À Alainguillou :
« Il me semble que pour dépasser l’autoenfermement actuel de la démocratie dans ce système écrit par et pour les « puissants », il faut en subvertir les rouages, en investissant toutes les instances où la revendication est encore « légitime » : syndicats, partis, associations. »
S’il y avait encore tant de différence entre les programmes des partis, ce serait un signe que la démocratie fonctionne. Si la réthorique politique n’était pas aussi infestée d’une rationalité économique fondée sur des paradoxes ingérables, qui ne font que diviser toujours plus ceux qui pourtant s’engagent le plus…
Quand vous affrontez un ennemi cernable, compréhensible, fut-il énorme, l’union fait la force, et on peut tout espérer. J’ai une grande foi en la démocratie, quand elle fonctionne à peu près. Pas quand ses fondements sont déjà sapés. Vous qui parlez de crise du lien social.
Quand la tyrannie s’instale sous couvert de démocratie, parce que ce sont les choses qui changent bien plus vite que les idées, la division fait des ravages, et l’aliénation pèse.
Je crains que tous les signaux soient au rouge.
Ça fait 25 ans déjà qu’on le dit assez fort, 50 ans qu’on l’avait annoncé…
… et malgré toute leur bonne volonté, les partis en sont réduit à un dangereux pragmatisme.
Et dans ces situations là, c’est le lien social, le sens de l’action politique, les limites de l’Etat de droit qu’il faut repenser. Bref, IL FAUT D’URGENCE REFONDER UNE CONSTITUTION.
"C’est bien l’individualisme poussé jusqu’à la lâcheté qui sert la tyrannie, plus que l’engagement militant."
Pourquoi opposer ainsi les choses ? Dans une société, il faut les deux. Dans 1984, tout le monde milite. tout le temps. Il n’y a pas que les caméras, il y a que la vie privée, l’égoisme sans lequel il n’y a pas d’amour, le plaisir simple, l’activité gratuite n’a plus aucune place.
La déclaration de 1948 (article 20, je crois) mentionne que :
- tout le monde peut participer à la vie politique
- nul ne doit être forcé à prendre part à une association.
Les exemples de cet équilibre, en démocratie, ils abondent.
Et même, il faut des gens rebelles ET des gens plus disciplinés, sinon c’est l’anarchie ou le fascime.
Du don de soi ET des gens qui pensent à leur gu…le, sinon la culture est insipide ou c’est un nid d’horreurs.
Je tiens à le dire haut et fort, car pour moi, il est bien de se présenter tel qu’on est, quand on entend toucher ainsi aux fondements démocratiques :
[i]je suis un rebelle invétéré, critique, mais parait-il très éveillé et doté d’une grande capcité de remise en cause…, je n’ai pas choisi. J’ai eu la chance et la malchance d’avoir des parents qui assument mal, d’être devenu athée après avoir grandi dans une secte évangélique baptiste ; j’ai été confronté à une mère et soeur psychotique, un père orphelin, j’ai côtoyé des SDF, vis avec des artistes, philosophes et psychologues, et je suis ingénieur dans l’automobile. Je suis spécialiste de débuggage de problèmes mal posés, j’assure technique, comm vitrine et orga du turbin, j’ai bossé directement pour 5 boîtes du CAC40… et des cadres dynamiques au coeur de la guerre économique, j’en ai vu, même si je n’ai que 28 ans.
Bref, après tout,… ce n’est pas un si mauvais conditionnement pour participer à un projet de constitution en 2006.[/i]
Je n’ai de carte nulle part. Pas tant par refus d’engagement (s’agissant de mes penchants, j’aimerais m’inscrire au PS et à ATTAC) mais par choix de vie, parce que j’ai besoin de mon indépendance. Et pour finir, parce qu’aujourd’hui, la situation politique est devenue très sclérosée, l’action syndicale pareil… Ce n’est la faute de personne. Mais, comme Étienne, me semble-t-il, je suis convaincu qu’il est essentiel que pas mal de gens prennent du recul sur l’action politique.
L’engagement, c’est bien, il en faut. Et il faut aussi des êtres libres. Libres de réflechir par eux mêmes…
Surtout depuis 1945. Encore plus depuis 1989. Lisez donc l’introduction de La crise de la Culture (Arendt) si ce n’est pas déjà fait.
« C’est bien l’individualisme poussé jusqu’à la lâcheté qui sert la tyrannie »
Et pourquoi ordonner ce soit disant rapport de cause à effet ?
« Diviser pour mieux régner » dit ce que ça veut dire : la tyrannie, ça isole, ça joue sur la peur de l’autre…
et la réaction de protection la plus courante, celle qu’on adopte toujours tôt ou tard, suivant sa force de caractère, c’est l’individualisme.
Bref, encore une de ces propositions à double sens. Dont la validité relative est fonction du contexte.
On trouve une partie des gens aujourd’hui (surtout les plus vieux et les plus engagés en politique) pour dire : la politique ne marche plus parce que les gens se désimpliquent, parce qu’ils deviennent individualistes.
Un autre moitié pensent plutôt : la politique ne marche plus, alors les gens se désimpliquent et par ailleurs, livrés à eux-mêmes, ils deviennent individualistes.
D’ordinaire, je dirais que c’est les deux. Quand la démocratie fonctionne bien, plutôt le 1.
Moi, au présent, je pense surtout que le problème est le 2e… Je ne m’en cache pas du tout.
Je comprends le désarroi des premiers. Et si je n’étais pas tant convaincu, je me joindrais volontiers à eux.
Vous parlez d’engagement. C’est une belle chose. Mais encore une fois, juger les choses dans l’absolu, hors contexte, ne suffit pas.
« On unit les gens contre un ennemi », aussi.
Si je ne peux pas m’engager, c’est que l’ennemi est à la fois énorme, et surtout, très variable.
Vous parlez du retour du capitalisme primaire comme si cela relevait d’un combat politique. Mais comme la mort du syndicalisme, la mort du socialisme (et même du libéralisme) sont des effets de phénomènes STRUCTURELS. Liés à la mondialisation.
J’ai l’impression que vous fixez sur des combats politiques, comme si les équilibres politiques ne tenaient essentiellement des gens engagés, et non pas avant tout des structures sociales…
… et que vous houspillez un peu Étienne parce qu’il aurait l’air de jouer les zorros dans son coin…
Je cautionne ENTIÈREMENT l’action d’Étienne, et PAS UNE SECONDE, je n’ai trouvé l’idée ridicule.
Prétentieuse ? Pas même.
En fait, quand je suis venu sur ce forum, je venais moi-même de me décider à m’y coller.
Et évidemment, j’ai commencé par chercher un peu ce qui se fait déjà (je ne suis pas bande à part à ce point…)
S’il s’agit de dire « Étienne, votre projet est prétentieux » : croyez vous convaincre Étienne ? convaincre d’autres, ici ? pourquoi vous y joindre ?
J’ai donné mon point de vue sur le pourquoi du T"C"E. Et je me suis permis de le faire, parce que je n’avais pas besoin d’une quelconque théorie du complot pour expliquer le résultat.
En l’occurence, j’ai posé que le néo libéralisme est une idéologie, celle qui domine, pas un courant politique (si on exclut les 3 pékins que ça intéresse). Cette idéologie repose en grande partie sur le pragmatisme.
L’ultra libéralisme n’est pas une politique, c’est un vide politique.
Bref, il n’y a pas à dire : les partis sont infestés de gens qui ne pensent qu’à eux, qui sont des parvenus… il y a à dire ce qu’eux mêmes ne peuvent pas dire : les politiques sont DEVENUS IMPUISSANTS, ET CE N’EST PAS PAR MANQUE DE COURAGE, VOLONTÉ, PARTICULIER. C’est le contexte structurel qui le veut.
Nous assistons à l’avènement d’une forme de totalitarisme nouveau. Et une double grande caractéristique d’une idéologie totalitaire, c’est qu’elle agite un ennemi très maniable et absurde, et qu’elle est très paradoxale, ce qui fait qu’elle divise tout le monde, a réponse à tout, et aliène…
… on est conditionné à employer une rhéthorique patriotique. Tous les modèles économiques, politiques, à commencer par le keynésianisme et le libéralisme se fondent sur le lien social, sur la solidarité économique entre individus, État, entreprises, travailleurs, investisseurs.
Le rôle même de nos élus est conçu au sens du lien social dans le pays.
Avec la mondialisation économique, tout cela a explosé.
La compétition entre nations est ce dont on parle dans le discours, alors que la compétition réelle, c’est entre individus qu’elle se fait.
… on se plaint des chinois qui « nous » piquent nos emplois et qui cassent les prix. Ce sont les acheteurs de nos grandes entreprises qui les fixent, les prix imbattables… Les chinois n’ont rien à dire : d’une, la plupart des chinois vivent à la campagne, ils n’ont pas le droit de circuler librement et sont payés trois à quatre fois moins qu’en ville, autant dire que la pression à l’embauche, c’est le top ; de deux, il suffit que chez nous comme chez eux, les cadres sup. se surpayent pour que tout le monde marche à la baguette, pour que le syndicalisme crève chez nous, et que les cadres dirigeants lèchent les actionnaires.
Ma voisine, qui vient de râler parce que la mondialisation ceci, et la Turquie dans l’UE cela,… est pétée d’actions et elle est « contre l’homosexualité » et « contre l’avortement » (quelle idée, de résumer la chose à un pour ou contre…). Moi, je savais que ma grande soeur s’est faite avorter après un viol, et je viens d’apprendre que ma petite soeur est homo… et on voudrait me monter contre des plombiers polonais, surtout que la guerre en Irak, l’occasion manquée de se taire tout ça, tout ça,… des gars sans doute super chaleureux, dont les deux tiers n’écoutent pas Radio Marija…
… le 4*4 de mon patron est bourré de pièces fabriqués en Chine, chez nos concurrents, dont on subit de plein fouet le dumping.
Mais écoutez les au PS. Je ne juge pas, je constate, et je tire des conséquences.
Tiens, en parlant de tirer des conséquences… Vous voulez du Jospin, « dans ses grandes lignes » ? J’en ai reproduit, patiemment, ici même (volet « une constitution ne définit pas de politique économique »). Sur un volet encore désert, après une phase blog très peu prolifique… j’ai posé des paroles de Jospin : un manifeste à l’impuissance politique en milieu mondialisé. À lire et à relire.
La politique a bien changé. Et c’est pour cela qu’il FAUT une constitution. Pas même, comme tant se l’imaginent, parce qu’il « faut » bâtir l’Europe. L’un n’empêche pas l’autre, mais il y a des degrés.