du gouvernement devenu son subordonné sauf, lorsque refusant de démissionner après une sanction électorale de « sa » politique, le président accepte de cohabiter avec une majorité parlementaire et donc un premier ministre qui n’est dès lors plus son subordonné mais son rival.

Au plan parlementaire, on sait que l’arsenal du parlementarisme rationalisé mis en place en 1958 pour permettre au gouvernement de discipliner les assemblées intervenait dans un contexte partisan forgé par douze années de représentation proportionnelle et donc par l’absence de majorité stable. L’encadrement du règlement des assemblées, la délimitation du domaine de la loi, la maîtrise de l’ordre du jour par l’exécutif, la sélection des amendements, l’interruption de la navette, le 49§ 3, se sont ajoutés, à partir de 1962, à l’apparition d’une majorité docile et soumise de « godillots » pour aboutir à un abaissement sans précédent du parlement. Seuls le Sénat, dans les périodes, où il est dans l’opposition, et le Conseil constitutionnel, lorsqu’il est saisi, constituent de faibles contrepouvoirs dans un système monolithique.

[bgcolor=#FFFF99]En résumé, nous nous trouvons donc dans un régime parlementaire où un chef de l’Etat gouverne au lieu et place du chef du gouvernement sans autre responsabilité politique que celle des urnes tous les cinq ans et sans autre contre-pouvoirs (sauf cohabitation désormais hypothétique) que celui du Conseil constitutionnel et, conjoncturellement, du Sénat qui ne peut s’opposer véritablement qu’aux révisions constitutionnelles.[/bgcolor]

Avant d'examiner les remèdes possibles à ces « problèmes », un rapide coup d'œil comparé nous permet cependant de constater que [b]nous ne sommes pas forcément les plus mal lotis[/b].

Le premier ministre anglais, en réalité aussi élu par le peuple lors des législatives, gouverne pratiquement seul avec une majorité aux Communes plus forte que la nôtre grâce au scrutin majoritaire à un tour, et une absence totale de contre-pouvoirs institutionnels (monarque effacé, seconde chambre fantôme et absence de contrôle de constitutionnalité). C’est à l’intérieur de son parti que se joue son destin mais pas dans les institutions.

Le chancelier allemand doit sans doute composer avec un tiers parti au sein du Bundestag mais aussi avec un Bundesrat parfois dans l’opposition dont on vient cependant de limiter le droit de veto législatif. On constate néanmoins que, même avec une moitié de ministres SPD au gouvernement fédéral Angela Merkel ne contredit pas l’expression consacrée de Kanzlerdemokratie.

Le président américain est certainement (président du Conseil italien mis à part) celui qui doit le plus composer et négocier et sa responsabilité démocratique ne joue aussi que tous les quatre ans, la limitation de ses mandats à deux permettant cependant de forcer le renouvellement.

En comparaison avec la Grande-Bretagne nos institutions ne sont donc pas dans un état si inquiétant. La « singularité française » dénoncée dans le rapport Balladur, qui confond trop facilement démocratie et séparation des pouvoirs, n’est pas convaincante. À titre de provocation, j’ajouterai même que la Grande-Bretagne ayant abandonné moins de souveraineté à l’Europe que la France, conserve entre les mains de son premier ministre plus de pouvoirs qu’il n’en reste au président français.


Voyons maintenant quels seraient les remèdes si on veut bien admettre qu’il y a une insuffisante responsabilité du président de la République en France et une trop grande faiblesse de l’institution parlementaire.

D’abord, que peut-on faire pour renforcer la responsabilité présidentielle ?
Y a-t-il des alternatives au régime présidentiel, m’a-t-on demandé ?

Oui, évidemment et heureusement. [bgcolor=#FFFF99]Le pouvoir constituant est libre, il n’existe aucun déterminisme constitutionnel qui devrait inexorablement nous conduire vers un régime présidentiel. Nous ne sommes condamnés à rien.[/bgcolor]

Éliminer en France le gouvernement et son chef et donc leur responsabilité devant la chambre, supprimer le droit de dissolution et condamner le président à gouverner avec un parlement indépendant sans mode de résolution institutionnelle des crises paraît totalement disproportionné et inapproprié au mal diagnostiqué. La séparation rigide à l’américaine est inadaptée à la structure partisane et à la tradition politique françaises, on sait d’ailleurs qu’elle ne s’est jamais soldée chez nous que par des coups d’État (Constitutions de 1791, an III et 1848).

Cherchons donc des alternatives, il y en a au moins trois :

1. Nous pouvons d’abord opter pour le statu quo, fût-il juridiquement bâtard et en trompe l’oeil. Les risques de cohabitation sont limités par le quinquennat et le nouveau calendrier, le président est responsable devant le peuple tous les cinq ans et non plus sept. Accessoirement, si les députés veulent, en cours de mandat, manifester leur désapprobation au président ils peuvent toujours renverser son gouvernement comme ils l’avaient fait en 1962.

On pourrait donc se borner à prévoir simplement un mandat de cinq ans non renouvelable, mais on peut aussi observer qu’en Grande-Bretagne, c’est le parti qui sait faire comprendre à Margaret Thatcher ou à Tony Blair qu’il est temps de s’en aller. Je constate que le comité Balladur n’a pas cru nécessaire de prévoir cette limite raisonnable au nombre de mandats présidentiels ni même de justifier cette absence : dix ans est évidemment un maximum et ce qui va sans dire va mieux en le disant.

Le comité Balladur propose, en revanche, d’entériner la situation de fait en ajoutant dans les articles 5 et 20 que le président « définit la politique de la Nation » tandis que le gouvernement ne fait plus que la « conduire ». On propose ainsi d’écrire dans le même article que le président est simultanément arbitre et capitaine ! Il vaudrait mieux, à mon avis, s’abstenir d’écrire ce genre de contradiction flagrante d’autant que si d’aventure une cohabitation survenait de nouveau cette nouvelle disposition serait aussitôt démentie. [bgcolor=#FFFF99]Il y a, en outre, une très grave incohérence dans ces propositions : le gouvernement demeure politiquement responsable devant les députés d’une politique dont il est désormais écrit qu’il ne la définit plus, c’est absurde.[/bgcolor] Il vaut mieux avoir un régime politique qui fonctionne en marge du texte constitutionnel, ce qui existe dans d’autres pays, que d’avoir un texte ouvertement contradictoire et illogique.

C’est donc la première solution : un statu quo en limitant éventuellement le nombre de mandats.

2. Nous pouvons aussi juger que la responsabilité politique tous les cinq ans est insuffisante et qu’il faut la développer mais il faut cependant être logique, là encore.

La pratique gaullienne du régime a consacré l’existence de [bgcolor=#FFFF99]deux couples cohérents : l’un de droit, c’est le couple gouvernement-parlement, l’autre de fait, c’est le couple président-peuple. Le gouvernement issu des élections législatives est responsable devant l’Assemblée nationale, le président élu au suffrage populaire direct est responsable devant le peuple. Ce n’est donc pas à l’Assemblée que le président a des comptes à rendre mais au peuple.[/bgcolor]

De ce point de vue l’idée imposée par Nicolas Sarkozy au comité Balladur et tendant à permettre au président « de venir exposer sa politique directement devant le parlement » est aberrante. C’est le premier ministre qui expose cette politique dans son discours de politique générale ou la présentation de son programme, c’est à lui que les députés expriment ou non leur confiance puisque c’est lui qui est responsable devant eux.

On ne peut pas mélanger les genres et croiser le quadrille : un chef d’Etat parlementaire n’a rien à faire devant les députés et n’a pas à se soumettre à une commission d’enquête parlementaire, cela n’a pas de sens.

Le contreseing (article 19) des actes du chef de l’État par les membres du gouvernement indique qu’ils en endossent la responsabilité devant l’Assemblée nationale. Le rapport Balladur semble curieusement ignorer cette règle capitale. [bgcolor=#FFFF99]C’est le gouvernement et lui seul qui doit rendre compte au parlement, le président n’est responsable, en fait, que devant le peuple.[/bgcolor]

Mais, si le président ne démissionne pas après une sanction populaire de sa politique c’est-à-dire en cas de victoire de l’opposition après une dissolution ou après l’échec d’un référendum, peut-on l’y contraindre par une disposition constitutionnelle ?

Pour le référendum certainement pas. On ne peut pas obliger un président à engager sa responsabilité sur un texte, ce ne peut être qu’une faculté comme pour le gouvernement dans l’article 49§3.

Peut-on alors l’obliger à revenir devant les électeurs en cours de mandat ? Oui, ce serait possible de deux façons :

[bgcolor=#FFFF99]Premièrement en introduisant dans notre Constitution une procédure de révocation populaire du président comme cela existe, notamment pour le gouverneur, dans certains États américains dont la Californie (recall vote).[/bgcolor]

Si un certain pourcentage d’électeurs inscrits (12% en Californie) le demande, un référendum et organisé pour décider du maintien ou non du président sortant et, le cas échéant, de l’élection de son successeur.

Je serais personnellement assez favorable à un tel système complété, d’ailleurs, par un vrai référendum d’initiative populaire et non pas d’initiative parlementaire comme le propose en réalité le comité Balladur.

[bgcolor=#FFFF99]La deuxième solution, préconisée par Jean-Pierre Chevènement devant ce comité, consiste à introduire une disposition prévoyant le retour simultané du président de la République et des députés devant le peuple en cas de censure ou de dissolution.[/bgcolor]

Cela revient donc à admettre qu’en cas de censure du gouvernement par les députés, le président de la République et ces mêmes députés reviendraient devant les électeurs.

Sans doute une telle hypothèse n’est-elle pas prête de se produire en pratique et relève davantage de la dissuasion nucléaire que de l’exercice d’infanterie, mais il n’en demeure pas moins que l’idée que les députés puissent renvoyer à la fois le gouvernement et le chef de l’État heurte totalement la logique parlementaire et … la continuité de l’État puisque, dans une telle hypothèse, tout le monde est par terre … sauf le Sénat et les juges !

Ce suicide collectif paraît quand même difficile à faire inscrire dans une constitution, et je comprends que les membres du Comité Balladur aient été un peu perplexes, je le suis aussi, mais Jean-Pierre Chevènement défend son projet mieux que moi.

En tout état de cause, il n’y avait aucune chance pour que l’une ou l’autre de ces solutions soit proposée par le comité Balladur puisque l’ordre de mission de Nicolas Sarkozy était formel sur ce point : l’articulation proposée ne devait pas être « dissociable du régime de responsabilité actuellement en vigueur », c’est-à-dire en réalité d’[bgcolor=#CCFFFF]un régime d’irresponsabilité politique du président[/bgcolor].

3. On peut aussi résoudre le plus logiquement qui soit tous les problèmes, c’est la troisième solution, en revenant tout simplement à la lettre de la Constitution avec un président qui arbitre et un premier ministre qui gouverne, quitte, s’il le faut, à supprimer l’élection du président de la République au suffrage universel direct.

Je ne suis pas certaine que les Français ne puissent pas comprendre que les Anglais choisissent aussi directement qu’eux leur chef de l’exécutif et que les prochaines élections législatives britanniques opposeront Gordon Brown et David Cameron exactement comme nos présidentielles ont opposé Ségolène Royal et Nicolas Sarkozy. À moins d’estimer que les Français sont plus imbéciles que la moyenne européenne, je trouve la façon dont on les présente, arc-boutés sur un système bâtard, assez condescendante et méprisante.

Ce ne sont donc pas les alternatives au régime présidentiel qui manquent, le tout est de rester cohérent et de ne pas ignorer la logique profonde qui préside aux systèmes politiques. On ne peut pas écrire n’importe quoi en matière constitutionnelle mais c’est malheureusement ce que fait un peu le comité Balladur en ce qui concerne le couple exécutif.

Reste la question du renforcement du parlement.

Ici le panel des solutions envisageables est infini, tant l’arsenal des mesures qui encadrent le pouvoir législatif est riche. Mais il convient cependant de prendre conscience d’une chose : c’est le cumul du parlementarisme rationalisé d’une part et du fait majoritaire d’autre part qui a conduit à la situation actuelle.

[bgcolor=#FFFF99]Il convient donc de supprimer ce cumul en atténuant ou supprimant l’une des deux composantes mais pas les deux à la fois car on risque alors de replonger là d’où l’on est venu c’est à dire dans l’instabilité de la IVe République dont on sait qu’on la trouve encore dans le régime italien que le rétablissement de la proportionnelle a replongé dans l’ingouvernabilité.[/bgcolor]

On peut donc envisager d’introduire un système proportionnel comme celui de 1985, appliqué aux élections de mars 1986, qui conduirait, à terme, à la disparition du fait majoritaire et donc à l’obligation de constituer des gouvernements de coalition sur lesquels le président de la République n’aura pas la main mise aussi facile qu’aujourd’hui. Comme aux États-Unis, il devra donc négocier et composer.

Il importe dès lors de conserver les procédés de rationalisation parlementaire et notamment l’article 49§3 qui peut se révéler utile pour domestiquer une assemblée trop anarchique.

Nous avons perdu l’habitude de ce type de fonctionnement qui n’a existé que dans les quatre premières années de la Ve dans un contexte très particulier de mise en place du nouveau régime et de guerre d’Algérie. Il y a toujours un gros pari à faire sur ce mode de scrutin, surtout dans les pays latins, et les critiques de René Capitant sur son caractère finalement peu démocratique restent valables, même s’il existe des correctifs rassurants comme en Allemagne.

L’introduction, en revanche, d’une petite dose de proportionnelle seulement, comme le propose le comité Balladur, semble plus symbolique et hypocrite qu’efficace et ne paraît pas devoir changer vraiment les choses.

[bgcolor=#FFFF99]Quant à l’interdiction pure et simple et non pas seulement la limitation du cumul des mandats, je suis absolument convaincue qu’il faut la consacrer pour les parlementaires comme pour les ministres. [/bgcolor]

La seconde solution consiste à conserver le mode de scrutin actuel mais à supprimer les éléments trop brutaux du parlementarisme rationalisé.

L’ordre du jour des assemblées pourrait être laissé à leur discrétion comme aux États-Unis ou en Italie.

Le nombre de commissions législatives permanentes pourrait facilement être doublé (six aujourd’hui dans chaque assemblée, le comité Balladur propose de le porter à dix mais on pourrait monter à vingt).

L’idée du comité Balladur d’ouvrir le débat en séance publique sur le texte amendé par la commission et non sur le projet initial du gouvernement (système britannique) est judicieuse.

Le vote bloqué obligeant à tout moment l’assemblée considérée à se prononcer par un seul vote sur tout ou partie du texte en discussion (dénommé « guillotine » en Angleterre) pourrait aussi être supprimé (le comité Balladur ne prévoit pas cette suppression) de même que la « grosse Bertha » de l’artillerie gouvernementale que constitue l’article 49§3.

L’adoption d’un « statut » de l’opposition n’a de sens qu’en système majoritaire mais c’est davantage affaire de bonnes pratiques ou de dispositions de règlements des assemblées que de révisions constitutionnelles. Permettre à l’opposition de créer une commission d’enquête ou de présider une commission législative ne devrait pas nécessiter une inscription dans la Constitution.

Je note d’ailleurs une certaine contradiction dans les propositions de président de la République et de son comité sur ce point : introduire une part de proportionnelle et pratiquer l’ouverture dans le gouvernement n’est pas tout à fait compatible avec l’idée d’opposition. Si l’opposition est dans le gouvernement ce n’est plus l’opposition ! Comme le disait Gérard Lenormand dans l’une de ses chansons : « Opposition néant si j’étais président ». L’idée d’un véritable statut de l’opposition ne se conçoit, à mon sens, que dans le two party system britannique.

Pour éviter la tentation d’inscrire trop souvent dans des lois des dispositions déclaratives, recognitives ou de simples vœux, peut-être pourrait-on songer effectivement à permettre aux assemblées de voter des résolutions mais en faisant attention cependant à l’usage médiatique et démagogique de ces procédés.

Enfin et surtout, il conviendrait assurément de renforcer les pouvoirs de contrôle parlementaire en amont des projets d’actes européens, mais j’ai le sentiment qu’il s’agit là d’une affaire de volonté, de moyens matériels et de moeurs politiques plutôt que de moyens juridiques.

Il faudrait aussi que le parlement français cesse de se débarrasser systématiquement sur le gouvernement de la transposition des directives européennes et de l’adoption du droit d’outre-mer par le recours aux ordonnances. Le recours à l’article 38 mériterait d’être limité à moins d’en revenir au sénatus-consulte du 3 mai 1854 qui affirmait brutalement : « Les colonies sont régies par décret ».

On le voit donc, l’élaboration de remèdes destinés à revigorer notre démocratie n’est pas chose compliquée dès lors que l’on sait éviter les deux écueils que sont l’incohérence et l’accumulation de réformes compulsives. Il y a assurément un tri à faire dans les propositions trop nombreuses et inégales du comité Balladur.

Un point désespérant doit cependant être souligné pour conclure : [bgcolor=#FFFF99]à quoi bon se soucier de notre démocratie interne si 70% de nos lois ne sont plus que la transposition servile de directives communautaires et si le nombre de domaines qui échappent définitivement à notre décision s’agrandit chaque jour sous l’effet de nouveaux traités et de la jurisprudence de Luxembourg ?[/bgcolor]

Dans l’Union telle qu’elle fonctionne aujourd’hui, il ne peut pas y avoir d’hyper-président français, la seule vraie dictature qui nous menace est celle de la technocratie bruxelloise et des juges luxembourgeois.

On ne saurait trop dénoncer la provocation que constitue le titre du rapport Balladur (« Une Ve République plus démocratique ») [bgcolor=#FFFF99]au moment même où le président Sarkozy s’apprête à s’asseoir sur la volonté populaire en faisant ratifier par voie parlementaire un traité qui transfère encore des pans entiers de souveraineté à des institutions dont le déficit démocratique n’est plus à démontrer[/bgcolor].

Sur ces aspects européens, je sais que c’est maintenant Michel Troper qui va nous trouver des remèdes.

Merci à Etienne pour ces trois textes. surtout pour celui de Madame le Pourhiet.

ce colloque a eu lieu avant la lettre de Sarkosi et les consultations du premier ministre. Nous savons déjà que les évolutions vers un régime de présidentialisation « renforcée », modifications art 5, article 20 et art 21, ont été abandonnées. Il ne reste plus que la faculté pour le président de venir « dégoiser » sans risques devant le parlement. Evolution débile mais qui indique quand même une présidentialisation « rampante » et sournoise, si l’on peut dire.

Donc cette question de la nature du régime est passée par pertes et profits. On a encore raté l’opportunité de poser vraiment l’alternative parlementariste. car comme le dit, à peu près, Madame le Pourhiet, « comment peut’on dire que les français n’accepteraient pas de revenir sur l’existence de la fonction présidentielle, si on ne leur pose pas la question ? »

Bon quoiqu’il en soit la réforme des institutions se résume au renforcement du parlement. et je suis trés heureux de lire encore une fois sous la plume de Madame le Pourhiet que

[i]- On peut donc envisager [color=red][b]d'introduire un système proportionnel comme celui de 1985[/b][/color], appliqué aux élections de mars 1986, qui conduirait, à terme, à la disparition du fait majoritaire et donc à l'obligation de constituer des gouvernements de coalition sur lesquels le président de la République n'aura pas la main mise aussi facile qu'aujourd'hui. .....
  • Quant à l’interdiction pure et simple et non pas seulement la limitation du cumul des mandats, je suis absolument convaincue qu’il faut la consacrer pour les parlementaires comme pour les ministres.

et plus haut ;

  • Je constate que le comité Balladur n’a pas cru nécessaire de prévoir cette limite raisonnable au nombre de mandats présidentiels ni même de justifier cette absence : dix ans est évidemment un maximum et ce qui va sans dire va mieux en le disant

  • Premièrement en introduisant dans notre Constitution une procédure de révocation populaire du président comme cela existe, notamment pour le gouverneur, dans certains Etats américains dont la Californie (recall vote). … Je serais personnellement assez favorable à un tel système complété, d’ailleurs, par un vrai référendum d’initiative populaire et non pas d’initiative parlementaire comme le propose en réalité le comité Balladur. [/i]


Comme il n’y aura rien de tout celà, hormis des modifications du « réglement intérieur » de l’Assemblée Nationale, il est absolument vital que cette réforme de sarkosi qui n’est qu’ un rideau de fumée médiatique , soit rejetée.
Il le faut.!!!

Pardonnez-moi : cela fait plusieurs documents assez longs, mais tellement intéressants pour nous que cela vaut la peine, il me semble.

Voici donc l’intervention de Monsieur Troper à propos du contrôle de constitutionnalité (si choquant sous la cinquième) :

[bgcolor=#FFFF99]Le Parlement et la souveraineté : affermir les prérogatives de la représentation nationale en matière de contrôle des normes européennes [/bgcolor]

par Michel Troper, professeur à l’Université de Paris X :
http://www.fondation-res-publica.org/Le-Parlement-et-la-souverainete-affermir-les-prerogatives-de-la-representation-nationale-en-matiere-de-controle-des_a252.html

Merci, Monsieur le Président.

Je crains de vous décevoir par un propos un peu décentré par rapport à tout ce qu’il s’est dit jusqu’à maintenant, qui était fort intéressant, sur les notions de régime présidentiel ou sur la suprématie de la constitution européenne. En effet, j’avais prévu de parler plus précisément du contrôle de constitutionnalité. Ce n’est pas sans rapport mais ce n’est pas exactement le centre de mon propos.

Ce n’est pas sans rapport : comme Anne-Marie Le Pourhiet l’a très justement rappelé tout à l’heure, [bgcolor=#FFFF99]le Conseil constitutionnel est actuellement le seul contrepouvoir au bloc que forment le Président, le Premier ministre et la majorité homogène.[/bgcolor]

Le contrôle de constitutionnalité, néanmoins, souffre, notamment, d’un défaut essentiel, c’est qu’il est assorti d’un contrôle de conventionalité qui donne aux juges le pouvoir de mettre en cause la loi, pas seulement au Conseil constitutionnel, pas seulement au Conseil d’Etat et à la Cour de cassation mais à tous les juges.

Cependant, les contrôles, actuellement extrêmement développés, ne sont pas répartis comme il le faudrait.

Je distinguerai trois points :
1. Les inconvénients de la situation actuelle,
2. les remèdes, extrêmement partiels suggérés par le Comité Balladur,
3. enfin, d’autres remèdes auxquels nous pourrions songer ici.

1. La situation actuelle du contrôle de constitutionnalité n’est pas satisfaisante.

Elle souffre de tous les défauts qui affectent le contrôle de constitutionnalité des lois en général, auxquels s’ajoutent les défauts spécifiques à la manière dont le contrôle est pratiqué en France.

Les nombreux défauts généraux du principe de contrôle de constitutionnalité des lois peuvent être mis en lumière en examinant les arguments qui sont d’habitude fournis à l’appui de l’institution du contrôle de constitutionnalité des lois.

On dit, c’est devenu aujourd’hui un lieu commun, qu’il faut absolument exercer un contrôle de constitutionnalité des lois parce que la Constitution est par nature supérieure aux lois et que la supériorité signifie qu’une loi contraire à la Constitution ne doit pas pouvoir être appliquée ou qu’elle doit pouvoir être annulée ou encore, dans le contexte français, qu’il est interdit de la promulguer.

En réalité cet argument repose sur une équivoque et résulte de [color=red][b]l'ambiguïté du concept même de supériorité.[/b][/color] Ce mot désigne en effet deux choses très différentes : il peut vouloir dire que c'est la Constitution qui détermine les compétences et les pouvoirs de tous les organes de l'Etat et le mode de production des lois, des décrets, de toutes les normes de la République ; mais il peut signifier aussi qu'une loi — ou une autre norme — contraire à la Constitution est annulable.

Or ces deux concepts de supériorité ne se confondent pas. La meilleure preuve en est que, si toutes les constitutions sont bien supérieures dans le premier sens, si elles déterminent les compétences des autorités de l’Etat, elles ne prévoient pas toutes un mécanisme de contrôle. La supériorité, dans le second sens, c’est la nullité de la loi contraire et si l’on prétend faire découler de cette définition de la supériorité l’idée que la loi contraire doit être annulée, le raisonnement est tautologique : « Puisque la Constitution est supérieure à la loi, alors la Constitution doit être supérieure à la loi ».


Un autre argument est avancé selon lequel le contrôle de la constitutionnalité des lois serait une opération purement technique, consistant à comparer le texte de la Constitution au texte de la loi et à constater, en cas de contradiction, que la loi doit être annulée.

Cet argument repose sur [color=red][b]l'idée totalement fausse que la comparaison est une opération neutre.[/b][/color] En réalité, tout le monde sait bien que le texte de la Constitution doit être interprété et que le texte de la loi qu'on soumet au juge, doit lui même être interprété. Or [b]l'interprétation n'est pas une opération purement technique : c'est un acte de volonté qui implique des préférences politiques et la mise en jeu de ces préférences politiques. [bgcolor=#FFFF99]Si le juge de la constitutionnalité des lois peut interpréter librement et si son interprétation n'est pas contrôlée, il peut imposer n'importe quelle interprétation [u]et c'est lui qui devient non seulement le législateur mais le constituant[/u].[/bgcolor][/b]

Le Conseil constitutionnel, en France, a modifié la norme constitutionnelle (et non le texte de la Constitution) à plusieurs reprises. Par exemple, [bgcolor=#FFFF99]c’est lui qui a décidé que les juges ordinaires pouvaient faire prévaloir les règles internationales, notamment européennes, sur la loi nationale. Cette modification de la Constitution est donc le résultat d’une interprétation donnée par le Conseil constitutionnel.[/bgcolor] Ceci n’est évidemment qu’un exemple parmi beaucoup d’autres.


Un troisième argument classique en faveur du contrôle de constitutionnalité des lois, c’est qu’il est nécessaire de protéger les droits fondamentaux, notamment parce qu’une majorité parlementaire malveillante pourrait leur porter atteinte et opprimer la minorité.

[b][color=red]Mais, cet argument ne permet pas d'expliquer pourquoi le juge serait un meilleur protecteur des droits fondamentaux qu'un parlement et il néglige le fait que ce juge n'est pas moins déterminé par des préférences politiques qu'un parlement.[/color][/b]

Aux États-Unis, la cour suprême protège très bien la liberté d’expression mais beaucoup moins bien le droit à la santé auquel, en raison de ses préférences politiques, elle est moins sensible.

En Europe, il existe une conception, largement répandue depuis la Révolution française selon laquelle les droits et libertés ne se définissent pas contre l’État ou malgré l’État mais grâce ou par l’intervention de la loi, [bgcolor=#FFFF99]c’est la loi qui protège et non pas qui opprime.[/bgcolor]

Dès lors qu’on écarte ces arguments classiques, [bgcolor=#FFFF99]on pourrait parfaitement se passer du contrôle de constitutionnalité des lois. On s’en est d’ailleurs longtemps passé[/bgcolor] : en France, le contrôle de constitutionnalité des lois est survenu par accident. Mais il en est probablement du contrôle de la constitutionnalité des lois comme de l’élection du Président de la République au suffrage universel : Quelle que soit l’opinion que l’on en a, il est aujourd’hui difficile d’y renoncer.


On peut alors tenter de l’aménager et de remédier aux défauts spécifiques du système français. Ces défauts spécifiques tiennent à plusieurs éléments :

Le premier est la composition, le statut, le mode de nomination des membres du Conseil constitutionnel. [bgcolor=#FFFF99]Les nominations se font sans aucun contrôle.[/bgcolor] Le comité Balladur suggère une amélioration partielle sur ce point. On n’exige des membres du Conseil aucune compétence juridique particulière, d’où le rôle excessif au sein du Conseil du service juridique et surtout du secrétaire général.

Le deuxième défaut est que le contrôle est seulement a priori. Comme il s’exerce principalement dans les quinze jours qui séparent le vote d’une loi par le Parlement de sa promulgation par le Président de la République, [bgcolor=#FFFF99]le conseil constitutionnel apparaît beaucoup plus comme une troisième chambre qui peut exercer un droit de veto sur les lois votées par le Parlement. Une fois la loi promulguée, plus rien : même dans l’hypothèse où la loi serait véritablement oppressive, il n’y a plus rien à faire, sauf le fameux contrôle de conventionalité.[/bgcolor]

[b]Le contrôle de conventionalité[/b] s'est développé en France après la fameuse décision du Conseil constitutionnel de 1975 sur l'IVG. L'article 55 de la Constitution a été interprété comme autorisant n'importe quel juge à faire prévaloir n'importe quelle règle internationale, y compris du droit dérivé, mais aussi un traité de commerce, sur la loi parlementaire. Ces règles sont donc mieux protégées que la Constitution nationale. Il est même possible qu'elles soient elles-mêmes contraires à la Constitution française. Même dans ce cas, elles ne peuvent être écartées.
Sur le plan des principes de notre République démocratique, [b][color=red]cela signifie qu'il devient donc impossible de continuer de présenter la loi comme l'expression de la volonté générale, dès lors que la règle qui prévaut sur la loi parlementaire n'a pas été adoptée par les représentants du peuple français.[/color][/b]

Ce système ne permet donc pas de faire prévaloir la volonté générale mais au contraire conduit à la faire céder devant d’autres règles.

2. Face à cela, quelles sont les propositions du comité Balladur ?

Le comité Balladur a écarté une proposition tendant à transférer le contrôle de conventionalité au Conseil constitutionnel.
Il invoque une raison qui ne me paraît pas suffisante : le risque de divergences de jurisprudence avec la Cour de Cassation et le Conseil d’État d’une part, la CJCE d’autre part. Le risque n’est pas nul, mais de telles divergences existent de toute façon et surtout leur possibilité conduit les cours à modifier leurs stratégies. Chacune en réalité tient compte des réactions possibles des autres.

Sur la composition du Conseil constitutionnel il a fait une suggestion qui paraît bonne mais insuffisante. Elle consiste à encadrer le pouvoir de nomination et à permettre à une commission mixte de l’Assemblée nationale et du Sénat d’auditionner les personnalités dont la nomination est envisagée et d’émettre un avis public.

Cela concerne toute une série d’emplois et notamment les membres du Conseil constitutionnel.

Ce n’est qu’un avis et l’on n’exige toujours pas que les membres possèdent une quelconque compétence juridique. On peut cependant penser que cette procédure est de nature à inciter les autorités de nomination à la prudence et que les nominations de personnalités sans compétence juridique seraient plus rares. En tout cas, tel était, semble-t-il, l’espoir du comité.

La troisième suggestion du comité Balladur, sa mesure phare en cette matière est [bgcolor=#FFFF99]l’introduction d’une exception d’inconstitutionnalité.[/bgcolor]

Le comité Balladur reprend une proposition du comité Vedel de 1993, faite à peu près dans les mêmes termes, mais laissant à la loi organique le soin de préciser un point extrêmement important celui de savoir si le Conseil d’État ou la Cour de Cassation serviraient de filtre.

Il y a en effet deux systèmes possibles :

Une juridiction ordinaire doit appliquer une loi ; l’une des parties soulève une exception d’inconstitutionnalité devant le juge ordinaire et celui-ci doit alors renvoyer directement au Conseil constitutionnel. C’est le système italien.

Selon le second système, celui qui était proposé par le comité Vedel, chaque juridiction ne peut pas saisir directement le Conseil constitutionnel mais les renvois sont filtrés par la juridiction suprême de chaque ordre de juridiction.

Il me semble que les deux systèmes ont leurs inconvénients. Le second, notamment, ferait que les recours effectivement transmis au Conseil constitutionnel seraient probablement très rares. Les juridictions suprêmes ne renverraient au Conseil constitutionnel que lorsqu’elles auraient la certitude que la loi est contraire à la Constitution. Le pouvoir du Conseil constitutionnel serait donc extrêmement réduit, d’autant plus réduit que, comme il est arrivé en Espagne, le contrôle a priori finirait par s’étioler.

En tout cas le comité ne tranche pas.

3. Peut-on songer à d’autres remèdes ?

Ces remèdes peuvent être de trois ordres.

En effet, si l’on ne peut pas renoncer au contrôle de constitutionnalité des lois ni au conseil constitutionnel, il faut remédier aux inconvénients du contrôle de conventionalité diffus que nous connaissons aujourd’hui. Or, si l’une des possibilités envisagées par le comité Balladur était retenue par la loi organique, il serait étendu au contrôle de la constitutionnalité des lois.

[bgcolor=#FFFF99]L’inconvénient de ce contrôle diffus est qu’il donne beaucoup trop de pouvoir à des juges (qui n’ont ni le prestige ni l’autorité des juges américains) dont on ne connaît pas la compétence et qui pourraient juger de manière très différente selon leurs préférences idéologiques de sorte que, non seulement la loi ne serait plus l’expression de la volonté générale, mais qu’elle ne serait pas non plus la même pour tous[/bgcolor] puisque les juges du Sud ou de l’Est pourraient juger différemment des juges du Nord ou de l’Ouest et que l’harmonisation par les cours suprêmes serait extrêmement longue.

D’un autre côté, il est difficile, pour toutes sortes de raisons, de transformer le Conseil constitutionnel en cour suprême, comme certains l’ont proposé. La plus importante est qu’une telle réforme ne pourrait se faire indépendamment d’une refonte complète de l’ensemble des juridictions françaises et d’une réflexion approfondie sur la nature même de la fonction juridictionnelle et ses rapports avec les autres pouvoirs

[bgcolor=#FFFF99]Cela dit, on peut envisager de le transformer non en cour suprême, mais en véritable cour constitutionnelle, et de [b]le soumettre à un contrôle sérieux et efficace, c'est-à-dire, d'organiser un contre-pouvoir au contre-pouvoir[/b] : [/bgcolor]

[b]• Dans un premier temps, renforcer les pouvoirs du Conseil constitutionnel en le transformant en véritable cour constitutionnelle; développer le contrôle par voie d’exception, à l’italienne, et conduire chaque juge à renvoyer au Conseil constitutionnel en cas de difficulté sérieuse sur la constitutionnalité d’une loi.

• Mais d’autre part, étendre le pouvoir du Conseil constitutionnel en matière de contrôle de conventionalité, c’est-à-dire le conduire à assurer la primauté de la Constitution plutôt que la primauté des traités.[/b] Le Conseil constitutionnel, comme le Conseil d’Etat et la Cour de cassation, se sont déjà engagés dans cette voie lorsqu’ils ont décidé que le droit international pouvait prévaloir sur les lois mais pas sur les principes constitutionnels et que la suprématie du droit international n’avait son fondement que dans la Constitution.


En se fondant sur cette idée, on pourrait dans un premier temps renforcer le pouvoir du Conseil constitutionnel de deux façons :

a) tout d’abord modifier l’article 54 de la Constitution et permettre au Conseil constitutionnel non seulement d’examiner la conformité à la Constitution d’un engagement international avant sa ratification, mais étendre cette possibilité à tout projet de règle internationale susceptible de prévaloir sur les lois.

  • le Conseil constitutionnel pourrait être saisi a priori d’un projet de règle internationale dans les mêmes conditions que pour les traités. Il pourrait alors attirer l’attention du gouvernement sur une éventuelle incompatibilité avec la Constitution. Cette décision aurait pour conséquence que, dans l’hypothèse où la règle internationale serait malgré tout adoptée, il serait interdit au juge ordinaire de la faire prévaloir sur la loi nationale.

Ainsi le caractère d’expression de la volonté générale que revêt la Constitution pourrait être préservé par ce contrôle a priori.

  • Un contrôle a posteriori pourrait être exercé par le Conseil constitutionnel en cas de contradiction entre une loi et une règle internationale ancienne, un juge ne pourrait faire prévaloir la règle internationale qu’après que le Conseil constitutionnel l’aurait examinée et déclaré qu’elle n’est pas elle-même contraire à la Constitution.

Dans les deux cas, ce n’est pas le Conseil constitutionnel qui exercerait directement un contrôle de conventionalité, mais il contrôlerait son exercice. En effet, puisque le contrôle de conventionalité n’existe qu’en application de la Constitution, il ne faut pas qu’il s’exerce contre la Constitution.

b) On pourrait modifier le statut et l’organisation du Conseil constitutionnel.

Comme pour un certain nombre de cours constitutionnelles étrangères, [bgcolor=#FFFF99]on devrait, me semble-t-il, faire en sorte que le Conseil constitutionnel dans sa composition, reflète, non pas la majorité parlementaire mais la composition du Parlement dans son ensemble, ce qui lui confèrerait une légitimité pour exercer et pour participer à l’expression de la volonté générale.[/bgcolor]

Il faudrait donc que le juge constitutionnel soit élu par le Parlement à une majorité qualifiée de telle sorte qu’il représente aussi une partie de l’opposition.

Le système proposé tout à l’heure conduirait inévitablement à un accroissement considérable de la charge de travail. Il faudrait donc modifier l’organisation, notamment matérielle, du Conseil constitutionnel.

c) Le troisième remède, complément indispensable de tout ce que j’ai dit jusqu’à présent, consisterait à renforcer la légitimité du Conseil constitutionnel.

[color=red][b]Il paraît en effet difficile de concilier le contrôle de la constitutionnalité avec le principe démocratique, notamment si l'on reconnaît qu'il ne peut consister dans l'application mécanique de la Constitution et qu'[u]il comporte une part considérable de pouvoir discrétionnaire[/u].[/b][/color]

Si dans l’exercice de ce pouvoir les juges sont inspirés par des préférences idéologiques, comment comprendre qu’ils puissent s’opposer à la volonté exprimée par les représentants du peuple souverain ?

Parmi les différentes théories qui visent à réaliser cette conciliation, la plus influente en France est celle exposée par Georges Vedel sous le titre de « théorie du lit de justice ». Il voulait dire par là que [bgcolor=#FFFF99]le pouvoir constituant, qui n’est autre que le peuple souverain, peut toujours apparaître en majesté et réviser la Constitution pour renverser une décision du juge constitutionnel. Ceci implique, selon Vedel, non seulement que le juge a le devoir de s’incliner devant la volonté du peuple, mais aussi, que le silence du pouvoir constituant signifie approbation de la décision du juge.[/bgcolor]

Cette ingénieuse théorie n’est acceptable qu’à une condition, que le doyen Vedel ne mentionnait pas : que la procédure de révision de la Constitution ne soit pas excessivement lourde et complexe. Cette condition n’est évidemment pas remplie dans le cas français. En revanche, dans certains pays, la révision de la Constitution est très facile, la Constitution autrichienne, à titre d’exemple, a été révisée plusieurs centaines de fois depuis 1945, notamment pour surmonter des décisions de la cour constitutionnelle.

Si la procédure de révision est trop lourde, comme c’est le cas en France, il faut envisager un remède intermédiaire : établir une procédure distincte de la procédure de révision constitutionnelle et permettre de donner au Parlement le pouvoir de délivrer une interprétation authentique de la Constitution qui s’imposera lorsque le juge constitutionnel aura rendu une décision contestable du point de vue de l’équilibre démocratique.

C’est le cas de la constitution roumaine : en Roumanie, le Parlement peut, à la majorité des deux tiers, renverser une décision du juge constitutionnel. On peut considérer que cette intervention du Parlement à la majorité des deux tiers constitue une interprétation authentique de la Constitution qui s’impose toutes les fois que la décision du juge constitutionnel elle-même constitue une interprétation relevant d’une idéologie que le Parlement n’approuve pas.

[bgcolor=#FFFF99]Enfin, dernière possibilité, permettre un référendum d’initiative populaire pour aboutir à cette interprétation authentique. [/bgcolor]


Avec des pouvoirs renforcés, il me semble en effet indispensable de mieux contrôler le juge constitutionnel et voilà quelques moyens qui, me semble-t-il, permettent de le faire.

Passionnante intervention, n’est-ce pas ? (Si les couleurs vous gênent, il suffit de suivre le lien et d’imprimer l’original :))

Le problème de ce forum sur la réforme en cours, c’est qu’il recoupe en tous points les autres forums.
Mais c’est une difficulté mineure. Je vais copier/coller ce dernier texte dans le fil sur le contrôle de constitutionnalité.

:confused:

Étienne.

Je n’ai pas le courage, à cette heure tardive, de reproduire le débat final,
mais il est pourtant passionnant, comme l’a été tout ce colloque, ne trouvez-vous pas ?

Vous pourrez le lire là : http://www.fondation-res-publica.org/Debat-final_a253.html

Bonne nuit :confused:

Étienne.

Colloque de la Fondation Res Publica sur les institutions de la Ve République

Merci à Étienne de ces textes intéressants.

En gros, je partage effectivement l’avis du Pr Boutin : la constitution de 1958 est à adapter, pas à remplacer.

Les solutions proposées par M. Chevènement sont stimulantes mais, je le crains, irréalistes : en particulier, la perspective de voir le président, le gouvernement et le parlement se représenter ensemble devant les électeurs me semble catastrophique, surtout si l’on tient compte que cette situation sera presque toujours liée à une crise grave : qui gouvernerait la France ? L’administration, le Sénat et le Conseil constitutionnel (certainement pas les juges : ce n’est pas leur affaire !) ? Je nous souhaiterais bien du plaisir !

Les remarques du Pr Le Pourhiet sont celles dont je me sens le plus proche.

Pour résumer ma position (je n’entre pas dans les détails) :

  • Pouvoir constituant : le peuple directement (référendum), pas le Parlement ;

  • Un président arbitre (pas gouvernant), chargé d’assurer le bon fonctionnement des institutions et, en cas de crise, de prendre les mesures voulues pour rétablir ce bon fonctionnement (oui à l’article 16),avec pouvoir de consulter le peuple par référendum.

Ce président est élu au suffrage universel pour un seul mandat de 10 ans.

Il est responsable devant le peuple, pas devant le parlement (sauf pour manquement aux devoirs de la charge). En particulier, il lui est interdit de se présenter en personne au Parlement ;

  • Un gouvernement qui détermine et conduit la politique de la nation et qui est responsable devant le Parlement ;

  • Une Parlement aux pouvoirs renforcés (ordre du jour fixé par lui en accord avec le gouvernement, procédure de délibératioon des projets de loi revue, moyens de contrôle accrus) ;

  • Un sénat élu au suffrage universel sur une base régionale, plus particulièrement chargé de l’examen des questions sociales et économiques (suppression du Conseil économique et social) ;

  • L’autorité judiciaire redevient le « pouvoir judiciaire ». Il est entendu que les juges, pleinement indépendants (les institutions correspondantes sont à revoir), sont exclusivement chargés d’appliquer la loi aux cas particuliers - pas de juges gouvernants comme aux ÉUA !) ;

  • Proportionnelle dans toutes les élections : à cette fin, les voix non utilisées lors d’un premier ou d’un second tour de circonscription sont reportées sur une « liste de parti (groupement) » et affectée d’un quotient : si par exemple il faut, en moyenne nationale, 10 000 voix pour élire un député de circonscription, il faudra, mettons, 15 000, 20 000, & « voix reportées » pour élire un « député de parti » (le quotient est à discuter).

  • Et bien sûr, possibilité pour 10 % des électeurs inscrits sur les listes électorale de déposer (après un débat d’une durée minimale de trois mois) au Parlement une « proposition citoyenne de projet de loi », accompagnée ou non d’une demande citoyenne de référendum.

La proposition citoyenne portera sur les matières législatives, et aussi sur la révocation du Président. Si le référendum a été demandé et si le Parlement, aux termes de ses débats, appprouve un texte différent de celui proposé par les citoyens, les deux textes sont soumis au référendum. Le référendum d’initiative citoyenne « sec » (sans débat organisé : question, et réponse par oui ou par non) est à bannir comme contraire à l’état de Droit et faussement démocratique.

  • La proposition citoyenne de p;rojet de loi peut porter sur la révocation du président de la République. La révocation des ministres et des parlementaires relève du Parlement ; la révocation des agents de l’État relève du gouvernement.

JR

Bonjour =)

Jacques je ne comprends pas l’intérêt de vouloir absolument que le président ne soit pas responsable devant le parlement ?

Seuls les parlementaires semblent avoir les moyens nécessaires pour pouvoir contrôler la politique du président, nous, les citoyens, sommes malheureusement mis à l’écart des secrets de la politique du président, nous n’avons aucun moyen d’enquêter, de contrôler ce qu’il fait et le président ne vient pas dutout rendre compte de sa politique, enfin à moins que vous considériez que ce qui est diffusé dans les médias suffit ?

Leçons d’un colloque .

A mon avis, après avoir parcouru tous les textes et le débat final, je trouve que ce colloque est parti dans tous les sens.

Il s’intitulait "Peut-on se rapprocher d’un régime présidentiel ? " (ce qui en fait est le souhait de Chevenement, avec son projet de « présidentialisme à la française » qui a laissé perplexe les intervenants, qui se résume au fait que s’il y a censure ou dissolution, tout le monde se représente aux élections; Président et parlementaires confondus) mais il a tout fait pour embrouiller les débats.

De fait il y avait matière à faire de nombreux colloques institutionnels ( par exemple sur le contrôle de la constitutionnalité qui semble exciter beaucoup de monde) et je regrette la quasi impossibilité des constitutionalistes d’établir entre eux des positions communes ou axes communs minimum à la sortie de ces rencontres.

Donc, on a parlé et sans doute bien parlé, de tout un peu. c’est tout . C’est déjà ce qui était pénible au Colloque de la « République des Idées » tenu à Grenoble il y a quelques mois. Tout le monde se satisfait en fait de la situation, bien que, dans chaque discours, il y ait des critiques « violentes », si on lit bien, de l’inexistence de l’expression de la volonté citoyenne.

Vous me direz, les analystes ne sont pas des décideurs. Et alors, ils peuvent arrêter clairement quelques positions ou combats communs, simples.

Res Publica n’a pas fait son travail de préparation, ni de suivi. Il a fait un colloque pour faire un colloque, agrémenté sans doute d’un buffet.

Bien sûr certains textes sont néanmoins intéressants mais ça manque de perspectives. Et des analyses pour des analyses, ça commence à bien faire étant donné la dégénerescence de notre démocratie.

Le président de la Ve République

Sandy (3026).

Dans le système de la Ve République tel que je le vois et tel (du moins je le crois) qu’il avait conçu par les auteurs du projet constitutionnel de 1958 puis approuvé par référendum, le président n’est pas responsable devant le Parlement pour la raison que ce n’est pas lui qui détermine et conduit la politique de la nation : ce rôle de gouvernant revient… au gouvernement.

Le rôle du président est celui d’un arbitre chargé d’assurer le fonctionnement régulier des pouvoirs publics, en particulier lorsque l’article 16 est en vigueur. À ce titre, il se situe, une fois élu, en dehors des partis et des majorités, même si son élection repose bien évidemment autant sur ses préférences politiques que sur ses qualités personnelles, et même si, après son élection, il collabore non moins évidemment beaucoup mieux avec un gouvernement qui partage ses idées et sa philosophie du pouvoir qu’avec un gouvernement qui y est hostile. Dans le premier cas, le président de la République est très actif (De Gaulle avec Michel Debré) ; dans le second, il s’en tient à son rôle d’arbitre (Mitterrand avec Balladur et Chirac).

Dans l’un et l’autre cas, tout le monde - et la démocratie - gagne à ce système souple du « double exécutif ». Lorsque le président est d’un autre bord que le gouvernement (signe d’une opinion publique divisée), les deux exécutifs se surveillent ; lorsque le président est du même bord que le gouvernement (preuve que les politiques correspondantes recueillent un fort degré d’assentiment dans la p;opulation), la coopération qui s’établit tout naturellement entre les deux exécutifs a pour effet d’accélérer la mise en application des politiques. Dans l’un ou l’autre cas, tout le monde - et la démocratie - y gagne.

Ce système original (mi-parlementaire mi-présidentiel, comme on dit souvent) a été appliqué à peu près comme il avait été conçu par de Gaulle et ses successeurs jusqu’à l’arrivée de Nicolas Sarkozy. Les auteurs de la malheureuse révision constitutionnelle qui a remplacé le septennat par le quinquennat et l’actuel président de la République préfèrent soit un président sous contrôle du Parlement, soit un régime présidentiel à l’américaine. Sandy voudrait soumettre le président-premier ministre au contrôle du parlement : avec raison, puisqu’il se mêlerait d’exercer les fonctions du gouvernement.

Pour ma part, j’aimerais qu’on en revienne à la conception constitutionnelle initiale, ce qui signifie en particulier que le président n’a pas de politique à formuler et ne se présente donc pas devant le parlement. Son interlocuteur naturel est le peuple (l’ensemble des électeurs) : la révision de 1962 (élection au suffrage universel) est pleinement conforme à cette logique. Pour éviter la confusion (voulue) entre mandat présidentiel et mandat parlementaire, il faut en revenir au septennat, ou peut-être passer au décennat unique.

Aux modifications de la constitution que j’ai proposées dans mon précédent message, j’ajoute les suivantes :

  • non-cumul des mandats électoraux et d’autres activités publiques et privées à la seule exception du mandat de conseiller municipal de base et (s’agissant d’activités privées) des cas autorisés par la loi ;

  • mise en place de comités citoyens d’observation avec pouvoir de rapport public, mais sans pouvoir décisionnel.

Enfin, en réaction à la réflexion d’Orbi (2028), il me semble normal qu’un colloque parte dans tous les sens. Les interventions ont été intéressantes, instructives et de bonne qualité : c’est l’essentiel. JR

Jacques

J’ai du mal à comprendre 2 choses :

D’abord vous parlez de responsabilité devant les citoyens, à quoi pensez-vous ? Car actuellement c’est déjà censé être le cas et pourtant nous n’avons absolument aucun moyen de contrôler ni de sanctionner la politique du président

Qu’est ce que cela veut bien pouvoir dire être arbitre chargé d’assurer le fonctionnement régulier des pouvoirs publics ? Et en quoi cela constitue t il un pouvoir executif ?

Sandy :

C’est l’article 5 de la Constitution qui le dit, pas moi :

"[b]Le Président de la République veille au respect de la Constitution. Il assure, par son arbitrage, le fonctionnement régulier des pouvoirs publics ainsi que la continuité de l’État.

« Il est le garant de l’indépendance nationale, de l’intégrité du territoire et du respect des traités[/b] ».

Il me semble que cet article est assez clair, et qu’il a été assez bien appliqué par tous les présidents de la Républiques, [bgcolor=#FFFF99]sauf M. Sarkozy, qui a renoncé pour le moment au rôle d’arbitre pour prendre celui de gouvernant.[/bgcolor]

Le président étant un arbitre (comme l’arbitre d’un match de football) et ne gouvernant pas, sa responsabilité est une responsabilité générale, pas une responsabilité de détail : c’est donc au peuple qu’il rend compte directement. La logique de l’élection au suffrage universel le confirme : la possibilité de révocation par référendum le confirmerait encore davantage.

Le moyen de « contrôler » un président qui se pose en gouvernant existe : c’est, tout simplement, le gouvernement - donc la majorité de l’Assemblée nationale élue directement par le peuple. Il suffit que le premier ministre gouverne effectivement, comme le prévoit la constitution, pour que le président soit effectivement « contrôlé » si sa politique ne correspond pas à celle choisie par les citoyens : on l’a vu avec Mitterrand et Jacques Chirac, dont le pouvoir, en cas de cohabitation, se limitait à dissoudre l’assemblée nationale et à refuser de signer des ordonnances (anciens décrets-lois), auquel cas le gouvernement pouvait encore faire passer la mesure par la procédure législative ordinaire.

Apparemment, les citoyens ont décidé de laisser gouverner notre président actuel, et le gouvernement se conduit en conséquence… jusqu’à la première gaffe importante, qui ne manquera pas d’arriver si elle n’est pas déjà arrrivée (je pense pour ma part à la politique affichée par rapport à l’Iran ou l’Afghanistan, au refus de soumettre le traité de Lisbonne au référendum, ou à la volonté d’imposer des réformes économiques qui ne font pas l’unanimité).

En cas de manquement du président de la République aux devoirs de la charge, il y a aussi la Cour de justice de la République.

Les pouvoirs constitutionnels, comme vous savez, sont de trois sortes: législative, exécutive, judiciaire. Si le président de la République n’est pas un législateur ou un juge, il faut bien qu’il fasse partie du pouvoir exécutif. Ses missions le confirment : nommer le premier ministre, présider le conseil des ministres, demander une nouvelle délibération de la loi, soumettre au référendum des projets de loi, dissoudre l’Assemblée nationale, signer les ordonnances et décrets délibérés en conseil des ministres, nommer aux emplois civils et militaires de l’État, être chef des armées, ce sont toutes des fonctions exécutives.

L’article 16 de la constitution traite d’un cas spécial : en cas de crise grave (les constituants de 1958 pensaient surtout à juillet 1940 et à mai 1958), le président de la République se transforme en dictateur provisoire réunissant tous les pouvoirs à seul fin de rétablir (sous le contrôle du Conseil constitutionnel néanmoins) le fonctionnement normal des institutions. Cette disposition a le mérite de la clarté et de la franchise : elle vaut mieux que de prévoir la proclamation d’un état de siège ou d’une loi martiale dont l’administration serait officiellement la responsabilité de l’armée.

Ce qui me frappe dans la situation actuelle, c’est qu’une révision constitutionnelle étendue, propre à changer le caractère fondamental de la constitution, risque de nous être imposée par nos représentants sur la base des recommandations d’un comité d’initiés (la commission Balladur) d’ailleurs discrétionnairement retenues ou écartés par notre président-gouvernant, cela en un temps éclair et sans débat citoyen ou public digne de ce nom.

Cette situation est intolérable - même si la majorité de nos concitoyens semblent la tolérer pour le moment.

[b]La première réforme constitutionnelle devrait consister à imposer le référendum pour toute réforme constitutionnelle sans exception.[/b]

La seconde serait d’instituer la proposition de loi citoyenne avec possibilité (mais pas nécessité) de faire adopter la mesure par référendum si les citoyens le demandent au terme d’un véritable débat public, dans des conditions conformes à la fois aux principes de la démocratie et à ceux de l’état de droit.

Il va sans dire que toute initiative qui aurait pour objet ou effet de modifier l’interprétation ou l’application de la constitution devrait passer par le référendum (je pense notamment au traité de Lisbonne), mais - hormis les cas spécifiquement prévus dans la constitution - la décision de soumettre une question au référendum devrait revenir au peuple seul - pas aux pouvoirs publics : si les pouvoirs publics jugent qu’un référendum serait opportun, à eux de convaincre les citoyens d’un proposer un.


JR