Amis,
Nous sommes presque parfaitement côte à côte
Il y a un fil où nous avons déjà longuement parlé de tout ça et nous l’avons un peu oublié, mais bon, ça fait du bien de répéter ce qui est important.
Si je pense qu’il faut — absolument et très prioritairement — tenir les hommes de pouvoir à l’écart de la conception des règles du pouvoir — malgré leur expérience et aussi malgré leur prétendue « compétence » —, c’est parce que le pouvoir est dangereux, par nature, par définition, parce qu’une expérience universelle prouve sans conteste qu’il a une tendance éternelle à abuser, en tout lieu et à toute époque, parce qu’il semble « programmé génétiquement » pour dériver vers l’injustice la plus cruelle…
Tout pouvoir tend à s’autonomiser, à s’affranchir lui-même de tout contrôle.
Voyez donc ce que font les ministres européens depuis cinquante ans !
Pourtant, malgré ce risque majeur et connu, nous avons absolument besoin de déléguer des pouvoirs, car nous somme trop nombreux pour exercer directement le pouvoir (comme le faisaient les hommes dans les sociétés primitives, toujours de taille réduite)…
[b]Il faut donc, si l’on tient à la justice, LIMITER les pouvoirs, AFFAIBLIR les pouvoirs, SÉPARER les pouvoirs, CONTRÔLER les pouvoirs.
C’est très précisément la fonction d’une constitution[/b] — cf. Aristote, Hobbes, Locke, Montesquieu, Benjamin Constant, Tocqueville, etc.
Mon idée, que je crois aussi forte que simple, c’est qu’[bgcolor=#FFFF99]il est totalement vain (ou hypocrite, de la part de ceux qui sont du bon côté du manche) de croire que les hommes au pouvoir eux-mêmes vont correctement limiter leur propre pouvoir : c’est totalement illusoire, ils ne le feront JAMAIS[/bgcolor] et la cause de tous les abus impunis, je le crois profondément, est là, en toute matière.
Alors, il faut savoir ce qu’on veut.
Sans doute Jacques ne met-il pas la résistance aux abus de pouvoir au-dessus de tout, et ses priorités à lui le conduisent-elles à d’autres choix que les miens, et c’est bien sa liberté la plus indiscutable.
Peut-être que je me trompe à tant détester les abus de pouvoir.
Peut-être pas.
Mais pour éradiquer les abus de pouvoir, pour instituer le contrôle permanent que revendique si bien l’immense Alain (merci Orbi), il n’y a pas d’autre voie, selon moi, que d’imposer que les constituants soient aussi rigoureusement DÉSINTÉRESSÉS que possible.
Jacques, aussi compétents et expérimentés soient-ils, les hommes au pouvoir, en situation de constituants, vont immanquablement TRICHER, à nos cruels dépens.
Je ne sais pas où vous trouvez les trésors de bonté intérieure pour imaginer le contraire.
Il n’y a pas là d’ambiguïté, je crois.
Merci à tous pour votre patience, en tout cas, et pour la source quotidienne de progrès qu’alimente votre intelligence critique.
Étienne.
PS : à propos de Chavez, dont je vois bien qu’il est une exception qui me fait mentir puisqu’il a inspiré lui-même (sans les écrire seul, cependant) des institutions qui sont extrêmement démocratiques (peut-être les plus démocratiques au monde !) : il me semble que les paysans ont participé activement à l’écriture de leur Constitution, qu’ils la connaissent parfaitement (les analphabètes apprennent à la lire en premier et tout le monde porte sur lui son petit livre bleu) et qu’ils la protègent jalousement… Tout ça est profondément novateur et émancipant (que chacun pense, connaisse et protège sa Constitution), et je trouve Chavez passionnant de ce point de vue (ses foucades par ailleurs sont de bien moindre importance, je trouve).