07 Reprendre le pouvoir sur notre monnaie

[bgcolor=#FFFF99]« Le choix de la défaite
les élites françaises dans les années 30 »
[/bgcolor]

Un grand livre important d’[i][b]Annie Lacroix-Riz[/b][/i] qui résume ici son travail, dans [bgcolor=#66FF00]une vidéo captivante[/bgcolor]…

Cette historienne courageuse est un puits de science (elle semble tout savoir sur les intrigues et le racket des banques, en associant intelligemment histoires intérieures et histoire internationale)
et elle nous donne [bgcolor=#FFFF99]un cours d’histoire absolument essentiel[/bgcolor] (ne ratez pas ça) :

Pour écouter ce document passionnant d’une seule traite :
http://www.dailymotion.com/video/xztbh_le-choix-de-la-defaite_events


[color=gray](Également disponible en quatre épisodes séparés :

  1. http://www.dailymotion.com/Libre_/video/x3oquv_le-choix-de-la-defaite14_politics
  2. http://www.dailymotion.com/Libre_/video/x3oqz5_le-choix-de-la-defaite24_politics
  3. http://www.dailymotion.com/Libre_/video/x3or36_le-choix-de-la-defaite34_politics
  4. http://www.dailymotion.com/Libre_/video/x3orek_le-choix-de-la-defaite44_politics )[/color]

Annie Lacroix-Riz évoque ici, de façon très vivante :

[bgcolor=#FFFF99]la synarchie[/bgcolor] (club de banques et industriels comploteurs) qui veut depuis longtemps [bgcolor=#FFFF99]des institutions qui ne permettent pas aux salariés de se défendre[/bgcolor] ;

• [bgcolor=#FFFF99]la dictature de la Banque de France (club de banques privées) qui gouverne les gouvernements par les avances qu’elle leur accorde ou pas[/bgcolor] et qui trouvait beaucoup de charmes aux régimes de Mussolini et de Hitler pour remplacer cette « République » qui permettait aux citoyens de défendre leurs droits ;

• les banques et les industriels qui gouvernent depuis longtemps (ce qui se passe aujourd’hui n’a donc rien de nouveau !) ;

• cette Banque de France qui a ruiné la République espagnole pour aider Franco, qui a aidé l’Allemagne à trouver de l’or pour son réarmement, qui a voulu la défaite française, qui a dissuadé la France de combattre pour permettre à l’Allemagne d’achever son réarmement ;

• les grandes banques qui ont fait durer les guerres coloniales ;

• Marc Bloch dénonçant (à la fin de « l’étrange défaite ») la trahison de Pékin (vaste réseau d’alliances — les journalistes à la Brinon, les hommes politiques à la Laval, les hommes de main du genre 6 février, les hommes d’affaires du Creusot (Schneider) et, principalement, les militaires — livrant la France à ses ennemis, et les raisons plutôt principalement économiques que militaires, selon Annie Lacroix-Riz, qui animaient cette trahison ;

• les plans de liquidation de la République qui datent de bien avant 1936, 1936 n’ayant fait que différer ces plans : on a saboté le réarmement, on a préparé des plans contre la République avec l’étranger, on savait que l’Allemagne allait faire guerre et on négociait pourtant avec elle (« OK on va être battu, mais comment ? ») ;

l’obsession des [bgcolor=#FFFF99]salaires à limiter[/bgcolor] qui est la motivation des élites financières pour détruire la République ;

• nos élites qui ont décidé qu’Hitler allait venir en France pour remplacer la République par un régime qui ne permette plus aux salariés de résister ;

• les manœuvres du jeune État gaulliste pour que tout ça ne soit pas su et qui a protégé les hommes de la synarchie (en faisant disparaître l’article 75 et s. du code pénal incriminant la haute trahison et l’intelligence avec l’ennemi, puis l’article 87 qui punissait la collaboration, et ces hommes (synarques) qui sont restés impunis !) ;

• le travail de fourmi dans les archives souvent atroces ;

• la similitude avec la situation actuelle qui est frappante ; pour Annie Lacroix-Riz, elle est même plus grave qu’en 1940 : la dépendance des historiens par rapport aux élites dirigeantes semble plus grande aujourd’hui qu’en 1940)…

Tout ça est abject et révoltant…

Car [bgcolor=#FFFF99]les points de ressemblance avec notre présent sont très éclairants[/bgcolor].
Écoutez et réécoutez, vous verrez…

Bonjour,

AJH, vous dites :
« Depuis 1973 la France s’est interdite de créer la monnaie dont elle a besoin pour combler ses propres déficits »

Je n’arrive pas à trouver de loi écrite en 1973 qui correspond à ce que vous dites, j’ai bien trouvé la loi de 1993 ici :
http://www.legifrance.gouv.fr/WAspad/UnTexteDeJorf?numjo=ECOX9300075L

Mais pas celle de 1973, il s’agit bien d’une loi ?

Bonjour

La modification antérieure (à celle de 1993) des statuts de la BdF a fait l’objet d’une loi du 3 janvier 1973 (c’est indiqué sur le site de la BdF). Je n’ai pas retrouvé cette loi (Code monétaire?), ni les statuts pour la période 1973 à 1993. Il n’est pas du tout certain qu’il y ait eu, dans la loi de 1973, une « interdiction formelle » (telle qu’elle apparait ensuite dans la loi du 4 aout 1993 qui précise " interdit à celle-ci (la BDF) dans son article 3 d’autoriser des découverts ou d’accorder tout autre type de crédit au Trésor public ou à tout autre organisme ou entreprise publics, de même que l’acquisition de titres de leur dette…")

Mais on peut affirmer que " Depuis 1973 la France s’est interdite de créer la monnaie dont elle a besoin pour combler ses propres déficits" simplement en vérifiant que la dernière « avance au Trésor » de la banque de France date du 21 mars 1974
http://www.banque-france.fr/fr/stat_conjoncture/series/annhis/telnomot/hb.w.14000.0000.txt

A+
AJH

Effectivement cela prouve que cela a été arrêté à cette époque mais on ne sait pas pourquoi

Ca serait bien quand même de retrouver le texte de cette loi, si quelqu’un le trouve hésitez-pas à nous le partager, merci :slight_smile:

Parceque malheureusement vu qu’il s’agit d’un sujet qui se heurte à beaucoup d’idées reçues, je pense qu’il faut absolument tout référencer et tout prouver, vous ne pensez pas ?

Loi de 1973

Sandy,

Voici ce que j’ai trouvé par Légifrance (en interrogeant sous « Autres textes législatif et règlementaires ». Vous noterez que cette loi a été abrogée en 1994. Pour le texte, il faut rechercher par le Journal officiel (je suppose que l’année 1973 a été informatisée.

Loi ordinaire 73-7 du 03/01/1973

DIRECTION ET ADMINISTRATION DE LA BANQUE DE FRANCE

TEXTE TOTALEMENT ABROGE A COMPTER DU 01-01-1994.

Publi้(e) au Journal officiel “Lois et D้crets” du 04/01/1973 page 165

BANQUE
BANQUE DE FRANCE
STATUT
PROPRIETE INDUSTRIELLE
DECOUVERTE
FONCTIONNAIRE
MONNAIE
LOI MONETAIRE
COMPOSITION ET FONCTIONS DU CONSEIL GENERAL CHARGE DE DELIBERER DES QUESTIONS RELATIVES A L’ADMINISTRATION DE LA BANQUE ET L’EMPLOI DES FONDS PROPRES
LISTE DES OPERATIONS DE BANQUE EFFECTUEES PAR LA BANQUE DE FRANCE
ABROGATION DES TEXTES SUIVANTS :
LOI DU 24 GERMINAL AN XI, LOI DU 22-04-1806, DECRET IMPERIAL DU 16-01-1808 SAUF L’ARTICLE 23, L’ART. 52 DE LA LOI DU 28-04-1832, LA LOI DU 17-05-1834, LA LOI DU 30-06-1840, LA LOI DU 09- 06-1857, LA LOI DU 12-08-1870, LA LOI DU 13-06-1878, LA LOI DU 17-11-1897, L’ART. 12-2E DE LA LOI DU 09-04-1898, LA LOI DU 29-12-1911, LA LOI DU 20-12- 1918, LA LOI DU 23-06-1936, LA LOI DU 24-07-1936, LE DECRET DU 12-11-1938, LA LOI DU 03-09-1940, ORDONNANCE DU 05-12-1944, L’ART. 24 DE LA LOI NO 481974 DU 31-12-1948, LE TITRE II DE L’ORDONNANCE NO 67838 DU 28-09-1967.

RECT. JO DU 06-01-1973 P291.

[bgcolor=#FFFF99]« LE VÉRITABLE SYSTÈME AMÉRICAIN D’ÉCONOMIE POLITIQUE
CONTRE LE LIBRE-ÉCHANGE »
[/bgcolor]
par Pierre Bonnefoy :
http://www.solidariteetprogres.org/spip/article-imprim.php3?id_article=3576

[bgcolor=#FFFF99]Ce texte est littéralement passionnant[/bgcolor], il m’a scotché à mon siège pendant une journée.
Il y a là une clef de lecture de l’histoire absolument bouleversante.

Je vous conseille de le lire d’urgence, c’est un des meilleurs documents que j’ai lus depuis trois ans.
Je le reproduis ici in extenso pour qu’on en mesure bien l’importance.

On y découvre :

• Que les vraies racines de la République américaine sont beaucoup plus chez Leibniz (un progressiste à la recherche du bonheur général) que chez Locke (un dictateur colonialiste) ;

L’importance cardinale de la pensée d’Alexander Hamilton et de Friedrich List et la lutte acharnée depuis deux siècles aux USA entre les partisans et les adversaires du « système » d’Hamilton et List. Ce combat méconnu est incroyablement éclairant pour comprendre les enjeux actuels, y compris en Europe, évidemment ;

• L’intérêt stratégique pour l’empire britannique des thèses d’Adam Smith, quand il préconisait de se fier à « la main invisible » (pourtant identifiable d’emblée au rayon des superstitions crétinisantes) : il est passionnant de remarquer que l’interdiction d’agir pour le progrès économique des colonies protégeait les positions dominantes en vigueur à l’époque. Ricardo, Say, Malthus, et tous ceux qu’on appelle abusivement les « classiques » (alors qu’ils ont peut-être été profondément malhonnêtes) ont objectivement servi le même intérêt idéologique au profit de l’Empire colonial ;

• Que le libre échange débridé et la monnaie d’État rare sont des armes fort anciennes pour les banquiers et les industriels contre les peuples.

[align=center][b][color=blue]LE VÉRITABLE SYSTÈME AMÉRICAIN D’ÉCONOMIE POLITIQUE CONTRE LE LIBRE-ÉCHANGE[/color][/b][/align]

4 décembre 2007
par Pierre Bonnefoy

Ce n’est pas sans raison que beaucoup de physiciens considèrent que l’économie n’est pas une science « sérieuse » : il s’agit sans doute de la discipline où le décalage est le plus caricatural entre ce qui est enseigné sous ce nom depuis plusieurs décennies et la science véritable. Comble du ridicule, le prix Nobel d’économie a souvent été accordé à d’éminents professeurs qui auraient tout à fait trouvé leur place dans l’Ile de Laputa des voyages de Gulliver. Parmi ces professeurs figurent les responsables de la déconfiture du fonds spéculatif LTCM en 1998 qui, comme on le sait aujourd’hui, a bien failli provoquer un effondrement de l’ensemble de l’économie mondiale ; on y trouve également celui qui a conçu le système de dérégulation de l’électricité en Californie, dont l’Etat de la Côte- Ouest ne s’est jamais remis.

Malgré le fait que l’on honore les chantres du monétarisme et célèbre la victoire du monde libéral, la réalité économique actuelle fait voler en éclats cette illusion. A ce jour, sur les cinquante Etats américains, quarante- six sont déjà pratiquement en faillite, le déficit budgétaire fédéral est en train d’exploser, la bulle immobilière est sur le point d’éclater, l’infrastructure de base est dans un état de délabrement total et la misère prend des proportions alarmantes. De plus, si les Etats-Unis ont pu survivre jusqu’à présent, c’est en menant une politique impériale de pillage systématique des ressources à l’étranger par le biais de la « mondialisation » et d’institutions comme le Fonds monétaire international, ce qui a rendu ce pays le plus méprisé et le plus craint dans le monde.

Ainsi, les libéraux comme les antimondialisations partagent un même postulat erroné, celui qui consiste à croire que les Etats-Unis sont une superpuissance économique. Toutefois, ils en partagent un second, tout aussi erroné, qui consiste à croire que libre-échange constitue le système américain d’économie. En effet, il existe ce que l’on appelle le « système américain d’économie politique » qui, comme nous allons maintenant le relater, a constamment défendu une politique volontariste de développement de l’industrie et de la science, opposée aux théories économiques destructrices d’Adam Smith.

[bgcolor=#CCFFFF]Leibniz : le père spirituel de la révolution américaine[/bgcolor]

On peut lire dans la Déclaration d’indépendance du 4 juillet 1776, les lignes suivantes : « Nous tenons les vérités suivantes pour évidentes en soi : que tous les hommes sont créés égaux ; qu’ils sont dotés de la part de leur Créateur d’un certain nombre de droits inaliénables ; que parmi ces droits figurent la vie, la liberté et la poursuite du bonheur. »

Pour bien mesurer la portée de ces quelques lignes, il faut comprendre quelle était alors la vision que l’Empire britannique avait de ses colonies. A la fin du XVIIe siècle, l’administration des colonies américaines fut confiée entre autres à John Locke (1632-1704), que l’on présente aujourd’hui, à tort, comme l’inspirateur des idées républicaines. Ce dernier établit une véritable dictature économique sur ces colonies, leur interdisant d’avoir des manufactures et de confectionner des produits finis. Leur activité devait essentiellement se limiter à la production de matières premières (destinées aux manufactures britanniques), notamment le coton des plantations du Sud. Dans cet esprit, il rédigea la Constitution de la colonie de Caroline du Sud, dans laquelle il déclara que l’objectif du gouvernement est de défendre « la vie, la liberté et la propriété » des citoyens. Bien entendu, l’une des composantes essentielle de cette « propriété » n’était autre que la population d’esclaves, une institution que Locke trouvait tout à fait compatible avec son idéal de « tolérance ». Chez Locke, la servitude et la noblesse sont des états héréditaires ; un esclave n’a pas de propriété, donc il n’est pas un citoyen.

On oublie généralement que Locke avait en Europe un ennemi acharné - Gottfried Leibniz (1646-1716) - qui pensait au contraire que l’économie d’un Etat devait favoriser la création d’inventions, de machines et de manufactures, afin de libérer l’homme du travail physique aliénant et de donner à la société davantage de penseurs et davantage de puissance.

C’est ainsi qu’il écrit un Plan de la création d’une société des Arts et des Sciences en Allemagne dont le premier objectif est de « produire assez de nourriture pour la nation afin […] d’améliorer les industries, de faciliter le sort de la main-d’oeuvre manuelle […] par le progrès technologique, de toujours rendre à un prix abordable des machines thermiques, moteur de base de toute action mécanique, afin que tous puissent constamment expérimenter toutes sortes de pensées et d’idées innovatrices, propres à eux-mêmes et aux autres, sans perdre un temps précieux ». Réfutant par avance une erreur fondamentale de Marx, Leibniz considère que l’esclavage n’améliore pas la productivité ; c’est un gaspillage car la véritable richesse réside dans la capacité des citoyens à inventer. Dans La Société et l’Economie, Leibniz ajoute : « Et pourquoi tant de gens [les ouvriers] devraientils être réduits à tant de pauvreté pour le bien de si peu ? La Société aura donc pour but précisément de libérer le travailleur de sa misère. » Dans son essai politique Sur la loi naturelle, Leibniz explique que la société la plus parfaite est celle dont l’objectif est le bonheur suprême et général.

Si l’on compare la Déclaration d’indépendance à la société telle que Locke la concevait, on se rend compte que dans la première, la « poursuite du bonheur » a pris la place de la « propriété » de la seconde. [bgcolor=#FFFF99]Ceci est un indice capital pour comprendre que le véritable inspirateur de la république n’est pas Locke mais Leibniz.[/bgcolor] La controverse entre Leibniz et Locke n’a rien d’un débat académique : il s’agit bel et bien d’une lutte entre deux factions politiques irréconciliables. Il est très instructif de s’intéresser en particulier aux dernières années de la vie de Leibniz de ce point de vue-là. Leibniz avait beaucoup d’influence auprès des têtes couronnées, jusqu’en Russie où il fut le conseiller de Pierre le Grand.

Vers 1710, la question de la succession de la reine Anne d’Angleterre se posa de manière critique car celleci n’avait pas de descendant. Grâce aux recherches généalogiques de Leibniz, il fut alors admis que la succession irait à la maison de Hanovre. Sophie de Hanovre, l’amie de Leibniz, pouvait donc se retrouver reine d’Angleterre. Une menace mortelle pour l’Empire britannique ! Cependant, Sophie était âgée et son fils, George, n’était pas une lumière et subissait l’influence de l’oligarchie britannique. L’Empire fit appel à l’un de ses serviteurs, placé à la tête de la Royal Society, pour discréditer l’influence politique de Leibniz. Ce serviteur qui n’était autre qu’Isaac Newton (1642-1727), un disciple de Locke, monta une cabale prétendant que Leibniz lui aurait volé l’invention du calcul différentiel - un calcul que Newton ne maîtrisait tout simplement pas ! Grâce à Locke, Newton devint un riche actionnaire de l’Empire colonial. Il fut également placé à la direction de la Monnaie pour la grande refonte. Le futur George Ier soutint Newton contre Leibniz et ce dernier fut éloigné de la famille royale. La mort étrange de la reine Anne, suivant de peu celle de Sophie, le fit accéder au trône. L’Empire était sauvé.

Néanmoins, comme le montre son énorme correspondance, Leibniz avait tissé un réseau d’amis à travers le monde qui partageaient le même idéal républicain. On trouve dans ce réseau un grand nombre de savants comme Denis Papin, l’inventeur d’une machine à vapeur pouvant naviguer, mais aussi de véritables républicains comme Jonathan Swift, dont les écrits constituent de cinglantes attaques contre l’Empire britannique. Et surtout, on trouve parmi les correspondants de Leibniz des dirigeants américains comme William Penn, John Winthrop Jr., Cotton Mather, etc. [bgcolor=#FFFF99]C’est William Penn qui fonda la Pennsylvanie, dont le nom de la capitale - Philadelphie - fut inspiré d’un écrit de Leibniz intitulé Societa Philadelphica. Dès 1630, les Winthrop réussirent à arracher au roi d’Angleterre, Charles Ier, une charte leur permettant d’établir une colonie relativement autonome dans le Massachusetts, qui fut un véritable laboratoire d’essai pour un gouvernement républicain ; dans les décennies qui suivirent, l’Empire n’eut de cesse que de remettre la main sur cette charte.[/bgcolor] Quant à Cotton Mather, il fut le mentor intellectuel du principal organisateur de la révolution américaine - Benjamin Franklin (1706-1790) - un authentique savant leibnizien.

[bgcolor=#FFFF99]Au XVIIIe siècle, ces hommes étaient arrivés à la conclusion que la première république de l’histoire moderne ne pourrait être créée en Europe car l’oligarchie y était trop puissante.[/bgcolor] Cependant, cette oligarchie étant très occupée à se faire la guerre à elle-même (en particulier la France contre l’Angleterre), ils décidèrent de commencer par l’Amérique. L’interdiction faite aux Américains d’avoir des manufactures les convainquit finalement de la nécessité de la révolution. Cette révolution fut un compromis qui rassembla plusieurs tendances très différentes, ce qui explique pourquoi les Etats du Sud purent maintenir l’esclavage pendant encore un siècle. Cependant, grâce à Benjamin Franklin que l’on peut considérer comme l’inspirateur de la Déclaration d’indépendance bien qu’elle ait été formellement rédigée par Jefferson, le texte fondateur des Etats-Unis contient en germe la société industrielle et l’abolition de l’esclavage.

[bgcolor=#CCFFFF]Alexander Hamilton et la première Banque nationale[/bgcolor]

[bgcolor=#FFFF99]Alexander Hamilton (1755- 1804) fut l’aide de camp de George Washington (1732-1799) pendant la guerre d’Indépendance et le premier secrétaire au Trésor des Etats-Unis, de 1789 à 1794. [b]Sous l’impulsion de Benjamin Franklin, il mit en oeuvre le système économique préconisé par Leibniz.[/b] C’est notamment lui qui créa la première Banque nationale des Etats-Unis. Par opposition au système de banques centrales privées, le système de Banque nationale donne à l’Etat la capacité unique d’émettre du crédit et, par conséquent, de diriger ce crédit vers une activité nécessaire à l’intérêt général. Ce système ne s’oppose pas à l’existence de banques privées (il s’appuie même sur ces dernières) mais il encadre leur activité et limite leur pouvoir politique. Hamilton savait que l’argent n’est que le moyen d’organiser la production et le commerce. Dans un système où l’émission de crédit est contrôlée par des intérêts strictement privés, l’argent devient lui-même un objet de commerce ; c’est d’ailleurs ce qui se passe à l’époque actuelle depuis l’adoption des taux de changes flottants depuis 1971. Le système de banques centrales privées est donc intrinsèquement spéculatif et destructeur. Pour sortir de la crise économique actuelle, l’une des premières mesures que le Président américain devrait prendre d’urgence serait précisément la nationalisation de la Réserve Fédérale, l’actuelle banque centrale américaine, en se référant aux conceptions d’Hamilton.[/bgcolor]

Cependant, l’aspect le plus fondamental de l’oeuvre d’Hamilton réside dans son travail d’éducation vis-à-vis du citoyen et de ses élus. À cette fin, il rédigea un certain nombre de rapports présentés au Congrès

  • Rapport sur le crédit public (1790),
  • Rapport sur une Banque nationale (1790),
  • Rapport au sujet des manufactures (1791),
    destinés à présenter ses conceptions économiques et à réfuter celles de l’Empire britannique.

Il faut préciser qu’un empire ne peut pas étendre sa domination de manière durable en se contentant de s’imposer par sa puissance militaire et policière. Il ne dure que parce qu’il dispose de moyens de propagande visant à contrôler l’esprit de ses sujets. [bgcolor=#FFFF99]L’année même de la Déclaration d’indépendance, en 1776, un employé de la Compagnie britannique des Indes orientales dénommé Adam Smith (1723-1790) écrit sa Richesse des Nations, une attaque explicite contre les volontés de la république américaine naissante de se doter de manufactures et de moyens de développement. Dans cet ouvrage, Smith recommande aux Etats de ne pas intervenir dans la vie économique et de laisser jouer les lois de la concurrence - la « main invisible » des marchés -, n’ignorant pas que les manufactures américaines n’auraient pu, dès leur démarrage, concurrencer les produits finis d’Angleterre. En adoptant un tel système, les Etats- Unis n’auraient eu pour seule ressource que de produire des matières premières et de laisser la puissance manufacturière à l’Empire britannique. Il s’agissait donc pour Smith de proposer à l’Amérique de rester dans une dépendance économique similaire à celle qu’elle connaissait avant la guerre ; en d’autres termes, maintenir le colonialisme sous une apparence républicaine.[/bgcolor] À partir du moment où elle était la seule à contrôler le pouvoir technologique et où elle empêchait le reste du monde d’y avoir accès, l’Angleterre ne risquait pas de dépendre des matières premières américaines puisqu’elle possédait d’autres colonies à travers le monde qui pouvaient remplir cette même tâche.

Il convient ici de souligner le lien de parenté étroit qui existe entre la doctrine économique de Smith et la physique de Newton et des empiristes, c’est-à-dire des ennemis de Leibniz. Pour Smith, l’économie d’une société humaine se résume à la somme algébrique des intérêts particuliers contradictoires qui s’y font concurrence. Smith considère que la meilleure qualité de l’être humain, c’est son égoïsme et non sa capacité à collaborer avec ses semblables dans un projet commun. Cependant, la somme de ces égoïsmes crée un plus grand bien pour tout le monde. Pourquoi ? Parce que grâce à la « main invisible », le marché est autorégulé. C’est tout. Personne ne peut expliquer ce qu’est cette divinité mystérieuse, il faut se contenter d’y croire.

L’espace physique de Newton est tout aussi arbitraire. Il est composé d’un grand vide dans lequel des particules élémentaires passent leur temps à s’entrechoquer, s’attirer et se repousser. L’univers est constitué de la somme de ces particules. Il n’y a pas d’harmonie d’ensemble, seule la loi de gravitation universelle régit le comportement de chaque individu vis-à-vis de ses voisins immédiats. Comment ce désordre initial peut-il créer des structures organisées, de la vie, de l’intelligence ? Face à cette question gênante, Newton fait intervenir une divinité : le Grand Horloger qui vient régulièrement remonter le monde. Avec encore moins de rigueur intellectuelle, les newtoniens actuels de la physique font intervenir le « dieu hasard » et balayent le problème d’un revers de la main en ajoutant que, de toutes façons, le monde va vers une mort chaude ou une mort froide et que l’existence de l’homme n’est qu’un accident statistique. Au hasard des physiciens correspond donc la main invisible des économistes. Dans les deux cas, il est demandé à l’individu d’avoir foi en des axiomes arbitraires, et de ne pas trop chercher à intervenir dans les affaires du monde.

Prenant une attitude diamétralement opposée, Hamilton demande dans son Rapport au sujet des manufactures, à ce que l’Etat mette en oeuvre toutes les mesures permettant de favoriser la capacité productrice de la société. Ceci implique, bien entendu, de favoriser par un ensemble d’avantages et de primes la création de manufactures et l’utilisation de nouvelles machines, de promouvoir l’immigration de main-d’oeuvre étrangère, de taxer l’importation de produits finis étrangers, d’interdire l’exportation de matières premières, de favoriser les inventions et de construire un réseau national d’infrastructure de transport.

Toutes ces propositions sont fondamentalement opposées au système d’Adam Smith et de ses héritiers d’aujourd’hui.

On peut donc considérer les rapports d’Hamilton comme une véritable déclaration d’indépendance économique des Etats-Unis, c’est-à-dire la référence pour ce que l’on appelle [bgcolor=#66FF00]le « Système américain d’économie politique »[/bgcolor] : ils sont une réfutation claire et systématique des dogmes d’Adam Smith sur le libre-échange. Malheureusement, toutes les recommandations d’Hamilton n’ont pas été suivies ; le Rapport au sujet des manufactures n’a pas été adopté par le Congrès. Cependant, les idées qu’il contient ont été pleinement reprises par les économistes américains qui, à la suite d’Hamilton, ont développé les Etats-Unis au cours du XIXe siècle.


[bgcolor=#CCFFFF]L’ennemi intérieur[/bgcolor]

Pour bien comprendre la société américaine d’aujourd’hui, il faut réaliser que, dès le début, l’idéal républicain qui anime les conceptions économiques d’Hamilton a été violemment combattu de l’intérieur par une faction dont les membres avaient pleinement adopté les moeurs oligarchiques de l’Empire britannique, lorsqu’ils n’étaient pas carrément des traîtres.

Qu’ils possèdent des plantations et des esclaves dans le Sud ou qu’ils contrôlent la puissance financière des établissements bancaires privés de la Côte Est, ces oligarques ont un point commun : ils sont tous ennemis du progrès scientifique et du développement industriel. Même si certaines de ces familles dirigent des empires industriels, leur objectif n’est pas le développement de l’industrie en tant que tel mais l’utilisation de celle-ci pour asseoir leur pouvoir politique et financier (ils chercheront, par exemple, à contrôler un certain type d’industrie tout en s’opposant aux innovations qui menaceraient ce contrôle). L’idée qu’un Etat soit au service d’un projet de développement et mette en oeuvre à cette fin des outils tels qu’une banque nationale, des barrières protectionnistes ou qu’il organise la création d’infrastructures, leur est tout simplement insupportable.

Parmi ceux qui ont entrepris un sabotage systématique de l’oeuvre d’Hamilton, deux méritent ici d’être signalés. Le premier, [bgcolor=#CCCCCC]Aaron Burr[/bgcolor] (1756-1836), fut dénoncé par Hamilton comme ayant essayé d’organiser un coup d’Etat. Ceci lui coûta la présidence des Etats-Unis qu’il convoitait en 1800, mais il devint tout de même vice-président du Président Jefferson jusqu’au 11 juillet 1804, date à laquelle il tua Hamilton au cours d’un duel. Exilé, il essaya d’organiser une Sécession des Etats du Nord - en d’autres termes, une dissolution des Etats-Unis pour le plus grand bénéfice de l’Empire britannique. Gracié, il revint à New York où il fonda la Banque de Manhattan, nommée plus tard la Chase Manhattan Bank. A partir de cette banque, il spécula et organisa le trafic d’opium en collaboration avec d’honorables établissements britanniques qui lancèrent deux guerres de l’opium en Chine. [1]

Tandis que Burr supprimait physiquement Hamilton, [bgcolor=#CCCCCC]Albert Gallatin[/bgcolor] (1761-1849) tenta de détruire son oeuvre économique. Gallatin fut secrétaire au Trésor pendant une très longue période, de 1801 à 1816, sous les présidences de Jefferson et de Madison. Il est reconnu aujourd’hui comme une référence par de nombreux économistes tels que Milton Friedmann, car sa principale obsession était de couper dans les budgets pour réduire la dette publique.

Or la toute jeune république dut mobiliser ses ressources pour construire une marine de guerre et protéger son commerce face à une menace contre sa sécurité nationale. En effet, la guerre d’Indépendance était achevée mais, sous prétexte de guerre contre la France, l’Angleterre attaquait systématiquement des vaisseaux américains pour prendre leurs cargaisons et enrôler de force leur équipage. La France finit par imiter l’exemple anglais. Hamilton savait que le problème de la dette pouvait attendre et il serait résolu par la création de richesses futures obtenues en aidant les manufactures. Cependant, Gallatin considérait au contraire qu’il fallait avant tout « être crédible » sur le plan commercial, c’est-à-dire payer la dette publique quitte à pratiquer une politique d’austérité qui empêcherait l’Amérique de se défendre. Gallatin réussit à convaincre Jefferson que l’Angleterre laisserait les Etats-Unis relativement tranquilles, si ces derniers ne la « provoquaient » pas en s’armant et s’ils respectaient les règles du jeu économique… britanniques. Gallatin finit sa carrière à la National Bank of New York, d’où il est devenu l’un des chefs de file des défenseurs du libre-échange aux Etats-Unis. Il a également contribué à détruire de l’intérieur le système de banque nationale d’Hamilton.

[bgcolor=#CCFFFF]Le parti Whig et Friedrich List mènent la bataille contre le libre-échange[/bgcolor]

Face au danger que les politiques économiques de Gallatin représentaient pour l’existence même des Etats-Unis, des anciens membres du « mouvement des jeunes » de Franklin, comme l’économiste Mathew Carey (1760-1839), le futur président John Quincy Adams (1767-1848) et le futur ministre des Affaires étrangères Henry Clay (1777- 1852), organisèrent la résistance en créant le Parti Whig. Ils forcèrent littéralement le président Madison à déclarer la seconde guerre d’indépendance de 1812 à 1815 contre l’Angleterre - une guerre qui fut gagnée grâce à une mobilisation économique qu’ils ont notamment organisée autour de la construction d’une flotte.

Ils ont également rétabli des barrières protectionnistes, lancé des travaux d’infrastructure et attaqué les doctrines de libre-échange d’Adam Smith et de ses successeurs, Jean- Baptiste Say (1767-1832), David Ricardo (1772-1823) et Thomas Malthus (1766-1834).

Un homme a joué un rôle capital pour aider le Parti Whig dans cette entreprise, il s’agit de l’économiste germano-américain [bgcolor=#FFFF99]Friedrich List[/bgcolor] (1789-1846). Ce dernier s’est peut-être opposé plus explicitement qu’Hamilton lui-même au libre-échange. En Allemagne, List est le père du Zollverein, c’est-à-dire l’union douanière qui a jeté les bases de l’unité politique allemande. Il concevait cette union douanière comme devant être accompagnée de la création d’un vaste réseau d’infrastructures, en particulier ferroviaires. Lorsqu’il s’est trouvé aux Etats-Unis de 1825 à 1832, il a mené la même bataille économique qu’en Allemagne, se montrant ainsi à la fois patriote de son pays et citoyen du monde.

Dans une lettre adressée le 10 juillet 1827 à Charles Ingersoll, vice-président de la Société pour la promotion des manufactures et des arts mécaniques de Pennsylvanie, List écrit : [i]« Je limite mes efforts à la réfutation de la théorie d’Adam Smith et de ses disciples, dont les erreurs fondamentales n’ont pas encore été comprises aussi clairement qu’elles devraient l’être.

« C’est cette théorie qui fournit aux opposants du Système américain les moyens intellectuels de leur opposition. C’est l’alliance entre ces prétendus théoriciens et ceux qui croient avoir intérêt au libre-échange, qui donne une telle apparence de force au parti opposé. Se vantant de leur supériorité imaginaire en matière de science et de connaissance, les disciples de Smith et de Say traitent chaque défenseur du bon sens comme un empiriste dont les pouvoirs mentaux et les réalisations intellectuelles ne sont pas suffisamment développés pour pouvoir concevoir la sublime doctrine de leurs maîtres.

« Je crois que le devoir [de la convention générale d’Harrisburg, 1827] est de frapper fort, en déclarant erroné le système d’Adam Smith et d’autres, en lui déclarant la guerre au nom du Système américain, en invitant les intellectuels à révéler ses erreurs et à préparer des cours populaires sur le Système américain - et enfin, en faisant en sorte que le gouvernement général [des Etats-Unis] soutienne l’étude du Système américain dans les différents collèges, universités et institutions académiques sous ses auspices. »[/i]

[align=center][img]http://etienne.chouard.free.fr/Europe/Adam-Smith.gif[/img][/align] [size=8][color=gray][b]Adam Smith[/b]. Pour lui, la richesse des nations est basée sur l’échange de valeurs organisé selon un principe consistant à « acheter à bon marché pour revendre cher ». Au contraire, [b]List estime qu’une nation qui ne produit que des valeurs d’échange ne sera jamais souveraine, indépendante et réellement forte au niveau industriel.[/b][/color] [/size]
Son livre intitulé [bgcolor=#66FF00][b]Le système national d’économie politique[/b][/bgcolor], conçu pour l’essentiel à Paris, a circulé à travers le monde à partir de 1841 et a fourni un argumentaire majeur pour tous les opposants au libre-échange britannique. [b][color=red]Dans cet ouvrage, List montre explicitement comment le système d’Adam Smith n’est rien d’autre qu’un outil pour permettre le pillage des pays sous-développés. Il reste, de ce fait, d’une importance capitale pour nous.[/color][/b]

Plus profondément, List explique pourquoi le libre-échange n’a rien de scientifique. Pour Adam Smith, la richesse des nations est basée sur l’échange de valeurs organisé selon un principe consistant à « acheter à bon marché pour revendre cher ». A contrario, List estime qu’une nation qui ne produit que des valeurs d’échange peut paraître à un certain moment dans une bonne position économique (pensons aux économies « émergentes » d’aujourd’hui en Amérique Latine ou en Asie du Sud-Est), mais elle ne sera jamais souveraine, indépendante et réellement forte au niveau industriel.

Il écrit que [bgcolor=#FFFF99]« la faculté de produire de la richesse est plus importante que la richesse elle-même ; elle assure non seulement la progression et l’augmentation de ce qui a été gagné mais aussi le remplacement de ce qui a été perdu ». Ainsi, la vraie source de la valeur, c’est l’éducation, les progrès culturels, le développement scientifique : « L’état actuel des nations est le résultat de toutes les découvertes, inventions, améliorations, perfections et efforts de toutes les générations qui ont vécu avant nous ; ceux-ci forment le capital mental de l’espèce humaine d’aujourd’hui et chaque nation séparée n’est productive que dans la mesure où elle a su comment s’approprier les acquis des anciennes générations et les accroître par ses propres acquis. Le produit le plus important des nations, ce sont les hommes. »[/bgcolor]

Cette dernière affirmation, typiquement leibnizienne, selon laquelle la richesse se trouve dans la capacité créatrice de l’individu, est capitale non seulement pour réfuter Smith qui place la richesse dans le bénéfice commercial, mais également Karl Marx pour qui la richesse se trouve dans le nombre d’heures de travail physique effectué par l’ouvrier, ou le nombre de litres de sueur qu’il aura transpiré. List montre que Marx et Smith commettent la même erreur : ce sont des matérialistes, ils croient en des notions fixes de la richesse.

Ce n’est pas sans humour que List fait remarquer que si l’on considérait le simple travail physique comme la cause de la richesse, alors il serait difficile d’expliquer pourquoi les nations modernes sont incomparablement plus riches, plus peuplées, plus puissantes et plus prospères que celles des anciens temps. Proportionnellement, ces dernières employaient en effet plus d’heures de travail par habitant. [2]

[bgcolor=#CCFFFF]La marche vers la guerre de Sécession[/bgcolor]

Le Parti Whig aidé par List a réussi à faire des Etats-Unis une puissance industrielle, mais cette impulsion décisive a été de courte durée. En 1833, Andrew Jackson, le héros de la seconde guerre d’indépendance, est devenu Président des Etats-Unis à la suite de John Quincy Adams. Officiellement, Jackson prétendait soutenir le Système américain ; dans les faits, il a trahi ce système et un bras de fer s’est engagé entre son Administration et le Parti Whig, dirigé depuis le Congrès par Henry Clay. Poursuivant l’oeuvre destructrice d’Albert Gallatin, Jackson a retiré les fonds fédéraux de la Banque nationale, enlevant au gouvernement le principal outil de sa politique économique tel que l’avait voulu Hamilton. La politique de crédit étant ainsi laissée dans les mains des banquiers privés de la Côte Est (et de leurs associés britanniques) opposés par principe au développement, l’activité manufacturière - le poumon de l’économie - s’est trouvée asphyxiée.

Ceci a empêché l’émergence d’un secteur industriel dans les Etats du Sud, les entrepreneurs locaux n’étant pas en mesure d’obtenir le crédit nécessaire pour leurs activités. Soutenus par l’Angleterre de lord Palmerston avec laquelle ils étaient en relation commerciale, les planteurs de coton du Sud ont alors menacé de faire sécession si le système de libre-échange n’était pas adopté. Pour éviter la dissolution de la nation, Clay a donc été forcé d’accepter en 1833 un compromis qui a mis à mal le système protectionniste. Il est important de le souligner ici : les banquiers de Boston et les esclavagistes du Sud ont ceci en commun qu’ils sont en bons termes avec l’Empire britannique et qu’ils défendent le libre-échange. Ces mesures imposées par Jackson furent très lourdes de conséquences. En 1837, les Etats-Unis se trouvaient en dépression économique et connaissaient des famines.

L’arrêt du développement industriel du Sud a redonné un coup de fouet au commerce du coton et, par là même, aux pratiques d’esclavage qui avaient alors commencé à disparaître. La question de l’esclavage a été alors utilisée pour jeter de l’huile sur le feu. Franklin, Hamilton, John Quincy Adams, et après eux Lincoln et Henry Carey, étaient explicitement opposés à l’esclavage. Comme cela devrait être clair d’après ce qui précède, l’un des aspects fondamentaux de leur bataille a été de créer délibérément les conditions économiques aboutissant à l’abolition de l’esclavage tout en évitant une guerre civile qui aurait affaibli la république et l’aurait mise à la merci de l’Empire. Alors que les banquiers de Boston se sont opposés à cette politique économique, il est particulièrement important de préciser que ces derniers ont en même temps soutenu le mouvement abolitionniste radical.

Le célèbre abolitionniste radical William Lloyd Garrison, par exemple, était un directeur de la banque d’Albert Gallatin. Harriet Beecher Stowe, l’auteur de La case de l’oncle Tom, une autre figure du mouvement abolitionniste radical, était également liée aux mêmes intérêts financiers. Ces abolitionnistes radicaux ont notamment soutenu l’équipée sanglante de John Brown, qui s’est livré à des massacres de civils dans les Etats du Sud et d’autres actions spectaculaires pour « s’opposer à l’esclavage ». Naturellement, bien loin d’aider le sort des esclaves, tout cela n’a fait que terroriser la population et faciliter l’éclatement de la guerre civile. Ce mouvement, on l’aura compris, a été suscité pour saboter les efforts des véritables abolitionnistes tels que Lincoln ou Henry Carey. [3]

Parallèlement à cela, les banquiers prirent le contrôle du Parti démocrate américain, à partir duquel ils dirigèrent la politique américaine jusqu’à la guerre de Sécession de manière quasi continue par l’intermédiaire des présidents suivants : Jackson (1829 et 1833), Van Buren (1837), Polk (1845), Pierce (1853) et Buchanan (1857). Tous ces hommes poursuivirent l’entreprise de destruction économique de Gallatin.

Dans cet intervalle, deux présidents Whig opposés au libre-échange furent élus : William Henry Harrison (1841) et Zachary Taylor (1849) mais tous deux sont morts peu après leur élection dans des circonstances troublantes. [4]

Lincoln applique le programme économique d’Henry Carey

Lorsque [bgcolor=#FFFF99]Abraham Lincoln[/bgcolor] (1809- 1865), un héritier déclaré d’Henry Clay, arrive à la Présidence au début de 1861, la situation des Etats-Unis est donc pratiquement désespérée. Sur le plan économique, les politiques de Jackson et de ses successeurs ont ruiné le pays. La population américaine est démoralisée et corrompue. Sur le plan stratégique, deux forces apparemment antagonistes poursuivent le même but de faire éclater les Etats-Unis en tant que république souveraine : au Nord, les banquiers et, au Sud, les planteurs de coton. Ces deux forces sont soutenues simultanément par l’Empire britannique à travers des établissements banquiers tels que Rothschild et Baring. C’est donc improprement que l’on qualifie la guerre de Sécession de « guerre civile ». Il serait plus exact de dire que, depuis la Révolution américaine, la guerre irrégulière menée par l’Angleterre (aidée de temps en temps par la France) contre le Système américain n’a jamais cessé. La guerre de Sécession est donc une guerre internationale non déclarée.

Lorsque le conflit éclate, le gouvernement a un besoin urgent de financement mais les Britanniques organisent contre lui un boycott de crédit sur le plan international. L’administration Lincoln se tourne alors vers la New York Associated Banks et négocie un prêt de 150 millions de dollars en or. Sur un prétexte fallacieux, le directeur d’Associated Banks qui n’est autre que James Gallatin, le fils d’Albert Gallatin, suspend le paiement au gouvernement fédéral le 28 décembre 1861. Cela déclenche une réaction en chaîne de défauts de paiement qui culmine avec la suspension, par le Trésor, du paiement en or sur toutes les obligations gouvernementales - domestiques et internationales - ce qui a pour effet de sortir les Etats-Unis du système standard or international. En d’autres termes, le gouvernement américain est en faillite.

[color=purple][b]Agissant de concert avec leurs associés britanniques, les banquiers de New York font pression sur Lincoln pour qu’il abandonne la souveraineté nationale économique[/b].

En janvier 1862, James Gallatin présente au Trésor l’ultimatum des banques qui se résume en quatre points :

  1. payer l’effort de guerre au moyen d’une augmentation massive des impôts directs sur la population ;

  2. déposer tout l’or du gouvernement dans les banques privées de New York et donner à ces banques le monopole sur le commerce de la dette gouvernementale, qui se présente essentiellement sous la forme d’obligations que les banquiers veulent vendre sur le marché londonien ;

  3. suspendre les lois permettant au gouvernement de réguler l’activité des banques ;

  4. supprimer toute émission de papier-monnaie du gouvernement, de sorte que seuls l’or et les billets émis par les banques privées puissent circuler comme monnaie.

Toute ressemblance avec des mesures imposées actuellement par le Fonds monétaire international ne saurait être une coïncidence fortuite…[/color]


Accepter de telles conditions serait revenu à signer l’arrêt de mort des Etats-Unis en tant que nation souveraine ; [bgcolor=#FFFF99]Lincoln les rejeta. A la place de cela, il mit en oeuvre toute une série de mesures économiques révolutionnaires inspirée directement du Système américain qui sauvèrent la nation. En particulier, il utilisa les pouvoirs souverains de l’Etat pour faire émettre plus de 400 millions de dollars sous forme de papier-monnaie (ces billets portèrent le nom de « greenbacks ») et le Trésor américain vendit pour 1,3 million de dollars d’obligations gouvernementales 5 : 20 (rachetables en cinq ans et arrivant à maturité en vingt ans), non pas à des banquiers étrangers mais directement à la population américaine.[/bgcolor] Le père intellectuel de l’ensemble du programme économique de Lincoln n’est autre que l’économiste Henry Carey (1793-1879), le fils de Mathew Carey.

À la demande de Lincoln, le Congrès vota dans l’urgence la loi autorisant l’émission des greenbacks par le Trésor - le Legal Tender Act. Cependant, les alliés de Lincoln et Carey au Congrès ne purent empêcher que soit associé à cette loi un amendement qui fut lourd de conséquences par la suite. Selon cet amendement, d’une part, le cours légal des greenbacks serait limité dans le temps, d’autre part, les greenbacks ne seraient pas convertibles en or ; en particulier, ils ne pourraient pas être utilisés pour payer les intérêts des obligations de guerre, même si ces dernières eussent été achetées en greenbacks.

Néanmoins, [bgcolor=#FFFF99]cet « argent du peuple », comme Carey l’appelait, a circulé et a été utilisé à l’échelle locale pour financer les fermes, les entreprises et les manufactures. Son utilisation, combinée avec les autres politiques génératrices de crédit du gouvernement de Lincoln, ont lancé l’une des plus grandes expansions industrielles de toute l’histoire de l’humanité.[/bgcolor]

Parmi les mesures adoptées par l’administration Lincoln figurent les suivantes : taxes protectionnistes en faveur de l’industrie américaine, émission de monnaie (greenbacks), un système de Banque nationale, création d’une Académie nationale des sciences, création du département de l’Agriculture, construction du chemin de fer Transcontinental, création du réseau télégraphique, etc. Toutes ces mesures souhaitées en leur temps par Hamilton et List firent des Etats-Unis la première puissance industrielle du monde.

Mettant en acte l’oeuvre universelle initiée deux siècles plutôt par Leibniz et ses associés, les politiques de Carey firent beaucoup d’émules à travers le monde depuis la Prusse et la Russie jusqu’en Chine et au Japon en passant par l’Amérique latine. Cette politique américaine de développement visait à éradiquer définitivement le pouvoir mondial de l’Empire britannique.

Pour [bgcolor=#FFFF99]bien comprendre à quel point le Système américain représentait une menace pour Londres[/bgcolor], il convient ici de donner quelques précisions concernant le système britannique de standard or (ou étalon-or). Au XIXe siècle, les pièces d’or étaient encore reconnues comme la seule forme légitime de richesse. En 1821, le gouvernement britannique imposa sur le plan international le standard or, avec la livre sterling comme monnaie de référence mondiale (le même rôle que joue le dollar aujourd’hui). En 1844, une loi votée au Parlement britannique - le Peel Act - fixa le prix international de l’or à 3 livres, 17 shillings et 9 pence l’once. Sous le standard or international, toutes les dettes publiques et privées ainsi que toutes les obligations financières, y compris le papier-monnaie, étaient rachetables en espèces (c’est-à-dire, dans le langage de l’époque, en pièces d’or) à la demande. [bgcolor=#FFFF99]Au cours du XIXe siècle, la City de Londres a pu, par ce système, contrôler l’ensemble des affaires monétaires du monde entier.[/bgcolor] Elle dominait directement la fourniture d’or : en 1873, les banques de Londres détenaient 120 millions de livres d’or, contre 40 millions pour celles de New York, tandis que les banques françaises et allemandes en détenaient respectivement 13 et 8 millions.

De 1840 à 1850, les principales banques de Londres étaient les « prêteurs de dernier ressort » pour les grandes entreprises et les gouvernements. Une grande part des dettes étrangères des gouvernements était ainsi détenue à Londres. Par son contrôle sur cette dette et sa position dominante sur le marché de l’or, Londres était donc en mesure de lancer des guerres économiques et financières contre ses ennemis, et en particulier les Etats-Unis. C’est précisément cela que les banques de New York alliées des Britanniques ont tenté de faire en 1861, en interrompant leurs versements au gouvernement américain afin qu’il renonce à sa souveraineté économique.

[align=center][img]http://etienne.chouard.free.fr/Europe/Lincoln.gif[/img][/align] [size=8][color=gray][b]Abraham Lincoln[/b] mit en oeuvre toute une série de mesures économiques révolutionnaires inspirée directement du [i]Système américain [/i]qui sauvèrent la nation. [/color][/size]
[bgcolor=#FFFF99][b]Les greenbacks[/b] furent donc non seulement une mesure d’urgence pour pouvoir financer l’effort de guerre et sauver la nation mais, plus important encore, [b]ce fut une remise en question fondamentale du standard or menaçant ainsi directement l’Empire britannique. En effet, avec le standard or, la quantité de monnaie qui circule est essentiellement limitée par la quantité d’or détenue dans les banques dont elle est la contrepartie. En conséquence, le crédit aux entreprises est lui-même limité et le développement de la nation également. Comme Hamilton et Carey l’avaient parfaitement compris, il est possible d’accroître la masse monétaire en circulation sans produire de l’inflation : la contrepartie de cette monnaie n’est plus une quantité fixe d’or mais une anticipation des richesses physiques produites dans l’avenir par les manufactures qui bénéficient de facilités de crédit.[/b] [color=red][b]Ce système dynamique ne fonctionne que dans la mesure où le gouvernement, représentant le bien public (le « general welfare » selon les termes de la Constitution américaine), oriente les crédits ainsi générés vers une production qu’il juge utile pour répondre aux besoins de la société, et non pas vers des entreprises spéculatrices.[/b][/color][/bgcolor]
[bgcolor=#CCFFFF][b]L’après Lincoln[/b][/bgcolor]

Abraham Lincoln est assassiné le 14 avril 1865, au moment où la guerre de Sécession s’achève. La guerre entre la République américaine et l’Empire se poursuit alors sous de nouvelles formes. Le démocrate Andrew Johnson, vice-président de Lincoln, prend sa place et s’oppose à l’égalité des droits entre les Noirs et les Blancs. Il essaie notamment, en vain, d’empêcher le Congrès de voter le 14e amendement de la Constitution interdisant toute limitation des droits des citoyens. Au Congrès, les amis de Carey lancent contre lui une procédure d’impeachment (destitution) pour trahison, à laquelle il n’échappe que par une voix de majorité en 1868. Néanmoins, quelques mois plus tard, la présidence revient à Ulysses Grant, du Parti républicain (le parti de Lincoln), le héros de la guerre de Sécession. [bgcolor=#CCCCCC]Malheureusement, Grant est influençable et sa politique économique s’avérera désastreuse.[/bgcolor] Henry Carey se retrouve donc le chef de file du Système américain.

[color=purple]L’offensive économique de l’Empire commence dès la mort de Lincoln. Dans le numéro d’avril de la revue North American Review, Simon Newcomb, le chef de l’Association de la science sociale de Boston, publie un article intitulé « Examen de notre politique économique ». Dans cet article, il demande que la nation retourne à des « principes économiques sains » ; il appelle à une « contraction de la monnaie », c’est-à-dire rétablir sans délai la convertibilité or, abandonner les greenbacks et mettre un terme au protectionnisme. Une trahison totale de la révolution de Lincoln !

Quelques jours plus tard, le secrétaire d’Etat au Trésor, Hugh McCulloch, membre de la même association, lance dans le Chicago Tribune une attaque violente et personnelle contre Henry Carey, tout en se faisant l’écho des exigences politiques formulées dans l’article de Newcomb. En décembre 1865, McCulloch demande, dans son Premier rapport annuel, l’autorisation de retirer immédiatement les greenbacks de la circulation. Le 18 décembre, la Chambre des représentants décide par un vote de 144 voix contre 6 de coopérer avec le Trésor dans son entreprise de contraction de la monnaie. Lors de son discours inaugural, Andrew Johnson annonce sans ambiguïté : « […] le libre-échange avec tous les marchés du monde est la véritable théorie du gouvernement. »[/color]

L’ampleur des efforts personnels entrepris par Carey pour empêcher cette politique est considérable. Entre janvier 1866 et mars 1869 (date de l’entrée en fonctions de Grant), il a écrit des milliers de pages sous forme d’articles, de lettres ouvertes, de travaux théoriques qui sont publiés à des millions d’exemplaires à travers tous les États-Unis. Ces textes ont permis d’organiser une résistance nationale et de freiner la destruction du Système économique américain pendant des années, sauvant ainsi l’impulsion industrielle donnée pendant la guerre. Parmi ces textes figurent une série de lettres ouvertes à McCulloch qui ont été publiées dans plus de la moitié des journaux américains. Dans la quatrième de ces lettres, Carey montre que la contraction monétaire serait une trahison du bien public (general welfare), une notion fondamentale dans la Constitution américaine et qui se trouve au centre de la politique de Lincoln.

Dans la septième lettre, Carey expose sans ambiguïté la question stratégique sous-jacente à ce débat économique sur la contraction : [bgcolor=#FFFF99]« La question, mon cher Monsieur, sur laquelle vous devez vous prononcer est, à mon avis, la plus importante qui n’ait jamais été soumise à un seul individu. Nous venons juste d’en finir avec une petite difficulté interne [la guerre civile] ; laissant jusqu’à présent en suspens la grande question de savoir si le monde devra être, à l’avenir, soumis au système britannique antinational qui a pour objectif particulier de permettre aux banquiers et aux courtiers de réduire en esclavage les fermiers et les agriculteurs du monde extérieur […]. La contraction, au moyen de laquelle le prix de l’argent est si rapidement élevé, passe par la première de ces directions et a pour résultat de donner la victoire à l’Angleterre. »[/bgcolor]

En conséquence de ce bras de fer entre Carey et McCulloch, le Congrès vota en avril 1866 une loi de compromis qui autorisait le Trésor à commencer le retrait des greenbacks de la circulation, mais qui limitait ce retrait à 10 millions de dollars pendant les six premiers mois et 4 millions par mois par la suite, c’est-à-dire beaucoup moins que ce que McCulloch avait demandé. [color=purple]Néanmoins, cette législation constitua un changement majeur de direction pour la nation, d’autant plus que le retrait des greenbacks n’était qu’un aspect particulier de la politique de contraction monétaire. Au total, entre 1865 et 1877, la quantité d’argent en circulation aux Etats-Unis est passée de 2,1 milliards de dollars à 606 millions, soit de 58 à 14,60 dollars par habitant, provoquant un effondrement des prix des denrées de base. Mesurée en termes de paniers de biens (c’est-à-dire en termes d’économie physique), la dette du pays a doublé au cours de cette période.

À la convention républicaine de 1868, Carey et ses alliés se retrouvent minoritaires et le programme électoral du Parti républicain adopte la politique de McCulloch : le parti de Lincoln a perdu ses repères. Deux jours après l’élection du 3 novembre, Carey écrit une série de lettres au nouveau président Grant intitulées « Aurons nous la paix ? ». Il explique que la seule manière de surmonter la crise politique et économique à laquelle la nation fait face, consiste à lancer un développement économique du Sud, combiné avec une poursuite des politiques nationales de développement économique des années Lincoln. Malheureusement, l’administration Grant poursuit la politique de contraction et il s’ensuit fort logiquement une très grave crise économique en 1873.

Le 18 septembre 1873, l’établissement financier de Jay Cooke est déclaré en faillite. Cooke, un soutien majeur de la politique économique de Lincoln, s’effondre suite aux attaques combinées de Wall Street et de la City de Londres qui font courir le bruit de son insolvabilité. Ces rumeurs provoquent une réaction des banques britanniques qui lui demandent de rendre l’argent qu’elles lui ont prêté pour des fonds destinés à la construction du réseau ferroviaire du Pacifique Nord. La faillite de Cooke déclenche la plus grave dépression économique de l’histoire du pays à cette date. Les marchés d’actions de New York ferment pour la première fois de leur histoire ; dans les 24 heures, 37 banques et sociétés de courtage s’effondrent.

Lorsque l’année 1873 s’achève, plus de 5000 entreprises commerciales en ont fait autant. Les effets de cette dépression se sont fait sentir jusque dans les années 1890. En avril 1874, les alliés de Carey au Congrès font passer une loi autorisant une augmentation des greenbacks en circulation, mais Grant y oppose son veto. Pour finir, le Specie Resumption Act, loi par laquelle est décidé le retour à la convertibilité or, est voté et ratifié en janvier 1875. La mise en application de cette loi est cependant retardée jusqu’en 1879, année de la mort de Carey.

Les cinquante années qui suivent sont une longue période de décadence économique et politique des Etats-Unis. Au cours de cette période, le président William McKinley est le dernier représentant du Système économique américain qui, malgré certaines faiblesses, reste un ardent défenseur du protectionnisme. Cependant, McKinley est assassiné en 1901. Son successeur, Théodore Roosevelt, est le premier Président américain issu d’une famille directement liée à la Confédération sudiste. C’est avec lui que commence véritablement la « relation particulière » entre les Etats-Unis et l’Angleterre et ce que l’on appelle la « politique de la canonnière » ou plus simplement « l’impérialisme américain ».

Sur le plan économique, l’arrivée au pouvoir de Théodore Roosevelt se traduit par un abandon radical du Système américain et des grands projets d’infrastructure caractéristiques de l’héritage de Lincoln et Carey, ainsi que l’adoption du libre-échange britannique. Théodore Roosevelt adopta une politique de conservation des « espaces naturels » (5) dans son pays, arrêtant de grands projets d’infrastructure entre l’Est et l’Ouest des États-Unis et maintenant le Sud dans un état d’arriération. On comprend mieux ainsi pourquoi l’intérieur des Etats- Unis est encore un désert humain un siècle plus tard.[/color]

[bgcolor=#CCFFFF]L’héritage[/bgcolor]

Après la mort de Carey, les États- Unis vont connaître une cinquantaine d’années de déclin économique et culturel, plaçant le pays sous la domination d’un petit groupe de cartels financiers dirigés par la banque de JP Morgan. Ces intérêts privés ont appliqué une politique de pillage économique et de spéculation financière. [bgcolor=#FFFF99]Ils ont créé la Réserve fédérale sous la présidence Wilson, l’antithèse même d’une Banque nationale.[/bgcolor] Ils ont pris le contrôle de l’infrastructure de base et ont fait de l’électricité une denrée rare et coûteuse, à l’image des pratiques récentes d’Enron en Californie. Cette politique économique va aboutir à la Grande Dépression.

C’est dans ce contexte désastreux que [bgcolor=#FFFF99]Franklin Delano Roosevelt[/bgcolor] devient président des États-Unis en 1933. Les milieux financiers ne s’en méfient guère car ils le croient appartenir à leur caste. En effet, membre très important du Parti démocrate, il est le cousin de Théodore Roosevelt et fut le secrétaire d’Etat à la Marine du Président Wilson. Cependant, ils se trompent. Écarté de la vie publique en 1921 par une crise de poliomyélite, Franklin Roosevelt décida d’étudier les travaux d’un ami de son arrière-arrière- grand-père, Isaac Roosevelt, cent cinquante ans auparavant. Cet ami s’appelait Alexander Hamilton.

[bgcolor=#FFFF99]La conclusion qu’il tira de cette étude est résumée par Roosevelt lui-même, au cours d’une discussion avec lord Halifax : « Je suis bien conscient que les experts vont probablement attaquer de telles propositions avec le plus grand enthousiasme. Cependant, j’en suis venu à comprendre que tout ce qui m’a été enseigné à l’université [il était à Harvard] sous le nom d’économie par des experts en la matière s’est avéré totalement faux ! »[/bgcolor]

Dès son arrivée à la Maison Blanche, Roosevelt fait passer une série de lois anti-spéculatives et, en l’espace de quelques semaines seulement, il brise le pouvoir des banques et organise une politique de crédits publics finançant de grands projets d’infrastructure à travers tout le pays. N’ayant pas pu l’éliminer, les banques sont forcées de collaborer à son New Deal.

Pour réfuter l’une des nombreuses idées fausses entretenues au sujet de ce « miracle économique », il faut préciser que l’effort de guerre ne sera engagé qu’à partir du second mandat de Roosevelt, c’est-à-dire 1937-1941. Autrement dit, ce n’est pas la guerre qui a remis l’économie américaine sur pied, mais c’est la réussite de l’impulsion économique lancée par Roosevelt, inspirée du Système américain d’économie politique, qui a permis l’effort de guerre, et par là, la victoire contre le nazisme !

Comme son fils, Eliot Roosevelt, l’indique dans sa biographie intitulée As he saw it, Roosevelt avait l’intention d’organiser un Global New Deal, après la guerre, c’est-à-dire une décolonisation du monde et un développement économique général. Sa mort prématurée empêcha ce projet de se réaliser.

Depuis la mort de Roosevelt, et mises à part les courtes années de la présidence Kennedy, les États- Unis connaissent un déclin économique et culturel qui fait resurgir le spectre de la Grande Dépression, excepté qu’elle concerne cette fois-ci l’ensemble de la planète. Cependant, le projet de développement économique mondial dont rêvait Roosevelt est encore bien vivant.

Au sein du Parti démocrate, il existe une faction grandissante défendant la tradition rooseveltienne, dirigée par l’économiste [bgcolor=#FFFF99]Lyndon LaRouche[/bgcolor]. Pour sortir de la crise actuelle, voilà ce que celui-ci préconise : « Pour l’essentiel, ma philosophie économique se résume comme suit : les États- Unis doivent retourner au Système américain d’économie politique, tel que l’établit le Président George Washington et tel que l’élabora le secrétaire au Trésor Alexander Hamilton dans trois célèbres rapports au Congrès concernant le crédit national, la banque nationale, et les manufactures. Cela veut dire la fin du “libre-échange”, de la “dérégulation” et du “monétarisme” chers à Adam Smith. Cela veut dire la promotion de l’investissement à haute intensité capitalistique en vue de progrès technologiques rapides. Cela veut dire la disponibilité de crédits bon marché pour investir dans ces secteurs et des avantages fiscaux généreux aux investissements correspondants. Cela veut dire un vaste programme de rénovation et d’amélioration des infrastructures de la nation et la remise en état du système scolaire et de celui de la santé. […] »

Certes, comme avec Roosevelt , « les experts » attaquent « de telles propositions avec le plus grand enthousiasme ». Néanmoins, les propositions de LaRouche de réorganisation du système monétaire international — [bgcolor=#FFFF99]un nouveau Bretton Woods[/bgcolor] — et de grands projets d’infrastructure — le Pont terrestre eurasiatique — sont aujourd’hui discutées au plus haut niveau dans des pays comme la Russie, l’Inde, la Chine, la Turquie, l’Italie et bien d’autres. En Italie, par exemple, 77 sénateurs de tous les partis ont récemment introduit une motion au Sénat italien en faveur d’un nouveau Bretton Woods, tel que l’a formulé LaRouche. Cette initiative est à rapprocher du projet de « New Deal européen » proposé par le ministre italien de l’Economie, Giulio Tremonti, lors de la présidence italienne de l’Union européenne qui a débuté le 1er juillet 2003.

Toutefois, l’espoir de faire revivre cette tradition économique réside principalement dans un mouvement de jeunes que LaRouche a lancé aux Etats-Unis et qui est également en train de s’étendre en Europe. Sa particularité est d’avoir été conçu comme une « université ambulante », liant l’action politique à l’étude en profondeur de l’histoire, de la science et des arts. Ces jeunes, qui seront les leaders de demain, ressemblent beaucoup aux jeunes révolutionnaires américains qui entouraient un autre jeune de 80 ans : Benjamin Franklin.


(Notes et biblio dans le message suivant)

[bgcolor=#FFFF99]« LE VÉRITABLE SYSTÈME AMÉRICAIN D’ÉCONOMIE POLITIQUE CONTRE LE LIBRE-ÉCHANGE » [/bgcolor]
(suite et fin : documents, notes et biblio)

http://www.solidariteetprogres.org/spip/article-imprim.php3?id_article=3576

Documents :

[b][bgcolor=#00CCFF]Alexander Hamilton et le Rapport sur une banque nationale (extraits) [/bgcolor][/b]

« Le Secrétaire rapporte respectueusement :

« […] Qu’une banque nationale est un instrument de première importance en vue d’une administration prospère des finances et serait de la plus grande utilité pour les opérations en rapport avec la promotion du crédit public […]

« Voici quelques-uns des principaux avantages d’une telle banque :

« L’augmentation du capital actif ou productif d’un pays. « L’or et l’argent, s’ils sont utilisés simplement comme instrument d’échange et d’aliénation ont été dénommés non sans raison capital mort [improductif, NdR] ; mais s’ils sont déposés dans une banque, pour devenir la base de la circulation de papier [monnaie fiduciaire ou scripturale, NdR], qui prend leur caractère et place comme signes ou représentants de la valeur, alors ils acquièrent la vie ou, en d’autres termes, une qualité active et productrice […] il va de soi, par exemple, qu’une monnaie détenue dans son coffre par un marchand qui attend une opportunité pour l’employer, ne produit rien jusqu’à ce que l’opportunité se présente. Mais, si au lieu de séquestrer son argent de cette manière, il le dépose à la banque ou l’investit dans le capital d’une banque, il apporte un profit dans l’intervalle […]. Son argent ainsi déposé ou investi constitue un fonds, à partir duquel lui-même ou d’autres peuvent emprunter des quantités bien plus élevées. C’est un fait bien établi que les banques en bon crédit peuvent faire circuler une plus grande somme que la quantité qu’elles détiennent effectivement en or ou en argent […].

« L’une des propriétés des banques est d’accroître le capital actif du pays […] l’argent de tel particulier, alors qu’il est déposé en sécurité à la banque ou investi en action, est en mesure de satisfaire aux besoins d’autres, sans pour autant être soustrait de son propriétaire […]. Cela génère un profit supplémentaire, venant de ce qui est payé par d’autres pour l’usage de son argent, alors que lui-même n’est pas en mesure d’en faire usage ; la monnaie est ainsi dans un état d’incessante activité.

« […] La faculté de la banque de prêter et de faire circuler une somme supérieure au montant de son actif en pièces métalliques génère, au service du commerce et de l’industrie, une augmentation nette du capital. Les achats et les créations d’entreprise peuvent en général être réalisés par une somme donnée en papier bancaire ou en crédit, aussi efficacement qu’une somme égale d’argent et d’or. Ainsi, en contribuant à élargir la masse des entreprises industrielles et commerciales, les banques deviennent les nourrices de la richesse nationale […].

« Qu’est-ce que la richesse ?

« […] La richesse intrinsèque d’une nation ne se mesure pas par l’abondance du métal précieux qu’elle recèle, mais par la quantité et les productions de son travail et de son industrie […]. Il est certain que la stimulation de l’industrie à l’aide d’un système de crédit papier adapté et bien régulé, est à même de compenser, et audelà, la perte d’une partie de l’or et de l’argent d’une nation […]. Une nation qui n’a pas de mines sur son sol doit obtenir le métal précieux d’ailleurs, généralement en échange des produits de son travail et de son industrie. La quantité qu’elle possédera sera en principe déterminée par le solde, favorable ou défavorable, de sa balance commerciale ; c’est-à-dire selon la proportion entre sa capacité à répondre à la demande étrangère et son besoin de marchandises étrangères, soit la différence entre le montant de ses importations et le montant de ses exportations. Ainsi, l’état de l’agriculture et des manufactures, la quantité et la qualité de la main-d’oeuvre et de l’industrie doivent influencer et déterminer l’accroissement ou la réduction du stock d’or et d’argent.

« Si tout cela est vrai […], des banques bien constituées […] augmentent de différentes façons le capital actif du pays. C’est précisément cela qui génère l’emploi, qui anime et accroît le travail et l’industrie. Toute addition qui contribue à mettre en oeuvre une plus grande quantité des deux, tend à créer une plus grande quantité des produits des deux : et, en fournissant plus de biens pour l’exportation, conduit à une balance commerciale plus favorable et en conséquence à l’introduction d’or et d’argent. « Le soutien à l’industrie est […] d’une plus grande utilité pour corriger une balance commerciale déficiente qu’aucune réduction dans les dépenses des ménages ou des individus : et la stagnation de l’industrie plongera à coup sûr le déséquilibre que ne pourra supprimer une politique de restriction des dépenses.

« Pourquoi une banque nationale ? [Hamilton donne plusieurs raisons pour lesquelles des banques privées existantes ne peuvent jouer le rôle de banque nationale et pourquoi une nouvelle banque doit être créée.]

« […] La dernière raison […] est la nécessité de se protéger d’influences étrangères qui pourraient s’infiltrer dans la direction d’une banque. Une prudence raisonnable interdit à toute personne qui ne serait pas citoyen des États-Unis de devenir le directeur de la Banque nationale, ou que des étrangers non résidents puissent influencer la désignation de directeurs par le vote de leurs représentants […].

« On doit considérer qu’une telle banque n’est pas du ressort de la propriété privée, c’est une machine politique de la plus haute importance pour l’Etat. »

[b][bgcolor=#00CCFF]Friedrich List et [i]le Système national d’économie politique[/i] [/bgcolor][/b]

Selon les libre-échangistes britanniques, toute forme de protectionnisme mise en oeuvre par un pays pour promouvoir la croissance de son secteur agro-industriel serait une violation des sacro-saintes lois de la concurrence.

Comme List le fait remarquer de manière particulièrement pertinente, l’Angleterre, qui représente à son époque la première puissance mondiale, n’a jamais pratiqué pour elle-même cette politique de libre-échange qu’elle préconise pour le reste du monde.

List donne l’exemple du commerce entre l’Angleterre et ses colonies : [bgcolor=#FFFF99]« S’ils [les ministres anglais] avaient permis en Angleterre la libre importation des tissus de coton et de soie de l’Inde, les fabriques anglaises de tissus de coton et de soie se seraient immédiatement arrêtées. L’Inde avait pour elle non seulement le bas prix de la matière première et de la main-d’oeuvre, mais encore une longue pratique, une dextérité traditionnelle. Sous le régime de la concurrence, l’avantage lui était assuré ; mais l’Angleterre ne voulait pas fonder des établissements en Asie, pour tomber sous leur joug manufacturier. Elle aspirait à la domination commerciale et elle comprenait que, de deux pays qui trafiquent librement l’un avec l’autre, celui qui vend des produits fabriqués domine, tandis que celui qui ne peut offrir que des produits agricoles, obéit. Déjà à l’égard de ses colonies d’Amérique du Nord, l’Angleterre avait pris pour maxime de ne pas y laisser fabriquer une tête de clou, encore moins de laisser entrer chez elle une tête de clou qui aurait été fabriquée dans ces colonies. »[/bgcolor]

L’Angleterre « ne voulut pas consommer un fil de l’Inde, elle repoussa ces produits si beaux et à si bon marché, elle préféra se servir des tissus mauvais et chers qu’elle avait fabriqués elle-même ; elle vendit à bas prix aux pays du continent les étoffes bien supérieures de l’Orient ; elle leur laissa tout l’avantage de ce bon marché, pour elle-même, elle n’en voulut pas. En cela, l’Angleterre a-t-elle agit follement ? Oui, d’après Adam Smith et J.B. Say, d’après la théorie des valeurs. Car en vertu de cette théorie, devant acheter des marchandises qui lui étaient nécessaires là où elle les trouvait au meilleur marché et de meilleure qualité, elle était insensée de les fabriquer elle-même plus chèrement qu’elle n’eût pu les acheter, et de faire, pour ainsi dire, un cadeau au continent. »

List montre avec une parfaite lucidité que l’arriération économique imposée aux colonies est la véritable cause de la guerre d’indépendance : [bgcolor=#FFFF99]« Les colonies de l’Amérique du Nord furent tenues par la métropole, sous le rapport des arts industriels, dans un si complet asservissement, qu’outre la fabrication domestique et les métiers usuels, on n’y toléra aucune espèce de fabrique. En 1750, une fabrique de chapeaux établie dans le Massachusetts provoqua l’attention et la jalousie du Parlement, qui déclara toutes les fabriques coloniales dommageables au pays [common nuisances], sans en excepter les forges, dans une contrée qui possédait en abondance tous les éléments de la fabrication du fer. […] Le monopole de l’industrie manufacturière par la mère patrie est l’une des principales causes de la révolution américaine ; la taxe sur le thé ne fit que déterminer l’explosion. »[/bgcolor]

[b]Notes[/b]

1. La Chine avait une bonne raison de s’opposer au libre-échange britannique : elle ne voulait pas laisser entrer sur son territoire l’opium produit en Inde par les colonisateurs. Deux guerres l’ont fait revenir à des principes économiques plus « sains ». Aujourd’hui, les financiers soutiennent activement les projets de légalisation de la drogue, avec à leur tête le spéculateur George Soros, et Richard Grasso, le président du New York Stock Exchange…

  1. Il est intéressant de noter à ce sujet que le Système américain pose un paradoxe que le marxisme n’a jamais pu résoudre. Marx a constamment défendu l’Angleterre et l’école de libre-échange comme étant la forme la plus avancée de capitalisme et de société civile, contre List et le Système américain.

Refusant de comprendre la supériorité des processus créateurs mentaux de l’individu sur toute notion fixe de richesse, Marx considérait que le système britannique était supérieur au système américain. Il n’est pas indifférent de noter que Marx a développé son système en Angleterre, ce qui montre que l’Empire a toujours su choyer en son sein une opposition factice afin d’empêcher la véritable opposition de faire circuler ses idées. Les idées de Marx n’ont pas attendu la chute du rideau de fer pour montrer leurs limites : Marx pensait que la « révolution prolétarienne » commencerait dans une puissance industrielle telle que l’Angleterre ou l’Allemagne, mais certainement pas en Russie ou en Chine. Il n’avait pas non plus prévu que les États-Unis dépasseraient bientôt l’Angleterre en puissance.

  1. Ces manipulations ne sont pas sans similitude avec ce que l’on voit aujourd’hui dans certains « mouvements altermondialistes » qui ne proposent rien d’autre qu’une révolte rageuse sans projet ni perspective. Ils partagent avec les ultralibéraux une même opposition au développement industriel et infrastructure des pays du Sud, les premiers pour des raisons de protection de l’environnement, les seconds pour empêcher ces pays de devenir des puissances économiques souveraines.

4. Il est bon de rappeler ici un autre fait capital pour bien comprendre les États-Unis : [bgcolor=#FFFF99]quatre présidents américains en exercice ont été assassinés en moins d’un siècle : Lincoln, Garfield, McKinley et Kennedy. Les trois premiers étaient ouvertement opposés au libre-échange, tandis que le dernier était sur le point de proposer une nationalisation de la Réserve fédérale.[/bgcolor] On peut rajouter que Franklin Roosevelt a échappé de justesse à un attentat au moment où il lançait son New Deal…

  1. Historiquement, la politique dite de « parcs naturels » a été, depuis le XIXe siècle, une arme de l’Empire colonial britannique pour empêcher le développement des pays pauvres, comme en témoigne aujourd’hui encore la multiplication des parcs naturels en Afrique, placés sous l’administration de multinationales occidentales via la puissante organisation écologiste le World Wildlife Fund. Cette politique de parcs, un gel de l’activité humaine sur d’immenses territoires, constitue un prétexte pour interdire à ces pays d’utiliser leurs ressources naturelles et de construire des infrastructures.
[b]Bibliographie[/b]

« 200 years since Hamilton’s “Report on Manufactures” », Executive Intelligence Review, 3 janvier 1992.

Anton Chaitkin, Treason in America, New Benjamin Franklin House, New York, 1984.

Anton Chaitkin, « The “land-bridge” : Henry Carey’s global development program », Executive Intelligence Review, 2 mai 1997.

Robert Ingraham, « Henry Carey’s Battle to Save Lincoln’s Economic Revolution », Executive Intelligence Review, 6 décembre, 2002.

Konstantin George, « The U.S.-Russian entente that saved the Union », The Campaigner, juillet 1978.

Nancy Spannaus, Christopher White, The Political of the American Revolution, EIR.

W. Allen Salisbury, The Civil War and the American System, EIR, Washington, 1992.

Graham Lowry, How the nation was won, EIR, Washington, 1988.

Jacques Cheminade, Roosevelt - de Gaulle - Monnet, Reprendre leur combat, Solidarité et Progrès, 2000.

Friedrich List, Système national d’économie politique, Gallimard.


www.solidariteetprogres.org → le site du mouvement Solidarité & Progrès
www.cheminade-le-sursaut.org → le site officiel de Jacques Cheminade
www.lymfrance.org → Le site du mouvement des jeunes larouchistes français

[bgcolor=#FFFF99]L’anémie monétaire du circuit économique = LA cause essentielle du chômage[/bgcolor]

http://www.onnouscachetout.com/themes/economie/ajh-09-anemie-monetaire-du-circuit-economique.php

Un article très intéressant, non ? Qu’en pensez-vous ?

Je vous recommande aussi chaleureusement (à nouveau)
le site [bgcolor=#FFFF99]Chômage et monnaie[/bgcolor],
dont de nombreux textes sont passionnants :

http://www.chomage-et-monnaie.org/Dossiers.html

Voyez notamment :

[bgcolor=#FFFF99]La monnaie d’endettement, facteur d’amplification des cycles économiques[/bgcolor]
par Jacques Berthillier (1998)
http://www.chomage-et-monnaie.org/Documents_html/MonnaieEtCycles.html

[bgcolor=#FFFF99]Relance par injection de monnaie permanente et taux d’intérêt[/bgcolor]
par Alain Grandjean (1996)
http://www.chomage-et-monnaie.org/Documents_html/MonnPerEtTauxInt.html

[bgcolor=#FFFF99]Monnaie permanente dette et déficits publics[/bgcolor]
par Alain Grandjean (2000)
http://www.chomage-et-monnaie.org/Documents_html/MonPerDefPub.html

Chers amis,

Le lien entre nos institutions — malhonnêtes dès leur constitution, de façon à bien verrouiller notre impuissance politique — et les intrigues des banques privées — qui sont capables, pour nous asservir, de voler la création monétaire à la collectivité, et même de contraindre les représentants politiques à livrer le pays à des bourreaux qu’elles ont fait naître —, est pour moi la découverte de l’année 2007.

Cette découverte permet de progresser dans notre réflexion sur une Constitution d’origine citoyenne. Ceux qui disent qu’on ne progresse pas se trompent.

[bgcolor=#FFFF99]Alan Greenspan[/bgcolor] vient de déclarer : « je dois prévoir que quelque chose d’inattendu va arriver et nous mettra à terre… » [bgcolor=#FFFF99]« … Nous, ainsi que toutes les autres banques centrales, perdons le contrôle des forces qui accroissent les prix. »[/bgcolor]

http://www.solidariteetprogres.org/spip/sp_article.php3?id_article=3655

Et on dirait bien que c’est le pire cauchemar des banquiers : le cauchemar des banquiers, c’est de lâcher par mégarde la gorge des salariés (80% de la population active), et de les voir s’échapper pour recommencer à lutter victorieusement pour augmenter leurs salaires…

C’est cette obsession viscérale des salaires chez les banquiers qu’a utilement soulignée Annie Lacroix-Riz dans ce livre important qu’est [bgcolor=#CCFFFF]« Le choix de la défaite »[/bgcolor] (*) (ne ratez pas cette vidéo) : [bgcolor=#FFFF99]sabordage historique dont la preuve formelle apportée par l’historienne pour les années 30 met en lumière (et permet d’enfin comprendre) le même choix — pour les mêmes raisons : tenir en cage les salaires —, à travers la construction européenne ardemment voulue et imposée par les banquiers, à commencer par Jean Monnet…[/bgcolor]

Des salariés dotés d’institutions leur permettant de se défendre financièrement… une République, quoi… L’horreur absolue de tous les banquiers et de tous les rentiers du monde…

Malgré le fait qu’il se trompe tout le temps, je trouve qu’entendre Greenspan redouter sérieusement cette perspective de reprise de l’inflation est un bon pronostic de bonne année… :confused:

[align=center]Bonne année à vous tous, chers amis ! [/align]

:slight_smile:

Étienne.


(*) Annie Lacroix-Riz souligne fortement, — preuves formelles à l'appui, ce qui la distingue bien de nombreux historiens contemporains faux-nez du MEDEF — que, [bgcolor=#FFFF99][b]même en 1936, le Ministre des finances avait promis au Gouverneur de la Banque de France (également maître du Comité des Forges, MEDEF du moment) de bien tenir les salaires (comme le faisaient, et le font toujours ?, tous les ministres des finances avant de prendre leurs fonctions), et que [u]c'est uniquement sous la pression irrésistible de la rue, sous la contrainte de centaines de milliers de salariés en colère et prêts à en découdre physiquement[/u], que les Ministres (et leurs banquiers matons) ont dû lâcher les congés payés, les 40 heures, les hausses de salaires, etc.[/b][/bgcolor]

Annie Lacroix-Riz souligne qu’aujourd’hui encore, comme hier, il n’y a pas grand-chose à attendre de l’initiative de nos « représentants » puisque leurs vrais maîtres sont les banquiers : [bgcolor=#FFFF99]rien ne se fera de bon si les salariés ne prennent pas eux-mêmes en charge la défense de leurs intérêts.[/bgcolor]

Elle souligne aussi que l’obsession des banquiers contre les hausses de salaires était telle que la Banque de France a soutenu activement Hitler, parmi d’autres dictateurs, que la même Banque de France a rendu possible le financement de l’effort de guerre de l’Allemagne et que la même Banque de France a finalement voulu et imposé la capitulation rapide de la France devant Hitler, carrément… car Hitler était formidable du point de vue des salaires : exactement l’homme dont les méthodes convenaient bien à la Banque de France pour traiter les syndicats et autres agitateurs d’esclaves… Tout ça est passionnant. Cette historienne est un phare, un des derniers qui soient allumés.

Voyez aussi cette deuxième longue et intéressante vidéo : http://www.solidariteetprogres.org/spip/sp_article.php3?id_article=3024.

Voir aussi cette bonne recension du livre : http://www.solidariteetprogres.org/spip/special/Ent-Lacroix-Riz.pdf

Sur la profonde malhonnêteté de nombreux historiens actuels, grassement payés par les plus riches (et encensés publiquement tous les jours par des médias aux ordres — qui peut résister à cette corruption ?) pour réécrire une histoire sur mesure — et sans preuves —, il faut absolument lire cet autre livre, tout petit celui-là mais décapant au possible : [bgcolor=#FFFF99]« L’histoire contemporaine sous influence »[/bgcolor] ; voir cette bonne recension : http://www.voltairenet.org/article13259.html

Monnaie, capitalistes et salariés

J’ai honte de mon incompétence dans ce domaine pourtant essentiel.

Une chose que je sens bien : ces problèmes ne se traitent qu’au niveau mondial ; on peut toujours commencer par l’Europe pour obtenir de petits résultats, mais rien à espérer, certainement, au niveau national.

Seulement voilà : comment les salariés (disons les non-capitalistes) pourraient-ils prendre en charge leurs intérêts dans une économie mondialisée quand 55 % des électeurs français actifs se prononcent effectivement pour le renforcement des politiques capitalistes - comme si la France était majoritairement un pays de capitalistes et de rentiers ?

Et d’ailleurs, quelle solution au niveau mondial tant qu’il y aura des pays riches et des pays pauvres ? Il faudrait substituer aux politiques du profit des politiques de gestion rationnelle et de partage qui devraient prendre effet très graduellement pour éviter une désorganisation générale : nous en sommes bien plus loin, je crois, qu’il y a 50 ans.

Pour commencer, il faudrait se débarrasser de l’OMC - et aussi du FMI et de la Banque mondiale, ces prétendues « institutions spécialisées de l’ONU » -, et remettre en train la Charte de La Havane, qui prévoyait la création d’une Organisation mondiale du commerce (OIC) soucieuse du développement de tous ses États membres.

Cette charte, je le rappelle, reste ouverte à la ratification : de là à espérer que Fidel Castro préside un jour les cérémonies de lancement de la future OIC… JR

Pour commencer, il faudrait se débarrasser de l'OMC - et aussi du FMI et de la Banque mondiale, ces prétendues "institutions spécialisées de l'ONU" -, et remettre en train la Charte de La Havane, qui prévoyait la création d'une Organisation mondiale du commerce (OIC) soucieuse du développement de tous ses États membres.

Cette charte, je le rappelle, reste ouverte à la ratification : de là à espérer que Fidel Castro préside un jour les cérémonies de lancement de la future OIC… JR


Tout à fait d’accord … pour ceux que l’analyse (par jacques Nikonoff) de cette Charte intéresse: http://tiki.societal.org/tiki-index.php?page=CharteLaHavane

Journal officiel de la République française
[bgcolor=#FFFF99]Loi n° 73-7 du 3 janvier 1973 sur la Banque de France[/bgcolor]

Bonjour,

AJH, vous dites :
« Depuis 1973 la France s’est interdite de créer la monnaie dont elle a besoin pour combler ses propres déficits »

Je n’arrive pas à trouver de loi écrite en 1973 qui correspond à ce que vous dites, j’ai bien trouvé la loi de 1993 ici :
http://www.legifrance.gouv.fr/WAspad/UnTexteDeJorf?numjo=ECOX9300075L

Mais pas celle de 1973, il s’agit bien d’une loi ?


Mon petit voisin qui termine ses études d’avocat me l’a trouvée… Il s’agit bien de la loi d’Etat 73-7 du 3 janvier 1973

EDIT: Les liens ont changé (tiens, tiens ..)

Vous pouvez directement télécharger ces pages sur:

http://www.fauxmonnayeurs.org/file/JO197300165.pdf
http://www.fauxmonnayeurs.org/file/JO197300166.pdf
http://www.fauxmonnayeurs.org/file/JO197300167.pdf

… ou par « légifrance » :
"[i]page d’accueil du site Légifrance, rubrique « les autres textes législatifs et réglementaires » en indiquant dans nature = loi et dans numéro 73-7. Cliquez sur l’icone « fac-similé ».
http://www.legifrance.gouv.fr/./rechTexte.do?reprise=true&page=1[/i] "


[bgcolor=#FFFF99]L’article important me semble l’article 25 (page 166):
« Le trésor public ne peut être présentateur de ses propres effets à l’escompte de la Banque de France »
[/bgcolor]

AJH (3062).

Merci à vous et à votre ami avocat. En effet, cette possibilité d’obtenir des images vidéo des anciens numéros du JO est signalée dans une page d’instruction de Légifrance que je n’avais pas vue.

Je viens de suggérer à Légifrance d’ajouter cette information dans la rubrique "Journal Officiel de sa page d’accueil. JR

L’interdiction de la « planche à billet publique » est-elle conforme à la constitution française ? [1]

Oui, merci beaucoup à eux, André-Jacques. Plusieurs interrogations.

Les « effets » du Trésor (art. 25) : c’est du verbiage (ancien) financier qui désigne quelque chose de précis, j’imagine ?

Je note que l’article 19 dit : « Les conditions dans lesquelles l’État peut obtenir de la Banque des avances et des prêts sont fixées par des conventions passées entre le ministre de l’économie et des finances et le gouverneur, autorisées par le conseil général [de la Banque]. Ces conventions doivent être approuvées par le Parlement. »

Pour me faire l’avocat du diable, je demanderais : qu’est ce qui aurait interdit, ponctuellement, un gouvernement et sa majorité parlementaire de gauche de fixer ces conditions de telle sorte qu’il s’agisse de prêts à taux zéro ? Bon, il fallait déjà que le banquier central soit disposé à le proposer lui-même… Manifestement, il s’agissait bien de systématiser (sortir du contrôle politique) le contrôle des règles du crédit, tandis que l’usage, même occasionnel de la planche à billet publique, devenait impossible.

Je m’interroge ensuite sur la constitutionnalité de cette loi.

D’après cette loi, le Parlement n’a plus d’autre occasion d’être sollicité — initiative impossible ; pas même consulté ; aucune reddition de comptes en cours ou en fin d’exercice — que celle que j’ai citée. (Sinon que « Les opérations de la Banque sont régies par la législation commerciale » art. 29).

Le taux et autres conditions de l’escompte (art. 24 et 26) et les opérations de la Banque « sur le marché » (art. 28) sont du ressort du conseil général de la BC. Plus généralement, le gouverneur dirige et administre la Banque, avec ses sous-gouverneurs, et ils décident avec le conseil.

Tous ces gens émanent du gouvernement : ils sont « nommés par décret en conseil des ministres » (art. 10, 13) ; le censeur et son suppléant, qui ont un pouvoir de censure sur les décisions du conseil (art. 16), sont « nommés par le ministre de l’économie et des finances » (art. 13). « Le gouverneur prête serment entre les mains du Président de la République, de bien et fidèlement diriger la Banque conformément aux lois et règlements. » (art. 10)

L’article 34 de la constitution stipule : « La loi est votée par le Parlement. [Elle] fixe les règles concernant : […] le régime d’émission de la monnaie. »
L’article 20 dit : « Le Gouvernement détermine et conduit la politique de la Nation » et l’article 21 : « Le Premier Ministre dirige l’action du Gouvernement […] Il assure l’exécution des lois. Sous réserve des dispositions de l’article 13, il exerce le pouvoir règlementaire […] »)

Ces deux articles, notamment, ont été examinés par le Conseil Constitutionnel suite au recours déposé à l’occasion de la discussion de la loi n° 93-980 du 4 août 1993 relative au statut de la Banque de France et à l’activité et au contrôle des établissements de crédit (http://admi.net/jo/19930806/ECOX9300075L.html), prévue en application du traité de Maastricht.

La décision du Conseil constitutionnel n° 93-324 DC du 3 août 1993 — http://www.conseil-constitutionnel.fr/decision/1993/93324dc.htm — :

  • reconnait que la politique monétaire est partie intégrante de la politique de la Nation, donc relève des prérogatives du gouvernement
  • indique que l’article 3 est approuvé, considérant qu’ « aux termes de l’article 34 de la Constitution, dans l’exercice de cette compétence, il était loisible au législateur de décider […] par l’article 3 de la loi d’interdire à [la Banque de France] de consentir des découverts ou d’accorder des crédits au Trésor public ou à tout autre organisme ou entreprise publics ainsi que d’acquérir directement des titres de leur dette ».

Remarques personnelles (ingénues) :

[color=blue]- Les sénateurs et députés auteurs de la double saisine du Conseil constitutionnel n’avaient invoqué de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen de 1789 que son article 3. (lequel consacre la primauté et l’exclusive du dépositaire de la souveraineté populaire, qui « émane expressément de la Nation »). Soit, manifestement avec pour principale préoccupation de conserver leurs prérogatives, même si cela est louable. Ce qui me semble l’être moins, c’est ce qu’ils n’ont pas fait valoir d’autre des dispositions de la DDHC.

Ils n’ont invoqué :

  • ni l’article 5 de la DDHC, qui stipule « La Loi n’a le droit de défendre que les actions nuisibles à la Société »

  • ni son article 6, qui dit que « La Loi […] doit être la même pour tous » - la Banque de France pouvant bien (continuer d’) accorder « découverts » et « crédits » aux établissements financiers privés, contrairement aux institutions publiques, ce qui suppose, au-delà de la discrimination entre personnes morales, une discrimination entre individus ;

  • ni ses articles 12 et 13, indiquant que « La […] force publique […] est […] instituée pour l’avantage de tous » et que « Pour l’entretien de la force publique, et pour les dépenses d’administration, une contribution commune est indispensable [et] doit être également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés » ;

  • ni, bien sûr, l’article 1er de la DDHC [est-il besoin de le rappeler ici ?], sans doute trop énorme pour qu’on y songe : il n’était pas question alors de remettre en cause le « privilège des banquiers »…[/color]

Merci Sam pour cette analyse… faudrait mettre cela sur le site " fauxmonnayeurs"

« Les « effets » du Trésor (art. 25) : c’est du verbiage (ancien) financier qui désigne quelque chose de précis, j’imagine ? »

Non, c’est un mot qui reste tout à fait actuel, bien que peu employé . Ils veulent parler là « d’effets publics » : rentes, obligations, bons du Trésor, … émis et garantis par les pouvoirs publics.

Donc l’article 25 serait à lire :" Le trésor public ne peut présenter les garanties que lui, l’Etat ou les collectivités publiques auraient émis, à l’escompte de la Banque de France"

Merci pour ces précisions.

Je pense que, sur votre site, vous devriez y mettre en lien toutes ces références ^^

Car, il faut bien le reconnaître, les gens ayant beaucoup d’idées reçues dans ce domaine, il me paraît important de bien apporter les preuves de tout ce qui est dénoncé.

Une question que je me posais : quelles sont les pistes actuellement envisagées, voir évoquées, pour revenir sur cette décision ?

L’abrogation de l’article au niveau du traité européen est-il dans un premier temps la seule solution ?

Et dans les autres pays européens, comment s’est déroulé cette dérive ? Ils ont bien dû, eux aussi, adapter leur législation nationale pour être conformes au traité de Maastricht ?

@ AJ :
Promis, ce WE, je mets ce triple lien et mes commentaires (vu qu’ils te semblent parlants) sur « fauxmonnayeurs ».
Merci pour la traduction des « effets », c’est tout de suite plus compréhensible.

Une chose aussi que vous n’expliquez pas, c’est en quoi une politique destinée à maitriser l’inflation est favorable aux rentiers ? Pouvez-vous m’expliquer svp ? :slight_smile:

L’inflation et la rente

Bonsoir Sandy,

à défaut de voir Keynes sortir de sa tombe et si AJH est occupé à l’écriture de son nouveau livre… je réponds d’après ce que je sais.

Inversons déjà la proposition : une inflation importante est défavorable aux rentiers, car que le taux d’intérêt réel d’un crédit vaut son taux d’intérêt nominal (contractuel, affiché) diminué du taux d’inflation.
Si un prêt sur un an est à 6% par an, le rentier qui prête 100 € le jour j0 récupère 106 € au bout d’un an. Mais si, cette année-là, l’inflation est de 7%, alors 100 € à la date du remboursement ne valent plus que 93 € en valeur équivalente à j0. Et donc les 106 € récupérées ne valent plus que 98.6 € en valeur équivalente à j0, soit moins que ce qui a été prêté au départ.

Déjà, vous me direz peut-être : quelle importance de se référer à la valeur de la monnaie à une date qui est du passé ? On pourrait déjà répondre qu’on s’en fiche de l’inflation :

  1. si tout le monde perd ou gagne autant de pouvoir d’achat. Mais la monnaie peut rarement être vue comme un élément « neutre »
  2. tant qu’il n’y a pas hyperinflation. Une inflation assez élevée (disons 5-15%), et même soutenue, selon le contexte (institutionnel et économique), n’est pas la même chose que l’hyper-inflation tant redoutée. Cette dernière est une perte de contrôle, un emballement du taux d’inflation qui devient exponentiel. Elle tarit la « liquidité » et ne tue pas que des rentiers : tout le monde y passe
  3. l’investisseur, et bien sur le pur rentier, ajoutera : oui, mais comment je prévois mes contrats si le régime ne me garantit pas, sinon une absence d’inflation, du moins une évolution stable et faible de celle-ci ?

Rien ne dit que le pouvoir d’achat de tout le monde varie de la même manière avec l’inflation / la déflation.
Dans notre exemple, on voit que le prêteur a gagné 1.4 € juste en empruntant (tant mieux : il s’en sert pour consommer, produire, payer salaires, impôts, …) tandis que rentier en a perdu autant en se privant d’un peu de sa fortune (pas la banque, qui perd mais en sortant l’argent d’un chapeau)
L’inflation, qui est une perte de valeur intrinsèque de la monnaie (un phénomène monétaire), est généralement assimilée à la hausse moyenne des prix (et même couramment confondue avec), ce qui est logique : la valeur de la monnaie ne peut s’exprimer que par rapport à la valeur marchande de ce qu’elle sert à échanger. En fait, il faut voir de quels produits on observe les prix.

Dans le contexte présent, les gros excédents de monnaie crées par le crédit engendrent une forte inflation des « actifs », c.à.d. des produits financiers et de l’immobilier : ce sur quoi la spéculation porte directement. Mais tôt ou tard, cette inflation virtuelle deviendra réelle : la hausse du prix d’achat de l’immobilier se répercute sur celui des loyers ; quant aux produits financiers, on peut en parler longtemps, mais en un mot, pour citer Frédéric Lordon, « la finance prend le monde en otage », et rien, jusqu’à nouvel ordre, ne vient s’opposer à la « démesure financière », c’est à dire aux exigences toujours croissantes des actionnaires. Et un ensemble de mécanismes, ou leur absence, se chargent de faire perdre du pouvoir d’achat à la plupart des salariés au profit de ces rentiers. En résumé, cette inflation moderne, pilotée par le couple monnaie de crédit - capitalisme financier, n’est pas défavorable aux rentiers, au contraire. (Certains, comme AJH, vont jusqu’à dire que les principaux rentiers apprécient même, désormais, les forts taux d’intérêt, à commencer par les taux de réescompte des Banques centrales, puisque ils ont en quelque sorte une rente de situation, vu les différences énormes de fortunes.) Je faisais cette précision car c’est une manière de dire que la question classique que vous soulevez n’appelle plus guère de réponse classique.

On a coutume de dire que les salariés, contrairement aux rentiers, ne perdent pas de pouvoir d’achat en contexte inflationiste. Ça tient principalement à deux mécanismes combinés observés durant longtemps, l’un politique, l’autre économique : d’une part on s’est habitués à ce que les syndicats soient actifs et défendent les hausses de salaires a minima lorsque cela est justifié et manifestement possible ; d’autre part au fait que l’inflation est un symptôme de l’abondance de liquidités, donc de la facilité d’emprunter : historiquement, cela signifiait que l’investissement productif s’accroissait, augmentant la production des entreprises, et ainsi la richesse du pays ; les salariés aux bas et moyens revenus étant, toujours historiquement, les principaux consommateurs, il y avait aussi des raisons de capitalistes à accepter d’augmenter les salaires, le chiffre d’affaire croissait, et avec lui les dividendes, malgré l’inflation (du moins relativement, si on raisonne par rapport au pouvoir d’achat moyen des gens) ; on avait là, disons, une spirale « fordienne ». Qui plus est, de plus hauts salaires permettent d’augmenter les impôts.

La méthode keynésienne ajoute à cela qu’on peut (on pouvait) déclencher cette spirale ascendante en injectant de la monnaie avant que s’effectue la croissance souhaitée, ce par le biais d’investissements publics. Donc par la planche à billets publique. Notez que ladite « croissance souhaitée » pouvait se décider publiquement, et selon sa qualité, non pas à l’aveugle dans un système ou seul le privé décide de ce qui se produit, de ce qui est rentable (pour lui). Après cette injection, une hausse des impôts est toujours le moyen de plus ou moins rembourser cette « dette de l’État », c’est à dire de détruire plus ou moins de cet argent injecté, donc de diminuer plus ou moins l’inflation générée. Ces impôts ajoutés ne coutent rien de plus, ou cette monnaie injectée « en avance » ne coutent rien à la société, si on considère que c’est la contrepartie de l’enrichissement personnel des gens ainsi permis ; or ces impôts, ou cette monnaie publique injectée, ils auront créé des services publics. C’est par contre une méthode de répartition que les capitalistes détestent, non pas tant parce qu’elle les appauvrit d’ailleurs (tout dépend de l’impôt et de la distribution des montants), mais parce que l’État peut imposer avec ce seul levier une politique économique les empêchant de prévoir l’inflation, et soutenant surtout les salaires plus que les rentes : c’est un impôt progressif « masqué ». J’ajoute que dans le système monétaire d’aujourd’hui, celui de la monnaie marchandise, où la spéculation pure sur les changes dans le monde pèse plus de dix fois l’économie réelle et où valeur des monnaies est elle-même exclusivement fixée par la loi de l’offre et de la demande, une injection publique de monnaie serait perçue comme un grave « interventionnisme » de l’État faussant les « lois du marché » dans le saint des saints du casino… on marche sur la tête.

Si on revient sur les divers mécanismes cités, qu’a fait la globalisation néolibérale sinon « euthanasier Keynes » méthodiquement ?

  • la création monétaire par l’État, on le sait, a été interdite
  • tuer les syndicats : cette directive de Von Hayeck a été déjà très bien réalisée dans les faits ; les frontières grandes ouvertes et la libéralisation financière s’en sont chargé sans difficulté. On peut jaser sur la déliquescence soit disant idéologique des syndicats, les fusions - acquisitions - morcellements - mise en concurrence - externalisations - délocalisations… suffisent amplement à les rendre impuissants ; quant à la dictature des actionnaires en face, elle est non seulement avérée mais même, elle s’auto-entretient et il lui faut toujours plus se développer : fonds spéculatifs, de pension, montages employant les paradis fiscaux, et un tas de bulles financières, notamment « dérivées » qu’il faut à tout prix alimenter, donc faire croitre, sinon tout s’effondre (et tout le monde y passe d’ailleurs)
  • le chômage massif délibérément entretenu (cf. le NAIRU), effet direct de tout cela, et principalement de la libre circulation des capitaux, donc du dumping social, maintient une pression à la baisse sur les salaires
  • augmentez le pouvoir d’achat des salariés à bas ou moyens revenus, rien ne dit que ça fera des achats dans le pays : mondialisation du commerce et dumping social oblige - cf. 1982 en France, et le virage PS à 180°. Si le contexte institutionnel et la politique économique (et monétaire) ne permettent pas de relancer l’investissement productif dans le pays, il n’y aura pas de miracle.
  • la création de services publics pourrait encore se faire à la rigueur en augmentant les impôts des riches (les autres, on leur a déjà tant pressé le citron). Or : elle est habilement interdite par l’UE ; il faut, parait-il, rembourser la « dette » « odieuse » ; on les « liquide » aussi car il faut sans cesse donner de nouveaux débouchés à l’afflux de produits financiers issus de l’afflux de monnaie de crédit, faute de quoi les bulles s’accumulent et avec elles les risques de crash ; dernier argument, qu’on appelle « théorie du ruissellement » : les riches sont les investisseurs potentiels, donc pour créer de la richesse pour tous (croissance), il faut nécessairement les aider à s’enrichir… Cette théorie est ridicule au possible, d’autant que l’investissement productif se fait essentiellement ailleurs, puisque c’est là qu’il rapporte beaucoup, globalisation financière oblige. Mais je voulais finir par là, pour montrer à quel point, aussi absurde soit-elle, on est finalement forcé de l’appliquer, autant dire d’y croire à la longue - sauf à révolutionner le régime…

On est cernés. J’espère en tous cas avoir répondu de manière instructive.

L’interdiction de la « planche à billet publique » est-elle conforme à la constitution française ? [2]

Dans la continuité de l’analyse présentée dans mon message n°3070, je cite plusieurs extraits de Bastien François, Le régime politique de la Ve République (éd. La Découverte, 2006), relatifs au contrôle de constitutionnalité des lois et à son évolution depuis 1958. Je trouve ça très instructif.

« [color=black][[b]A l'origine de la Ve République[/b]][b] [i]la saisine du Conseil constitutionnel est doublement restreinte. Seules quatre autorités politiques (le Président de la République, les présidents de l’Assemblée nationale et du Sénat, le Premier ministre) peuvent saisir le Conseil et cette saisine ne peut intervenir que dans un délai bref, entre le vote et la promulgation de la loi (qui doit intervenir dans les quinze jours). La portée du contrôle de constitutionnalité est par ailleurs limitée puisque, dans l’esprit des constituants, le Préambule de la Constitution [/b][...] [b]ne peut pas être utilisé par le Conseil constitutionnel pour fonder la censure d’une loi.[/b][/i] » (p 47)

« Cette situation va commencer à changer lorsque le Conseil constitutionnel, en 1971, prend l’initiative de contrôler la constitutionnalité d’une loi au regard du Préambule de la Constitution [ndlr : recours relatif à la liberté d’association]. Les conséquences de cette décision du 16 juillet 1971 sont considérables. » (p 47)

« Le Conseil constitutionnel est aujourd’hui considéré comme une institution essentielle du régime de la Ve République. Il n’en a pas toujours été ainsi. […] Certains constitutionnalistes vont alors évoquer l’existence d’un « principe de constitutionnalité », c’est à dire le principe d’une subordination généralisée de l’activité politique à la Constitution […] Au cours des années 1980 […] la cause semble entendue […] » (p 101)

« La façon dont est posée, pendant les années 1970, dans les débats philosophiques, la question du totalitarisme […] est ainsi directement au principe de la valorisation de l’ « État de droit » et de l’importance désormais accordée aux « droits de l’homme » comme garantie juridique face au pouvoir. […] la thématique de l’État de droit devient un point de ralliement commun de la droite libérale et de la gauche socialiste au début des années 1980. » (p 105)

« En 1974, à l’initiative du Président de la République nouvellement élu, Valéry Giscard d’Estaing, la Constitution va être révisée pour permettre à soixante députés ou soixante sénateurs de saisir le Conseil constitutionnel. » (p 50)

Le nombre annuel de saisines, qui oscillait entre 0 et 1 depuis 1958, passe brutalement à un niveau compris entre 5 et 18. (graphe p 51)

« […] le Conseil affine ses techniques de contrôle de la loi. Il se réserve dorénavant le droit d’apprécier la recevabilité des amendements ; il décide souvent de contrôler d’autres dispositions de la loi que celles qui lui sont explicitement soumises, et fait valoir des motifs d’inconstitutionnalité qui n’ont pas été évoqués par les auteurs de la saisine ; il se livre à une forme de contrôle d’opportunité en vérifiant si le législateur n’a pas fait une « erreur manifeste d’appréciation » en décidant de telle ou telle mesure; […] » (p 51)

« […] désormais, la loi "n’exprime la volonté générale que dans le respect de la Constitution" (décision du 23 août 1985). » (p 52) « Le Conseil constitutionnel est désormais l’éminent protecteur des minorités politiques au Parlement, des droits de l’homme et, plus encore, le garant de l’État de droit. » (p 102) « […] Le Conseil constitutionnel n’est plus simplement le censeur du gouvernement-législateur, il devient ainsi un élément central des rapports entre l’État et les citoyens […] » (p 103)

« En ne se contant pas d’en contrôler la régularité « externe » [ndlr : celle des modes de décision aboutissant aux lois ou définies par les lois] mais [b]en vérifiant la constitutionnalité du contenu même des lois, le Conseil constitutionnel se place au cœur du processus législatif et son intervention prend, inévitablement, un caractère politique. En s’appuyant, pour exercer ce contrôle, sur la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen et le Préambule de la Constitution de 1946 – des textes très « idéologiques » --, il ne fait que renforcer cette tendance dans la mesure où l’interprétation des dispositions relatives aux droits fondamentaux est presque toujours politique. D’autant que certains principes constitutionnels sont contradictoires : doit-on privilégier les nationalisations ou le droit de propriété ? Le droit de grève ou la continuité du service public ? […][/b] » (p 106)

L’auteur juge que « […] même si le Conseil constitutionnel n’abuse pas de ce pouvoir de faire surgir ex nihilo des principes constitutionnels (et même s’il n’utilise ce pouvoir que pour la bonne cause : la défense des libertés), une telle pratique est fondamentalement antidémocratique, puisqu’elle se substitue au pouvoir constituant qui appartient au peuple. » (p 48)[/color]


L’objet de ces citations était évidemment de rappeler le contexte historique des décisions de 1973 et 1993. Chacun devrait pouvoir tirer diverses conclusions. J’en proposerai sans doute dans les temps qui viennent.

[color=purple]En attendant, quelques commentaires sur ceux des propos de B. François qui relèvent du jugement personnel.

Les dispositions ayant permis au Conseil constitutionnel de faire varier le fondement de sa jurisprudence et la portée de son contrôle ne sont écrites nulle part. La pratique a changé sans qu’il ait été nécessaire de réviser la Constitution. C’est bien la preuve que ces évolutions de la pratique ne sont pas contraires à la constitution, et la question n’est pas tant celle des évolutions historiques des mœurs politiques ayant conduit à ces changements que celle de savoir pourquoi le Conseil constitutionnel ne faisait pas « de zèle » auparavant, et surtout : quelles dispositions aurait-on du mettre dans la Constitution pour éviter cette carence ? M. Bastien a beau dire que le gaullisme faisait peu de place au Conseil constitutionnel voire s’en servait surtout pour appuyer le gouvernement-législateur, il s’agit d’abord de voir que la Constitution de 1958, en elle-même, ne le faisait pas. On peut déjà voir et critiquer la manière par laquelle le Conseil constitutionnel est nommé, au lieu de noyer le poisson.

[b]Si le « peuple constituant » n’a pas été interrogé sur cette liberté d’un pouvoir constitué de faire évoluer son pouvoir et de s’arroger un pouvoir constituant, on peut dire qu’a priori, le peuple a été consulté sur la base d’une loi fondamentale incluant le « bloc de constitutionnalité », en particulier les dispositions de la Déclaration de 1789.

Par ailleurs, même après 1974, la constitution est encore loin de la « démocratie » pour une autre raison [/b]: non seulement, le nombre de parlementaires requis pour déclencher une saisine reste assez élevé (bien qu’il ait suscité des frayeurs… à l’origine, et chez les élus et gardiens de temples), mais il n’y a pas de "RIC de saisine, et il n’y a pas non plus de saisine possible après promulgation de la loi.. De telles pratiques, si elles intervenaient, seraient donc anticonstitutionnelles, mais démocratiques… C’est se moquer que de dire que le Conseil constitutionnel, en se servant d’un pouvoir qu’il avait mais n’utilisait pas jusque là (en remplissant un devoir qu’il ne remplissait pas), et en contribuant à palier à ces défauts « pour la bonne cause », adopte une position antidémocratique.

Enfin, le peuple ne disposant pas d’instruments tel que le « RIC constituant », c’est un peu se moquer que de dire que le pouvoir constituant lui appartient – Étienne, as-tu rappelé ses propres propos à Bastien François, en 2005 ? --, surtout quand on interprète ainsi le produit de son vote : car, quant à dire que la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen est un texte « très « idéologique » », excepté, à la rigueur, de rares dispositions (art. 2), c’est une affirmation infondée, ou bien la démocratie et même les principes de base du régime constitutionnel sont des « doctrines » qui relèvent de l’idéologie… Prenons notamment l’article 16 : la garantie des droits fondamentaux de l’individu est l’un des deux fondements du régime constitutionnel. Il est intéressant de voir que cette « disposition » votée par le « peuple constituant » était on ne peut plus clairement indiquée dès l’origine comme critère majeur d’appréciation de la constitutionnalité des lois, donc comme cadre des pouvoirs et devoirs du conseil constitutionnel dès 1958. A ce niveau là de confusion, que dire ? Si le souverain s’attache à des principes « idéologiques » en adoptant sa constitution, celui-ci moins que tout autre n’a à être discuté par un constitutionnaliste… Sinon, on se demandera s’il reste une once de repaires dans le contrat.
B. François analyse le tournant de 1974 comme une révolution, alors qu’il s’agit d’une mise en conformité ; ce faisant, il critique le contenu du « bloc de constitutionnalité » comme s’il avait été greffé arbitrairement à la constitution ; il voit son métier de constitutionnaliste évoluer : celui-ci est simplement rappelé à ses fondamentaux… [/color]