07 Reprendre le pouvoir sur notre monnaie

(Suite de mon message 5054)

Les barricades ? Des manifestations devant les mairies ou au château de Versailles ? Aller au ministère des finances et retenir Mme Lagarde en otage ? JR

Un article historique vient d’être publié sur le site du journal La Tribune. Je le recopie :

Ci-gît le libéralisme, 1979 - 2008.

Des banques nationalisées, en Europe et aux Etats-Unis. Des dirigeants européens qui réhabilitent l’intervention publique et suspendent les règles communes qui proscrivent les aides d’Etat, tout comme celles qui promeuvent la concurrence. Les salaires des patrons encadrés, la finance stigmatisée, l’économie de marché critiquée : la crise a provoqué un gigantesque tête-à-queue idéologique. Comme si, avec les craquements du système bancaire mondial, se terminait un grand cycle libéral. Un cycle comme le capitalisme en a connu plusieurs, qui s’interrompent toujours de la même façon, avec un krach financier retentissant.

Voilà près de trente ans que l’économie de marché sans limites était célébrée sur tous les continents, et qu’on lui attribuait non sans raison l’extraordinaire emballement de la croissance économique des dernières années, qui a vu le PIB américain progresser de moitié entre 1994 et 2006 et la Chine sortir du Moyen Age. C’est au nom de cette efficacité que nous avons organisé le retrait de la puissance publique dans la plupart des pays du monde. Qu’on a déréglementé les secteurs de l’énergie, des télécommunications, des transports, en exaltant les vertus de la concurrence.

Cette grande vague libérale naît durant les années 1970, dans le monde anglo-saxon. En 1979, Margaret Thatcher conquiert le pouvoir au Royaume-Uni. En quelques années, elle remet sur pied ce grand pays épuisé, en ouvrant les frontières, en taillant dans la dépense publique, en baissant les impôts et en cassant les syndicats. Quinze mois plus tard, l’Amérique élit à la présidence un vieil acteur au rencart reconverti dans la politique, Ronald Reagan. Ce républicain fera lui aussi merveille, en rétablissant une Amérique qui avait été considérablement affaiblie. Il réussira avec les mêmes recettes que son homologue britannique : moins d’impôts, moins de règles, moins d’État.

En 1989, la chute du mur de Berlin décuple la vague libérale, parce qu’elle ouvre au commerce et à l’économie de marché un continent qui aspire à la liberté politique et économique. Russie, Pologne, Tchécoslovaquie, nouveaux Länder allemands, tous se précipitent pour renier le plan et adorer le marché, avec le zèle du converti. La Communauté économique européenne accueille ces nouveaux catéchumènes avec enthousiasme. L’Europe est elle-même engagée dans une entreprise de vaste envergure, le marché unique. Le projet est inspiré, là encore, par la grande vague libérale qui balaye la planète : ouverture des frontières, démantèlement des politiques industrielles nationales au profit de la concurrence, contention de la sphère publique.

La ferveur libérale est à son comble au début des années 1990, grâce à l’irruption des nouveaux pays industrialisés, celle de la Chine en particulier, qui adoptent eux aussi l’économie de marché. Les entreprises occidentales profitent des nouvelles libertés d’investissement et des bas coûts de transport pour étendre leur terrain d’action. Le commerce mondial change subrepticement de nature : les échanges intrafirmes deviennent prépondérants, l’organisation des entreprises se love dans la nouvelle géographie de la croissance, profitant des considérables différences de salaires dans un monde où les règles du jeu économiques s’universalisent.

La première rupture intervient en 1997-1998, avec la crise asiatique, qui infléchit la trajectoire folle des «dragons» d’Asie du Sud-Est. Trois ans plus tard, c’est l’éclatement de la bulle Internet, puis le scandale Enron. Celui-ci jette une ombre sur la sincérité des comptes publiés par les entreprises. La croissance mondiale reprend pourtant à vive allure, grâce aux médications d’Alan Greenspan, qui soutient la croissance américaine en baissant ses taux d’intérêt.

Il s’ensuivra la plus grosse bulle spéculative de l’histoire, avec l’explosion des prix de l’immobilier dans le monde entier, et la progression inouïe de l’endettement - la liberté économique stimule les « instincts animaux », pour reprendre les termes de l’économiste John Maynard Keynes.

La dette totale des Américains (tous agents confondus) atteint 350 % du PIB en 2007 — même en 1929, elle n’avait fait que frôler les 300 %. La crise des subprimes intervient en juillet 2007, et s’amplifie au cours de l’année 2008.

On connaît la suite. Le marché a produit une catastrophe qu’il est incapable de régler tout seul. D’où l’incroyable succession de nationalisations d’établissements financiers depuis quelques mois. Comme toujours, les autres nations suivent, et se mettent à prêcher aussi pour le retour de l’Etat, le contrôle des rémunérations, le retour à la réglementation…

Et les conversions idéologiques se multiplient. Celle de Paul Krugman, par exemple, économiste réputé et naguère défenseur de la mondialisation heureuse, et aujourd’hui bien plus circonspect.

Ou celle de Giulio Tremonti, lieutenant de Silvio Berlusconi, qui a publié, début 2008, un livre qui fait un tabac, la Paura e la Speranza (« La Peur et l’Espoir »). Naguère maître à penser de la droite libérale, il conteste aujourd’hui le marché, «idéologie totalitaire», et appelle à la construction d’une Europe « avec des portes, à condition qu’elles ne soient pas toujours ouvertes ». Autant de signes du gigantesque retournement idéologique qui est à l’œuvre sous nos yeux, dans le monde entier.

Nicolas Sarkozy lui-même a d’ailleurs fait l’apologie du rôle de l’Etat dans l’économie, lors de son discours de Toulon, fin septembre 2008.

Jusqu’où peut aller cette inclination régressive ? Rien n’est désormais impossible. La mondialisation entre très probablement dans une phase d’éclipse. Car sa cause première n’est ni la technologie, ni la baisse des coûts de transport, ni même l’organisation des entreprises, mais le degré de tolérance des sociétés à l’ouverture internationale et leur aspiration à la liberté. Sentiment qui varie sensiblement d’une époque à l’autre, en fonction de la conjoncture et de la confiance dans l’avenir. En temps de crise, les citoyens ne demandent pas plus de liberté, mais plus de protection.

Dans les mois qui viennent, nos sociétés vont donc rétablir les frontières nationales. En Europe, nous avons commencé, avec la multiplication des mesures dispersées et contradictoires que les gouvernements ont prises pour lutter contre la crise. Et, dans peu de temps, le libéralisme nous semblera ce qu’il est : une belle idée de beau temps, complètement inadaptée lorsque l’âme collective s’inquiète d’une tempête inhabituelle.

Une consolation, toutefois. Durant ce cycle qui s’ouvre, la France, viscéralement antilibérale, sera en accord avec son temps, en vertu d’une loi éternelle : une pendule arrêtée donne l’heure deux fois par jour.

Auguste Detoeuf, le 1er mai 1936 : "le libéralisme est mort ! "

Dans les années 1930 aussi, on s’interroge sur les moyens de sortir de la crise, et sur la nécessité de revenir à l’intervention économique au détriment de l’économie de marché. En France, un petit groupe d’esprits éclairés, polytechniciens, crée alors un groupe de réflexion, «X-Crise». Le 1er mai 1936, X-Crise reçoit un grand dirigeant d’entreprise, Auguste Detœuf, patron de Thomson-Houston, qui prononce une conférence intitulée « La fin du libéralisme ». Extraits : « Le libéralisme est mort ; il a été tué, non pas par la volonté des hommes ou à cause d’une libre action des gouvernements, mais par une inéluctable évolution interne. Je crois que la fausse mystique libérale, les déclarations libérales sans sincérité, toute cette démagogie à l’intention des classes dirigeantes et d’un peuple qui confond la liberté économique avec la liberté tout court, sont des dangers publics. »

François Lenglet, rédacteur en chef Economie, politique, international à La Tribune.

http://www.latribune.fr/opinions/20081009trib000181654/ci-git-le-liberalisme-1979-2008.html

Sandy (5053),

Et alors, que proposez-vous ?

(En tenant compte svp que la dizaine de personnes qui participent activement à ce forum n’ont pas été capables de s’entendre ne serait-ce que sur la définition d’un objectif concret à leur niveau.) JR


Vous savez très bien que je n’ai pas toutes les réponses, je n’ai pas cette prétention, mais au moins accordons nous sur le fait qu’il faut que tout le monde y réfléchisse car c’est maintenant qu’il faut agir

Les gouvernements européens parlent de faire un très gros emprunt d’état pour sauver les banques, comment veulent ils s’y prendre ? Est-ce que c’est conforme au Traité de Maastricht ? N’y a t il rien d’exploitable pour créer une jurisprudence qui permettrait de passer outre ce traité ?

Si nous n’avons pas la possibilité d’influer sur le déroulement des choses directement, au moins pouvons nous le tenter indirectement en tentant de sensibiliser les gens comme les politiciens, les journalistes, les économistes, si ce n’est pas déjà fait afin que eux même puissent agir

Sandy (5058).

D’abord, nous ne parlons pas du traité de Maëstricht - c’est le passé - mais des traités européens en vigueur, c’est-à-dire du traité sur l’Union européenne et du traité instituant la Communauté européenne tels que modifiés en dernier lieu par les traités de Nice et d’Athènes.

Ensuite, je pense qu’en effet en vertu de ces traités un particulier ou un groupe de particuliers pourraient invoquer devant le tribunal de première instance et la Cour de justice de la Communauté toutes sortes de violations des dispositions de traité en vigueur (par exemple en rapport avec le principe de la liberté de concurrence). Mais cela prendrait un temps considérable et, à mon avis, ne servirait à rien parce la Cour rejetterait certainement toutes ces demandes en invoquant l’état de force majeure (= évènement imprévu ou irrésistible - la présente crise économique - libérant les États membres de leurs obligations découlant des traités).

Comme vous le comprenez bien, Sandy, les tribunaux disent le droit, mais le bon sens dicte en fin de compte l’étendue légitime de l’application faite de leurs décisions surtout lorsqu’elles touchent à des actes de gouvernement. Aussi les tribunaux ne manquent-ils pas d’opérer eux-mêmes sur la base du bon sens afin d’éviter de se décrédibiliser.

Rien à espérer, donc, de ce côté-là : il serait inconcevable que face à l’urgence mondiale qui vient de se créer un ou plusieurs individus puissent faire obstacle aux décisions des États simplement en saisissant les juridictions UE (ou nationales). Et de toute façon, l’arrêt de la Cour serait rendu bien après juin 2009, et je croyais que vous étiez pressé.

Par ailleurs, je ne vois pas quelle compétence spéciale nous aurions ici pour sensibiliser les politiciens, les journalistes et les économistes à des questions, : ils le sont déjà infiniment mieux que nous comme en témoignent les journaux et la télévision.

D’ailleurs, comment proposeriez-vous d’influer sur le cours des choses ? C’est bien beau de définir un objectif général, mais encore faudrait-il se préoccuper des moyens.

Soyons réalistes : la solution (s’il y en a une) est politique, pas juridique, et la plus proche occasion (sauf évènement imprévu) qui nous est donnée, à nous simples citoyens, de la faire avancer, je la vois dans les élections européenne de juin prochain (ne serait-ce qu’en votant pour des candidats qui partagent notre point de vue). JR

[color=purple]Une idée plus qu’intéressante, émise par un intervenant d’un forum du Monde :

[bgcolor=#66FF00]Le fait que les États seront vraisemblablement amenés à recapitaliser les banques doit impliquer en contrepartie l’effacement partiel ou total de leur dette — ou en tout cas des intérêts — auprès de ces mêmes banques[/bgcolor]. Peut-être serait-ce aussi l’occasion de sortir du cercle vicieux qui constitue le piège mortel de la dette…[/color]

@Candide

L’idée n’est pas mauvaise mais on peut estimer que les établissements de crédit (quelle est la part des « vraies » banques dans cela?) ne détiennent en propre qu’environ 65 milliards d’euros sur un total de dette publique de 1250 .

Je préfère pour ma part qu’une banque en difficulté soit partiellement ou totalement nationalisée après audit de son bilan réel (« actifs moins les dettes » ) ou au cours du marché au moment où elle est prête à déposer son bilan.
Mais si c’est nationaliser pour reprivatiser 6 mois plus tard, ce n’est pas valable non plus… il faut donc un engagement de durée « illimité »

Dette publique détenue par des établissements privés

Candide et AJH (5063 et 5064).

Non seulement les établissements privés ne détiennent qu’une petite part de la dette publique, mais il me semble que dans la mesure où ces établissements sont assistés par l’État la compensation dont parle Candide doit se faire de manière automatique (avec adaptation des taux d’intérêts, etc.). Est-ce que j’ai raison ? JR

[b]Dette publique détenue par des établissements privés[/b]

Candide et AJH (5063 et 5064).

Non seulement les établissements privés ne détiennent qu’une petite part de la dette publique, mais il me semble que dans la mesure où ces établissements sont assistés par l’État la compensation dont parle Candidde doit se faire de manière automatique (avec adaptation des taux d’intérêts, etc.). Est-ce que j’ai raison ? JR


Je ne suis pas certain de bien comprendre la question, mais les OAT ont une durée de vie de 7 ans en moyenne … les taux sont donc fixés pour 7 ans (mais seulement sur une partie de la dette puisqu’il y a en permanence remboursement et émissions nouvelles sans compter l’augmentation annuelle des emprunts de 45 G€

[color=purple]@ AJH

OK, cela ne résout qu’une partie du problème, mais la mesure vaut surtout par son exemplarité. Ce serait une bonne façon de remettre la phynance à sa place, c’est-à-dire sous tutelle, et de lui ôter une fois pour toute l’envie et les moyens de recommencer ses c…ries.

En effet, il est clair que les individus concernés ne comprennent qu’un seul langage : la force. Et que tant que les peuples de la Terre ne leur opposeront pas la force, que ce soit celle des lois ou celle des armes, ils recommenceront.[/color]

AJH 5070.

Ce que je voulais dire, c’est que l’effacement partiel ou total de des créances que l’établissement renfloué peut avoir sur l’État se fait automatiquement lors de l’opération de renflouement, par un calcul compensatoire qui fera je suppose partie de l’accord passé par l’État avec l’établissement. L’idée mentionnée par Candide dans son 5063 n’a donc rien d’une mesure nouvelle ou exceptionnelle ; elle est sans doute déjà appliquée depuis longtemps. JR

@ Jacques

Ce que je voulais dire, c'est que l'effacement partiel ou total de des créances que l'établissement renfloué peut avoir sur l'État se fait automatiquement lors de l'opération de renflouement, par un calcul compensatoire qui fera je suppose partie de l'accord passé par l'État avec l'établissement. L'idée mentionnée par Candide dans son 5063 n'a donc rien d'une mesure nouvelle ou exceptionnelle ; elle est sans doute déjà appliquée depuis longtemps.
[color=purple]"je suppose", "sans doute"... Au point où nous en sommes, on ne peut plus se payer le luxe de simples formules "suppositoires". Je pense qu'il est inutile de rappeler où nous a menés la confiance que nous faisions au système financier et aux gouvernements...

La conférence de presse, ce soir, des laquais du système financier, indique bien une prise de participation des États dans ledit système, mais rien sur la dette elle-même, laquelle s’était pourtant invitée dans le débat politique lors de l’élection présidentielle. Mais ça, un Euro de foot « dramatique », des JO « polémiques », une Star’Ac revue, une Ile de la tentation, un divorce/remariage présidentiels (etc. ad nauseam) plus tard, qui s’en souvient encore dans le bon peuple ?..

Je pense qu’il serait nécessaire, si le présent gouvernement souhaite ramener la confiance au sein de la population, de lui donner des garanties autrement plus concrètes et précises. Ce devrait être fait demain lundi, mais en ce qui me concerne, j’aimerais bien voir la dette mentionnée dans les mesures annoncées.[/color]

quand ils expliquent qu’ils garantissent les dépôts, cela veut dire quoi ? est-ce que cela veut dire que le petit épargnant à qui on a proposé de faire fructifier son argent sur les marchés financiers va être remboursé de ses pertes ?

[color=purple]Non, apparemment, seuls les comptes courants (dépôt à vue) et d’épargne classiques (PEL, CEL, Livret A, LDD, LEP et assimilés) sont « garantis ».

L’assurance vie n’est pas couverte, pas plus que les plans d’épargne retraite.

Mais cela reste à confirmer. Il pourrait d’ailleurs être intéressant de compléter cette liste pour que chacun puisse s’y référer dans les jours à venir.

De plus, garantir c’est bien, mais avec quel argent ?[/color]

Attention : signalé par AJ sur le blog de Paul (qui pétille fort, en ce moment) :

[bgcolor=#FFFF99]« Pour une réforme radicale du système bancaire »[/bgcolor]

Un article important dans le journal suisse Le Temps,
écrit par Christian Gomez, Docteur d’Etat en sciences économiques,
ancien élève du Prix Nobel Maurice Allais et [bgcolor=#FFFF99]directeur de banque à Zurich[/bgcolor] :

http://www.letemps.ch/template/economie.asp?page=9&article=241564

[align=center][bgcolor=#FFFF99][size=20][b]Pour une réforme radicale du système bancaire[/b][/size][/bgcolor][/align]

L’économie mondiale est au bord du gouffre. Tout le monde s’interroge sur la sécurité et la valeur de son épargne et beaucoup subiront demain le chômage et l’angoisse du lendemain. Les pertes économiques et financières promettent d’être considérables. Pourquoi? Une raison de fond: le mode de création monétaire dans nos économies. À l’heure où cette crise marque la faillite quasi-totale de la plupart des schémas intellectuels en vogue au cours des vingt dernières années, le temps est peut-être venu de penser «out of the box» et de proposer des solutions radicalement nouvelles. En l’occurrence, la solution proposée s’inscrit dans une lignée prestigieuse des plus grands et des vrais économistes libéraux de notre temps: Irving Fisher, l’Ecole de Chicago et Milton Friedman, Maurice Allais…

Peu d’économistes nieront que les causes de la crise d’aujourd’hui résident dans une expansion démesurée des agrégats monétaires et de crédit. En fait, même si celle-ci a donné lieu à plus de débordements que d’habitude, elle ne diffère pas dans sa cause ultime de celles qui l’ont précédée et cette raison, c’est le pouvoir de création monétaire des banques. Pour bien comprendre ce point, il faut résumer le mode de fonctionnement du système monétaire en trois traits:

  • Les banques, par leurs opérations de crédit, disposent du pouvoir monétaire, c’est-à-dire du pouvoir de créer ou de détruire de la monnaie;

  • La mise en œuvre de ce pouvoir dépend en fait des «humeurs» d’acteurs privés: les désirs conjugués des banques de prêter et des agents économiques d’emprunter;

  • De ce fait, l’évolution de la quantité de monnaie en circulation, dont dépendent les fluctuations de l’activité économique et le mouvement des prix, résulte de décisions «privées» et est soumise aux emportements des acteurs économiques.

Par ailleurs, ce système aux origines historiquement frauduleuses distord indûment la répartition des revenus, car le privilège de création monétaire crée une rente, qui n’est pas différente conceptuellement des gains qu’obtiendrait dans son activité une association de faux-monnayeurs qui achèterait des biens et/ou des actifs sur le marché ou prêterait à d’autres personnes avec la monnaie fabriquée.

Vouloir modifier cette situation, c’est d’abord vouloir rendre le pouvoir de création monétaire, et la rente qui lui est attachée, aux seules autorités monétaires et, in fine, à l’Etat, qui retrouverait ainsi la plénitude de son pouvoir «régalien»; ensuite faire en sorte que tous les types d’investissement soient financés par de la «vraie» épargne, c’est-à-dire que le crédit bancaire soit financé par des dépôts d’épargne à maturités fixes sans aucune transformation possible des échéances pour éliminer tout germe d’instabilité.

Pour réaliser cet objectif, un des grands partisans de ce système, le Prix Nobel français (1988) Maurice Allais, a proposé dans de nombreux travaux de séparer les fonctions bancaires en les faisant exercer par des entités distinctes, principalement:

  • Les banques de dépôts, qui ne s’occuperaient que de la gestion des encaisses des clients (cash management), en les couvrant à 100% par de la monnaie de base (banque centrale) et en se faisant rémunérer pour ces services.

  • Les banques de prêts, qui recevraient les dépôts à terme/d’épargne et les prêteraient à des termes légèrement plus courts aux emprunteurs.

Les conséquences de la mise en œuvre d’un tel système seraient considérables. Du point de vue de la politique économique, le contrôle total de l’offre de monnaie donnerait des moyens très efficaces de régulariser l’évolution économique et l’inflation, tout en prévenant tout risque systémique. Du point de vue de l’efficacité économique, non seulement la gestion des encaisses serait optimisée par les banques (baisses des coûts) et par les agents économiques (du fait du coût d’usage de la monnaie), mais le rôle régulateur des taux d’intérêt dans l’orientation de l’épargne et la sélection des investissements serait magnifié. Enfin, en ce qui concerne la répartition des revenus, la capture de la «rente» monétaire permettrait d’obtenir une recette budgétaire supplémentaire d’un montant significatif (pour la zone euro, en première approximation, l’équivalent de la moitié de l’impôt sur le revenu pour un taux de croissance de la masse monétaire de 4,5%). Par ailleurs, du fait des caractéristiques du processus de transition du système actuel au système projeté, une large partie des problèmes liés à l’existence d’une dette publique imposante serait réglée, comme nous le montrons ci-après.

Difficile à mettre en oeuvre? Pas vraiment. Dès la décision de réorganisation prise, les banques actuelles seraient invitées à se transformer en holdings bancaires (voir schéma ci-dessus). Pour couvrir les besoins en monnaie de base nécessaires au passage des dépôts à vue dans les banques de dépôts, les techniques les plus simples de la titrisation pourraient être utilisées, parmi d’autres solutions possibles. Les banques actuelles créeraient chacune des structures de titrisation ad hoc auxquelles elles vendraient le montant de créances nécessaires détenues à leur bilan, le financement étant assuré par l’émission de notes souscrites par la banque centrale. Comme les banques resteront en charge du service de ces créances (recouvrement des intérêts et du principal), aucune interruption des relations clients ne serait à prévoir et, comme ce service serait rémunéré, le compte d’exploitation des banques serait protégé.

Dans la période de transition, on assisterait à un double mouvement conjugué au fur et à mesure du remboursement des créances placées dans la structure de titrisation: d’un côté, la banque centrale, pour éviter tout recul de la masse monétaire, les remplacerait à son bilan par des achats de titres publics; de l’autre, les banques de prêts renouvelleraient à l’échéance les créances initiales à partir des dépôts d’épargne effectués par leurs clients. C’est dans ce processus que se trouve une solution, radicale elle aussi, au problème de la dette publique puisqu’une part substantielle de celle-ci serait absorbée par la banque centrale qui rétrocéderait les intérêts de cette dette à l’Etat sous forme de profit de l’institut d’émission.

Ce système n’a jamais vraiment existé, même si des économistes prestigieux ont soutenu des approches similaires. Contre lui, il y a le poids des idées reçues sur l’inéluctabilité du système actuel et le choc des intérêts. Rendre la rente de la création monétaire aux citoyens, sous forme d’une ressource budgétaire, forcément, cela ne plait pas à tout le monde et surtout pas aux banquiers… Mais peut-être que les peuples pourraient s’intéresser à un système qui leur assurerait la prospérité, en libérant l’initiative, et la sécurité, en éliminant les «manias» qui ruinent périodiquement nos économies. Et si la refondation d’un nouveau capitalisme passait par là ?


C’est tellement bon que je surligne rien… :slight_smile:

Ne ratez pas ces deux billets de Paul :

[bgcolor=#FFFF99]• Un Bretton Woods dont l’espèce se souvienne[/bgcolor] : Un Bretton Woods dont l’espèce se souvienne – Blog de Paul Jorion

[bgcolor=#66FF00]• Constitution ou pas ?[/bgcolor] : Constitution ou pas ? – Blog de Paul Jorion

Ce blog est for-mi-dable…

:confused:

Étienne.

« Je suppose… »

Candide (5075).

À ma terminologie « je suppose » correspond votre terminologie du message 5063 : « vraisemblablement, doit impliquer ».

Autrement dit, nous traitons tous les deux d’hypothèses. Elles restent à vérifier : je m’en remets à vous puisque la question semble vous tenir à coeur. JR

[color=purple]Jacques, ce n’est pas vraiment ce que je voulais dire.

Tout d’abord, je pense qu’étant donné les derniers événements, on peut sans problème retirer le mot « vraisemblablement » de mon message 5063. Les États VONT être amenés à recapitaliser les banques défaillantes.

Ensuite, pour ce qui est de mon « doit impliquer », il ne s’agit nullement d’une hypothèse, d’une supposition à prendre au conditionnel, mais d’un impératif absolu. En cas de recapitalisation par l’État, ladite recapitalisation IMPOSE en contrepartie un effacement partiel ou total de la dette ou de ses intérêts.

Merci de m’avoir donné la possibilité de préciser ce qui n’était pas nécessairement clair.[/color]

Oxfam est une confédération d’Organisations Non Gouvernementales, luttant sur les terrains politique, économique et humanitaire, contre la pauvreté et l’injustice dans le monde. Le porte-parole d’Oxfam France, Sébastien Fourmy, rappelle trois chiffres à ne jamais oublier :

Eliane Patriarca : Ces derniers jours, plusieurs organisations ou experts de l’aide alimentaire se sont dit choqués par la disproportion des moyens.

Sébastien Fourmy, porte-parole d’Oxfam France : En effet, il y a un écart patent entre les moyens mis en oeuvre pour tenter de juguler la crise financière mondiale, et la passivité de la communauté internationale face à la crise alimentaire et humanitaire. On réussit à trouver quelque 1000 milliards de dollars pour les banques, ce qui montre que quand la communauté internationale veut, elle peut se donner les moyens d’agir vite. Mais quand il s’agit de la faim, chacun détourne le regard. À la réunion de la FAO en juin 2008, seuls 6,5 milliards d’euros ont été annoncés pour relancer le système agricole de production. [bgcolor=#FFFF99]Trente milliards de dollars seulement permettraient de nourrir durant un an les 925 millions de personnes qui souffrent de la faim dans le monde.[/bgcolor] Bien sûr que cela ne serait qu’une solution à court terme, mais cela donne un ordre d’idées : c’est ce que nous avons expliqué aux assemblées du FMI et de la Banque mondiale.

http://www.liberation.fr/terre/0101124044-la-crise-financiere-occulte-la-crise-alimentaire

Premier chiffre : 30 milliards de dollars permettraient de nourrir pendant un an les 925 millions de personnes qui souffrent de la faim dans le monde.

Deuxième chiffre : après les émeutes de la faim dans 40 pays en 2008, la communauté internationale a dépensé seulement 6,5 milliards de dollars pour relancer le système agricole de production.

Troisième chiffre : 3 019 milliards de dollars.

Pour renflouer les banques privées, les Etats-Unis viennent d’annoncer un plan de 700 milliards de dollars. Pour renflouer les banques privées, les pays européens viennent d’annoncer un plan de 1 700 milliards d’euros, c’est-à-dire 2319 milliards de dollars. Total : 700 + 2319 = 3019 milliards de dollars.

3 019 milliards de dollars pour renflouer les banques privées !

http://www.lesechos.fr/info/inter/300301160-l-europe-annonce-ses-chiffres-pres-de-1-700-milliards-pour-les-banques.htm

Instit (5087).

Oui, cette comparaison de chiffres donne à réfléchir. JR

Et encore, je n’ai pas les chiffres récents ! Le Financial Times écrit que les pays européens vont en réalité mettre en oeuvre 1 873 milliards d’euros pour renflouer les banques privées !

Je dois donc refaire mon calcul !

Premier chiffre : 30 milliards de dollars permettraient de nourrir pendant un an les 925 millions de personnes qui souffrent de la faim dans le monde.

Deuxième chiffre : après les émeutes de la faim dans 40 pays en 2008, la communauté internationale a dépensé seulement 6,5 milliards de dollars pour relancer le système agricole de production.

Troisième chiffre : 3 245 milliards de dollars.

Pour renflouer les banques privées, les Etats-Unis viennent d’annoncer un plan de 700 milliards de dollars. Pour renflouer les banques privées, les pays européens viennent d’annoncer un plan de 1 873 milliards d’euros, c’est-à-dire 2 545 milliards de dollars. Total : 700 + 2 545 = 3 245 milliards de dollars.

3 245 milliards de dollars pour renflouer les banques privées !

http://www.ft.com/cms/s/0/a7eba3fc-992b-11dd-9d48-000077b07658.html?nclick_check=1

[color=purple]@ Instit,

Pour révoltante que cette comparaison puisse paraître, merci de ne pas oublier les conclusions du fil de discussion suivant, dont je vous invite à prendre connaissance dans son intégralité (il est court) :

http://etienne.chouard.free.fr/forum/viewtopic.php?id=119[/color]