Le consensus de demain ne sort pas du troupeau d’aujourd’hui.
À Guillaume (1214) :
D’accord pour dire qu’il manque peut-être un (beau) symbole à Étienne. Le parapente, esthétiquement, je suis pas fan… mais bon, j’ai adhéré à ATTAC et suis abonné à Plan B (ex PLPL) malgré ces noms à la noix… Peut-être est-ce encore un peu tôt. Mais si j’avais que ça à faire…
C’est bien d’avoir peur d’être directif, dans un pareil projet. L’autocritique spontanée ne fait pas de mal. Toucher aux règles de la démocratie et aux moyens d’en changer n’a pas grand chose de confortable.
Sur le fond, je vous prie de m’excuser, mais - au delà des paraboles cybernétiques - je ne suis pas trop d’accord. Vous me paraissez croire qu’on peut à la fois obtenir le consensus en grande assemblée, et proposer de vrais progrès : si vous prenez à peu près tout bon projet progressiste avec le recul, vous constatez une chose terrible : au moment où les gens se sont démenés pour amener le projet ou ses éléments dans le débat public, ces positions ne faisaient pas consensus (du tout).
L’extrême majorité des gens fut raciste avant Darwin, esclavagiste jusqu’au XIXe. Tous les philosophes, comme les moins éclairés, furent misogynes jusqu’à… avant hier.
Tous, par « chez nous », étaient chrétiens depuis le III-IVe siècle jusqu’au XVIIe au moins (comme d’autres ailleurs étaient musulmans). Des multitudes de génies se sont tortillé le neurone pour arriver à servir la science, la pensée… en restant chrétiens (ou juifs, ou musulmans), c’est à dire héritiers du mythe d’un péché originel… qui consiste à goûter librement à la connaissance ! Des contorsions d’esprits hallucinantes, mais parce qu’il était inconcevable d’être athée, suicidaire d’être agnostique…
La servitude volontaire, qu’elle vienne de Dieu ou même de la simple résignation de la victime de premier rang du capitalisme, elle n’a pas finit de faire des ravages. En 1905, et seulement en France, on a séparé Église et Etat… mais cela est très fragile, on le constate. Au présent encore, des miriades d’individus, catholiques ou de simple tradition judéo-chrétienne (la foi ne fait pas tout) restent les fidèles lointains d’un hystérique à la pensée morbide, un dénommé Paul qui a entendu appliquer à l’Église ses conceptions d’homme qui - impuissant - se haïssait lui-même, les autres avec, qui justifia tout pouvoir établi. Église qui trouva dans un empereur opportuniste de quoi asseoir son pouvoir politique pour des siècles, … des générations innombrables de tyrans, et Hitler lui-même, comprirent l’intérêt qu’il y a de faire la part belle à l’église catholique, tant son dogme impose l’idée que tout pouvoir vient de Dieu, que cette vie matérielle compte pour du beurre, …
Vous pouvez me dire : « hola, c’est pas très démocratique, ton approche ». Je peux aussi dire que le Traité d’athéologie de M. Onfray (oui, Etienne, je me suis offert cette lecture ce WE) fait partie des « conseils de lecture » du site d’Etienne… Passons sur les horreurs du dogme religieux.
Je crois qu’Étienne a certaine ambition pour le projet qui nous concerne. Je crois surtout - c’est mon sentiment - que cette ambition répond au fait que nous n’avons pas le choix. Vous savez, toute révolution suit plus ou moins une catrastrophe économique. Il faut voir que sans la donne de la mondialisation, la fameuse crise capitaliste qui vous ravage une population (ce à quoi répond le slogan il nous faudrait une bonne guerre), on l’aurait déjà eu… chez nous. Là où on la voit.
Il y a ambition et ambition (et ambition… politique, mais c’est hors de mon propos).
Prenez le tirage au sort des représentants : idée même pas ravivée au XVIIIe siècle ; bien que 50% des gens à peine croient au mythe de la compétence politique, 80% des gens au moins seraient sans doute choqués par cette idée. Elle a tellement cessé d’exister que très peu la connaissent, il faut croire. Mais à la limite, on peut se dire qu’on n’est plus à un siècle près.
Par contre, un tas de révolutions matérielles ont surgit, ces dernières décennies. C’est cela qui nous a monté la barre à ce point. En durée dans le débat public : l’environnement, dont les problèmes terribles à moyens termes sont déjà prévus, la mort programmée du welfare state en occident (# 20 ans), la fin des barrières à la circulation des capitaux, la spéculation sur les monnaies, l’explosion de la spéculation boursière et la mise en concurrence directe des nations (# 30 ans), la TV livrée aux pouvoirs économiques et la menace nucléaire, qui ont toutes deux un rôle énorme dans la mondialisation libérale (# 50 ans), la « mort de l’autorité », l’invasion de la culture par les lois du marché et (# 100 ans).
95% des gens disent que la TV c’est de la m…de, et 75% sans doute la regardent (trop), 60% collent leurs mômes devant des heures durant chaque jour. 80% des gens se plaignent que les médias nous prennent pour des c… et 60% doivent lire un de ces titres plusieurs fois par semaine, 40% un magazine people (tous ça, ce sont mes chiffres, pas des résultats de sondages), … et très très peu font écho à des Bourdieu, et essayent d’interpeller les élus, moins encore songent que les élus sont impuissants en la matière, justement…
Quant aux principes économiques… La montagne idéologique commence à peser lourd. Aux USA, il a fallu à peine deux ans pour imposer la problématique suivante dans le débat public, comme une évidence : « comment sauver / peut-ojn sauver la sécurité sociale ? » Quelques années plus tard, 90% des français sans doute ignorent que les USA n’ont pas toujjours été livrés à l’anarchie ultralibérale, que les fonds de pensions sont un phénomène aussi récent que terrible, … Voilà, tandis qu’eux sont dans une machine qui doit garder sa première place, nous on est dans une machine qui doit suivre la mise…
Passons sur la multitude qui s’en fiche, celle qui a jeté l’éponge, qui ne vote plus, celle qui ne lit jamais rien, celle qui ne regarde que la TV, celle qui lit que la grande presse… un citoyen « raisonnable », c’est aussi quelqu’un qui a acquis le dont de se mettre tout seul des barrières soi-disant « démocratiques » (au sens du marketing, souvent – c’est notre lot, vu le règne des médias à l’heure actuelle).
Quand on a une idée, il est naturel de la confronter mentalement à la projection qu’on se fait du regard des autres. Alors sans doute qu’il faut manier ici ce genre d’habitude, mais ne pas perdre de vue que certaines avancées, non pas idéales, mais largement nécessaires voire urgentes, ne font pas consensus au regard du thermomètre que Lagardère et consorts nous présentent traîtreusement…
Alors voilà, cher Guillaume : [b] ne confondons pas le consensus de demain et celui d’aujourd’hui. Enlevez-vous donc cette idée de la tête - je le dis non sans tristesse, et je m’applique à douter de mes conseils… - qu’un bon projet de constitution fera rapidement consensus dans une vaste population.
Voilà pourquoi il faut plusieurs projets de constitution : parce qu’il faut ET respecter la démocratie ET éviter l’auberge espagnole.
Mais je crois que cela même ne suffit pas : il faut que ce soient des projets issus du peuple, et même, que leur publicité en soit assurée par le peuple, par la rue. Ou le net, bien sûr…[/b].
Alors, oui, j’aime assez certaine idée de formation d’un projet autour de la personne d’Étienne, autour d’une production ouverte qu’il fait, de positions, de références de lectures, … Cela n’a rien à voir avec une question de puissance, mais c’est bien d’un rôle de rassembleur dont il s’agit. Je ne pense pas que l’adulation soit ici bien accueillie… ni que tous les intervenant aient eu le même respect pour Étienne (j’en connais un qui a tenu à partir, on dirait, en enlevant pas mal de traces…) Mais je crois que nous avons au travers des écrits d’Etienne de quoi trouver pas mal de points d’entente.