[b]L’autre scandale financier: les banques ne savent plus compter ![/b]
[i]« Pour mieux comprendre la crise financière, Marianne2 interroge des économistes sur ses épisodes marquants. Aujourd’hui, Didier Marteau, professeur à l’ESCP-EAP et spécialiste des marchés d’options, décrypte ces normes comptables qui ont plongé dans la faillite des banques pourtant parfaitement solvables.
Où est passé tout cet argent ? Sans crier gare, ensorcelés par la crise, les comptes des établissements financiers, pleins d’actions et de créances, se sont vidés de toute valeur. Certes la crise des subprimes a fait plonger des titres, rendus invendables… mais pas au point de voir sombrer les plus grandes banques et assurances occidentales dans l’abîme de la faillite ! À côté de la société de prise de participation de l’Etat et de la société de refinancement annoncées par Christine Lagarde, une mesure plus nébuleuse a été avancée sur l’obscure « norme comptable IFRS », responsable selon la ministre de l’Economie d’une grande partie des maux que connaît aujourd’hui la finance.
Comment des banques riches de milliards d’euros d’actions se sont-elles retrouvées en faillite du jour au lendemain ?
Didier Marteau, professeur à l’ESCP-EAP et chargé de cours en 3è cycle à l’Université Paris I Sorbonne et à Paris Dauphine. [/i]
Si les subprimes sont à l’origine de l’effondrement de beaucoup de valeurs, [bgcolor=#FFFF99]les normes comptables ont été la vraie raison de l’amplification et de la propagation de la crise.[/bgcolor] Pour calculer leurs résultats, toutes les banques du monde utilisent le même outil de calcul : [bgcolor=#FFFF99]la norme IFRS[/bgcolor] (International Financial Reporting Standards : références internationales de comptabilité financière). Selon cette norme, la valeur des créances dont une banque dispose dans son stock doit être calculée suivant le prix du marché. Si une banque dispose de 100 unités d’une créance et que le cours de cette créance sur le marché est de 10€, la banque devra déclarer 1.000€ de réserve.
Or, après les subprimes, les banques ont commencé à se méfier énormément les unes des autres. Cette crise de défiance a énormément réduit les échanges car tout le monde a eu peur de se voir vendre des produits pourris, des créances « contaminées » par la crise. Mais les banques avaient tout de même besoin de vendre et se sont mises à céder des valeurs de bonne qualité à des prix bien en dessous de leur valeur réelle. Sur les 100 unités de tout à l’heure, au lieu d’en vendre 90 par jour, la banque n’en vendait plus que 10 mais, au lieu de les vendre à 10€, elle les bradait à 3€, un prix «distressed» («cassé»).
Le problème qui s’est posé c’est que, pour calculer leur bilan, les banques ont dû appliquer le prix du marché - qu’elles avaient cassé pour pouvoir vendre - à leur stock d’actifs. Dans notre exemple, même si la banque n’a vendu que 10% de ses créances à 3€, elle doit appliquer ce prix à tout le reste de son stock pour déclarer son bilan. Du coup, au lieu d’avoir 90 unités à 10€ (leur prix normal), lui garantissant 900€ de réserve, elle doit comptabiliser ces 90 unités au prix cassé du marché 3€ et n’a donc plus que 270€ de réserve. Trois fois moins !
Au moment de faire leurs comptes, les banques ont donc dû déclarer des pertes considérables qui étaient simplement causées par la défiance des marchés qui les obligeaient à brader leurs actifs. [bgcolor=#FFFF99]Or, selon la réglementation Bâle II qui définit les critères de solvabilité d’une banque, une banque doit toujours disposer de réserves égales en valeur aux prêts qu’elle a émis, sans quoi elle est déclarée en faillite.[/bgcolor] Par conséquent, certaines banques qui disposaient de stock d’action largement suffisant mais qui ont vendu aux prix cassés du marché durant la crise ont été obligées de se déclarer en faillite.
Dans cette situation, où se trouvent de nombreuses banques européennes ou américaines, il y a [b]trois possibilités :[/b]
1.Vendre d’autres actifs pour renflouer les caisses mais on multiplie ainsi le nombre de titres en circulation et on fait baisser leur valeur : le serpent se mort la queue.
2.Recapitaliser les banques. C’est ce qui a été décidé dans le cadre du plan européen par lequel les Etats ont racheté des parts des banques pour qu’elles disposent de fonds propres pour couvrir les emprunts émis.
[bgcolor=#FFFF99]3.SUSPENDRE LA NORME COMPTABLE IFRS[/bgcolor], ce qu’a également proposé Christine Lagarde.
La troisième solution consiste à changer de référence : au lieu de calculer les fonds en se basant sur le prix du marché (mark to market), on fixe une valeur modèle qui sert de référence à toutes les banques dans le calcul de leur bilan (mark to model). Si on revient à notre banque de tout à l’heure, au lieu de compter les 90 unités qu’elle a en réserve à 3€, qui est le prix cassé du marché, on va établir une référence à 9€ pour comptabiliser ses fonds propres. Au lieu de se retrouver à déclarer 270€, la banque pourra déclarer 810€. Elle aura certes subi une forte perte mais cela pourra lui éviter de se déclarer en faillite alors que la valeur des actions qu’elle a en réserve ne s’est effondrée qu’à cause du climat de défiance.
[i]Didier Marteau est membre de la Société d’économie politique. Il est l’auteur de Monnaie, Banque et Marchés Financiers paru en mars 2008 aux éditions Economica.
Vendredi 17 Octobre 2008 - 18:27, Propos recueillis par Sylvain Lapoix[/i]
Aussi, mon esprit — sottement paranoïaque — fait-il un lien avec le document suivant, signalé hier ici-même par André-Jacques (merci AJH), thèse complotiste, assurément :
Une analyse « complotiste » assumée (mais pas forcément fausse pour autant, évidemment,
sauf pour les faux naïfs qui voudraient nous forcer à penser qu’il n’y a jamais aucun complot nulle part),
analyse très intéressante de F. William Engdahl :
[b]Derrière la panique, la guerre financière pour le futur pouvoir bancaire mondial[/b]
Ce qui ressort du comportement du marché financier européen ces deux dernières semaines, ce sont les anecdotes dramatiques de la crise financière et la panique qui servent délibérément à certaines factions influentes, dans et en dehors de l’Union européenne, à façonner la face future de la banque mondiale suite à la débâcle du subprime (prêt à haut risque) et des titres adossés à des créances (ABS) aux États-Unis.
Le développement le plus intéressant des derniers jours est la position allemande unifiée et forte de la chancelière, du Ministre des Finances, de la Bundesbank et du gouvernement de coalition. Tous sont opposés à un super-fond de renflouage bancaire du style étasunien dans l’Union européenne. Pendant ce temps-là, le Ministre étasunien des Finances, Henry Paulson, continue son copinage envers le capitalisme (Crony Capitalism) au détriment de la nation et au profit de ses copains du monde financier. C’est un cocktail inutilement explosif.
La chute de 7 à 10 pour cent de la bourse par jour fait les gros titres dramatiques de l’actualité et sert à susciter un grand sentiment de malaise proche de la panique chez le citoyen ordinaire. Les événements des deux dernières semaines dans les banques de l’UE, depuis le sauvetages de la situation dramatique des banques Hypo Real Estate, Dexia et Fortis, et l’annonce d’Alistair Darling, le Chancelier de l’Échiquier au Royaume-Uni, d’un changement radical dans la politique du traitement des banques en difficulté au Royaume-Uni, ont commencé à révéler les grandes lignes des diverses réponses européennes, à ce qui est en réalité une crise fabriquée aux États-Unis (« Made in USA »).
De sérieuses raisons font penser que Henry Paulson, l’ancien directeur général de Goldman Sachs, n’est pas stupide en tant que ministre des Finances. Il y a aussi des raisons réelles de croire qu’il agit en fait en fonction d’une stratégie à long terme bien pensée. La façon dont se déroulent à présent les événements dans l’UE tend à le confirmer. Comme me l’a dit un haut responsable banquier européen lors d’une discussion privée, « Une guerre est en cours entre les États-Unis et l’Union européenne pour définir la face future de la banque européenne. »
Du point de vue de ce banquier, la tentative en cours du Premier ministre italien Silvio Berlusconi et de Nicolas Sarkozy en France, de créer un « fond » commun en Union européenne, avec peut-être plus de 300 milliards de dollars pour sauver les banques en difficulté, serait de facto jouer directement dans la stratégie à long terme de Paulson et de l’establishment étasunien, en affaiblissant en réalité les banques et en remboursant les titres véreux d’origine étasunienne détenus par les banques de l’UE.
[bgcolor=#FFFF99]UTILISER LA PANIQUE POUR CENTRALISER LE POUVOIR[/bgcolor]
Comme je le documente dans mon prochain livre, Power of Money: The Rise and Decline of the American Century, (Le pouvoir de l’argent : essor et déclin du siècle étasunien), [bgcolor=#FFFF99]dans toutes les grandes paniques financières aux États-Unis depuis au moins celle de 1835, les titans de Wall Street, surtout la Maison JP Morgan avant 1929, ont déclenché délibérément la panique bancaire en coulisses pour consolider leur emprise sur la banque des États-Unis. Les banques privées ont utilisé la panique pour contrôler la politique de Washington, notamment la définition exacte de la propriété privée de la nouvelle Réserve fédérale en 1913, et pour consolider leur contrôle sur l’industrie, comme US Steel, Caterpillar, Westinghouse et ainsi de suite. En bref, ils sont les vétérans de ce genre de guerre financière pour l’élargissement de leur pouvoir.[/bgcolor]
Ils doivent maintenant faire quelque chose de semblable à l’échelle mondiale afin de pouvoir continuer à dominer la finance mondiale, le cœur de la puissance du siècle étasunien.
Cette pratique, du recours à la panique pour concentrer leur pouvoir privé, a créé une concentration extrêmement puissante de pouvoir financier et économique entre quelques mains du secteur privé, ces mêmes mains qui, en 1921, créèrent l’influent groupe d’expert en politique étrangère étasunienne, le [bgcolor=#CCCCCC]Council on Foreign Relations[/bgcolor], pour guider la montée du Siècle Étasunien, tel que l’appelait le fondateur de l’époque, Henry Luce dans un essai capital en 1941.
Il devient de plus en plus évident que les gens comme Henry Paulson, qui, par la façon dont il fut l’un des promoteurs les plus énergiques de la révolution de l’ABS à Wall Street, avant de devenir ministre des Finances, sont animés par des mobiles qui dépassent de loin leurs instincts de cupidité. Dans ce contexte, la propre expérience de Paulson est intéressante. Dans le passé, à l’aube des années 70, Paulson entama sa carrière en travaillant pour un homme célèbre nommé John Ehrlichman, l’impitoyable conseiller en politique intérieure de Nixon qui, à l’époque du Watergate, avait créé les fameux Plombiers pour réduire au silence les adversaires du Président, et que Nixon a abandonné « à être forcé d’exister sans soutien » en prison pour lui.
Paulson semble avoir pris de la graine de son mentor de la Maison Blanche. Selon un article du New York Times, quand il était coprésident de Goldman Sachs, il a fait partir de force en 1998 son coprésident, Jon Corzine, dans ce qui équivalait à «un coup d’État».
Il devient évident que Paulson, et ses amis de Citigroup et JP Morgan Chase, ont une stratégie, de même que le parrain de la titrisation des hypothèques et de la déréglementation bancaire, l’ancien président de la Réserve fédérale, Alan Greenspan, comme je l’ai exposé en détail dans la partie IV de ma précédente série, Financial Tsunami.
Étant sûrs qu’à un moment la pyramide de billions de dollars de subprimes douteux et des autres titres adossés à des prêts hypothécaires à hauts risques allaient s’effondrer, ils étaient apparemment déterminés à propager le plus possible dans le monde entier les ainsi nommés « déchets toxiques » de l’ABS, pour attirer les grandes banques du monde, plus particulièrement celles de l’Union européenne, dans leur piège à miel.
Ils avaient de l’aide. Lors de son dernier témoignage sous serment, Eric Dinallo, le directeur du New York Insurance Department, a déclaré à l’audition de surveillance du renflouage d’AIG de Paulson, que la réduction du financement ces dernières années dirigées par le gouvernement de Bush-Cheney, avait réduit la fiabilité du département, qui devait contrôler ou veiller sur 80 billions de dollars de titres adossés à des créances (ABS), incluant le subprime empoisonné, les titres hypothécaires de catégorie Alt-A et bien d’autres. Le gouvernement Bush a réduit son personnel de plus de 100 personnes à une seule. Oui « UNE, » ce n’est pas une faute de frappe.
Est-ce que c’était juste une coupe de budget par ferveur idéologique, ou était-ce délibéré ? Est-ce que le responsable garantissant qu’aucune personne efficace au gouvernement ne supervise l’explosion de la titrisation des actifs hypothécaires était l’ancien homme de Goldman Sachs, l’homme qui avait convaincu le Président d’embaucher Paulson, l’ancien directeur de l’Office of Management and Budget (OMB) de Bush, l’actuel chef d’état-major du Président : Joshua Bolten ?
Ce sont peut-être des questions que le Congrès ferait bien de poser à des gens comme Henry Paulson et Joshua Bolten, au lieu de questions de diversion du genre de la hauteur de la prime reçu par Richard Fuld a Lehman. N’y a-t-il pas, là sur le cadavre, les empreintes digitales de M. Bolten ? Et pourquoi n’y a-t-il aucune question sur le rôle de Paulson en tant que directeur général de Goldman Sachs, le promoteur de Wall Street le plus agressif en faveur des titres exotiques et des autres produits de titrisation adossés à des actifs ?
Il semblerait aujourd’hui que la stratégie de Paulson était d’utiliser une situation de crise, de crise préprogrammée, prévisible dès 2003, quand Joshua Bolten est devenu chef de l’OMB, au moment où tout ça a éclaté, pour affoler les gouvernements les plus conservateurs de l’Union européenne en les précipitant au secours des actifs toxiques des États-Unis.
Si cela devait arriver, ça détruirait ce qui reste de bon dans le système bancaire et les institutions financières de l’UE, rapprochant d’un pas de plus le monde vers un marché monétaire contrôlé par les copains de Paulson, des copains du style capitaliste étasunien. Le «copinage capitaliste» est certainement une explication appropriée ici. Robert Rubin, le prédécesseur de Paulson à la fois chez Goldman Sachs et aux Finances, aimait accuser les banquiers asiatiques de Thaïlande, d’Indonésie et des autres pays frappés en 1997 par les attaques spéculatives des fonds de couverture sponsorisés par les États-Unis, de «copinage capitaliste» donnant l’impression que la crise avait sa source en Asie et n’était pas la conséquence d’attaques délibérées des institutions financières parrainées par les États-Unis pour objectif d’éliminer entre autres le modèle du Tigre asiatique et transformer l’Asie en bailleur de fonds de la dette étasunienne.
Il est intéressant de noter que Rubin est à présent directeur de Citigroup, manifestement l’une des banques survivantes des «copains de Paulson», la banque qui a dû jusqu’ici passer par pertes et profits la plus grande somme en actifs titrisés empoisonnés.
Si l’allégation de panique planifiée est exacte, dans le style de la panique de 1907, et c’est un grand si, alors le plan a réussi . . . jusqu’à un certain point. Ce point est tombé pendant le week-end du 3 octobre, par hasard au moment des vacances de l’unification nationale de l’Allemagne.
L’Allemagne lâche le modèle étasunien
Dans la soirée du dimanche 5 octobre, lors de pourparlers à huis clos, Alex Weber, le patron réaliste de la Bundesbank, Jochen Sanio, le dirigeant de BaFin, et des représentants du gouvernement de coalition à Berlin de la chancelière Angela Merkel, ont lancé pour Hypo Real Estate (HRE) un plan de renflouage d’un valeur nominale de 50 milliards d’euros. Toutefois, derrière ce chiffre considérable dans les gros titres, comme le soulignait Weber dans une lettre rendue publique du 29 septembre au ministre des Finances Peer Steinbrück, non seulement les banques privées allemandes ont proposé 60 pour cent de ce chiffre, avec 40 pour cent pour l’État, mais en plus, compte tenu de l’attention avec laquelle le gouvernement, en coopération avec la Bundesbank et BaFin, ont structuré l’accord de crédit de secours, dans le pire des scénarios, la perte maximale possible pour l’État, serait limitée à 5,7 milliards, et non pas à 30 milliards d’euros comme beaucoup l’ont cru. C’est toujours de l’argent, mais pas le chèque en blanc de 700 milliards de dollars que le Congrès des États-Unis, contraint par les quelques jours de chute des cours boursiers, a décidé de donner à Paulson.
[bgcolor=#FFFF99]La rapidité d’action du ministre des Finances Steinbrück à virer la direction de HRE, en contraste frappant avec Wall Street où les mêmes délinquants fraudeurs restent dans leur bureau à récolter d’énormes primes, montre aussi l’approche différente.[/bgcolor] Mais cela ne tranche pas le nœud du problème. La situation de HRE provient, comme noté précédemment, des excès de sa banque filiale auxiliaire, en propriété exclusive, DEPFA en Irlande, un pays de l’UE connu pour sa réglementation libérale relâchée et son bas régime fiscal.
Changement dans la politique britannique
Au Royaume-Uni, après le stupide et coûteux renflouage de Northern Rock en début d’année, le gouvernement du Premier ministre Gordon Brown vient d’annoncer un changement politique radical allant dans le même sens que l’Allemagne. Les banques britanniques obtiendront exceptionnellement 50 milliards de livres (64 milliards d’euros) de renflouage du gouvernement et des prêts de secours de la Banque d’Angleterre.
Le trésor public a déclaré que le gouvernement allait acheter des actions privilégiées de la Royal Bank of Scotland Group Plc, de Barclays Plc et d’au moins six autres banques, et fournira environ 250 milliards de livres de garanties de prêts pour refinancer la dette. La Banque d’Angleterre mettra à disposition au moins 200 milliards de livres. Le plan ne précise pas combien obtiendra chaque banque.
[bgcolor=#FFFF99]Tout ça signifie que le gouvernement britannique nationalise, au moins partiellement, ses banques internationales les plus importantes, au lieu de racheter leurs prêts véreux dans le style d’un plan inapplicable à la Paulson.[/bgcolor] Dans ce genre d’approche, le coût pour le contribuable du Royaume-Uni sera bien moindre, car, une fois la crise calmée et les affaires revenues à la normale, le gouvernement pourra vendre des parts de l’État aux banques en bonne santé avec peut-être un bon bénéfice pour le trésor public. Le gouvernement Brown a sans doute réalisé que la couverture de garantie accordée à Northern Rock et Bradford & Bingley en début d’année n’a fait qu’ouvrir les vannes des dépenses gouvernementales sans arranger le problème.
La nouvelle politique étasunienne de nationalisations, par rachat des obligations sans valeur détenues par des banques sélectionnées que Paulson a choisi de sauver, plutôt que de recapitaliser les banques pour leur permettre de continuer à fonctionner, contraste énormément de l’approche idéologique du « marché libre » de Paulson.
[b]Les lignes de la bataille se dessinent[/b]
Que se dégage-t-il des grandes lignes des deux approches opposées face au développement de la crise ? À présent, le plan Paulson fait manifestement partie d’[bgcolor=#FFFF99]un projet visant à créer trois géants financiers mondiaux colossaux : Citigroup, JP Morgan Chase et, bien entendu, la propriété de Paulson, Goldman Sachs, devenue maintenant assez opportunément une banque. Ayant utilisé avec réussite la peur et la panique pour arracher 700 milliards de dollars de renflouage au contribuable, désormais les trois grands essayeront leurs muscles hors du commun à ravager les banques européennes dans les années à venir.[/bgcolor] Tant que les plus grandes agences financières de notation du monde, Moody’s et Standard & Poors, sont épargnées par les scandales et les auditions au Congrès, le pouvoir financier réorganisé de Goldman Sachs, Citigroup et JP Morgan Chase pourrait potentiellement se regrouper et accélérer leur ordre du jour mondial dans les prochaines années, en marchant sur les cendres de la faillite de l’économie étasunienne, mise en banqueroute par leurs folies.
En s’accordant sur la stratégie de nationalisation des banques que les ministres des Finances de l’UE estiment « trop stratégiques par leur caractère systémique pour faire faillite » tout en garantissant les dépôts bancaires, les plus grands gouvernements de l’UE, l’Allemagne et le Royaume-Uni, ont opté, contrairement aux États-Unis, pour ce qui ira dans le plus long terme, en permettant aux géants bancaires de résister aux attaques financières prévues de leurs homologues, Goldman ou Citigroup. La liquidation spectaculaire des actions sur les bourses d’Europe et d’Asie est en réalité un problème secondaire de loin le moins critique. Selon des rapports du marché, ce bradage est alimenté surtout par les fonds de couverture (hedge funds) étasuniens qui tentent désespérément de remonter le niveau des espèces, car ils réalisent que l’économie étasunienne se dirige vers une dépression économique, celle à laquelle ils se sont exposés et pour lesquelles le plan Paulson ne règle rien.
Un mécanisme restaurant la solvabilité du système bancaire et interbancaire est de loin le plus stratégique. La débâcle de l’ABS était « Made in New York » Néanmoins, ses effets doivent être isolés et les banques viables de l’UE défendues dans l’intérêt public, et non pas, comme aux États-Unis, dans le seul intérêt des banques des «copains de Paulson». Les instruments non réglementés à l’étranger, comme les hedge funds et les banques et assurances non réglementées, se sont tous engagés dans la construction de ce que j’ai appelé un tsunami de 80 billions de dollars en ABS. Certains des gouvernements les plus conservateurs de l’UE ne sont pas sur le point d’acheter le remède proposé par Washington.
Tout en s’emparant des gros titres, la baisse coordonnée des taux d’intérêt de la BCE et des autres banques centrales européennes ne fait pas grand chose en réalité pour traiter le vrai problème : la peur des banques à se prêter entre elles tant que leur solvabilité n’est pas assurée.
En amorçant un état partiel de nationalisation dans l’UE, et en rejetant le système de renflouage des Berlusconi-Sarkozy, les gouvernements de l’UE, cette fois menés de façon intéressante par l’Allemagne, mettent en place une base saine pour sortir de la crise.
Restez à l’écoute, c’est loin d’être terminé. Il s’agit d’une lutte pour la survie d’un Siècle étasunien en construction depuis 1939 sur les piliers jumeaux de la domination financière et militaire : l’éventail complet de la dominance étasunienne.
Les banques asiatiques, gravement endommagées par la crise d’Asie de 1997-98 pilotée par Wall Street, sont apparemment très peu exposées aux problèmes étasuniens. Les banques européennes sont exposées de différentes façons, mais aucune ne l’est aussi sérieusement que le système bancaire mondial étasunien.
http://www.mondialisation.ca/index.php?context=va&aid=10558
Étienne.