Bonjour,
Je suis en désaccord avec plusieurs articles du préambule de la Constitution CNOC.
[bgcolor=#FFFF99]1. [/bgcolor]Le plus important de ces désaccords concerne l’article I-17 sur la laïcité (j’en suis tombée de ma chaise).
La laïcité fait partie de ces mots qui ont été mis à l’envers, en l’occurrence depuis une dizaine d’années. La laïcité, telle qu’elle a été définie à la fin du 19ème siècle, et telle qu’elle est exprimée dans la loi de 1905, c’est le fait que l’Etat garantit la liberté de conscience de chacun. Son corollaire indispensable est la liberté d’expression, aussi bien dans la sphère publique que dans la sphère privée (d’ailleurs la liberté d’expression n’a de sens que dans la sphère publique).
Afin de pouvoir garantir à tous ces deux libertés – de conscience et d’expression – l’Etat se doit d’être neutre, par exemple en ne finançant pas les cultes, en ne rémunérant pas les ministres des cultes et en n’exprimant pas de préférence envers un culte particulier ou une absence de culte.
La laïcité ne saurait en aucun cas s’appliquer à des individus ! Sinon, il ne s’agit ni plus ni moins d’un déni du droit de conscience et d’expression !
C’est pourquoi je propose ci-dessous une autre version pour l’article I-17. Par ailleurs, je recommande la lecture de l’article « Une révolution conservatrice dans la laïcité » de Pierre Tevanian (http://lmsi.net/Une-revolution-conservatrice-dans). Pour une approche historique du dévoiement du mot laïcité, je recommande l’article « Race, caste et genre en France » de Christine Delphy (http://lmsi.net/Race-caste-et-genre-en-France) et la conférence de Houria Bouteldja (http://www.youtube.com/watch?v=Js304r70VCM, spécifiquement sur la laïcité des minutes 18:45 à 23:30, mais l’ensemble de la conférence est un pur plaisir à écouter).
Plus globalement, le site « les mots sont importants » (http://lmsi.net) travaille à remettre les mots à l’endroit et ils ont beaucoup d’articles sur la laïcité.
Le dernier paragraphe de l’article I-17 est une référence vraiment pathétique (pardonnez-moi, mais c’est vraiment le sentiment que j’en ai) à l’affaire des caricatures de Mahomet. Depuis quand écrit-on une Constitution – et pire encore le préambule d’une constitution – en étant dans l’émotion de l’actualité et en se référant à elle ? De plus, se moquer de l’islam n’est pas du tout une « opinion dissidente » en France. Bien au contraire, c’est un sport national auquel il est bien vu de participer.
Enfin, je suis d’accord avec Pierre Tevanian lorsqu’il dit que la laïcité (dans le vrai sens du terme) n’est pas une fin en soi mais juste un moyen de parvenir à nos objectifs d’égalité et de liberté. A ce titre, la laïcité n’a donc pas à figurer dans la devise nationale. Pour ma part, je souhaiterais conserver les termes de la devise actuelle « Liberté, Egalité, Fraternité », mais je suis très sensible au commentaire qui suggère l’inversion de ces termes : « Fraternité, Egalité, Liberté ».
[bgcolor=#FFFF99]2. [/bgcolor]Si je suis (globalement) d’accord sur le fond de l’article I-16 sur l’égalité devant la loi, je ne suis pas d’accord sur la forme. Alors que l’ensemble du préambule est écrit au masculin neutre, tout d’un coup, on a l’air de se souvenir des femmes et ici les noms sont déclinés. Ce n’est pas du tout cohérent.
A titre personnel, j’ai une préférence pour l’usage du féminin neutre (surtout quand il s’agit de mettre « personne » à la place de « homme » ! Accessoirement ça permet d’anticiper le moment où d’autres êtres que les humains pourront être citoyens ). Mais je suis prête à accepter le masculin neutre. Par contre, je ne suis pas particulièrement favorable à l’usage des noms déclinés (« tou-te-s »), pour une raison que j’explique plus bas. Mais si c’est le choix d’une majorité, je ne m’opposerais pas forcément non plus.
Sur le fond, si on inscrit dans cet article le fait qu’il ne peut y avoir de discrimination selon les identités de genre, on ne peut dans un autre endroit du préambule présumer de ce que sont ces identités de genre. Il faut donc à mon avis bannir les catégories « hommes » et « femmes » du préambule (c’est pourquoi je ne soutiens pas l’usage des noms déclinés, qui renforcent à mon avis ces deux catégories de genre). Cela modifie l’article I-13 sur le suffrage universel.
Sur le fond toujours, il manque la mention de l’égalité selon l’âge. La domination des adultes sur les enfants est quelque chose qui est très peu remis en cause. Je ne dis pas qu’il faut faire la révolution sur ce point, nous, là, maintenant. Mais il me semble plus sain de ne pas affirmer le bien-fondé de cette domination dans le préambule, ce que fait l’article I-13 sur le suffrage universel en prévoyant un droit différencié pour eux. Sur la question de la domination des adultes sur les enfants, je recommande les textes de Julien Barnier « La domination adulte » (http://lmsi.net/La-domination-adulte) et de Shulamith Firestone « Pour l’abolition de l’enfance » (tahin-party.org/textes/firestone.pdf).
De même, l’école est une institution violente à l’égard des enfants et il me semble néfaste d’affirmer son existence dans le préambule. C’est pourquoi je refuse toute référence à l’école dans le préambule (article I-13 sur le suffrage universel). Sur la violence de l’école, j’ai dans ma liste de livres à lire les auteurs Ivan Illitch et Bernard Defrance, qui m’ont été recommandés spécialement.
Bref, vous aurez compris que les articles I-13 et I-16 ne me conviennent pas. Aussi j’en propose ci-dessous une autre version. Ma formulation me semble plus élégante. Elle élimine également le mot « race », dont on sait qu’il ne correspond à rien et qu’il est défini en négatif uniquement par le racisme.
[bgcolor=#FFFF99]3. [/bgcolor]A la suite de l’argumentation du point précédent à propos des enfants, je propose un article supplémentaire totalement révolutionnaire (trop peut-être pour l’époque actuelle…) sur l’accès à la citoyenneté. Cet article résoudrait également la question des étrangers demandant la citoyenneté.
[bgcolor=#FFFF99]4. [/bgcolor]Il n’y a dans le préambule aucune mention sur la propriété. Je pense que c’est un tort et je propose d’ajouter un article en se basant sur les notions de « propriété lucrative » et « propriété d’usage » telles qu’elles sont définies par Bernard Friot.
[bgcolor=#FFFF99]5. [/bgcolor]Il n’y a pas dans le préambule de référence à une langue officielle. En tant que linguiste, je trouve ça plutôt intéressant. J’aimerais bien que nous n’ayons effectivement pas de langue officielle . Je propose l’ajout d’un article dans ce sens.
Il me semble qu’à ce jour les seuls pays qui n’ont pas de langue officielle sont l’Ethiopie et l’Erythrée. Le cas de l’Ethiopie (que je connais seulement par ouï-dire, à confirmer donc) est particulièrement intéressant puisque leur constitution dit que chaque personne a le droit d’être instruit dans sa langue, ce qui oblige l’Etat à dégager des fonds pour décrire les langues et produire du matériel scolaire dans ces langues. Bien sûr, comme ce n’est pas le paradis d’un point de vue économique, le résultat n’est pas forcément génial, mais la démarche est extrêmement intéressante.
ARTICLES CORRIGES OU AJOUTES :
Article I-17 : Laïcité
[bgcolor=#FFFF99]A chaque citoyen sont reconnues la liberté de conscience et son corollaire indispensable, la liberté d’expression.
Ces deux libertés sont garanties par le fait que l’Etat est totalement neutre quant à la question religieuse.[/bgcolor]
Chacun est libre de pratiquer la religion de son choix dans sa sphère privée, sans jamais pouvoir imposer un comportement à autrui à travers la sphère publique.
Le droit de moquer les religions, comme de moquer toute autre chose, est un droit supérieur inviolable. En Démocratie, il ne peut pas y avoir de délit de blasphème : la liberté et la publicité des opinions dissidentes sont garanties au dessus de tout.
Article I-13 : Suffrage universel
Chaque [bgcolor=#FFFF99]citoyen[/bgcolor] homme ou femme dispose d’une voix. Cette voix, chaque fois que c’est possible, doit pouvoir exprimer finement sa volonté à l’aide de points, positifs et négatifs (vote préférentiel).
Le vote « blanc » sert à contester en bloc tous les choix offerts à un vote ; il doit être décompté et il doit déclencher l’annulation de l’élection à partir d’un seuil fixé dans la Constitution.
Toutes les techniques de vote qui ne permettent pas un contrôle direct par les citoyens présents au bureau de vote (machines à voter) sont anticonstitutionnelles.
Les enfants ont la possibilité d’exprimer leur voix par le truchement d’un vote collectif exprimé en classe dès l’école primaire, éclairés en cela par leur instituteurs ou professeurs (renforcement de l’esprit civique et du sentiment de participer à la vie de la cité).
Article I-16 : Égalité devant la loi
[bgcolor=#FFFF99]Tous les citoyens sont égaux devant la loi, sans aucune distinction selon des caractéristiques physiques (sexe, couleur de peau, âge, etc.) ou identitaires (langue, origine, religion, genre, orientation sexuelle, etc.), que ces caractéristiques soient perçues ou revendiquées.[/bgcolor]
Tou-t-es les citoyen-nes sont égales/aux devant la loi, sans distinction d’origine, de race, de religion, d’orientation sexuelle ou d’identité de genre.
Tout citoyen Tout-e citoyen-ne a un égal accès aux charges et aux fonctions publiques.
[bgcolor=#FFFF99]Article à ajouter : Citoyenneté
Est citoyen qui le demande.[/bgcolor]
[bgcolor=#FFFF99]Article à ajouter : Propriété d’usage et propriété lucrative
La propriété lucrative est interdite.
La propriété d’usage est garantie pour tous dans la limite où elle respecte la propriété d’usage d’autrui.[/bgcolor]
[bgcolor=#FFFF99]Article à ajouter : Langues
L’Etat n’a pas de langue officielle. Les langues de travail des institutions sont déterminées par la loi.[/bgcolor]
Article I-26 : Symboles démocratiques
• Notre devise est : « Liberté, Égalité, Fraternité. »
• Notre devise est : « Fraternité, Égalité, Liberté. » en inversant ça change tout :
- liberté n’est plus confondue avec libéralisme (car procède de la notion d’égalité)
- égalité n’est plus suspect d’égalitarisme (puisque procède de la fraternité)