07 Reprendre le pouvoir sur notre monnaie

[color=purple]Impressions à chaud…

J’hésite entre 2 attitudes…

Hurler de rage, avec quelques envies de meurtre, contre les ordures qui ont monté ou laissé monter un système pareil, et celles qui l’entretiennent et en profitent…

Éclater d’un rire homérique tellement tout ceci est absurde.

Cela dit, et si cet effondrement prédit était une formidable chance de reprendre le contrôle sur l’économie ?..

En attendant, l’inconvénient c’est que l’on sait qui va encore faire les frais du cataclysme. Comme le dit Bernard Lavilliers dans sa chanson « Faits divers » : « Comment va la banque ? La banque surnage. Pour les grands requins y a pas de naufrage. » (http://www.paroles.net/chanson/14841.1)

Cherchons bien, il doit bien encore rester quelques guillotines quelque part… Ça permettrait peut-être de repartir sur de bonnes bases.

Je me demande de plus en plus si l’on va pouvoir faire l’économie d’une nouvelle révolution…[/color]

Un entretien passionnant avec [bgcolor=#FFFF99]Annie Lacroix-Riz[/bgcolor] :
[bgcolor=#FFFF99]À VENDRE : FRANÇAIS DE BONNE QUALITÉ
[/bgcolor]

http://www.vox-populi.net/article.php3?id_article=296

Merci à Jean Christophe Grellety de nous avoir signalé à la fois cet échange et ce site Vox Populi qui semble être encore une sacrée mine…

:confused:

Sur Publius, un récapitulatif des missions des différentes banques centrales du monde
[bgcolor=#FFFF99]toutes les banques centrales du monde, ou presque, ont comme mission principale la stabilité des prix[/bgcolor]

http://publiusleuropeen.typepad.com/publius/2005/04/a_propos_de_la_.html

Bonne nuit, chers amis :confused:

Étienne.

Étienne (3299).

Toutefois, la Banque centrale américaine constitue une exception notable, puisque sa mission (je recopie Publius) est la suivante :

« The Board of Governors of the Federal Reserve System and the Federal Open Market Committee shall maintain long run growth of the monetary and credit aggregates commensurate with the economy’s long run potential to increase production, so as to promote effectively the goals of maximum employment, stable prices, and moderate long-term interest rates. » (Federal Reserve Act, section 2A)

Les objectifs sont donc, par ordre de priorité : taux d’emploi maximal, stabilité des prix, modération des taux d’intérêt à long terme. L’accent est sur une politique économique d’ensemble, pas sur la stabilité des prix. JR

[bgcolor=#FFFF99]« Le processus constituant et la création monétaire »[/bgcolor]

Vidéo (20 min.) de la conférence à l’IEP d’Aix du 15 janvier 2008 :
http://levillagedesfacteursdimages.org/facteursdimages/spip.php?rubrique505

Je parle parfois un peu vite parce que je sais que je vais manquer de temps,
mais cette synthèse en vidéo peut vous intéresser pour relayer ces idées.

Pouvez-vous m’éclairer sur une de vos propositions svp ?
Vous expliquez qu’il faut rendre à la banque centrale le pouvoir de création monétaire, pour cela le retirer aux banques commerciales et que cette banque centrale prêterait aux banques commerciales la monnaie dont elles auraient besoin.
Je ne comprends pas très bien comment les banques commerciales fonctionneraient suite à cela ?
On retournerait à un système où les banques fonctionneraient sur les dépots qu’elles auraient reçu ?

@Sandy
" On retournerait à un système où les banques fonctionneraient sur les dépots qu’elles auraient reçu ?"
En gros, oui…

Les banques commerciales seraient les intermédiaires entre les demandeurs de crédit et les épargnants (prêts de même durée). Si le montant total de l’épargne proposée par les épargnants se trouve être inférieur à la demande de crédit (ou que la banque commerciale préfère cette formule, elle doit garder ce choix), les banques pourront se financer directement auprès de la Banque Centrale.

La solution la plus efficace semble être celle proposée par Allais:
(voir http://www.fauxmonnayeurs.org/articles.php?lng=fr&pg=47 )

Cette double condition implique une modification profonde des structures bancaires et financières reposant sur la dissociation totale des activités bancaires telles qu’elles se constatent aujourd’hui et leur attribution à trois catégories d’établissements distincts et indépendants :
  1. des banques de dépôt assurant seulement, à l’exclusion de toute opération de prêt, les encaissements et les paiements, et la garde des dépôts de leurs clients, les frais correspondants étant facturés à ces derniers, et les comptes des clients ne pouvant comporter aucun découvert ;

  2. des banques de prêt empruntant à des termes donnés et prêtant les fonds empruntés à des termes plus courts, le montant global des prêts ne pouvant excéder le montant global des fonds empruntés ;

  3. des banques d’affaires empruntant directement au public ou aux banques de prêt et investissant les fonds empruntés dans les entreprises

Banques d’affaires

AJH (votre 11 mars). Je m’y connais très peu, mais il me semble que les banques d’affaires ne sont pas de vraies banques (rendant des services objectivement tarifés), mais des fonds spéculatifs - ou pour mieux dire des casinos. Pour clarifier les choses, il vaudrait mieux ne pas les appeler des « banques ». JR

Jacques

Les banques d’affaires peuvent avoir un rôle positif sur l’économie en levant des capitaux (je ne dis pas « en créant de la monnaie ») sur des créations d’entreprises financièrement risquées.
C’est totalement la définition et le rôle d’une banque d’emprunter pour reprêter
Si elles "jouent " trop, elles feront perdre leurs investissements aux épargnants qui leur auront confié leurs économies, et disparaitront par l’effet d’une saine concurrence.

PS: je dois m’absenter, je ne pourrai plus répondre aujourd’hui…

[bgcolor=#FFFF99]« Quelques ITV audio récentes du père Chouard, où l’on parle de monnaie et du coup d’État simplifié »[/bgcolor]

[b]Trois longs moments de radio[/b], où j’ai du temps pour expliquer et pour répondre aux questions, sur [url=http://icietmaintenant.info/]Ici et Maintenant[/url], format mp3 audio :

• 2 novembre 2007, avec Alex sur Ici et Maintenant : exposé (2 h 15)
http://etienne.chouard.free.fr/Europe/multimedia/ITW_EC/20071102_Alex-Chouard-2h15mns.mp3

• 7 novembre 2007, avec Alex sur Ici et Maintenant : questions des auditeurs (2 h 55)
http://etienne.chouard.free.fr/Europe/multimedia/ITW_EC/20071107_Alex-Chouard-Auditeurs-2h55mns.mp3

• 8 janvier 2008, avec Alex sur Ici et Maintenant : Rappels et questions des auditeurs (2 h 10)
http://etienne.chouard.free.fr/Europe/multimedia/ITW_EC/20080108_Alex-Chouard-Art-Revue-Presse-2h10mns.mp3


Tous ces fichiers sont assez volumineux : il vaut mieux les capturer (clic droit, Enregistrer la cible sous…)
et les écouter ensuite au calme, loin de l’ordinateur.

J’aimerais bien savoir si ça vous intéresse ou si c’est inutile :slight_smile:

Amitiés.

Étienne.

Merci

C’est intéressant mais vous n’avez pas répondu à Camille sur son objection par rapport au contrôle des pouvoirs avec l’introduction dans le traité de Lisbonne de la possibilité pour les parlements nationaux de s’opposer au conseil des ministres selon le principe de subsidiarité ?

[bgcolor=#FFFF99]Le système bancaire américain n’a aucune chance de survivre[/bgcolor]

http://www.agoravox.fr/article_tous_commentaires.php3?id_article=37549

La réalité comptable le démontre...

Voici un point sur l’état de la crise financière américaine.

Selon les différentes études publiées récemment aux Etats-Unis, la capitalisation des banques oscille entre 1 500 et 2 000 milliards de dollars.

En face, l’encours des titres hypothécaires est d’environ 11 000 milliards de dollars. L’exposition des banques américaines sur ces titres tourne autour de 50 %, soit 5 500 milliards de dollars.

L’immobilier américain a chuté de 10-12 %, soit un trou dans la compta de 1 100 à 1 400 milliards de dollars, donc à peu de choses près la totalité du capital des banques américaines, sans même compter les autres segments du marché du crédit, type prêt étudiant, prêt à la consommation, crédit auto et, surtout, l’ensemble des prêts aux entreprises…

Déjà, à ce stade, c’est à peu près l’ensemble de la banque américaine qui est en cessation de paiement virtuellement.

Mais que savons-nous de l’immobilier américain ? Qu’il est déconnecté comme de nombreux pays dans le monde du pouvoir d’achat. Compte tenu de la situation de la finance dans le pays, avec les millions de saisies entraînant un excédent d’offre de maisons et appartements, on peut raisonnablement estimer que la correction baissière va se poursuivre avec une première target située entre -20 et -30 % à horizon d’un ou deux ans. En effet, dès que la valeur de l’emprunt immobilier dépasse celle d’un bien, les Américains ont intérêt à se déclarer en faillite. Seul un marché haussier de l’immobilier pourrait calmer le jeu. Est-ce crédible à ce stade ?

Etablissons un scénario moyennement pessimiste avec une chute de 25 %. Cela fait un trou de 2 500 à 3 000 milliards de dollars. Il suffit de faire ces additions pour comprendre que la finance américaine est fichue ! Elle ne peut pas payer le gouffre. Le dollar également ne pourra pas résister.

Il ne s’agit que d’une question de temps. Le pire va arriver. Simplement, les Etats-Unis sont en année électorale et ne sont pas prêts à faire le ménage. Tout va être fait pour décaler dans le temps la facture. Ce qu’il y a d’amusant, c’est qu’on pensait avec Haberrer à la tête du Crédit lyonnais avoir fait le tour de la question au début des années 90 au niveau des dérapages, mais les Américains nous ont largement dépassés dans la discipline. Le contribuable français n’a finalement pas payé très cher au vu de ce que vont débourser les contribuables américains… url=http://www.agoravox.fr/article_tous_commentaires.php3?id_article=37549[/url]


[bgcolor=#FFFF99]La fin d’une époque[/bgcolor]

http://www.agoravox.fr/article_tous_commentaires.php3?id_article=37525

La Réserve fédérale américaine a donc annoncé dans la nuit de dimanche à lundi dernier, événement sans précédent, une réduction de son taux d’escompte et des facilités de crédits aux institutions financières non bancaires jusque-là réservées aux seuls établissements bancaires dûment réglementés! M.Bernanke, son président, devrait également réduire de 0,75 point les taux d’intérêt usuels à l’issue de la réunion mardi de la Banque centrale américaine, totalisant ainsi une baisse de 3 % de ces taux depuis l’été dernier. [url=http://www.agoravox.fr/article_tous_commentaires.php3?id_article=37525](...)[/url]

Bonjour Sandy,

Pardonnez mon retard à répondre, je suis par monts et par vaux et, en rentrant, je dois m’occuper en toute première priorité de mes étudiants.

Je n’ai pas approfondi ce point, en effet, alors qu’il mérite de l’être, sans doute. Laissez-moi quelques jours pour trouver un peu de temps, et on en reparle. Le prochain WE, je vais à Nantes, alors que les WE précédents, j’étais en Allemagne ou dans les Landes, c’est sans fin…

Si, de votre côté, vous avez des éléments, à charge et/ou à décharge, relayez l’info, on progressera tous :slight_smile:

De mémoire, les conflits à propos de la subsidiarité se terminent tous, un jour ou l’autre, devant la Cour de justice européenne qui a la puissance, l’indépendance et les tendances qu’on sait. Donc, le fait que les parlements nationaux aient un mot à dire ne signifie pas qu’ils aient un quelconque pouvoir de décision. Il faut vérifier quel est leur pouvoir, réellement et précisément.

Amicalement.

Étienne.

La question de Camille

A Sandy,

[...] son objection par rapport au contrôle des pouvoirs avec l'introduction dans le traité de Lisbonne de la possibilité pour les parlements nationaux de s'opposer au conseil des ministres selon le principe de subsidiarité
Ce point que vous rappelez de la question de Camille (l'auditrice) n'a aucune portée dans le domaine de la monnaie, puisque la compétence de l'UE en matière monétaire est exclusive (pour la zone euro). Les autres "objections" de sa question n'apportent pas non plus de réponse dans ce cas, puisque toutes les règles en matière monétaire privent non seulement les Etats mais tous les pouvoirs publics du contrôle. C'est aussi simple et effrayant que ça. Je rappelle rapidement ces règles, au besoin : indépendance de la BCE et du système de banques centrales ; interdiction de l'usage de la création monétaire pour prêter aux pouvoirs publics ; rôle de la BCE réduit à la stabilité des prix. Ajoutons les critères de déficit, mais aussi, car cela joue indirectement : interdiction des entraves à la libre circulation des capitaux, y compris en provenance de pays tiers, et aux investissements étrangers directs ; interdiction de créer, développer, pérenniser des services publics dès lors que le secteur est investi par le domaine marchand ; j'en passe. Face à ça, tout ce qui relève des Etats membres ne peut absolument pas faire le poids, compenser.

Qu’en est-il hors des domaines dans lesquels l’UE a la compétence exclusive ? Il me faut d’abord dresser le tableau général.

Le Conseil (des ministres), comme le rappelle Étienne, exerce des fonctions parlementaires au niveau européen. C’est même le seul véritable organe parlementaire européen. Le Parlement européen, quand il a un rôle, n’a jamais (je dis bien jamais) de pouvoir décisif.
L’autre collège d’exécutifs, le Conseil européen (des chefs d’États), a le surtout le pouvoir d’ôter tout pouvoir aux parlements, nationaux et européen (outre le fait qu’il contrôle la politique étrangère) : il exerce le pouvoir décisif dans l’élaboration des traités et il choisi les membres de la Commission, avant que le PE exerce un simple droit d’accepter ou de refuser en bloc, comme pour les directives dans les domaines où il est impliqué.
Je signale au passage que, contrairement à ce que dit Camille, la Commission n’est pas responsable devant le PE. Non seulement elle ne peut être censurée (qu’en bloc et) à la majorité des 2/3, mais le motif ne peut être qu’une « gestion » contraire aux règles des traités : il ne s’agit certainement pas d’une responsabilité politique.
La Commission, comme on sait, a l’exclusivité de l’initiative des directives. Et contrairement au Conseil, le PE n’a pas le pouvoir d’imposer ses amendements, même dans la « procédure législative normale » (de « codécision »).

La constitution française stipule que « Les fonctions de membre du Gouvernement sont incompatibles avec l’exercice de tout mandat parlementaire » (art. 23.1) et que « La forme républicaine du Gouvernement ne peut faire l’objet d’une révision [de la constitution] » (art. 89.5) Une république étant a fortiori un régime constitutionnel, elle repose essentiellement sur la séparation des Pouvoirs (article 16 de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen de 1789, qui fait partie de la constitution).

Or l’article 16 TUE (traité de Lisbonne consolidé) indique que le Conseil est « composé d’un représentant de chaque État membre au niveau ministériel, habilité à engager le gouvernement de l’État membre qu’il représente et à exercer le droit de vote », et qu’il « exerce, conjointement avec le Parlement européen, les fonctions législative et budgétaire ». Littéralement, il s’agit d’un mandat parlementaire.

Comment maquiller une telle forfaiture ? C’est simple, l’UE reposant sur un traité, elle ne fait pas des « lois », et tout ce qu’elle fait n’a de valeur légale que transposé, traduit, mis en oeuvre par les institutions nationales. Or le Droit de l’UE prime celui des Etats membres. Y compris la plupart des clauses de la constitution : celà d’après deux cas de jurisprudence célèbres de la CJCE, mais de l’avis même du Conseil constitutionnel, désormais.
En pratique, il faut donc se référer à l’ensemble du montage institutionnel européen, à l’analyse intégrale de l’ensemble Union européenne – Etat membre pour démontrer que les termes juridiques comme « loi », « législatif », en principe employés de manière abusive dans les traités européen, peuvent être considérés au sens propre. (Par contre « citoyenneté européenne » est abusif, mais cela n’est pas contredit par les faits - passons).
Une preuve : la constitution dit (art. 34) que le Parlement vote les lois, et que les lois définissent le régime d’émission de la monnaie. Or le Parlement est tenu, par la constitution elle-même (puisqu’elle est modifiée à cet effet, et le Conseil constitutionnel y veille lui-même), de mettre en oeuvre l’engagement de la France dans les traités. Le Parlement national transpose donc les règles européennes en matière monétaire (en général, il s’en tient à se conformer aux interdictions établies par les traités, puisque la BCE ne fait pas d’actes législatifs). A côté de ça, la constitution dit que la loi est l’expression de la volonté générale, et que nulle autorité ne s’exerce, de droit, qui n’émane pas de la nation.
Voilà une preuve claire de cette tutelle légalisée, et donc du fait que le gouvernement national n’a pas à exercer de fonction parlementaire au plan européen (dans quelque entité que ce soit si son Droit prime).

Sur cette base, que voulez-vous que change le droit de recours du parlement national légal, alors qu’il ne peut faire valoir, au mieux, que le respect des règles des traités ?

Savez-vous qu’en 1998, le gouvernement Jospin a approuvé une directive européenne rendant brevetable un gène ou un élément isolé du corps humain, alors que l’Assemblée nationale avait voté autrefois à l’unanimité une loi qui interdisait exactement cela ? En 2003, Mattei a demandé d’abroger cette loi à une AN qui était encore entièrement hostile à la directive européenne. Pas le choix. Ils ont voté un vague amendement supposé s’opposer à la directive. En 2008, ils ont ratifié le traité de Lisbonne après avoir encore une fois modifié la constitution pour la rendre conforme aux traités…

Crise bancaire
[bgcolor=#FFFF99]La triple faute des grandes banques privées[/bgcolor]

par Éric Toussaint et Damien Millet :

Alors que de grandes banques et des fonds de placement s’effondrent un peu partout dans les pays du Nord, les dirigeants des principales banques mondiales évoquent une simple correction du système, certes douloureuse, mais pas dramatique.

Pour Damien Millet et Éric Toussaint, cette réaction est bien la preuve que l’annulation de la dette du tiers-monde —qui serait moins sèvére que l’actuelle crise— n’est pas une utopie, mais une exigence réalisable. url=http://www.voltairenet.org/article156049.html[/url]

[bgcolor=#FFFF99]Michel Aglietta: « Une crise aussi grave que celle de 1929 »[/bgcolor]
par Gabriel Zucman (Regards croisés sur l’économie) sur Rue89.com :

La crise du système financier américain, enclenchée depuis le mois d’août, a pris ces cinq derniers jours un caractère dramatique, de l’avis des plus grands responsables économiques de la planète.

Traversant sa « plus grave crise depuis la Seconde Guerre mondiale », selon l’ancien président de la banque centrale américaine Alan Greenspan, la finance mondiale fait aujourd’hui face à un « risque de rupture », pour le patron du Fonds monétaire international Dominique Strauss-Kahn. Comment en est-on arrivé là? Sommes-nous au début d’une grave crise économique?

1) Le mécanisme de la panique bancaire aux Etats-Unis.

La chute de Bear Stearns, cinquième banque d’affaires des Etats-Unis, a soudainement accéléré la décomposition d’un système financier qui n’en finit pas de digérer ses excès. Alors qu’il y a une semaine, son PDG Alan Schwartz déclarait que Bear Stearns ne connaissait « aucune pression sur ses liquidités et encore moins une crise de liquidités », la prestigieuse maison, vieille de 87 ans, s’est effondrée en trois jours.

Vendredi, constatant qu’elle ne pouvait plus assurer ses obligations de paiement, elle s’est placée sous perfusion de la Banque centrale américaine. Dimanche soir (!), elle était rachetée par sa concurrente JP Morgan pour une somme dérisoire (2 dollars par action, contre un cours de 100 dollars il y a trois mois) lors d’un sauvetage rocambolesque organisé en urgence par le gouvernement américain, la Banque centrale et les deux banques en un week-end.

Pourquoi les autorités ont-elles montré tant d’empressement? Parce que la structure du système financier mondial est celle d’un château de cartes. Les grandes institutions sont inextricablement liées par les prêts qu’elles se consentent mutuellement. Que l’une vienne à faire défaut, et ce sont toutes ses créancières qui sont fragilisées, acculant les plus faibles à la faillite, et ainsi de suite, en quelques heures.

C’est ainsi que Bear Stearns a sombré au lendemain de l’annonce de la faillite du fonds coté de Carlyle, ce « hedge fund » (fonds spéculatif) qui finançait ses opérations auprès, entre autres, de Bear Stearns. Afin d’éviter la poursuite de « l’effet domino », il était nécessaire que Bear Stearns pût, coûte que coûte, assurer ses obligations de paiement, ce qui passait par son adossement à un acteur aux reins plus solides.

2) Aux racines de la crise: l’encouragement à l’immobilier.

Dans les milieux économiques, il est de bon ton de blâmer les responsables de la politique monétaire (Ben Bernanke aux Etats-Unis, Jean-Claude Trichet en Europe), alors qu’ils ont jusqu’à présent, et particulièrement aux Etats-Unis, joué un rôle remarquable et évité que le pire ne se produise. On reproche en particulier à la Banque centrale américaine, et à son ancien président Alan Greenspan, d’avoir alimenté la bulle immobilière en laissant les taux d’intérêt trop bas (1% en 2003).

En réalité, la crise financière est dans une large mesure de la responsabilité politique de l’administration Bush, et viendra encore noircir un bilan déjà bien piteux. Pour le comprendre, il faut revenir sur la source des maux de l’économie américaine.

La crise, on le sait, vient du secteur immobilier. Ici, des courtiers sans scrupule ont accordé des prêts léonins à des ménages qui n’avaient pas les moyens de devenir propriétaires de leurs maisons.

Ce système a été non seulement toléré, mais encouragé par l’administration américaine, via un ensemble de subventions et de garanties apportées aux emprunteurs. Citons, pêle-mêle: la détaxation des intérêts d’emprunt, la détaxation des plus-values immobilières, une garantie d’Etat apportée aux emprunteurs fournissant un apport personnel trop faible, ainsi que la suppression de toutes les régulations dans le secteur du crédit immobilier.

Chacun, dans la « ownership society » chère au président Bush, devait pouvoir devenir propriétaire de sa maison; tous les moyens étaient bons! Slogan foncièrement démagogique: dans une société où les 10% les plus riches ont 48% des revenus (ce qui est le niveau le plus élevé jamais atteint aux Etats-Unis depuis… 1928) et les 10% les plus pauvres seulement 2%, il est mathématiquement impossible que chacun ait les revenus suffisants pour être propriétaire de sa maison…

Il n’empêche. Les exhortations présidentielles et les politiques incitatives qui les accompagnaient ont alimenté une bulle spéculative.

Tout allait très bien, tant que les prix de l’immobilier montaient, et que tout le monde anticipait leur hausse. Les ménages propriétaires pouvaient alors faire valoir auprès de leur banquier que la valeur de leur habitation s’accroissait, donc que leur richesse augmentait, donc qu’ils pouvaient emprunter davantage. C’est ainsi qu’ils contractaient de nouveaux prêts gagés sur la valeur de leur maison pour consommer, ou tout simplement pour s’acquitter des mensualités de leurs autres crédits!

3) Sommes-nous de retour en 1929 ?

Ce système était voué à la faillite dès le retournement des prix de l’immobilier, ce qui s’est produit au cours de l’année 2006. Rapidement, la valeur des habitations est devenue inférieure, pour de nombreux ménages, au montant du prêt qu’ils devaient encore rembourser.

De gré ou de force, ils ont alors dû céder leur habitation à leurs créanciers. Une fois tombées dans l’escarcelle des banques, les maisons ont été remises immédiatement en vente, accentuant la baisse des cours immobiliers…

Cette spirale baissière a également affecté tous les titres financiers qui avaient été construits à partir des crédits immobiliers. Les actifs des banques et de tous les investisseurs les plus exposés à l’immobilier ont ainsi fondu comme neige au soleil. Voilà comment le château de cartes a été ébranlé.

Aujourd’hui, sans l’intervention des autorités américaines, le système bancaire s’effondrerait entièrement. La crise, comme nous le dit Michel Aglietta, professeur de sciences économiques à Nanterre, est dans ses mécanismes et ses effets cumulatifs, aussi grave que celle de 1929. (Voir la vidéo.)

(vidéo)

Ses premières conséquences réelles commencent à se faire sentir brutalement. Au lendemain de son rachat par JP Morgan, Bear Stearns a exprimé l’intention de se séparer de 7 000 salariés, soit la moitié de ses effectifs. Que va-t-il se passer maintenant?

[color=red]La différence avec 1929 réside dans la réactivité des autorités. Alors qu’il avait fallu attendre l’entrée en fonction de Roosevelt en 1933 pour que le gouvernement s’attaque sérieusement à la crise, en prenant les commandes des banques, la Banque centrale américaine et le gouvernement semblent aujourd’hui déterminés à empêcher, par tous les moyens, une aggravation de la situation et la multiplication des faillites.

Concrètement, cela signifie que les pertes réalisées par les banques seront socialisées, c’est-à-dire assumées in fine par l’Etat, comme l’ont été celles de la Northern Rock en Grande-Bretagne.[/color]


Voyez aussi les commentaires sur les nationalisations des banques…

[bgcolor=#FFFF99]Mettre en cause les traités européens qui sanctuarisent la liberté de mouvements des capitaux [/bgcolor]
par [b]Frédéric Lordon /b

http://www.humanite.fr/Crise-financiere-Frederic-Lordon-economie

Crise financière : Entretien avec Frédéric Lordon

« Les gens comprennent très bien que l’harmonie du marché a quelques sérieux ratés quand la Société générale voit s’évaporer 7 milliards d’euros d’un coup. »

Face à la crise financière, l’économiste et philosophe Frédéric Lordon appelle à mettre en cause les traités européens qui sanctuarisent la liberté de mouvements des capitaux.

De nombreux commentateurs et éditorialistes mettent la crise financière sur le compte d’une « folie » qui se serait emparée des marchés. Que pensez-vous de ces interprétations ?

Frédéric Lordon. La thèse de la « folie » vaut à peu près ce que vaut celle de « l’immoralité », c’est-à-dire rien. On peine à croire d’ailleurs que la cécité intellectuelle ou l’entêtement idéologique puissent aller jusqu’à une telle nullité de pensée, spécialement au moment où les destructions - financières se produisent là, sous nos yeux, révélant leurs causes les plus évidentes. Le plus étonnant dans cette affaire ne tient presque plus aux événements eux-mêmes - pourtant ô combien spectaculaires ! - mais à l’acharnement de la croyance libérale et à la force du déni.

Si même des catastrophes de cette magnitude ne parviennent pas à dessiller l’escouade des « experts » et des précepteurs de service, on se demande quel degré de convulsion il faudra atteindre pour obtenir d’eux le premier doute… Il faut bien se mettre à leur place cependant : la « folie » et « l’immoralité », c’est tout ce qui leur reste avant d’en arriver à l’indicible mise en question, celle des structures. Car tel est bien, malheureusement pour eux, l’enseignement à vif de la crise : jusque dans l’effondrement, la libéralisation financière demeure parfaitement conforme à son concept.

Ce à quoi nous assistons est le déploiement nécessaire d’une mécanique inscrite au coeur des structures libéralisées de la finance. UBS a perdu 18 milliards de dollars, Merril Lynch, 19 et Citigroup, 21, sans opérations frauduleuses ni Jérôme Kerviel local. Bref, elles ont perdu en jouant, strictement, le jeu de la finance tel qu’il est configuré actuellement. C’est bien cette configuration qui est intrinsèquement l’origine du problème.

Comment peut-on imaginer un seul instant que des opérateurs financiers pourraient renoncer à poursuivre d’extraordinaires opportunités de profit dans un univers qui les démultiplie et leur donne des proportions sans commune mesure avec les gains de l’économie réelle ? Par quel miracle de vertu la Société générale qui, en 2006, tire 23 % de rentabilité des capitaux propres de sa banque de détail pourrait-elle s’abstenir de saisir les 48 % ( !) que lui offre sa banque d’investissement ? Laissez l’économe d’une congrégation bénédictine libre d’aller placer les excédents de la chartreuse sur les marchés et il finira avec des CDO de subprimes…

La crise présente n’a donc rien d’exceptionnel ?

Frédéric Lordon. Entre « trader fou » et hypothèse de « l’accès de folie », tout est fait pour donner à l’événement actuel un statut d’aberration exceptionnelle - un égarement incompréhensible sur fond de parfait bon sens. Mais la « folie » est le régime permanent et nécessaire de la finance libéralisée.

Dans quels mécanismes s’enracine ce fonctionnement de la finance ?

Frédéric Lordon. La finance de marché a la propriété de faire voir, par une sorte d’expérimentation en vraie grandeur, les résultats catastrophiques d’une situation où tous les agents sont simultanément laissés libres de poursuivre frénétiquement leurs - intérêts de profitabilité maximum et placés sous de féroces contraintes de concurrence et d’évaluation - mesure du mérite individuel par l’argent, saine concurrence, évaluation permanente : un rêve sarkozyste…

Dans le champ de la finance, la concurrence est sauvage. C’est le domaine qui a porté le plus loin l’obsession de l’évaluation comparée des performances de tous : annuaires professionnels de toutes sortes multiplient les classements et les hit-parades pour tous les métiers et tous les types d’actifs. Avec des - effets de grande ampleur puisque des mandats de gestion, c’est-à-dire des masses financières considérables, vont être déplacés vers les vedettes du moment.

Du fait même de cette concurrence infernale, dont les tables sont remises à jour sur une base trimestrielle, les agents vivent dans un état d’hystérie permanente. Tout ce qui en réalité, ou en imagination, offre une perspective de rentabilité accrue, et surtout de rentabilité différentielle, sera poursuivi avec acharnement. Cette pression concurrentielle s’articulant à la pleine libération de la pulsion cupide, les efforts désespérés de tous pour dépasser tous entraînent une accumulation collective de risques dont nul n’a le souci puisque chacun n’est préoccupé que de ses intérêts individuels. Seule une pensée indigente - ou complice - peut s’obstiner de voir là un problème de moralité alors qu’il n’est question que de structures.

Comment comprendre la répétition de ces crises financières depuis vingt ans ?

Frédéric Lordon. J’hésite entre deux stratégies : dénoncer l’indigence conceptuelle du couple « moderne »-« archaïque » - sans lequel l’éditorialiste libéral réformateur de base n’est plus capable de construire une seule phrase -, ou bien le retourner contre ses utilisateurs. Car seule une formidable inversion rhétorique peut donner la régression libérale pour un « progrès ».

Sitôt installée, la déréglementation des marchés de capitaux nous a fait faire un bond en arrière de soixante ans puisque le krach de 1987 a non seulement égalé en importance celui de 1929 mais a constitué le premier événement du genre survenu depuis lors. Quant à la panique bancaire de la Northern Rock, il faut carrément remonter à 1866 pour en retrouver l’équivalent. On juge du « progrès » et de la « modernité »… Or la croyance libérale n’en démord pas.

On reste sidéré du bilan dérisoire de la réunion européenne tenue à Londres le 29 janvier. « Tout en préférant des solutions de marché, si les acteurs de marché s’avèrent inaptes à traiter ces problèmes, nous sommes prêts à considérer des solutions de remplacement réglementaires », déclare sans rire le communiqué officiel. Mais cette inaptitude est avérée depuis vingt ans ! La preuve en est cette infernale récurrence de la crise des marchés puisque, depuis 1987, nous n’avons pas la paix plus de quatre ans d’affilée.

Quoique touchant des compartiments différents, et avec sans doute des effets économiques différents, la similitude formelle des crises de 2007 et 2001 est frappante. Même délire spéculatif, mais aussi même carence des agences de notation, même prolifération des structures hors bilans échappant aux contrôles comptables réguliers, et jusqu’au parallélisme des « entités spéciales » - entre les SPV (Special Purpose Vehicle) qui ont coulé Enron en 2000 et les SIV (Special Investment Vehicle) gavés de subprimes de 2007, l’identité est presque parfaite.

Et, bien sûr, les mêmes recommandations de « réintégration des hors-bilans », les mêmes solennelles promesses de transparence et de moralité. Recommandations jamais suivies, promesses jamais tenues, paroles envolées sitôt commencée la bulle d’après.

Vous avez formulé, il y a quelque temps, des propositions pour, dites-vous, « affamer la finance »…

Frédéric Lordon. Il faut bien avoir conscience qu’une fois la formation d’une bulle lancée, il est trop tard. D’abord elle est vouée à crever. Et lorsqu’elle le fera, elle armera instantanément la prise d’otages qui contraindra le banquier central à venir au secours des institutions financières en détresse.

C’est là toute la perversité de la crise financière qui, au-delà d’un certain stade de gravité, crée une situation dite de risque systémique. La densité des engagements croisés entre les banques est en effet telle qu’un défaut individuel peut être propagé de manière foudroyante, au risque de provoquer un collapsus général. Devant l’énormité des conséquences possibles, le banquier central, quelle que soit sa volonté de sanctionner les imprudents, n’a pas d’autre choix que d’intervenir pour leur sauver la mise. Pour sortir de cette situation, il n’y a pas d’autre moyen que… d’éviter qu’elle ne se forme !

Pour asphyxier la bulle ab initio, il faut la priver (d’une partie) de son oxygène : le crédit. À ceci près qu’élever les taux d’intérêt risque de tuer l’économie réelle en même temps que la spéculation. D’où l’idée de taux d’intérêt dédoublés, l’un à destination des seuls agents de l’économie productive, et qui pourra être maintenu aussi bas qu’on veut, pendant que l’autre, à destination des seuls agents de la finance, pourra être relevé aussi haut que nécessaire.

Vous proposez aussi d’instaurer un plafonnement de la rémunération des actionnaires.

Frédéric Lordon. J’ai donné à cette proposition le nom de SLAM - Shareholder Limited Authorized Margin. Il s’agit de plafonner par un écrêtement fiscal la rémunération des actionnaires pour désarmer les incitations du capital actionnarial à intensifier indéfiniment l’exploitation des salariés. Nous ne sommes plus là dans la problématique de la crise de crédit, mais dans celle, plus permanente, de l’emprise de la finance actionnariale sur l’économie. En faire mention ici vaut donc surtout pour dire que, contrairement aux usuelles fins de non-recevoir du genre « il n’y a pas d’alternative » et « de toute façon vous n’avez rien à proposer », des idées pour arraisonner la finance, il commence à y en avoir.

Comment imposer de tels outils de régulation ?

Frédéric Lordon. Toutes les propositions « techniques » sont nulles et non avenues tant qu’elles restent sans force politique. Or, pour sinistre qu’elle soit à bien des égards, la conjoncture présente a au moins l’avantage d’offrir une opportunité sans pareille au rassemblement de cette force et à l’installation de la question financière dans le débat politique. Car c’est au coeur de la crise, et au spectacle de ses formidables destructions de valeur, que les esprits sont frappés.

Les gens comprennent très bien que l’harmonie du marché a quelques sérieux ratés quand la Société générale voit s’évaporer 7 milliards d’euros d’un coup. Il y a là une configuration politique extraordinaire dont il faut impérativement tirer parti.

C’est peut-être le seul bénéfice de ces crises que d’offrir des invalidations en actes et, il faut le dire, à grand spectacle, des thèses libérales de parfaite autorégulation des marchés. Ne pas l’exploiter serait une faute politique qui nous condamnerait à attendre passivement la prochaine secousse - puisque des causes inchangées produiront à coup sûr des effets semblables.

Or, il est temps de dire que cette succession métronomique des séismes financiers - sans doute jusqu’ici rattrapés, mais jusqu’à quand, et à quel prix en termes de croissance et d’emploi ? - nous n’en voulons plus. « Ne plus vouloir », c’est donc viser les causes, c’est-à-dire les structures, et affirmer que leur transformation profonde doit être un enjeu majeur de notre débat politique.

Quelle forme donner concrètement à ce « ne plus vouloir » ?

Frédéric Lordon. J’ai hautement conscience de mes - risibles compétences en matière d’action politique. Mais l’idée de regarder bras ballants le manège repartir pour un tour exactement à l’identique me rend malade, c’est pourquoi je ne peux pas m’empêcher de lancer au moins une idée - et même, pourquoi pas, de la poursuivre.

S’il s’agit de refaire l’agenda du débat public et d’y faire figurer en haut de liste la question financière, ne faut-il pas jouer dans l’opinion un coup « catalytique » pour faire précipiter les multiples réactions individuelles en une idée collective claire et distincte - et en un programme d’action politique ? Je ne vois guère de meilleur moyen pour cela que la pétition. Il faudrait qu’elle soit portée par une pluralité de médias. Mais, surtout, cette pétition devrait impérativement être européenne, et relayée par des titres amis en Allemagne, en Italie, en Espagne et ailleurs. Car c’est bien l’Europe le niveau pertinent où poser de nouveau la question de la libéralisation financière.

Et cela d’autant plus que, honte suprême pour tous les faux-culs qui chantent les louanges de l’Europe « bouclier contre la mondialisation », ce sont les traités européens qui sanctuarisent la liberté de mouvement des capitaux et s’opposent à toute modification significative des structures de la finance. Cette obscénité démocratique - je rappelle que la liberté de mouvement des capitaux s’était trouvée inscrite dans la charte des droits fondamentaux du traité constitutionnel de 2005… -, qui nous prive de la possibilité de remettre la finance à la place que, politiquement, nous voulons lui assigner, donne du même coup son objectif évident à cette pétition : l’article III-56 du traité européen consolidé.

« Toutes les restrictions aux mouvements de capitaux entre les États membres et entre les États membres et les pays tiers sont interdites » : voilà ce dont nous ne voulons plus. Mettre à bas cet article III-56 est le préalable à toute reconstruction des structures de la finance, c’est-à-dire à tout projet politique de sortie de la configuration présente du capitalisme. Si la présente crise nous en donne l’opportunité et la force, alors elle n’aura pas eu lieu pour rien.

Entretien réalisé par Rosa Moussaoui paru dans l’Humanité du 21 mars 2008

À lire :
Les Quadratures de la politique économique, Paris, Albin Michel, 1997.
Fonds de pension, piège à cons, Paris, Liber, 2000. La Politique du capital, Paris, Odile Jacob, 2002. Et la vertu sauvera le monde, Paris, Liber, 2003. L’Intérêt souverain : essai d’anthropologie économique spinoziste, Paris, La Découverte, 2006.
Spinoza et les sciences sociales. De l’économie des affects à la puissance de la multitude, en collaboration avec Yves Citton, Paris, Éditions Amsterdam, 2008.

Le Paquebot Normandie n’a pas été perdu par le feu, mais par les pompiers!

En effet, toute l’eau destinée à éteindre le feu s’est accumulée dans les superstructures du navire, ce qui, du fait de l’élévation du centre de gravité, produisit une « instabilité fatale »…

l’insuffisance de cloisonnements dans ces superstructure aggrava l’effet, toute l’eau s’accumulant « du côté où çà penchait »: ce fut donc un « naufrage à quai » !

De même, « la liberté de circulation des capitaux » et l’arrosage des banques en feu par la banque centrale fonctionnant comme la pompe à billets des « pompiers du capital », voilà l’accumulation du fric "en hauteur: c’est à ce niveau que se relance la spéculation !

…Bon, il faut « cloisonner un minimum » pour freiner le phénomène, avec une « taxe Tobin » qui permettra d’ammortir le « roulis des transactions financière » !

…En tous cas, en fond de cale, c’est sec ! pas étonnant que çà puisse se retourner !

Le Canard Enchaîné, 26 mars 2008, page 2 :

Il n’y aura pas de « plan de rigueur », a répété Sarkozy sur tous les tons. Et, pourtant, il y a comme un vent de panique qui gagne le plus haut sommet de l’Etat. Le Président et le Premier Ministre jugent, en privé, la situation économique mondiale « gravissime », et plusieurs ministres ont trouvé Sarkozy « préoccupé » au dernier Conseil des ministres.

Il faut dire qu’il n’y a pas lieu de se réjouir. Même si Christine Lagarde s’apprête à annoncer, la bouche en cœur, à ses collègues européens, le 28 mars, une perspective de croissance de 1,8 % à 2 % pour 2008, ces prévisions, déjà revues à la baisse, sont aujourd’hui dépassées. Ses propres experts de Bercy, qui se fondent sur les chiffres de l’INSEE et du FMI, tablent sur une croissance comprise entre 1 % et 1,5 %. Rappelons que le budget 2008 a été bâti sur l’hypothèse d’une croissance de 2 % à 2,5 %.

Du coup, les promesses du candidat Sarkozy de baisser de 4 points les prélèvements obligatoires (environ 68 milliards d’euros) ont toutes les chances de rejoindre celles de Chirac dans les oubliettes de l’Histoire. La question est surtout de savoir si lesdits impôts et les contributions sociales ne vont pas augmenter.

L’heure est plus que jamais à la réduction des dépenses. « Jusqu’à 7 milliards de crédits », affirme-t-on dans les couloirs de Bercy. Un objectif qui correspond au montant des sommes gelées au début de l’année par Eric Woerth, mais qui a déjà été mangé par les petits cadeaux distribués ici et là par Sarkozy au cours de ses pérégrinations.

Pour se rassurer, Sarkozy ne peut pas compter sur ses conseillers. A l’Elysée, c’est à qui broiera le plus de noir. « Nous sommes condamnés à faire le gros dos devant les mouvements sociaux », se résigne l’un.

« C’est une situation qu’on n’a pas connue depuis les années 30, renchérit l’autre. Il est possible que le monde connaisse une guerre économique, monétaire et sociale. » Et tout ça sans marge de manœuvre.

« C’est fichu. Il est impossible de sortir du carcan européen », soupire l’un.

« Il n’y a pas de levier monétaire, plus de levier fiscal, plus de levier budgétaire », se lamente son collègue de bureau. Et le même de résumer : « Il va nous falloir gérer une inflation plus forte, alors que les salaires progressent peu. Ce qui nous attend est terrible. »

Mais du moment que Christine Lagarde conserve le sourire.

Bonjour

Je relaye un message d’une cinquantaine d’économistes en colère contre la dérégulation des mouvements de capitaux imposée par les institutions européennes :

[i]Ce jeudi est lancée dans un ensemble de médias européens une pétition appelant à une réaction politique contre la finance libéralisée dont nous ne voyons que trop les dégâts. Cette pétition réclame l’abrogation de l’article 56 du traité européen tel qu’il interdit toute restriction à la liberté de mouvements des capitaux. L’abrogation de cet article nous semble le préalable à toute reconstruction des structures de la finance.

Cette pétition est lancée à l’initiative d’un collectif d’économistes européens. Elle est relayée par :
L’Humanité, Le Monde Diplomatique, Politis, Là bas si j’y suis, Flamman (Suède), Trybuna Robotnicza (Pologne), Publico (Espagne), Il Manifesto (Italie), Die Tageszeitung (Allemagne).

Cette pétition est sur[/i] http://www.stop-finance.org

Il faut maintenant la faire connaître – et signer ! – du plus grand nombre de citoyens européens possible ! Tout ce que vous pourrez faire pour la diffuser sera d’une aide inestimable.

[Ajout d’Étienne] Merci André-Jacques :slight_smile: J’ai relayé l’info sur la partie blog également :
http://etienne.chouard.free.fr/Europe/forum/index.php?2008/03/27/91-speculation-et-crises-ca-suffit

Voici le texte proposé à la mobilisation générale :

[b][size=12][color=red]Spéculation et crises : ça suffit ![/color][/size][/b]

[bgcolor=#FFFF99]La finance déréglementée détruit les sociétés. Silencieusement, au quotidien, quand les actionnaires pressurent les entreprises, c’est-à-dire les salariés, pour en extraire davantage de rentabilité, au Nord comme au Sud. À grand spectacle et avec fracas dans les crises aiguës où se révèlent brutalement les invraisemblables excès de la cupidité spéculative et leur contrecoup sur l’activité et l’emploi. Chômage, précarisation, accroissement des inégalités : les salariés et les plus pauvres sont voués à faire les frais soit de la spéculation, soit des nuisances du krach qui s’ensuit.[/bgcolor]

Depuis deux décennies, le cours de la finance mondiale n’est qu’une longue suite de crises : 1987, krach boursier ; 1990, crise immobilière aux Etats-Unis, en Europe et au Japon ; 1994, krach obligataire américain ; 1997 et 1998, crise financière internationale ; 2000-2002, krach internet ; 2007-2008 enfin, crise immobilière et peut-être crise financière globale.Pourquoi une telle répétition ? Parce que toutes les entraves à la circulation des capitaux et à l’« innovation » financière ont été abolies. Quant aux banques centrales qui ont laissé enfler la bulle, elles n’ont plus d’autre choix que de se précipiter au secours des banques et des fonds spéculatifs en mal de liquidités.

Nous n’attendrons pas la prochaine crise sans rien faire et ne supporterons pas plus longtemps les extravagantes inégalités que la finance de marché fait prospérer ni les dangers qu’elle fait courir à tous. Parce que l’instabilité est intrinsèque à la déréglementation financière, comment les dérisoires appels à la « transparence » et à la « moralisation » pourraient-ils y changer quoi que ce soit – et empêcher que les mêmes causes, de nouveau, produisent les mêmes effets ? Y mettre un terme suppose d’intervenir au cœur du « jeu », c’est-à-dire d’en transformer radicalement les structures. Or, au sein de l’Union européenne, toute transformation se heurte à l’invraisemblable protection que les traités ont cru bon d’accorder au capital financier.

[bgcolor=#FFFF99]C’est pourquoi nous, citoyens européens, demandons l’abrogation de l’article 56 du Traité de Lisbonne, qui, interdisant toute restriction à ses mouvements, offre au capital financier les conditions de son emprise écrasante sur la société. Et nous demandons également que soit restreinte la « liberté d’établissement » (art. 48) qui laisse opportunément au capital la possibilité de se rendre là où les conditions lui sont le plus favorables, et permettrait ici aux institutions financières de trouver asile à la City de Londres ou ailleurs.[/bgcolor]

Si par « liberté » il faut entendre celle des puissances dominantes, aujourd’hui incarnées dans la finance, d’asservir le reste de la société, disons immédiatement que nous n’en voulons pas. Nous préférons celle des peuples à vivre hors de la servitude de la rentabilité financière.