07 Reprendre le pouvoir sur notre monnaie

[bgcolor=#FFFF99]" Alors qu’on vient de trouver en un mois 4 000 milliards de dollars pour les banques, il n’a jamais été possible d’en dégager seulement 20 pour lutter contre la faim dans le monde ! " ( Jacques Attali, 14 octobre 2008 )[/bgcolor]

Je cite la chronique de Jacques Attali :

À la regarder du point de vue des salariés, la situation économique actuelle n’est pas encore tragique : la baisse de l’immobilier permet à plus de gens d’avoir accès à l’achat d’un logement ; la baisse de la croissance réduit le prix du pétrole. Et la baisse des Bourses ramène les portefeuilles d’actions à leur niveau d’il y a cinq ans, à un moment où leurs détenteurs n’étaient pas à plaindre.

Seuls risquent de perdre les plus pauvres, consommateurs endettés sous la pression des banques, et les plus riches, qui auront plus de mal désormais à faire croire qu’il est légitime que les revenus financiers augmentent de plus de 20 % chaque année, quand les revenus du travail n’augmentent que de moins de 2 %.

Certes, nul n’a intérêt au désastre des banques, interfaces entre le monde virtuel de la finance et celui de l’économie réelle. Et comme le montre l’excellent plan annoncé dimanche soir, on trouvera toujours aisément de l’argent par l’impôt, c’est-à-dire par les revenus des vrais gens, pour financer les pertes des institutions.

Mais, pour les autres sujets sérieux, (comme la faim, la pauvreté, le climat, la déforestation), rien.

Et pourtant, cette semaine, un rapport de la commission européenne rappelle que l’économie du monde perd chaque année plus de richesses par la déforestation, (soit entre 2 000 et 5000 milliards de dollars), que par la crise financière.

Alors qu’on vient de trouver en un mois au moins 4 000 milliards de dollars dans le monde pour les banques, il n’a jamais été possible d’en dégager seulement 20 pour lutter efficacement contre la faim dans le monde, ou pour sauver la forêt brésilienne, ou pour généraliser le microcrédit aux 600 millions de familles qui en ont besoin.

Bien sûr, il faut régler ces désordres financiers ; parce que si on ne le fait pas, c’est toute l’économie mondiale réelle qui basculerait, non pas dans la récession, mais dans la dépression. Mais il faut inscrire cette action dans le cadre d’un véritable projet de société, au service des vrais gens. L’argent mobilisé ne doit pas aller aux actionnaires des banques, mais à leurs clients, spoliés et surendettés par le jeu insensé du crédit à la consommation, à de grands travaux mondiaux capables de régler les problèmes des générations futures, et à la mise en place d’un véritable état de droit planétaire.

Informations et actualités - L'Express

Un article très intéressant : http://www.mondialisation.ca/index.php?context=va&aid=10558

[bgcolor=#FFFF99]« Derrière la panique, la guerre financière pour le futur pouvoir bancaire mondial »[/bgcolor]

Un extrait :

Les lignes de la bataille se dessinent

Que se dégage-t-il des grandes lignes des deux approches opposées face au développement de la crise ? À présent, le plan Paulson fait manifestement partie d’un projet visant à créer trois géants financiers mondiaux colossaux : Citigroup, JP Morgan Chase [bgcolor=#FFFF99]et, bien entendu, la propriété de Paulson, Goldman Sachs, devenue maintenant assez opportunément une banque.[/bgcolor] Ayant utilisé avec réussite la peur et la panique pour arracher 700 milliards de dollars de renflouage au contribuable, désormais les trois grands essayeront leurs muscles hors du commun à ravager les banques européennes dans les années à venir. Tant que les plus grandes agences financières de notation du monde, Moody’s et Standard & Poors, sont épargnées par les scandales et les auditions au Congrès, le pouvoir financier réorganisé de Goldman Sachs, Citigroup et JP Morgan Chase pourrait potentiellement se regrouper et accélérer leur ordre du jour mondial dans les prochaines années, en marchant sur les cendres de la faillite de l’économie étasunienne, mise en banqueroute par leurs folies.

En s’accordant sur la stratégie de nationalisation des banques que les ministres des Finances de l’UE estiment « trop stratégiques par leur caractère systémique pour faire faillite » tout en garantissant les dépôts bancaires, les plus grands gouvernements de l’UE, l’Allemagne et le Royaume-Uni, ont opté, contrairement aux États-Unis, pour ce qui ira dans le plus long terme, en permettant aux géants bancaires de résister aux attaques financières prévues de leurs homologues, Goldman ou Citigroup. La liquidation spectaculaire des actions sur les bourses d’Europe et d’Asie est en réalité un problème secondaire de loin le moins critique. Selon des rapports du marché, ce bradage est alimenté surtout par les fonds de couverture (hedge funds) étasuniens qui tentent désespérément de remonter le niveau des espèces, car ils réalisent que l’économie étasunienne se dirige vers une dépression économique, celle à laquelle ils se sont exposés et pour lesquelles le plan Paulson ne règle rien.

Un mécanisme restaurant [bgcolor=#FFFF99]la solvabilité du système bancaire et interbancaire[/bgcolor] est de loin le plus stratégique. La débâcle de l’ABS était « Made in New York » Néanmoins, ses effets doivent être isolés et les banques viables de l’UE défendues dans l’intérêt public, et non pas, comme aux États-Unis, dans le seul intérêt des banques des «copains de Paulson». Les instruments non réglementés à l’étranger, comme les hedge funds et les banques et assurances non réglementées, se sont tous engagés dans la construction de ce que j’ai appelé un tsunami de 80 billions de dollars en ABS. Certains des gouvernements les plus conservateurs de l’UE ne sont pas sur le point d’acheter le remède proposé par Washington.

Tout en s’emparant des gros titres, la baisse coordonnée des taux d’intérêt de la BCE et des autres banques centrales européennes ne fait pas grand chose en réalité pour traiter [bgcolor=#FFFF99]le vrai problème : la peur des banques à se prêter entre elles tant que leur solvabilité n’est pas assurée.[/bgcolor]

En amorçant un état partiel de nationalisation dans l’UE, et [bgcolor=#FFFF99]en rejetant le système de renflouage des Berlusconi-Sarkozy, les gouvernements de l’UE, cette fois menés de façon intéressante par l’Allemagne, mettent en place une base saine pour sortir de la crise.[/bgcolor]

Restez à l’écoute, c’est loin d’être terminé. Il s’agit d’une lutte pour la survie d’un Siècle étasunien en construction depuis 1939 sur les piliers jumeaux de la domination financière et militaire : l’éventail complet de la dominance étasunienne.

Les banques asiatiques, gravement endommagées par la crise d’Asie de 1997-98 pilotée par Wall Street, sont apparemment très peu exposées aux problèmes étasuniens. Les banques européennes sont exposées de différentes façons, mais aucune ne l’est aussi sérieusement que le système bancaire mondial étasunien.

INCROYABLE EXPLICATION COMPTABLE
DES FAILLITES DE BANQUES (FAILLITES NON NÉCESSAIRE ?!)

[bgcolor=#FFFF99]« L’autre scandale financier: les banques ne savent plus compter ! [/bgcolor]»

http://www.marianne2.fr/L-autre-scandale-financier-les-banques-ne-savent-plus-compter!_a92291.html

[b]L’autre scandale financier: les banques ne savent plus compter ![/b]

[i]« Pour mieux comprendre la crise financière, Marianne2 interroge des économistes sur ses épisodes marquants. Aujourd’hui, Didier Marteau, professeur à l’ESCP-EAP et spécialiste des marchés d’options, décrypte ces normes comptables qui ont plongé dans la faillite des banques pourtant parfaitement solvables.

Où est passé tout cet argent ? Sans crier gare, ensorcelés par la crise, les comptes des établissements financiers, pleins d’actions et de créances, se sont vidés de toute valeur. Certes la crise des subprimes a fait plonger des titres, rendus invendables… mais pas au point de voir sombrer les plus grandes banques et assurances occidentales dans l’abîme de la faillite ! À côté de la société de prise de participation de l’Etat et de la société de refinancement annoncées par Christine Lagarde, une mesure plus nébuleuse a été avancée sur l’obscure « norme comptable IFRS », responsable selon la ministre de l’Economie d’une grande partie des maux que connaît aujourd’hui la finance.

Comment des banques riches de milliards d’euros d’actions se sont-elles retrouvées en faillite du jour au lendemain ?

Didier Marteau, professeur à l’ESCP-EAP et chargé de cours en 3è cycle à l’Université Paris I Sorbonne et à Paris Dauphine. [/i]

Si les subprimes sont à l’origine de l’effondrement de beaucoup de valeurs, [bgcolor=#FFFF99]les normes comptables ont été la vraie raison de l’amplification et de la propagation de la crise.[/bgcolor] Pour calculer leurs résultats, toutes les banques du monde utilisent le même outil de calcul : [bgcolor=#FFFF99]la norme IFRS[/bgcolor] (International Financial Reporting Standards : références internationales de comptabilité financière). Selon cette norme, la valeur des créances dont une banque dispose dans son stock doit être calculée suivant le prix du marché. Si une banque dispose de 100 unités d’une créance et que le cours de cette créance sur le marché est de 10€, la banque devra déclarer 1.000€ de réserve.

Or, après les subprimes, les banques ont commencé à se méfier énormément les unes des autres. Cette crise de défiance a énormément réduit les échanges car tout le monde a eu peur de se voir vendre des produits pourris, des créances « contaminées » par la crise. Mais les banques avaient tout de même besoin de vendre et se sont mises à céder des valeurs de bonne qualité à des prix bien en dessous de leur valeur réelle. Sur les 100 unités de tout à l’heure, au lieu d’en vendre 90 par jour, la banque n’en vendait plus que 10 mais, au lieu de les vendre à 10€, elle les bradait à 3€, un prix «distressed» («cassé»).

Le problème qui s’est posé c’est que, pour calculer leur bilan, les banques ont dû appliquer le prix du marché - qu’elles avaient cassé pour pouvoir vendre - à leur stock d’actifs. Dans notre exemple, même si la banque n’a vendu que 10% de ses créances à 3€, elle doit appliquer ce prix à tout le reste de son stock pour déclarer son bilan. Du coup, au lieu d’avoir 90 unités à 10€ (leur prix normal), lui garantissant 900€ de réserve, elle doit comptabiliser ces 90 unités au prix cassé du marché 3€ et n’a donc plus que 270€ de réserve. Trois fois moins !

Au moment de faire leurs comptes, les banques ont donc dû déclarer des pertes considérables qui étaient simplement causées par la défiance des marchés qui les obligeaient à brader leurs actifs. [bgcolor=#FFFF99]Or, selon la réglementation Bâle II qui définit les critères de solvabilité d’une banque, une banque doit toujours disposer de réserves égales en valeur aux prêts qu’elle a émis, sans quoi elle est déclarée en faillite.[/bgcolor] Par conséquent, certaines banques qui disposaient de stock d’action largement suffisant mais qui ont vendu aux prix cassés du marché durant la crise ont été obligées de se déclarer en faillite.

Dans cette situation, où se trouvent de nombreuses banques européennes ou américaines, il y a [b]trois possibilités :[/b]

1.Vendre d’autres actifs pour renflouer les caisses mais on multiplie ainsi le nombre de titres en circulation et on fait baisser leur valeur : le serpent se mort la queue.

2.Recapitaliser les banques. C’est ce qui a été décidé dans le cadre du plan européen par lequel les Etats ont racheté des parts des banques pour qu’elles disposent de fonds propres pour couvrir les emprunts émis.

[bgcolor=#FFFF99]3.SUSPENDRE LA NORME COMPTABLE IFRS[/bgcolor], ce qu’a également proposé Christine Lagarde.

La troisième solution consiste à changer de référence : au lieu de calculer les fonds en se basant sur le prix du marché (mark to market), on fixe une valeur modèle qui sert de référence à toutes les banques dans le calcul de leur bilan (mark to model). Si on revient à notre banque de tout à l’heure, au lieu de compter les 90 unités qu’elle a en réserve à 3€, qui est le prix cassé du marché, on va établir une référence à 9€ pour comptabiliser ses fonds propres. Au lieu de se retrouver à déclarer 270€, la banque pourra déclarer 810€. Elle aura certes subi une forte perte mais cela pourra lui éviter de se déclarer en faillite alors que la valeur des actions qu’elle a en réserve ne s’est effondrée qu’à cause du climat de défiance.


[i]Didier Marteau est membre de la Société d’économie politique. Il est l’auteur de Monnaie, Banque et Marchés Financiers paru en mars 2008 aux éditions Economica.

Vendredi 17 Octobre 2008 - 18:27, Propos recueillis par Sylvain Lapoix[/i]


Mon commentaire : si cela est vrai, on peut s’étonner que nos « représentants » choisissent la solution n°2 qui est proprement RUINEUSE et qui enferme un peu plus les peuples et leurs simili démocraties dans la PRISON DE LA DETTE, non ?


Aussi, mon esprit — sottement paranoïaque — fait-il un lien avec le document suivant, signalé hier ici-même par André-Jacques (merci AJH), thèse complotiste, assurément :

[bgcolor=#FFFF99]« Derrière la panique, la guerre financière pour le futur pouvoir bancaire mondial »[/bgcolor]

Une analyse « complotiste » assumée (mais pas forcément fausse pour autant, évidemment,
sauf pour les faux naïfs qui voudraient nous forcer à penser qu’il n’y a jamais aucun complot nulle part),
analyse très intéressante de F. William Engdahl :

http://www.mondialisation.ca/index.php?context=va&aid=10558

[b]Derrière la panique, la guerre financière pour le futur pouvoir bancaire mondial[/b]

Ce qui ressort du comportement du marché financier européen ces deux dernières semaines, ce sont les anecdotes dramatiques de la crise financière et la panique qui servent délibérément à certaines factions influentes, dans et en dehors de l’Union européenne, à façonner la face future de la banque mondiale suite à la débâcle du subprime (prêt à haut risque) et des titres adossés à des créances (ABS) aux États-Unis.

Le développement le plus intéressant des derniers jours est la position allemande unifiée et forte de la chancelière, du Ministre des Finances, de la Bundesbank et du gouvernement de coalition. Tous sont opposés à un super-fond de renflouage bancaire du style étasunien dans l’Union européenne. Pendant ce temps-là, le Ministre étasunien des Finances, Henry Paulson, continue son copinage envers le capitalisme (Crony Capitalism) au détriment de la nation et au profit de ses copains du monde financier. C’est un cocktail inutilement explosif.

La chute de 7 à 10 pour cent de la bourse par jour fait les gros titres dramatiques de l’actualité et sert à susciter un grand sentiment de malaise proche de la panique chez le citoyen ordinaire. Les événements des deux dernières semaines dans les banques de l’UE, depuis le sauvetages de la situation dramatique des banques Hypo Real Estate, Dexia et Fortis, et l’annonce d’Alistair Darling, le Chancelier de l’Échiquier au Royaume-Uni, d’un changement radical dans la politique du traitement des banques en difficulté au Royaume-Uni, ont commencé à révéler les grandes lignes des diverses réponses européennes, à ce qui est en réalité une crise fabriquée aux États-Unis (« Made in USA »).

De sérieuses raisons font penser que Henry Paulson, l’ancien directeur général de Goldman Sachs, n’est pas stupide en tant que ministre des Finances. Il y a aussi des raisons réelles de croire qu’il agit en fait en fonction d’une stratégie à long terme bien pensée. La façon dont se déroulent à présent les événements dans l’UE tend à le confirmer. Comme me l’a dit un haut responsable banquier européen lors d’une discussion privée, « Une guerre est en cours entre les États-Unis et l’Union européenne pour définir la face future de la banque européenne. »

Du point de vue de ce banquier, la tentative en cours du Premier ministre italien Silvio Berlusconi et de Nicolas Sarkozy en France, de créer un « fond » commun en Union européenne, avec peut-être plus de 300 milliards de dollars pour sauver les banques en difficulté, serait de facto jouer directement dans la stratégie à long terme de Paulson et de l’establishment étasunien, en affaiblissant en réalité les banques et en remboursant les titres véreux d’origine étasunienne détenus par les banques de l’UE.

[bgcolor=#FFFF99]UTILISER LA PANIQUE POUR CENTRALISER LE POUVOIR[/bgcolor]

Comme je le documente dans mon prochain livre, Power of Money: The Rise and Decline of the American Century, (Le pouvoir de l’argent : essor et déclin du siècle étasunien), [bgcolor=#FFFF99]dans toutes les grandes paniques financières aux États-Unis depuis au moins celle de 1835, les titans de Wall Street, surtout la Maison JP Morgan avant 1929, ont déclenché délibérément la panique bancaire en coulisses pour consolider leur emprise sur la banque des États-Unis. Les banques privées ont utilisé la panique pour contrôler la politique de Washington, notamment la définition exacte de la propriété privée de la nouvelle Réserve fédérale en 1913, et pour consolider leur contrôle sur l’industrie, comme US Steel, Caterpillar, Westinghouse et ainsi de suite. En bref, ils sont les vétérans de ce genre de guerre financière pour l’élargissement de leur pouvoir.[/bgcolor]

Ils doivent maintenant faire quelque chose de semblable à l’échelle mondiale afin de pouvoir continuer à dominer la finance mondiale, le cœur de la puissance du siècle étasunien.

Cette pratique, du recours à la panique pour concentrer leur pouvoir privé, a créé une concentration extrêmement puissante de pouvoir financier et économique entre quelques mains du secteur privé, ces mêmes mains qui, en 1921, créèrent l’influent groupe d’expert en politique étrangère étasunienne, le [bgcolor=#CCCCCC]Council on Foreign Relations[/bgcolor], pour guider la montée du Siècle Étasunien, tel que l’appelait le fondateur de l’époque, Henry Luce dans un essai capital en 1941.

Il devient de plus en plus évident que les gens comme Henry Paulson, qui, par la façon dont il fut l’un des promoteurs les plus énergiques de la révolution de l’ABS à Wall Street, avant de devenir ministre des Finances, sont animés par des mobiles qui dépassent de loin leurs instincts de cupidité. Dans ce contexte, la propre expérience de Paulson est intéressante. Dans le passé, à l’aube des années 70, Paulson entama sa carrière en travaillant pour un homme célèbre nommé John Ehrlichman, l’impitoyable conseiller en politique intérieure de Nixon qui, à l’époque du Watergate, avait créé les fameux Plombiers pour réduire au silence les adversaires du Président, et que Nixon a abandonné « à être forcé d’exister sans soutien » en prison pour lui.

Paulson semble avoir pris de la graine de son mentor de la Maison Blanche. Selon un article du New York Times, quand il était coprésident de Goldman Sachs, il a fait partir de force en 1998 son coprésident, Jon Corzine, dans ce qui équivalait à «un coup d’État».

Il devient évident que Paulson, et ses amis de Citigroup et JP Morgan Chase, ont une stratégie, de même que le parrain de la titrisation des hypothèques et de la déréglementation bancaire, l’ancien président de la Réserve fédérale, Alan Greenspan, comme je l’ai exposé en détail dans la partie IV de ma précédente série, Financial Tsunami.

Étant sûrs qu’à un moment la pyramide de billions de dollars de subprimes douteux et des autres titres adossés à des prêts hypothécaires à hauts risques allaient s’effondrer, ils étaient apparemment déterminés à propager le plus possible dans le monde entier les ainsi nommés « déchets toxiques » de l’ABS, pour attirer les grandes banques du monde, plus particulièrement celles de l’Union européenne, dans leur piège à miel.

Ils avaient de l’aide. Lors de son dernier témoignage sous serment, Eric Dinallo, le directeur du New York Insurance Department, a déclaré à l’audition de surveillance du renflouage d’AIG de Paulson, que la réduction du financement ces dernières années dirigées par le gouvernement de Bush-Cheney, avait réduit la fiabilité du département, qui devait contrôler ou veiller sur 80 billions de dollars de titres adossés à des créances (ABS), incluant le subprime empoisonné, les titres hypothécaires de catégorie Alt-A et bien d’autres. Le gouvernement Bush a réduit son personnel de plus de 100 personnes à une seule. Oui « UNE, » ce n’est pas une faute de frappe.

Est-ce que c’était juste une coupe de budget par ferveur idéologique, ou était-ce délibéré ? Est-ce que le responsable garantissant qu’aucune personne efficace au gouvernement ne supervise l’explosion de la titrisation des actifs hypothécaires était l’ancien homme de Goldman Sachs, l’homme qui avait convaincu le Président d’embaucher Paulson, l’ancien directeur de l’Office of Management and Budget (OMB) de Bush, l’actuel chef d’état-major du Président : Joshua Bolten ?

Ce sont peut-être des questions que le Congrès ferait bien de poser à des gens comme Henry Paulson et Joshua Bolten, au lieu de questions de diversion du genre de la hauteur de la prime reçu par Richard Fuld a Lehman. N’y a-t-il pas, là sur le cadavre, les empreintes digitales de M. Bolten ? Et pourquoi n’y a-t-il aucune question sur le rôle de Paulson en tant que directeur général de Goldman Sachs, le promoteur de Wall Street le plus agressif en faveur des titres exotiques et des autres produits de titrisation adossés à des actifs ?

Il semblerait aujourd’hui que la stratégie de Paulson était d’utiliser une situation de crise, de crise préprogrammée, prévisible dès 2003, quand Joshua Bolten est devenu chef de l’OMB, au moment où tout ça a éclaté, pour affoler les gouvernements les plus conservateurs de l’Union européenne en les précipitant au secours des actifs toxiques des États-Unis.

Si cela devait arriver, ça détruirait ce qui reste de bon dans le système bancaire et les institutions financières de l’UE, rapprochant d’un pas de plus le monde vers un marché monétaire contrôlé par les copains de Paulson, des copains du style capitaliste étasunien. Le «copinage capitaliste» est certainement une explication appropriée ici. Robert Rubin, le prédécesseur de Paulson à la fois chez Goldman Sachs et aux Finances, aimait accuser les banquiers asiatiques de Thaïlande, d’Indonésie et des autres pays frappés en 1997 par les attaques spéculatives des fonds de couverture sponsorisés par les États-Unis, de «copinage capitaliste» donnant l’impression que la crise avait sa source en Asie et n’était pas la conséquence d’attaques délibérées des institutions financières parrainées par les États-Unis pour objectif d’éliminer entre autres le modèle du Tigre asiatique et transformer l’Asie en bailleur de fonds de la dette étasunienne.


Il est intéressant de noter que Rubin est à présent directeur de Citigroup, manifestement l’une des banques survivantes des «copains de Paulson», la banque qui a dû jusqu’ici passer par pertes et profits la plus grande somme en actifs titrisés empoisonnés.

Si l’allégation de panique planifiée est exacte, dans le style de la panique de 1907, et c’est un grand si, alors le plan a réussi . . . jusqu’à un certain point. Ce point est tombé pendant le week-end du 3 octobre, par hasard au moment des vacances de l’unification nationale de l’Allemagne.

L’Allemagne lâche le modèle étasunien

Dans la soirée du dimanche 5 octobre, lors de pourparlers à huis clos, Alex Weber, le patron réaliste de la Bundesbank, Jochen Sanio, le dirigeant de BaFin, et des représentants du gouvernement de coalition à Berlin de la chancelière Angela Merkel, ont lancé pour Hypo Real Estate (HRE) un plan de renflouage d’un valeur nominale de 50 milliards d’euros. Toutefois, derrière ce chiffre considérable dans les gros titres, comme le soulignait Weber dans une lettre rendue publique du 29 septembre au ministre des Finances Peer Steinbrück, non seulement les banques privées allemandes ont proposé 60 pour cent de ce chiffre, avec 40 pour cent pour l’État, mais en plus, compte tenu de l’attention avec laquelle le gouvernement, en coopération avec la Bundesbank et BaFin, ont structuré l’accord de crédit de secours, dans le pire des scénarios, la perte maximale possible pour l’État, serait limitée à 5,7 milliards, et non pas à 30 milliards d’euros comme beaucoup l’ont cru. C’est toujours de l’argent, mais pas le chèque en blanc de 700 milliards de dollars que le Congrès des États-Unis, contraint par les quelques jours de chute des cours boursiers, a décidé de donner à Paulson.

[bgcolor=#FFFF99]La rapidité d’action du ministre des Finances Steinbrück à virer la direction de HRE, en contraste frappant avec Wall Street où les mêmes délinquants fraudeurs restent dans leur bureau à récolter d’énormes primes, montre aussi l’approche différente.[/bgcolor] Mais cela ne tranche pas le nœud du problème. La situation de HRE provient, comme noté précédemment, des excès de sa banque filiale auxiliaire, en propriété exclusive, DEPFA en Irlande, un pays de l’UE connu pour sa réglementation libérale relâchée et son bas régime fiscal.

Changement dans la politique britannique

Au Royaume-Uni, après le stupide et coûteux renflouage de Northern Rock en début d’année, le gouvernement du Premier ministre Gordon Brown vient d’annoncer un changement politique radical allant dans le même sens que l’Allemagne. Les banques britanniques obtiendront exceptionnellement 50 milliards de livres (64 milliards d’euros) de renflouage du gouvernement et des prêts de secours de la Banque d’Angleterre.

Le trésor public a déclaré que le gouvernement allait acheter des actions privilégiées de la Royal Bank of Scotland Group Plc, de Barclays Plc et d’au moins six autres banques, et fournira environ 250 milliards de livres de garanties de prêts pour refinancer la dette. La Banque d’Angleterre mettra à disposition au moins 200 milliards de livres. Le plan ne précise pas combien obtiendra chaque banque.

[bgcolor=#FFFF99]Tout ça signifie que le gouvernement britannique nationalise, au moins partiellement, ses banques internationales les plus importantes, au lieu de racheter leurs prêts véreux dans le style d’un plan inapplicable à la Paulson.[/bgcolor] Dans ce genre d’approche, le coût pour le contribuable du Royaume-Uni sera bien moindre, car, une fois la crise calmée et les affaires revenues à la normale, le gouvernement pourra vendre des parts de l’État aux banques en bonne santé avec peut-être un bon bénéfice pour le trésor public. Le gouvernement Brown a sans doute réalisé que la couverture de garantie accordée à Northern Rock et Bradford & Bingley en début d’année n’a fait qu’ouvrir les vannes des dépenses gouvernementales sans arranger le problème.

La nouvelle politique étasunienne de nationalisations, par rachat des obligations sans valeur détenues par des banques sélectionnées que Paulson a choisi de sauver, plutôt que de recapitaliser les banques pour leur permettre de continuer à fonctionner, contraste énormément de l’approche idéologique du « marché libre » de Paulson.

[b]Les lignes de la bataille se dessinent[/b]

Que se dégage-t-il des grandes lignes des deux approches opposées face au développement de la crise ? À présent, le plan Paulson fait manifestement partie d’[bgcolor=#FFFF99]un projet visant à créer trois géants financiers mondiaux colossaux : Citigroup, JP Morgan Chase et, bien entendu, la propriété de Paulson, Goldman Sachs, devenue maintenant assez opportunément une banque. Ayant utilisé avec réussite la peur et la panique pour arracher 700 milliards de dollars de renflouage au contribuable, désormais les trois grands essayeront leurs muscles hors du commun à ravager les banques européennes dans les années à venir.[/bgcolor] Tant que les plus grandes agences financières de notation du monde, Moody’s et Standard & Poors, sont épargnées par les scandales et les auditions au Congrès, le pouvoir financier réorganisé de Goldman Sachs, Citigroup et JP Morgan Chase pourrait potentiellement se regrouper et accélérer leur ordre du jour mondial dans les prochaines années, en marchant sur les cendres de la faillite de l’économie étasunienne, mise en banqueroute par leurs folies.


En s’accordant sur la stratégie de nationalisation des banques que les ministres des Finances de l’UE estiment « trop stratégiques par leur caractère systémique pour faire faillite » tout en garantissant les dépôts bancaires, les plus grands gouvernements de l’UE, l’Allemagne et le Royaume-Uni, ont opté, contrairement aux États-Unis, pour ce qui ira dans le plus long terme, en permettant aux géants bancaires de résister aux attaques financières prévues de leurs homologues, Goldman ou Citigroup. La liquidation spectaculaire des actions sur les bourses d’Europe et d’Asie est en réalité un problème secondaire de loin le moins critique. Selon des rapports du marché, ce bradage est alimenté surtout par les fonds de couverture (hedge funds) étasuniens qui tentent désespérément de remonter le niveau des espèces, car ils réalisent que l’économie étasunienne se dirige vers une dépression économique, celle à laquelle ils se sont exposés et pour lesquelles le plan Paulson ne règle rien.

Un mécanisme restaurant la solvabilité du système bancaire et interbancaire est de loin le plus stratégique. La débâcle de l’ABS était « Made in New York » Néanmoins, ses effets doivent être isolés et les banques viables de l’UE défendues dans l’intérêt public, et non pas, comme aux États-Unis, dans le seul intérêt des banques des «copains de Paulson». Les instruments non réglementés à l’étranger, comme les hedge funds et les banques et assurances non réglementées, se sont tous engagés dans la construction de ce que j’ai appelé un tsunami de 80 billions de dollars en ABS. Certains des gouvernements les plus conservateurs de l’UE ne sont pas sur le point d’acheter le remède proposé par Washington.

Tout en s’emparant des gros titres, la baisse coordonnée des taux d’intérêt de la BCE et des autres banques centrales européennes ne fait pas grand chose en réalité pour traiter le vrai problème : la peur des banques à se prêter entre elles tant que leur solvabilité n’est pas assurée.

En amorçant un état partiel de nationalisation dans l’UE, et en rejetant le système de renflouage des Berlusconi-Sarkozy, les gouvernements de l’UE, cette fois menés de façon intéressante par l’Allemagne, mettent en place une base saine pour sortir de la crise.

Restez à l’écoute, c’est loin d’être terminé. Il s’agit d’une lutte pour la survie d’un Siècle étasunien en construction depuis 1939 sur les piliers jumeaux de la domination financière et militaire : l’éventail complet de la dominance étasunienne.

Les banques asiatiques, gravement endommagées par la crise d’Asie de 1997-98 pilotée par Wall Street, sont apparemment très peu exposées aux problèmes étasuniens. Les banques européennes sont exposées de différentes façons, mais aucune ne l’est aussi sérieusement que le système bancaire mondial étasunien.

http://www.mondialisation.ca/index.php?context=va&aid=10558


Alors… Info ou intox ?

:confused:

Étienne.

[bgcolor=#FFFF99]DÉBAT François ASSELINEAU vs Nicolas BAVEREZ[/bgcolor]

« Radio Notre-Dame a eu l'excellente idée d'organiser un débat entre François ASSELINEAU et Nicolas BAVEREZ, l'essayiste en vogue auquel la presse écrite et les médias ouvrent continuellement colonnes et antennes pour chanter, depuis des années, les bienfaits du libéralisme, de la mondialisation et des "réformes indispensables" pour "la France qui tombe"'.

Mais, cette fois-ci, grâce à Radio Notre Dame, la langue de bois a - enfin ! - volé en éclat.

Face à un Nicolas BAVEREZ gêné et contraint de ressasser continuellement la pensée unique, le président de l’UPR a exposé les racines de la crise financière, démontré l’écrasante co-responsabilité de la construction européenne dans la genèse de cette catastrophe, souligné l’énormité des sommes en jeu et l’irresponsabilité de ceux qui ont conduit à ce désastre, et fait des propositions précises pour empêcher que pareil scénario puisse se renouveler.

François ASSELINEAU a également amené Nicoals BAVEREZ à reconnaître que son fameux modèle américain ne vivait en fait que d’hyper-endettement et était sur le déclin, à avouer sans le dire que les critères de Maastricht n’étaient plus pertinents, et à reconnaître qu’au fond, les libéraux n’ont aucune proposition sérieuse pour lutter contre la spéculation et pour sortir de la crise.

Avec plus de 60.000 auditeurs, l’audience de Radio Notre Dame a battu des records. Preuve que les Français ont envie d’entendre enfin des vrais débats et pas les débats de connivence. »

Le débat

[url=http://etienne.chouard.free.fr/forum/viewtopic.php?pid=5110#p5110][b]Étienne a écrit[/b] :[/url]

Alors… Info ou intox ?

:confused:

Étienne.


Pour moi, c’est de l’info, mais c’est aussi de l’intox dans le sens où celui qui le donne a un intérêt particulier à ce que ce soit connu.

Comme la logique décrite ressemble assez bien à ce qui était à attendre dans le modèle théorique que je développe moi-même, je suis preneur, mais pas sans réserves. Il est évident que nous évoluons vers un monde multipolaire… et que la guerre économique pour la domination fera autant de dégâts collatéraux que nécessaire.

Notre problème à nous, les citoyens et les peuples, c’est d’éviter que nos élites s’appuient sur la crise sous-jacente pour faire passer la règlementation qui rendrait « plus compétitive » nos élites dans ces batailles, en sacrifiant les droit des citoyens et en fait les exploitant carrément comme ressources… on se croirait un humain-batterie dans Matrix qui n’arrive pas à se réveiller des doux rêves induits…

Nous devons croire que les citoyens des autres pôles stratégiques ou puissances ont à s’opposer à des stratégies pareilles de la part de leurs élites, et que ce n’est pas en cédant que nous nous aiderons nous-mêmes et les autres peuples.

On n’attrape pas la lune

Extrait d’un article de Jean-Marie Harribey (co-président d’ATTAC, économiste) paru dans L’Humanité ce 18 octobre 2008. Le texte de cet article fait suite à celui que J.-M. Harribey avait écrit au moment de la lutte contre le CPE, « Dessine-moi un modèle » (L’Humanité, 24 mars 2006).

– « Bonjour, dit le petit prince. – Bonjour, dit le grand banquier. – Que fais-tu ? demanda le petit prince. – Je prête de l’argent à qui en veut. Aux riches, qui m’en rendront davantage, et aux pauvres qui m’en rendront encore plus, avec des intérêts importants. – Et où prends-tu cet argent ? questionna le petit prince en fronçant les sourcils. – Je ne le prends nulle part puisque c’est moi qui le crée. – Tu fais ça souvent, comme tu veux ? Tu n’as pas de limite ? – J’ai les coudées franches parce que le banquier central ferme les yeux et j’ai convaincu le gouvernement que c’était bon pour tout le monde. [...]

[bgcolor=#FFFF99]La dette nationale américaine explose les compteurs[/bgcolor]
http://tempsreel.nouvelobs.com/actualites/buzz_sur_le_web/20081010.OBS5301/la_dette_nationale_americaine_explose_les_compteurs.html

Installée à New York, la "National Debt Clock" affiche depuis 1989 l'état de la dette nationale américaine. Mercredi, elle s'est trouvée à court de place avec une dette de [color=red][b]plus de 10.000 milliards de dollars[/b][/color].

[bgcolor=#FFFF99]On n’attrape pas la lune[/bgcolor]
le texte intégral de Jean-Marie Harribey (avec les notes, merci Sam :))
(L’Humanité, 18 octobre 2008)

Ce texte fait suite à celui que j’avais écrit au moment de la lutte contre le CPE, « Dessine-moi un modèle », L’Humanité, 24 mars 2006, http://harribey.u-bordeaux4.fr/travaux/travail/dessin-modele.pdf

– « Bonjour, dit le petit prince. » (1)

– Bonjour, dit le grand banquier.

– Que fais-tu ? demanda le petit prince.

– Je prête de l’argent à qui en veut. Aux riches, qui m’en rendront davantage, et aux pauvres qui m’en rendront encore plus, avec des intérêts importants.

– Et où prends-tu cet argent ? questionna le petit prince en fronçant les sourcils.

– Je ne le prends nulle part puisque c’est moi qui le crée.

– Tu fais ça souvent, comme tu veux ? Tu n’as pas de limite ?

– J’ai les coudées franches parce que le banquier central ferme les yeux et j’ai convaincu le gouvernement que c’était bon pour tout le monde.

– Est-ce que les pauvres pourront te rembourser ?

– Sans problème, car j’ai pris soin de leur faire signer une hypothèque sur la valeur de leur logement qui ne cesse de monter.

Le petit prince se tut, réfléchit un instant et questionna de nouveau :

– Pourquoi le prix des habitations augmente-t-il ? On y fait des améliorations, des aménagements ?

– On n’y fait rien. Car il faudrait que les pauvres fassent un deuxième emprunt pour rénover leur maison. Non, les prix de tous nos actifs montent parce que tout le monde croit qu’ils vont monter. C’est un phénomène auto-référentiel, dit le grand banquier, en prenant un air pénétré. On inscrit tout cela dans notre bilan et les actionnaires sont aux anges.

– Sur la Terre, vous ne faites donc rien et la valeur des choses s’accroît spontanément ? Comment est-ce possible ?

– Ah, si, répondit le grand banquier. Nous produisons beaucoup de marchandises. Mais la production augmente lentement, à cause du prix du pétrole, des travailleurs qui veulent en faire toujours moins, des grèves, des charges qui pèsent sur les entreprises, et de bien d’autres contraintes. Alors, on pratique le métier de la finance. C’est plus rentable et ça va plus vite.

– La finance est-elle totalement détachée des choses matérielles ? J’ai entendu dire que vous faisiez aussi pousser des tomates hors sol, est-ce pareil pour la finance ?

– On croit que oui, mais, en réalité, non. Comme on gagne beaucoup d’argent en spéculant, ça pousse les normes de rentabilité à la hausse et ça oblige les entreprises à restreindre les coûts salariaux. Tous ceux qui ont investi du capital ont ainsi un meilleur retour. C’est le secret : la plus-value réelle d’un côté permet une plus-value boursière de l’autre.

– Et tu n’as pas peur que ça s’écroule ?

– Non, car il y a des médias spécialisés pour entretenir la confiance et nous avons un grand président qui a promis de tout garantir.

– Et comment pourra-t-il tenir cette promesse ?

– Ah, on ne t’explique donc rien sur ta planète ! Je viens de te le dire : tout marche tant que les anticipations à la hausse concomitante de la productivité et de la Bourse se poursuivent. Le président a compris qu’en travaillant, on s’enrichissait. N’est-ce point ainsi chez toi ? À ce propos, comment se porte la Bourse sur ta planète ?

– Il n’y a pas de Bourse sur mon étoile, rétorqua le petit prince. La seule magie est celle de la lumière qui nous éclaire et nous chauffe gratuitement.

À cet instant, un point rouge clignota sur l’écran de l’ordinateur du grand banquier et une courbe apparut : les cours boursiers s’effondraient les uns après les autres, au point que la cotation fut interrompue. Pris de panique, le grand banquier s’enfuit, dévala l’escalier pour rattraper le cours de son action, mais en vain, le parachute doré accroché à son dos le ralentissait. La crise était là.

Le petit prince, assez décontenancé par les évènements, reprit sa marche et rencontra le renard.

– Connaissez-vous souvent sur Terre des crises de cette nature ? lui demanda le petit prince.

– De plus en plus souvent, hélas, car les privatisations, la diminution de la sécurité sociale et la baisse des salaires ont donné l’illusion aux financiers et à tous ceux qui ont beaucoup d’argent qu’ils pouvaient éternellement planer en l’air, en pariant sur la pérennité de cette fiction.

– N’y a-t-il personne pour avertir du danger ?

– Pas beaucoup. La majorité des économistes sont payés pour vanter la magie de la Bourse, par exemple pour verser des retraites, la capacité du capital à se valoriser tout seul, sans passer par la case travail, et la vertu du marché à être la clé de l’harmonie universelle.

– Je ne comprends rien à votre manière de vivre, dit le petit prince. Toutes les crises ne vous servent donc pas de leçons ? Que faites-vous pour les éviter ? Sont-elles une maladie incurable ou bien les hommes sont-ils totalement dépourvus de logique ?

– C’est très compliqué, répondit le renard. Les hommes ne manquent pas d’esprit logique, mais la logique du capitalisme est encore plus forte. Ceux qui tiennent l’argent ont le pouvoir et ils crient sur les toits qu’il suffit de moraliser les choses, d’écarter les brebis galeuses, sans toucher au principe sacro-saint de la propriété et de la recherche du profit.

Le petit prince montrait des signes d’incompréhension de plus en plus grands :

– Dans votre système, faut-il entendre que vous bannissez la morale des relations entre les hommes ?

Le renard soupira et esquissa un geste d’impuissance :

– Le système est plongé dans « les eaux glacées du calcul égoïste » (2) et la morale est pour lui un corps étranger. Je voulais juste te dire que la proposition de le moraliser est là pour faire diversion, tandis qu’une spéculation chasse l’autre, hier sur l’immobilier, aujourd’hui sur le blé ou le riz, demain sur les énergies renouvelables, et tandis que la croissance de l’économie épuise toutes les ressources naturelles.

– Les hommes ne s’inquiètent-ils pas de ce risque ?

– Beaucoup de voix assurent que « le progrès des connaissances compensera l’épuisement des ressources » (3).

Le petit prince marqua un instant d’arrêt, puis reprit, un peu hésitant :

– Votre eau devient imbuvable, mais cela vous suffit-il de le savoir, grâce à la science ? La soif de savoir étanche-t-elle votre soif d’eau fraîche ? Au cours de mes voyages, j’ai rencontré un marchand de pilules qui enlèvent la soif, et ses clients ne savaient plus quoi faire de leur temps. « Les hommes s’enfournent dans les rapides, mais ils ne savent plus ce qu’ils cherchent. Alors ils s’agitent et tournent en rond… » (4) Vous voulez décrocher la lune « avec les dents »(5), grimpés sur l’échelle de la finance qui pense pouvoir atteindre le ciel. Si vous faites tomber la lune, vous n’aurez plus de marées pour rythmer vos chants et je perdrai mon réverbère sous lequel je parle aux étoiles et écoute la brise lointaine qui me parvient de la Terre.


Notes :

  1. A. de Saint-Exupéry, Le Petit Prince, 1940.
  2. K. Marx, F. Engels, Manifeste du parti communiste, 1848.
  3. J.P. Fitoussi, E. Laurent, La nouvelle écologie politique, Economie et développement humain, Paris, Seuil,2008.
  4. A. de Saint-Exupéry, Le Petit Prince, 1940.
  5. N. Sarkozy, campagne électorale 2007.

[bgcolor=#FFFF99]« Frédéric Lordon : conférence sur la crise financière »[/bgcolor]

Passionnante [bgcolor=#66FF00]vidéo[/bgcolor]
Frédéric est en pleine forme :slight_smile:

Je viens de passer quatre heures à vous la retranscrire.
Bonne lecture.

« Personne n’a prêté attention à ce que garantit le plan français : ce ne sont pas les prêts interbancaires qui sont garantis par la France (comme le font les Anglais et les Allemands) ; l’État français apporte sa garantie à une « structure de refinancement des banques », c’est tout autre chose ; c’est un mauvais doublon de banque centrale. »

« Le plus grave problème est que ce plan français limite la garantie du prêteur en dernier ressort, alors qu’il est absolument nécessaire pour le système que cette garantie soit illimitée (renvoi à Michel Aglietta). »

« Vous savez, avec 700 milliards, on peut faire plein de choses différentes : je m’étonne qu’on n’ait pas envisagé [b]une troisième solution, beaucoup plus prometteuse et curieusement jamais envisagée : [color=red]utiliser ces centaines de milliards dans une caisse de refinancement hypothécaire des ménages américains.[/color][/b] En d’autres termes, [size=12][bgcolor=#FFFF99][b]non pas sauver les banques, mais SAUVER LES MÉNAGES POUR SAUVER LES BANQUES[/b][/bgcolor][/size] »

AVANTAGES IMMÉDIATS : au lieu d’exposer les finances publiques à un choc monumental,

1) cette formule étale la charge sur les échéanciers nominaux des crédits hypothécaires, on lisserait l’effort des finances publiques sur 20 ou 30 ans !

2) la restauration des ménages dans leur situation d’emprunteurs, certes aidés mais solvables, aurait pour effet de rétablir AUSSITÔT la continuité des paiements sur la dette hypothécaire et donc ramènerait IMMÉDIATEMENT les titres dérivés dépréciés (les APS, les CDO, qui plombent les bilans bancaires…) à leur valeur initiale puisque cette valeur repose précisément sur la régularité des paiements des emprunteurs initiaux.

[bgcolor=#FFFF99]Par conséquent, cette revalorisation des titres dérivés éteint INSTANTANÉMENT les pertes bancaires et reconstitue AUSSITÔT les bases de capitaux propres et dégèle DANS L’INSTANT les marchés de crédit, or c’est bien ça le problème auquel nous avons à faire face.[/bgcolor]

3) Dernier avantage qui n’est pas le plus économique mais qui n’est pas le moins intéressant : réinstaller les ménages dans leur situation d’emprunteurs solvables et dans leur situation d’occupants de leur logement pour ceux dont la maison n’a pas encore été revendue sont une décision politique dont les effets de légitimation sont d’une puissance qu’on ne sous-estimera pas : on pourrait ainsi rétablir un cercle vertueux où la confiance appelle la confiance (au lieu du cercle vicieux qu’on s’apprête à reconduire).


Or, TOUS les plans qu’on nous propose sont des packages d’aide UNILATÉRALE à la finance, ce qui est politiquement insoutenable, et surtout SANS CONTREPARTIES alors que [bgcolor=#FFFF99]les contreparties sont précisément le point stratégique qui pourrait nous permettre de sortir du dilemme autrement fatal du risque systémique qui ne nous laisse le choix qu’entre deux solutions catastrophiques : 1) secourir la finance mais, ce faisant, sauver la mise aux irresponsables, ou bien ne pas les sauver et aller à la ruine totale.[/bgcolor]

Or, ce dilemme admet une solution très simple, dont on pourrait, par ironie, trouver le nom dans le lexique emprunté au FMI, ça s’appellerait [b]la [bgcolor=#66FF00]CONDITIONNALITÉ[/bgcolor] : le prix à payer de l’aide étatique serait la REFONTE RADICALE DE LA STRUCTURE DE LA FINANCE suivant quelques grands PRINCIPES :[/b]

[bgcolor=#CCFFFF]Principe 1 : LE CONTRÔLE DES RISQUES EST UNE CHIMÈRE.[/bgcolor]

L’incapacité des financiers à évaluer leurs risques n’est pas accidentelle, elle est principielle, elle est essentielle.
Par conséquent, elle est définitive et insurmontable. Je dis que c’est un problème sans solution.
Donc, [bgcolor=#66FF00]la capacité des banques à prendre des risques doit être limitée drastiquement ab initio.[/bgcolor]

[bgcolor=#CCFFFF]Principe 2 : QUAND UNE BULLE EST FORMÉE, IL EST TROP TARD.[/bgcolor]

La bulle est vouée à crever, le risque systémique à s’armer, et la prise d’otage dans laquelle sont enfermées les puissances publiques à se refermer comme un piège implacable, et d’ailleurs, nous y sommes.

En conséquence, la reconstruction des structures de la finance doit poursuivre [bgcolor=#66FF00]l’objectif, exigeant mais stratégique, d’EMPÊCHER que des bulles ne se reforment.[/bgcolor]

[bgcolor=#CCFFFF]Principe 3 : LA RÉGULATION FINANCIÈRE DOIT ABANDONNER LE PRINCIPE du « level playing field » (à l’œuvre dans les accords de supervision internationale du type Bâle I et II) qui nous condamne fatalement à nous contenter D’UNE RÉGULATION MINIMALE.[/bgcolor]

Il faut considérer la [bgcolor=#66FF00]nécessité d’une zone plus restreinte, à régulation supérieure[/bgcolor]. Or une telle zone serait déstabilisée si elle était maintenue dans un environnement de parfaite liberté de mouvements des capitaux.

La différence de régulation va donc nécessairement avec la protection.

[bgcolor=#CCFFFF]Principe 4 : L’EUROPE EST UN ESPACE D’ACTIVITÉ FINANCIÈRE AUTO-SUFFISANT. [/bgcolor]

Par la variété de ses classes d’actifs, par la profondeur et la liquidité de ses marchés, cette proposition est difficilement contestable. Il en résulte que l’Europe est une candidate naturelle à constituer une zone financière régulée et dument protégée, ce qui suppose alors [bgcolor=#66FF00]la suppression immédiate de l’article 63 du traité de Lisbonne[/bgcolor] (à supposer qu’on veuille garder le reste d’ailleurs).


[align=center]* * * * *[/align]

[b]PROPOSITIONS opératoires : [/b](là, on va ouvrir le capot et mettre les mains dans le cambouis, parce que ce n’est pas le tout de proposer de réorganiser la finance, il faut vérifier la faisabilité de l’opération). On va commencer en douceur :

Proposition 1 : la [bgcolor=#FFFF99]DÉTITRISATION[/bgcolor].

Cette innovation est une plaie, elle est directement responsable de la crise présente. Il faut purement et simplement l’interdire. Je rappelle que cette technique date du début des années 90 et que les banques s’en passaient fort bien auparavant.

Proposition 2 : la [bgcolor=#FFFF99]DÉLEVIÉRISATION[/bgcolor].

Le vrai poison de la finance des marchés, c’est la leviérisation. Je rappelle qu’on appelle levier tout procédé qui permet à un opérateur de prendre des positions [des engagements] sur les marchés financiers au-delà de ses ressources propres.

Le premier levier à sévèrement restreindre est le levier d’endettement (et de façon autrement plus mordante que les dispositifs de Bâle I et II).

Autre levier, la leviérisation de marge, c’est-à-dire le levier lié au niveau ridicule des avances qui sont exigées pour prendre des positions qui sont parfois pharamineuses sur les produits dérivés sur ce qu’on appelle les « marchés organisés ». À quel niveau faut-il fixer le minimum de ces dépôts de marge réglementaire ? 50% ? 80 % 100 % Je n’en sais rien, mais en tout cas plus que les 2 à 5% qui sont en vigueur en ce moment.

Préalable à cette déleviérisation de marge : REPRENDRE LE CONTRÔLE DES ENTREPRISES DE BOURSE, car — le croirez-vous ? — les places de marchés financiers, c’est-à-dire la structure même de la finance déréglementée, sont des ENTREPRISES PRIVÉES et par conséquent SOUVERAINES.
On imagine d’ici l’empressement qu’elles auront à mettre en œuvre la re-règlementation dont nous sommes en train de parler…

Par exemple, parmi les plus grandes places de marché, il y a Euronext, dont la chambre de compensation n’est autre que Clearstream.

Donc NATIONALISATION OBLIGATOIRE DE CES PLACES DE MARCHÉ, éventuellement européenne, sous un statut à inventer.

Je vous fais grâce des propositions sur les marchés de gré à gré et j’en viens directement à la

Proposition 5 de [bgcolor=#FFFF99]POLITIQUE MONÉTAIRE : DOUBLE TAUX D’INTÉRÊT, UN TAUX PRODUCTIF ET UN TAUX SPÉCULATIF[/bgcolor]

D’où viennent les liquidités qui s’investissent sur les marchés, et qui sont en quelque sorte le carburant de la bulle ?

Hélas, elles viennent des épargnes des salariés en premier lieu, épargnes qui sont collectées par tous les investisseurs institutionnels : les assureurs, les OPCVM, les fonds de pension, etc.

Mais ces liquidités viennent aussi pour une part très importante du CRÉDIT BANCAIRE. Or, sur cette composante-là, la politique économique à directement prise, par le truchement de la politique monétaire. On peut donc envisager d’asphyxier la finance par le crédit, c’est-à-dire par un resserrement de la politique monétaire.

Vient alors une objection : l’économie va mourir presque en même temps que la finance. On rencontre-là un dilemme classique de la politique économique, dilemme qui est lié au fait que la politique monétaire ne dispose que d’UN SEUL INSTRUMENT pour suivre une multiplicité d’objectifs qui sont le plus souvent CONTRADICTOIRES.

Et c’est bien le cas ici : d’une part, soutenir la croissance, d’autre part, contenir la spéculation financière.

[bgcolor=#FFFF99]Ce dilemme n’a rien de fatal : sa solution consiste en UNE POLITIQUE MONÉTAIRE DÉDOUBLÉE[/bgcolor], qui distinguerait :

un taux d’intérêt réel (au sens de taux d’intérêt productif), consacré au refinancement des crédits destinés aux activités des agents productifs réels,

d’un taux d’intérêt spéculatif pour le refinancement des crédits destinés aux agents de l’économie financière.

[align=center]Il devient alors possible d’ÉLEVER LE TAUX D’INTÉRÊT SPÉCULATIF À DES NIVEAUX MEURTRIERS, POUR CASSER LES REINS DE LA SPÉCULATION,
tout en maintenant le taux d’intérêt productif à des niveaux aussi bas que l’on veut pour maximiser la croissance et l’emploi.
[/align]


[align=center]* * * * *[/align]

[b]Pistes complémentaires [/b]en cours de mise au point (pas encore complètement finalisées) :

[bgcolor=#66FF00]La NATIONALISATION étendue (intégrale ?) du secteur du CRÉDIT et de la FINANCE [/bgcolor]

La nationalisation de la finance a pour elle deux arguments de principe d’une solidité extrême :

[color=red][b]Argument 1 : les dépôts, les épargnes, le crédit, sont des biens VITAUX pour la société.

Or, on ne confie PAS à des intérêts PRIVÉS un bien PUBLIC VITAL pour la SOCIÉTÉ.[/b][/color]
(Particulièrement quand ces intérêts privés sont aussi mal éclairés que ceux de la finance)
(On pourrait répliquer cet argument à l’identique pour la sécurité nucléaire, par exemple)

Argument 2 : une structure vitale pour la société doit être agencée pour résister non pas seulement aux contraintes des temps ordinaires mais aussi pour résister à des événements extrêmes.
Donc, ce sont les événements extrêmes qui décident le la configuration d’une structure vitale.

Or, ça tombe bien : un événement extrême, on en a un sur les bras donc on peut savoir, [bgcolor=#FFFF99]et la solution s’est imposée d’elle-même : on a nationalisé.[/bgcolor]

La conclusion s’en déduit logiquement : [bgcolor=#FFFF99]L’ÉVÈNEMENT EXTRÊME A PARLÉ, et il impose ses réquisits comme configuration PERMANENTE — et non pas transitoire — de la finance : CE RÉQUISIT, C’EST LA NATIONALISATION.[/bgcolor]

Évidemment, la nationalisation appelle ses propres conditions de viabilité :

La pire des choses, c’est de plonger des entités publiques dans un environnement de compétition pour la profitabilité ; on l’a vu avec l’exemple du Crédit Lyonnais. La tutelle publique, nous enseigne ce cas, n’est pas assez puissante pour contenir les dérives qui résultent de la concurrence avec le privé, à plus forte raison quand tout ce petit monde est plongé dans un univers où les perspectives de profitabilité sont démentielles, c’est-à-dire irrésistiblement tentantes.

Il faut donc empêcher au maximum la cohabitation entre entités publiques et entités privées.

[bgcolor=#66FF00]Il est temps d’envisager la DÉMARCHÉISATION, partielle ou totale, DU FINANCEMENT DE L’ÉCONOMIE :[/bgcolor]

Contrairement à ce qu’on nous a raconté pendant deux décennies, [bgcolor=#FFFF99]l’intermédiation de marché n’a strictement rien de nécessaire ; au contraire, on en voit toutes les tares[/bgcolor]. On peut donc parfaitement soutenir que le financement de l’économie peut procéder du recyclage en crédit des dépôts et des livrets d’épargne à taux garantis.

Objection : OK pour le financement par la dette, mais quid de la « finance equity » (en fonds propres [sans endettement]) ?
Le problème se pose effectivement pour les secteurs naissants pour lesquels l’equity a été réputé l’instrument financier par excellence depuis l’amorçage (le venture capital) jusqu’à l’introduction en bourse (IPO), là où la dette semble un instrument inapproprié.

Et on comprend l’argument : le venture capitalist s’y retrouve et accepte de tout perdre sur les neuf premiers projets s’il sait que le dixième va être extraordinairement rentable, et évidemment, un banquier qui intervient avec des instruments de dette classiques ne prendra pas ce risque.

Cette objection n’a rien d’insurmontable : on pourrait concevoir [bgcolor=#FFFF99]DES TAUX VARIABLES INDEXÉS SUR LES PROFITS[/bgcolor], par exemple, qui permettraient de financer des entreprises naissantes par le secteur bancaire sans avoir à passer par l’équity ou l’introduction en bourse.

[bgcolor=#66FF00]L’hypothèse de FERMER LA BOURSE doit au moins être mise sur la table.[/bgcolor]

Elle a de très bons arguments en sa faveur, figurez-vous, car [bgcolor=#FFFF99]LA CONTRIBUTION NETTE DES MARCHÉS D’ACTIONS AU FINANCEMENT DE L’ÉCONOMIE EST TENDANCIELLEMENT NULLE et est même devenue NÉGATIVE aux États-Unis.[/bgcolor]

[align=center]LES MARCHÉS FINANCIERS considérés comme institution sont donc
comme une machine dont le RENDEMENT thermo dynamique est MINABLE,
et d’après ses propres critères, elle est BONNE POUR LA CASSE.
[/align]

Et si après réflexion, il fallait quand même décider que la bourse doive rester ouverte, alors que ce soit sous [bgcolor=#FFFF99]SLAM[/bgcolor] (Shareholer Limited Authorized Margin) : il faut parler à la finance la langue qu’elle comprend ; le SLAM est un dispositif fiscal que j’ai proposé il y a quelque temps d’ÉCRÊTEMENT DE LA RENTABILITÉ ACTIONNARIALE ET DONC DE LA LIMITATION DES NUISANCES qu’elle induit quand elle devient l’unique critère de la conduite des entreprises. »

Excellente [bgcolor=#66FF00][b]vidéo[/b][/bgcolor], donc : http://www.dailymotion.com/video/x73dkm_conference-sur-la-crise-financiere_news

Tout est bon dans Lordon :slight_smile:

Étienne.

Et en ce qui concerne le pouvoir de création monétaire avec de telles propositions ?

sauf pour les faux naïfs qui voudraient nous forcer à penser qu’il n’y a jamais aucun complot nulle part),
A ces gens il suffit juste de leur faire remarquer que pourtant ils croient au complot d'Islamistes qui détournent des avions dans des tours aux états unis. Peut-être croient-ils que les complots n'existent que chez les islamistes ? :)

Franchement, cette « paranoïa » dénoncée par certains adeptes de la pensée unique est tout ce qu’il y a de plus saine. La vigilance des citoyens par rapport aux différentes institutions et par rapport aux différents pouvoirs, politiques médiatiques ou financiers, ne peut qu’aider à prévenir les possibles abus.

[bgcolor=#FFFF99]Greenspan : crise de foi[/bgcolor]


http://cordonsbourse.blogs.liberation.fr/cori/2008/10/alan-greenspan.html

La dernière crise de foi quant aux "bienfaits" du marché fait la une des médias américains. Et pour cause. Elle provient d'Alan Greenspan, l'ex-président de la Federal Reserve, qui a professé pendant 18 ans à la tête de la banque centrale américaine la supériorité du marché sur la régulation.

Interrogé jeudi 23 octobre par le président de la Chambre des représentants, Henry Waxman, qui était particulièrement mordant, Alan Greenspan a, comme l’écrit le New York Times, " admis qu’il avait eu tort de faire confiance au marché pour réguler le système financier sans un contrôle supplémentaire du gouvernement ".

Lisez les déclarations de Greenspan. Elles révèlent un homme totalement désemparé par la crise financière.

[b]- "J'ai fait une erreur en comptant sur l'intérêt privé des organisations, principalement des banquiers, pour protéger leurs actionnaires."
  • « Ceux d’entre nous qui comptaient sur l’intérêt des établissements de crédit pour protéger les actionnaires (en particulier moi-même) sont dans un état de choc et d’incrédulité ».

  • « La crise a pris une dimension beaucoup plus grande que ce que j’avais imaginé ».

  • « J’ai trouvé une faille dans l’idéologie capitaliste. Je ne sais pas à quel point elle est significative ou durable, mais cela m’a plongé dans un grand désarroi. »

  • « La raison pour laquelle j’ai été choqué, c’est que l’idéologie du libre marché a fonctionné pendant 40 ans, et même exceptionnellement bien ».

  • « J’ai eu en partie tort en n’essayant pas de réguler le marché des Credit Default Swaps ».

  • « Le modèle de gestion des risques tenait depuis des décennies. Mais l’ensemble de cet édifice intellectuel s’est effondré l’été dernier. »[/b]


Heureusement qu’il y a encore Alain Madelin pour croire aux vertus du libéralisme. Mais il doit se sentir de plus en plus seul, non ?

http://cordonsbourse.blogs.liberation.fr/cori/2008/10/alan-greenspan.html

Comme disent les commentaires sur libération, c’est écoeurant :wink:

Bonjour,

Sur le fil http://cordonsbourse.blogs.liberation.fr/cori/2008/10/alan-greenspan.html, je viens de poster le commentaire suivant,
découpé en trois parties à cause d’un contrôle anti-spam assez rigoureux :

Étienne Chouard (message 1/3) répond à Pier2 qui dit en substance, pour discréditer les nonistes : [i]« où est le plan B promis en 2005 par les opposants au TCE ? »[/i]
Vous dites : [i]"restez calme!! Fabius va venir enfin nous pésenter son plan "B" vous vous souvenez??? nous l'attendons toujours mais cela va venir!!! n est ce pas Martine?"[/i]
___________________________

Je reste toujours stupéfait de l’indigence de cet argument.

Selon vous, apparemment, le fait que les auteurs d’un ‘plan A’ épouvantable n’aient eux-mêmes aucun ‘plan B’ serait une raison de faire un reproche valable à D’AUTRES ?! À ceux qui résistent précisément contre ce ‘plan A’ calamiteux ?

Mais voyons, c’est bien sûr aux auteurs du ‘plan A sans plan B’ qu’il faut faire ce reproche amer, non ?

Où est donc la logique de votre argument ?


De plus, je crois qu’il est faux de penser que cet argument politicien —« n’ayez pas peur de voter non contre ce plan-là : les responsables ont des plans de rechange », effectivement utilisé en 2005 par certains professionnels de la politique—, il est faux de penser que cet argument ait été déterminant : la plupart de ceux qui protestaient contre le plan A se fichaient pas mal de savoir si les ‘affreux’ capables de nous violer avec un tel plan A avaient prévu un autre plan, qu’il soit étiqueté B, X ou Z, plan de rechange qui aurait assurément été aussi détestable que le plan original, tant il est vrai que les mêmes causes produisent toujours les mêmes effet.

Les FAITS ont d’ailleurs bien confirmé ce pronostic — et ô combien ! —avec ce véritable viol politique, ce coup d’État qu’est le Traité de Lisbonne, clone du TCE imposé par voie parlementaire le 4 février 2008 : les parlementaires contre les peuples, sans fard, sans vergogne, rien que ça…

Ils peuvent se le permettre, puisque nos institutions (aussi bien en France qu’en Union européenne) ne prévoient AUCUN moyen de résister aux pires abus de pouvoir.

À l’évidence, ce sont les AUTEURS du ‘plan A’ qu’il faut changer, et surtout pas demander aux mêmes traîtres un nouveau plan.


À mon sens, trois ans après le Non des Français et des Hollandais, l’essentiel n’est toujours pas débattu sur la place publique, par la faute des « journalistes professionnels » (salariés) (volontairement ou involontairement, je ne sais pas) qui n’organisent aucun débat sur ce point. Le voilà, à mon avis, l’essentiel :

CE N’EST PAS AUX HOMMES AU POUVOIR D’ÉCRIRE LES RÈGLES DU POUVOIR.

En d’autres termes, ce n’est pas aux ministres, ce n’est pas aux parlementaires, ce n’est pas aux juges, d’écrire la Constitution, droit suprême dont la fonction première est de limiter les pouvoirs, d’affaiblir les pouvoirs, de contrôler les pouvoirs, pour protéger les hommes contre les abus de pouvoir, tous les hommes contre tous les abus de pouvoir.

Ce n’est pas à ces hommes-là d’écrire ou de modifier ne serait-ce qu’une ligne de la Constitution parce que ces hommes-là sont à la fois ‘juges et parties’ dans le processus constituant, ils ont UN INTÉRÊT PERSONNEL à organiser l’impuissance politique du plus grand nombre (évidemment sans l’avouer) et ils trichent, il suffit de lire les constitutions du monde pour s’en convaincre en détail.

(à suivre pour cause de robot anti-spam récalcitrant)

Étienne Chouard
etienne.chouard@free.fr


‘Liens et documents utiles’ (revue de presse orientée sur la résistance aux abus de pouvoir, actualisée tous les jours depuis trois ans, 10 Mo) : http://etienne.chouard.free.fr/Europe/Liens_en_totalite.pdf


Étienne Chouard (message 2/3) répond à Pier2 (Suite du message précédent)

La seule solution efficace, pour établir enfin vraiment le précieux mais inaccessible (jusqu’à ce jour) ‘droit des peuples à disposer d’eux-mêmes’ est d’exiger UNE ASSEMBLÉE CONSTITUANTE HONNÊTE, ET DONC TIRÉE AU SORT : SURTOUT PAS ÉLUE PARMI LES CANDIDATS IMPOSÉS PAR LES PARTIS POLITIQUES — les militants et les élus ne représentent que 1% seulement de la population—qui sont tous des hommes candidats au pouvoir et qui écriront donc fatalement des règles pour eux-mêmes et — mécaniquement — contre les autres.


Pour ce qui concerne la crise financière et monétaire comme pour les autres problèmes urgents de notre société, la seule solution pour imposer l’intérêt général aux industriels et aux banquiers (qui ont littéralement acheté le pouvoir en finançant la campagne électorale de nos élus, ce qui leur donne le droit d’exiger des privilèges en contrepartie), c’est d’écrire nous-mêmes la Constitution, le droit du droit, le droit supérieur, le seul qui s’impose aux pouvoirs.

On peut tout déléguer, sauf la réflexion sur le processus constituant, l’écriture de la Constitution.

Alain écrivait fort bien : LA VIGILANCE NE SE DÉLÈGUE PAS.

Et si, paresseux, épuisés par notre travail, distraits par les jeux, si nous laissons écrire les constitutions par les hommes au pouvoir, tant qu’on reste aussi NÉGLIGENTS, nous autres simples citoyens, ON A EXACTEMENT CE QU’ON MÉRITE, car [bgcolor=#FFFF99]LE POUVOIR VA JUSQU’À CE QU’IL TROUVE UNE LIMITE[/bgcolor] (règle cardinale pour comprendre la vie sur terre, c’est quasiment un principe physique) et c’est évidemment à nous, —nous : ceux qui n’ont pas de pouvoir et qui peuvent refuser d’obéir à un pouvoir qu’ils n’ont pas voulu, relire John Locke—, C’EST À NOUS DE LA FIXER, CETTE LIMITE.

(à suivre pour cause de robot anti-spam récalcitrant)

Étienne Chouard
etienne.chouard@free.fr


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Étienne Chouard (message 3/3) répond à Pier2

(Suite et fin des deux messages précédents)

• Voyez l’état de notre réflexion, et venez nous aider à réfléchir et proposer une alternative honnête aux institutions actuelles, sur le forum du plan c, pour une constitution d’origine citoyenne : http://etienne.chouard.free.fr/forum

• Et voyez aussi ce plaidoyer contre l’élection et pour le tirage au sort, thèse qui ne sera jamais défendue, évidemment, par les élus et leurs proches, mais thèse pourtant conforme à l’intérêt général : http://etienne.chouard.free.fr/Europe/Tirage_au_sort.pdf

• Voyez enfin cet échange passionnant «Reprendre le contrôle de la monnaie » (bien public VITAL), où l’on montre progressivement que la puissance publique doit urgemment reprendre aux banquiers privés la maîtrise totale de la création monétaire : http://etienne.chouard.free.fr/forum/viewtopic.php?id=81 (ce qui ne sera pas possible tant que la Constitution verrouillera notre impuissance politique, les deux questions, j’en suis sûr, — Constitution d’origine citoyenne et Monnaie sous contrôle citoyen — sont liées, étroitement interdépendantes).


Pas salut, pas de protection contre les abus de pouvoir, pas de démocratie pour les hommes s’ils ne se réapproprient pas eux-mêmes la Constitution, LEUR Constitution.

Et le seul moyen crédible de cette réappropriation, dans la lignée de l’analyse pénétrante de Montesquieu, c’est d’imposer une STRICTE SÉPARATION ENTRE LE POUVOIR CONSTITUANT ET LES POUVOIRS CONSTITUÉS.

L’Assemblée Constituante ne doit surtout pas être élue parmi les candidats imposés par les partis politiques : NÉCESSAIREMENT, L’ASSEMBLÉE CONSTITUANTE DOIT ÊTRE TIRÉE AU SORT.

Étienne Chouard
etienne.chouard@free.fr


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Mais ce troisième message n'est pas passé (contrôle anti-spam). Je re-éssaierai demain. http://cordonsbourse.blogs.liberation.fr/cori/2008/10/alan-greenspan.html

Obstinés, on vous dit…

:confused:

Ça y est (23h40, ça fait cinq heures que je bosse sur ce post, ils sont courageux, les résistants, n’est-ce pas ?) : en retirant les liens cliquables (ceux que ça intéresse devront copier/coller le lien affiché dans leur barre d’adresse, ce n’est pas grave), le robot a bien voulu laisser passer ma conclusion résumé/liens.

:cool:

Reste à attendre la validation, mais cela ne saurait tarder car le journaliste qui publie ce blog a l’air tout à fait honnête.

Étienne

Lors du sommet de la zone euro du 12 octobre dernier, les chefs d’Etat et de gouvernement se sont mis d’accord pour présenter, de façon coordonnée, des plans nationaux de sauvetage des banques inspirés de celui présenté auparavant par Gordon Brown au Royaume-Uni. Tous ces plans suivent donc les mêmes principes : recapitalisation des banques et garantie publique du crédit interbancaire. Ils diffèrent cependant significativement dans le détail de leur mise en œuvre et ces différences sont instructives.

Quand on compare notamment le plan anglais, qui a servi de modèle, et son équivalent français, on se rend compte que le gouvernement britannique s’est montré nettement plus exigeant vis-à-vis des banquiers que le gouvernement français dont les aides n’impliquent guère de contreparties significatives.

Au Royaume-Uni, le gouvernement a décidé d’injecter 50 milliards de livres, soit 63 milliards d’euros, dans le capital des banques anglaises, sous la forme de 25 milliards de livres d’actions et 25 milliards de livres de titres dits subordonnés. Qu’est-ce qu’un « titre subordonné » ? C’est un titre financier qui fait partie des capitaux propres d’une entreprise, c’est-à-dire qu’il comporte les mêmes risques financiers que les actions : si l’entreprise fait faillite, il perd toute valeur et celui qui le détient n’a aucun droit sur la vente des biens restants de la société. En revanche, contrairement aux actions, il ne donne pas de droit de vote à l’assemblée générale des actionnaires ni aucun droit de regard sur la marche de l’entreprise. Il est rémunéré sous la forme d’un taux d’intérêt supérieur à celui auquel on rémunère normalement le crédit, compte tenu des risques supplémentaires pris sur le plan financier.

En contrepartie de cette recapitalisation, le gouvernement anglais a imposé aux banques des conditions très strictes : maintien de la distribution des crédits aux particuliers et aux PME au niveau de 2007 ; aucun bonus en 2008 pour les dirigeants des banques et redéfinition de toutes les politiques de bonus ; aucun dividende pour les actionnaires normaux tant que l’Etat sera au capital ; présence de représentants de l’Etat dans les conseils d’administration.

En France, le gouvernement a lui aussi décidé de recapitaliser les banques à hauteur de 40 milliards d’euros. Une première tranche de 10,5 milliards d’euros a été mise en œuvre le 20 octobre dernier, mais uniquement sous la forme de titres subordonnés. Ce qui signifie que, contrairement au gouvernement anglais, l’Etat français a apporté cette somme aux banques sans revendiquer aucun droit de regard sur leur fonctionnement via une présence au capital et dans les conseils d’administration.

Il ne leur a pas non plus imposé de conditions strictes en matière de dividendes, de bonus ou encore de distribution de crédit. Déjà le 30 septembre dernier, il avait accepté de sauver Dexia tout en restant un actionnaire minoritaire, alors que les 6,4 milliards de capital apportés (dont 3 par l’Etat français) auraient dû logiquement se traduire par une expropriation des actionnaires existants et une prise de contrôle majoritaire de la société.

Dans le cadre du plan de sauvetage de 360 milliards d’euros annoncé le 13 octobre, le gouvernement français a également confié aux banques les clefs de la société créée pour gérer les 320 milliards de crédits qu’il s’est engagé à leur apporter, en leur accordant généreusement deux tiers du capital de cette entité, bien que les crédits en question soient financés uniquement par l’Etat…

La seule contrepartie précise a été de souscrire au code de conduite proposé par le Medef et l’Association française des entreprises privées (Afep) le 6 octobre dernier, qui est censé limiter les excès en matière de « parachutes dorés » et de « retraites chapeaux »…

En l’absence de contraintes législatives et fiscales, il y a peu de chances pourtant que ce code se révèle plus efficace que ses multiples prédécesseurs : rapport Viénot 1 en 1995, Viénot 2 en 1999, Bouton en 2002, premier code de conduite du Medef et de l’Afep de 2003, recommandation des mêmes organisations en 2007…

Bref, il fallait évidemment voler au secours des banques afin de limiter le risque d’un credit crunch catastrophique pour l’économie réelle, mais on était en droit d’exiger d’elles des contreparties sérieuses. Sur ce plan, Gordon Brown, qui n’est pas réputé pourtant pour son hostilité foncière à l’égard des acteurs financiers, s’est montré nettement plus regardant que Nicolas Sarkozy et son gouvernement. Les banques anglaises étaient certes, du fait de la crise immobilière qui sévit outre-Manche, dans une situation plus difficile que les banques françaises, et donc obligées d’accepter des conditions draconiennes.

Mais si les banques françaises ne sont pas réellement dans le besoin, faut-il leur apporter quand même autant de capitaux sans contreparties, alors que le gouvernement manque tellement de moyens pour soutenir l’ « économie réelle » face à la grave récession qui menace ?

http://www.alternatives-economiques.fr/crise-financiere-sauvatage-des-banques_fr_art_633_40485.html

[bgcolor=#FFFF99]Jacques Cheminade : « Il faut organiser la banqueroute du système financier actuel »[/bgcolor]

un entretien intéressant accordé au site capital.fr :
http://www.capital.fr/actualite/Default.asp?interview=O&numero=71347&Cat=ACT

[i]De plus en plus de responsables politiques réclament la tenue d'un nouveau Bretton Woods. Jacques Cheminade n'a pas attendu la crise financière pour appeler à une refondation complète du système financier international. Dès le milieu des années 90, cet énarque dissident, candidat en 1995 à l'élection présidentielle, pointait du doigt le risque de désintégration du système actuel. Le président de Solidarité et Progrès nous livre son analyse de la situation et les remèdes qu'il juge indispensables pour éviter un effondrement de l'économie mondiale.[/i]

Capital.fr : Pourquoi le système est-il aussi gravement malade ?

Jacques Cheminade : Nous subissons aujourd’hui les effets de la dérégulation financière mondiale entamée en 1971 avec la fin de la convertibilité du dollar en or.

Cette décision a sonné la fin de l’ordre monétaire international mis en place à la fin de la seconde guerre mondiale lors de la conférence de Breton Woods. Et cela a ouvert la voie à une spéculation financière de plus en plus folle. Dans les faits, l’émission de monnaie a été abandonnée aux banques et aux compagnies d’assurance qui ont créé des liquidités à tout va.

Cela a abouti à la création de capital fictif, c’est-à-dire ne correspondant à rien dans l’économie réelle. La politique de taux d’intérêt très bas des banques centrales, l’utilisation massive de produits dérivés, la titrisation des crédits, l’usage excessif de l’effet de levier et l’absence de réglementation des marchés financiers ont contribué à des prises de risques inconsidérées et à l’apparition d’une bulle financière sans précédent à l’échelle du monde qui a éclaté et n’a pas fini de se dégonfler.

Capital.fr Les centaines de milliards injectés ne suffiront donc pas à résoudre la crise…

Jacques Cheminade : Les efforts déployés par les gouvernements occidentaux pour sauver le système actuel seront aussi inutiles que de réordonner les chaises sur le pont du Titanic.

Les pouvoirs publics ne font qu’ajouter de l’argent à l’argent. Les sommes versées au frais du contribuable vont peut-être soulager la sphère financière à court terme mais ne résoudront pas le fond du problème.

D’une part la confiance entre les acteurs du système a disparu et ensuite beaucoup d’emprunteurs ne pourront jamais rembourser leurs dettes.

Si l’on ne change pas profondément les règles du jeu, le monde ne pourra éviter une récession d’une ampleur historique.

Capital.fr : Quelles répercussions craignez-vous ?

Jacques Cheminade : Après une phase de déflation due à l’effondrement de l’économie réelle, le véritable danger est l’hyperinflation, les acteurs économiques perdant foi en la valeur de l’argent.

Les Etats seront obligés de recourir à une politique d’austérité sociale à cause de la chute de leurs recettes. Face à des populations prises à la gorge, les autorités pourraient restreindre certaines libertés pour sauvegarder l’ordre public.

Le risque de déstabilisation du régime chinois sera particulièrement élevé lorsque les exportations de ce pays ne trouveront plus de consommateurs solvables en Occident.

Capital.fr Quelles solutions proposez-vous pour éviter un tel scénario catastrophe ?

Jacques Cheminade : Le monde a besoin d’un nouvel ordre financier et monétaire qui soit établi d’un commun accord entre toutes les grandes puissances, donc sans exclure ni la Russie, ni la Chine ni l’Inde.

Tout [bgcolor=#FFFF99]d’abord, il faut organiser la banqueroute du système actuel en faisant le tri entre les bonnes créances, celles liées à l’économie réelle, et les mauvaises créances, liées aux actifs toxiques. Ces dernières seront liquidées, seules les premières devront être remboursées.[/bgcolor]

Ensuite, il est indispensable d’[bgcolor=#FFFF99]empêcher la spéculation sur les devises en mettant en place des taux de change fixe.[/bgcolor]

[bgcolor=#FFFF99]Les gouvernements souverains, qui sont les seuls garants des intérêts des peuples, doivent reprendre le contrôle de leurs monnaies et donc des banques centrales.[/bgcolor]

Enfin, [bgcolor=#FFFF99]il faudra émettre du crédit productif public. Des emprunts à très long terme et à faible taux d’intérêts pourront ainsi être débloqués pour financer de grands projets d’infrastructures et investir dans la recherche fondamentale.[/bgcolor]

Bref, il ne s’agit, ni d’une solution technique ou technocratique, ni d’un arrangement entre diplomates. La nouvelle règle du jeu ne peut qu’être la conséquence d’une volonté politique, redonnant priorité au travail humain et à la justice sociale, ce qui implique un combat à mener contre l’oligarchie financière implantée à Londres et à Wall Street.

Propos recueillis par Guillaume Dubois et Adrien Desoutter

[bgcolor=#FFFF99]À quoi sert l’épargne ?
Et si elle ne sert plus à rien, pourquoi payer un intérêt ?
La société a-t-elle besoin de payer la rente de l’épargnant ?
[/bgcolor]

Je reproduis ici, pour information, un échange avec André-Jacques qui commence chez Paul Jorion :

http://www.pauljorion.com/blog/?p=887#comment-9273

Étienne Chouard dit : 29 octobre 2008 à 17:35

“Il faut organiser la banqueroute du système financier actuel”

Un entretien intéressant, complètement en phase avec tout ce qui se dit ici à mon avis, donné par Jacques Cheminade à http://www.capital.fr :

http://www.capital.fr/actualite/Default.asp?interview=O&numero=71347&Cat=ACT

Quand Cheminade dit :

(…) il faut organiser la banqueroute du système actuel [b]en faisant le tri entre les bonnes créances, celles liées à l’économie réelle, et les mauvaises créances, liées aux actifs toxiques. Ces dernières seront liquidées, seules les premières devront être remboursées.[/b]
[b]Est-ce que c’est possible, techniquement ?[/b] Est-ce qu’on peut se dispenser de rembourser ceux qui jouaient le monde au casino (sans rien apporter à la collectivité) ? Est-ce qu’on a les moyens techniques de DISTINGUER les investisseurs utiles des spéculateurs inutiles ?

Parce que c’est vraiment dur à digérer de sauver tout le monde, y compris les salauds qui se foutent pas mal du malheur général (ils sont déjà en train de se goinfrer à l’occasion des faillites catastrophiques, paraît-il).

Qu’est-ce qu’une société a à gagner à tolérer des spéculateurs ?

Plus généralement, Paul : EST-CE QU’ON A ENCORE BESOIN DE L’ÉPARGNE ET DE LA BOURSE, puisqu’on sait désormais créer ex nihilo la monnaie dont on a besoin (en quantité adéquate aux besoins réels de l’économie réelle) ?

Et si on n’a plus besoin de l’épargne, est-ce qu’on pourrait imaginer de ne plus rémunérer l’épargne qu’au taux de l’inflation (pas un centime de plus), en se contentant d’éviter aux écureuils de s’appauvrir ?

Amitiés.

Étienne.

A-J Holbecq dit : 29 octobre 2008 à 19:47 @Etienne C.

En imaginant un système où tous les intérêts sur la création monétaire reviennent à la collectivité (monnaie uniquemnt centrale), où les entreprises et les particuliers aient accès au crédit “raisonnable” , quel serait, d’après toi, l’avantage d’interdire (car je suppose que c’est à cela que tu penses) de rémunérer l’épargne au dessus au taux de l’inflation (et qui décide de la valeur réaliste du taux de l’inflation?) ?
Je pense pour ma part qu’il faut laisser - dans l’hypothèse ci-dessus - la liberté aux particuliers et aux entreprises de prêter à qui ils le souhaitent et au taux correspondant à un contrat entre les parties…

Amitiés
AJ

Étienne Chouard dit : 30 octobre 2008 à 00:47

@ AJH,

L’avantage de ne plus rémunérer l’épargne au-dessus de l’inflation serait de ne spolier personne indument.

Ni les épargnants, protégés de l’érosion monétaire,
ni les emprunteurs, remboursant ce qu’ils doivent et pas plus.

Si personne n’a vraiment besoin d’épargne (une fois qu’on sait créer la monnaie quand on en a besoin, on n’a plus besoin de ‘fourmis’ pour en mettre de côté pour les ‘cigales’), il n’y a plus de raison (plus de rareté ?) pour justifier le prix demandé aujourd’hui (il n’y a plus de justification de l’intérêt).

J’ajoute que je suis en train de découvrir, à travers mes conversations avec Allais et ma lecture de Keynes, que l’élasticité de l’épargne en fonction des taux d’intérêt n’est pas celle qu’on m’avait enseignée à la fac :

Pour résumer : [bgcolor=#FFFF99]en fait, les épargnants n’épargnent pas pour gagner un taux d’intérêt, ils épargnent parce qu’ils ont trop d’argent et qu’ils ont satisfait leurs besoins ; ils épargneraient de toutes façons, quel que soit le taux.[/bgcolor]

En d’autres termes, l’argument selon lequel l’intérêt serait le prix d’une privation ne vaut pas grand-chose.

C’est cette faible élasticité qui permet de parler de rente de l’épargnant pour désigner le taux d’intérêt (réel, bien sûr, c’est-à-dire corrigé de l’inflation).

- Si cela est vrai, [b]si l’intérêt (réel) n’est qu’une rente, inutile pour favoriser l’épargne,[/b]
  • si en plus il est ruineux pour le plus grand nombre (ceux qui travaillent) et injuste, puisque demandant un effort à des acteurs qui pourraient parfaitement obtenir le même service à meilleur coût (création monétaire publique sans intérêt réel),

  • et si en plus, comme le suggère assez bien Jean Bayard, cette épargne est structurellement nuisible pour le fonctionnement du système (un frein à la croissance) parce qu’elle retire du pouvoir d’achat aux consommateurs et favorise mécaniquement la surproduction (puisque Revenu national = Produit national, toute Épargne prélevée sur le Revenu créera une difficulté pour écouler la Production de la période),

si, donc, l’intérêt est aussi inutile, voire nuisible, à la collectivité, alors à quoi bon payer cet intérêt ?!


Décidément, au regard de l’intérêt général, je ne comprends pas à quoi servent aujourd’hui les bourses (chaque année, alors que leur fonction prétendue est de « financer l’économie », les bourses en viennent parfois, au lieu de créer du capital, à détruire du capital net !).

Bonne nuit :slight_smile:

Étienne.


Je reproduis ici (j’espère que le robot ne va pas me jeter comme un spammeur) deux explications que je trouve lumineuses au sujet de la rente de l’épargnant.

• La première vient du gros livre qu’a écrit Maurice Allais au sortir de la guerre (et qui lui a valu plus tard le “Prix Nobel”), « Économie et intérêt », page 101 et s. :

[b]Rente de l’épargnant[/b]

Lorsque le taux du marché a la valeur d’équilibre Ie (fig. 1), le capital épargné par un individu donné a la valeur Ce, mais une partie de cette épargne subsisterait si le taux d’intérêt du marché était inférieur à Ie. Il en résulte pour l’épargnant une rente.

En effet, la quantité dC que l’épargnant aurait consenti à capitaliser pour un revenu annuel IdC est en fait capitalisée pour un revenu annuel IedC.

Il en résulte pour lui un revenu gratuit, égal à l’intégrale

R = Surface hachurée IoIeMe

que nous appellerons rente de l’épargnant.

Certains économistes ont prétendu que l’intérêt perçu IC était la rémunération de l’effort d’abstinence réalisé par l’épargnant en portant son capital de la valeur C0, qu’il aurait si le taux d’intérêt était nul, à sa valeur d’équilibre Ce.

On voit en fait que cette rémunération est généralement beaucoup plus élevée que le sacrifice réel ainsi consenti, dont la valeur est égale à la surface C0CeMe correspondant à la rémunération de la seule épargne marginale et on comprend les paroles indignées de Lassalle, devant certaines thèses extrêmes des théoriciens de l’abstinence” : [bgcolor=#FFFF99]«L’intérêt du capital est la récompense de la privation ! Admirable parole, parole qui vaut son pesant d’or ! Les millionnaires européens, les ascètes, les pénitents hindous, les stylistes perchés sur une jambe en haut de leur colonne, les bras tendus, le corps penché, la mine blême, tendant vers le peuple leur écuelle pour recueillir la récompense de leurs privations ! Au milieu d’eux et dominant tous les pénitents, le pénitent des pénitents : la firme Rothschild !»[/bgcolor].

Rente de l’épargnant et rente du consommateur.

En réalité, il ne faut voir dans la rente de l’épargnant qu’un cas particulier de la rente dont bénéficie tout individu lorsqu’il participe au marché.

En effet, un individu (X) poursuit l’échange d’un bien (A) contre un bien (B) tant que, compte tenu du taux d’équivalence du marché, les quantités reçues de (B) ont pour lui plus de valeur que les quantités données de (A) et arrête cet échange lorsque son taux d’équivalence psychologique devient égal au taux d’échange du marché.

Il en résulte que toute opération économique librement effectuée laisse à l’agent qui le poursuit un revenu gratuit, une rente, puisqu’il n’y a équivalence psychologique entre les quantités reçues et les quantités fournies qu’à la marge et que tant que cette limite n’est pas atteinte l’agent considéré retire un avantage de l’échange.

La rente de l’épargnant en tant que revenu gratuit n’est donc pas un phénomène propre à l’épargne et elle est absolument, analogue à la rente du consommateur pour lequel la valeur psychologique moyenne des biens acquis est toujours supérieure à celle des sommes dépensées pour les acquérir, la différence pouvant être considérable, ou à la rente du travailleur pour lequel la valeur psychologique du salaire est toujours supérieure à celle du travail fourni.

Si donc, et comme nous l’avons montré, il serait faux de soutenir que l’intérêt perçu n’est que la stricte rémunération de l’effort d’épargne, il serait tout aussi injustifié de s’indigner du caractère de revenu gratuit d’une partie des intérêts touchés, alors que ce même caractère s’attache aux achats du consommateur, aux revenus du travailleur et d’une manière générale à tout acte économique et quelque justes qu’elles puissent être, en tant que critiques de certaines théories de l’abstinence, les observations de Lassalle ne sauraient être retenues en aucune façon dans la forme qui leur a été donnée en tant qu’arguments tendant à mettre en cause la justification sociale du prêt à intérêt (2).


(2) Toutefois, il est bien certain que s’il n’y a, entre la rente du consommateur ou du travailleur et la rente de l’épargnant, aucune différence de nature, il peut y avoir dans certains cas [bgcolor=#FFFF99]une différence d’échelle. Ainsi, il n’y a guère de comparaison possible entre la rente du travailleur pour lequel le salaire correspondant à un travail donné perçu sur la base d’un salaire unitaire égal à sa valeur psychologique marginale peut être cinq à dix fois supérieur à sa valeur psychologique moyenne, et la rente du milliardaire américain qui, sur la base d’un taux d’intérêt pur de l’ordre de 4%, perçoit 40 millions d’intérêts pour une épargne qu’il ne modifierait guère si le taux d’intérêt pur du marché devenait nul.[/bgcolor]

Source : Maurice Allais, « Économie et intérêt » (p 101 et s.), 1947, réédité par les Éditions Clément Juglar en 1998.

• La seconde explication sur la rente de l’épargnant que je voudrais vous signaler est tirée d’une perle, une pure merveille : la Note finale (point II) de la « Théorie générale de l’emploi, de l’intérêt et de la monnaie » de Keynes (p. 366 et s chez Payot) :

II

Mais il y a une seconde partie de notre analyse dont les conséquences sont beaucoup plus importantes pour l’avenir des inégalités de fortune ; c’est notre théorie du taux de l’intérêt. On justifiait jusqu’ici une certaine élévation du niveau de l’intérêt par la nécessité de fournir à l’épargne un encouragement suffisant.

Mais nous avons démontré que le montant effectif de l’épargne est rigoureusement déterminé par le flux de l’investissement et que l’investissement grossit sous l’effet d’une BAISSE du taux de l’intérêt, pourvu qu’on ne cherche pas à le porter au delà du montant qui correspond au plein emploi. La politique la plus avantageuse consiste donc à faire baisser le taux de l’intérêt par rapport à la courbe de l’efficacité marginale du capital jusqu’à ce que le plein emploi soit réalisé.

Ce critère conduira, sans aucun doute, à un taux de l’intérêt beaucoup plus faible que celui qui a régné jusqu’ici, et pour autant qu’on puisse faire des conjectures au sujet des courbes de l’efficacité marginale qui correspondent à un équipement en capital de plus en plus développé, il y a lieu de croire que le maintien plus ou moins continu d’une situation de plein emploi exigera une baisse profonde du taux de l’intérêt, sauf toutefois si dans la communauté tout entière (État compris) il se produit une forte variation de la propension à consommer.

Nous sommes convaincu que la demande de capital est strictement limitée, en ce sens qu’il ne serait pas difficile d’accroître l’équipement jusqu’à ce que son efficacité marginale tombe à un chiffre très faible. Ceci ne veut pas dire que l’usage des biens de capital ne coûterait presque plus rien, mais seulement que le revenu qu’on en tirerait aurait tout au plus à couvrir la dépréciation due à l’usure et à la désuétude, et une certaine marge destinée à rémunérer les risques ainsi que l’exercice de l’habileté et du jugement.

En bref, les biens durables de même que les biens éphémères fourniraient au cours de leur existence un revenu global couvrant tout au plus le coût du travail nécessaire à les produire, augmenté des coûts de l’habileté et de la surveillance et d’une allocation correspondant aux risques.

Cet état de choses serait parfaitement compatible avec un certain degré d’individualisme. Mais il n’en impliquerait pas moins [bgcolor=#FFFF99]l’euthanasie du rentier et par suite la disparition progressive du pouvoir oppressif additionnel qu’a le capitaliste d’exploiter la valeur conférée au capital par sa rareté. L’intérêt ne rémunère aujourd’hui aucun sacrifice véritable non plus que la rente du sol. Le détenteur du capital peut obtenir un intérêt parce que le capital est rare, de même que le détenteur du sol peut obtenir une rente parce que le sol est rare. Mais, tandis que la rareté du sol s’explique par une raison intrinsèque, il n’y a aucune raison intrinsèque qui justifie la rareté du capital.[/bgcolor]

Une raison intrinsèque de cette rareté, plus précisément un sacrifice véritable que seule pourrait faire consentir l’offre d’une récompense sous forme d’intérêt, n’existerait que dans le cas où la propension individuelle à consommer s’avérerait assez forte pour que l’épargne nette en situation de plein emploi devienne nulle avant que le capital fût suffisamment abondant.

Et, même dans ce cas, les Pouvoirs Publics auraient encore la ressource d’entretenir une épargne commune assez importante pour permettre au capital de se développer jusqu’à ce qu’il cessât d’être rare.

[bgcolor=#FFFF99]La généralisation de la rente nous paraît constituer une phase intermédiaire dans l’évolution du capitalisme ; elle prendra fin lorsqu’elle aura rempli son objet. Et la disparition de la rente du capital entraînera bien d’autres changements radicaux dans ce régime. Le grand avantage du programme que nous préconisons, c’est que la disparition du rentier ou du capitaliste sans profession n’aura rien de soudain, qu’elle n’exigera aucun bouleversement[/bgcolor], qu’elle résultera de la simple persistance pendant un certain temps de l’évolution graduelle que la Grande-Bretagne a connue récemment.

Il faut avouer cependant que l’expérience seule peut indiquer dans quelle mesure il convient d’orienter la volonté publique, telle qu’elle s’exprime par la politique du Gouvernement, vers le renforcement de l’incitation à investir; et dans quelle mesure il est possible d’accroître la propension moyenne à consommer sans risque de s’éloigner de l’objectif consistant à dépouiller le capital de sa valeur de rareté en l’espace d’une ou deux générations.

On constatera peut-être que la propension à consommer est si facilement renforcée par le déclin de l’intérêt que le plein emploi peut être réalisé moyennant un flux d’épargne et par suite une vitesse d’accumulation à peine plus grands qu’aujourd’hui.

Dans ce cas l’augmentation des taxes sur les gros revenus et sur les grosses successions pourrait avoir l’inconvénient d’abaisser le flux d’investissement correspondant au plein emploi très au-dessous du niveau qui existe en fait à l’heure actuelle. Nous ne songeons pas à nier qu’une telle conséquence soit possible, voire même probable.

Il serait téméraire en ce domaine de prédire la réaction de l’homme moyen en face de circonstances nouvelles. Cependant, si l’on pouvait sans difficulté assurer approximativement le plein emploi par une légère augmentation du flux d’investissement actuel, on aurait déjà résolu un problème essentiel. Et il resterait à fixer par une décision séparée l’ampleur et les modalités des restrictions de consommation qu’il serait juste et raisonnable d’appeler la génération actuelle à consentir afin que ses successeurs puissent bénéficier le moment venu d’un état de plein investissement.

Source : John Maynard Keynes, 1883-1946 , « Théorie générale de l’emploi, de l’intérêt et de la monnaie » (1936), « Notes finales sur la philosophie sociale à laquelle la théorie générale peut conduire » Université du Québec À Chicoutimi et Édition Payot 2005.


Je ne reproduis pas la suite, mais pourtant, c’est littéralement passionnant (une autre fois ?…).

Je trouve la traduction de Payot (2005) meilleure que celle disponible sur le site de nos amis canadiens. J’ai un peu corrigé cette dernière dans ce sens.

Bonne nuit.

Étienne.

Entretien avec Jacques Chaminade (message 5260)

Le diagnostic et les solutions de Jacques Cheminade me paraissent convaincants : priorité doit être donnée au travail humain et à la justice sociale, et les États souverains doivent reprendre le contrôle de la monnaie.

Mais cette reprise du contrôle de la monnaie par les États souverains peut être individuelle ou collective. Elle sera collective, je suppose, dans le cas de la zone euro, et l’on peut même envisager une reprise en main à l’échelle mondiale si les accords de Bretton Woods sont effectivement renégociés dans le sens souhaité par Jacques Cheminade.

À en juger par l’évolution des marchés financiers et boursiers, la proportion de monnaie de singe dans la monnaie mondiale totale est grosso modo de 50 %. Cela signifie que (collectivement parlant) nous sommes 50 % moins riches si l’on n’honore plus les dettes libellées dans la monnaie de singe.

Question : qui (pays, catégories sociales) détient en fait cette monnaie de singe et sera donc privé de ses avoirs à proportion si l’on procède comme le propose Jacques Cheminade (« organiser la banqueroute du système actuel ») ?

Il est clair que les remèdes administrés jusqu’à présent privilégient la socialisation des pertes : exemple : il est maintenant question en France d’abaisser le taux d’intérêt sur le livret A.

Le cas des ÉUA est particulier : ce pays, comme on le sait, vit depuis longtemps aux crochets du reste du monde. Les Américains, encouragés par leur gouvernement à s’endetter personnellement, n’épargnent pas, et ce sont les pays étrangers - Japon, Chine notamment - qui soutiennent la dette publique américaine et, indirectement, la dette américaine privée. Les créanciers des États-Unis devront-ils renoncer d’une manière ou d’une autre (par une chute accélérée du dollar ÉU ou par l’annulation de fait des instruments financiers américains qu’ils détiennent) à se faire rembourser ?

D’autre part (nous en avons déjà parlé ici), le rôle lui-même de la monnaie en tant qu’étalon de l’activité humaine est peut-être à revoir : le temps individuel et collectif (temps de travail, temps de vie, et qualité du temps de vie) est sans doute un étalon plus objectif pour orienter et mesurer le développement. Existe-t-il déjà un modèle mathématico-économique fondé sur le temps ? L’indice de développement humain utilisé par l’ONU constitue une première approche. JR

Cher Jacques,

On se rapproche effectivement du coeur du coeur du problème…

Et sur ce chantier de société à reconstruire en repartant de la base,
je vous recommande la lecture de ce livre, original et inventif, de notre ami AJH :

[bgcolor=#FFFF99]Une alternative de société : l’écosociétalisme :
Où l’intérêt particulier rejoint l’intérêt collectif
[/bgcolor]

http://www.amazon.fr/Une-alternative-société-lécosociétalisme-particulier/dp/2913492347

Bonne nuit :slight_smile:

Étienne.

Il me semble que tout cela est réformable et qu’il n’y a pas besoin d’arriver à de telles extrémités

La difficulté consiste déjà, à convaincre les français, ensuite à convaincre au moins nos partenaires européens, enfin dans la condition où on veut garder l’Euro