L’affaire ukrainienne (suite)
La Crimée ayant été ré-attachée à la Russie comme prévu (voir mon 172), on peut parier que la négociation à venir portera sur des garanties concernant une certaine forme de neutralité de l’Ukraine (ce qui ne devrait pas l’empêcher de s’associer à l’UE et à la Russie si elle le souhaite mais devrait lui interdire de faire partie de l’OTAN) et sur la renonciation à toute implantation d’armements nucléaires par l’OTAN (ou les ÉUA – c’est la même chose) qui viserait à encercler l’ancienne Union soviétique.
Poutine est très bien placé pour avancer ses pions : même si c’est à mon avis un dangereux autoritariste et un dictateur en puissance, on doit constater qu’en la circonstance il défend les intérêts légitimes de la Russie.
Il est clair qu’à court terme l’UE n’est pas en mesure de jouer un rôle significatif dans cette affaire, non plus d’ailleurs que ses pays membres (l’Allemagne n’est guère mieux placée que le Luxembourg à cet égard), faute des moyens nécessaires : militaires, politiques, et aussi moraux (étant donné qu’avec les Américains nous avons utilisé au Kosovo, en Libye et au Soudan des procédés semblables à ceux que nous reprochons maintenant aux Russes).
Les ÉUA (qui s’intéressent beaucoup moins à l’Europe qu’il y a quelques années) ont déjà entrepris de tirer les marrons du feu au détriment de l’Europe en jouant sur les « sanctions ». Ils envisagent maintenant de prendre le relais pour l’approvisionnement énergétique des pays européens (assuré à 30% environ par la Russie à l’heure actuelle), ce qui pousserait les Russes à réorienter leurs exportations énergétiques vers l’Inde ou la Chine : ainsi, au bout du compte, les ÉUA auraient barre sur l’UE, leur principal concurrent économique et commercial, en particulier au moment de négocier le futur partenariat transatlantique, et éviteraient la mise en place d’une entente Russie-UE qui risquerait de faire ombrage au fameux « leadership ».
L’UE et plus généralement l’Europe ne doivent pas oublier que la Russie et les autres pays européens partagent dansla logique des choses un même destin solidaire et ont donc tout intérêt à s’entendre pour régler la question ukrainenne. Ce qui devrait être possible une fois passées les secousses actuelles.
C’est ici où l’on voit combien une vraie fédération européenne fait défaut et combien les politiques nationalo-souverainistes qui prétendent la remplacer sont futiles au regard des vrais enjeux. JR