05 Principes constitutionnels relatifs à l'activité économique

À Citrouille - suite.

J’ai fait une erreur grossière : effectivement, d’après Marx, les nations sont une création bourgeoise. Mais il y a beaucoup de choses (contre arguments) à vous retourner (sur votre phrase d’origine (de mémoire) : « je ne vois pas pourquoi il serait mal que le capitalisme financier s’affranchisse des nations ; les nations étant une construction bourgeoise, comme le disait (justement) Marx ».

Elle m’a fait bondir, cette phrase… et je pense encore qu’elle n’était pas dénuée de provoc’… si c’est une manière de délier les langues, c’est efficace (et cette tirade est du genre à inspirer bien des idées) mais je suis sûr qu’il y a mieux pour engager un débat sur la problématique déjà pas toujours facile de ce forum. Merci pour votre dernier message… je me trouve un peu rassuré. Je viens de passer quelques semaines qui m’ont éprouvé nerveusement…

  • De la part de Marx, cela n’a rien de péjoratif (sur le moyen terme, c’est à dire avant « la phase que lui a prôné ») : c’est un passage obligé, souhaitable, c’est l’état du pays sortant du féodalisme pour passer au capitalisme. Or, c’est par le développement du capitalisme que se développe le prolétariat et sa conscience de classe ;

  • dire que le capitalisme financier s’émancipe des nations ne veut pas du tout dire qu’il détruit les nations.

    Le nationalisme est historiquement un outil essentiel pour le maintient du capitalisme.
    Le passage de capitalisme d’Etat (à l’ère ou les flux (internationaux) de capitaux était marginaux, soit jusque vers la fin du XIXe siècle, je crois, puis après la première guerre mondiale à nouveau) à capitalisme financier émancipé des nations a changé bien des choses (c’est ce qu’on nomme mondialisation ultra libérale) mais je suis convaincu qu’il n’est pas dans l’intérêt de la nouvelle classe dominante de faire disparaître le nationalisme, au contraire.

    Le libéralisme a été historiquement conçu comme système inscrit dans la nation, je crois bien que la circulation (transnationale) des capitaux n’existait pas chez A. Smith. Je crois aussi qu’il est convenu que la main invisible génère des inégalités, et une redistribution, et l’impôt (progressif) est légitime en ce sens.
    Ce qui nous amène, pour moi, à l’idée de démocratie (libérale).

  • quand je disais « tout pouvoir émane de la nation », je parlais d’un fondement démocratique (DDHC de 1789). Et c’est bien parce que le capitalisme s’est émancipé des nations que la démocratie devient de plus en plus un trompe l’œil : le politique est devenu impuissant. Les représentants du peuple n’on plus de pouvoir sur l’économie. Ils bricolent, et de plus en plus difficilement. Ce volet commence par développer cette idée, d’ailleurs. Et ma première « thèse » est qu’il n’y a pas de démocratie (libérale) qui tienne si l’économie est illisible à l’échelle où se fait la politique.

  • il me semble qu’en ce sens, la nation est et reste un bien. Si vous n’êtes pas communiste pur et dur en tous cas. Ce qui ne veut pas du tout dire, pour moi, et pour peu qu’on arrive à trouver les bases d’un système mondialiste viable et humain, l’anti-mondialisation.

  • paradoxalement, le nationalisme au sens de compétition entre nations est devenu un fléau. Il l’était déjà, mais aujourd’hui, en occident, c’est la guerre économique, plus la bonne vieille guerre. Celle qu’ « il nous faut »… par exemple, quand le capitalisme d’Etat a fini son cycle d’autodestruction.
    Il reste la base politique d’une rhétorique qui alimente le capitalisme financier, apatride, aveugle. Et les alters ont bon dos pour les libres échangistes qui les taxent d’anti-mondialisation. Et le feront encore longtemps, j’en suis sûr.

    Je me suis souvent dit que la rhétorique nationaliste (ou de compétition entre nation) est une réminiscence bien compréhensible, mais qui est devenue, avec la mondialisation, une sorte de base dogmatique partagée, qui se traduit dans les discours mais aussi dans l’action, qui ne laisse le choix, pour les « réalistes » de l’économie comme pour les politiques (dont la base du rôle reste de servir les intérêts de la nation) qu’entre l’ « extrémisme protectionniste » et l’extrémisme ultra-libéral (libre échangiste, au sens péjoratif du terme, à savoir aveuglément à la « qualité des investissements », puis peu à peu contre la survie des entreprises, et insensible à la place des individus comme aux inégalités individuelles que génèrent les entreprises).

Bonjour Sam17,

Si, j’ai travaille dans l’industrie a plusieurs reprises et plus specialement pour financer mon annee Erasmus pendant tout un ete et c’est d’ailleurs a ce moment que j’ai pris une belle claque: on etait en plein de l’ere Jospin et j’etais un enthousiaste des 35 heures. Je faisais les 3/8 (qui rendent fou), dans une usine relativement recente ou les ouvriers etaient de ma classe d’age. Dans le fumoir, j’ai vite compris que les 35 heures n’etaient pas vraiment populaire: ces types qui voulaient construire une maison, partir en vacance, ne pouvaient pas car les salaires etaient bloques par les accords des 35h. Leur pouvoir d’achat avait diminue depuis la mise en place des 35h car les heures sup, qui mettaient du beurre dans les epinards, etaient remplacees par des interims comme moi. Le fait que la loi leur a interdit d’augmenter leur pouvoir d’achat etait revoltant et le mepris et l’aveuglement de ce Gouvernement m’a revolte. Ces types voulaient travailler et ils en etaient empeches alors que l’usine avait besoin de bras. Je pense que c’est a ce moment precis que j’ai commence a remettre en cause certains de mes ideaux.

Moi meme, j’ai eu besoin d’argent a certains moment, au RU, j’ai cumule plusieurs emplois, travaille plus de 50h par semaine, et j’ai gagne l’argent dont j’avais besoin a ce moment la. Aurais-je pu le faire en France? Non, je me serais appauvri et j’aurais du vendre mes biens. Tout ca pour dire que l’apauvrissement des classes populaires n’est pas forcement lie a la mondialisation mais peut certainement etre du a la betise d’un gouvernement national.

Sur la nation:

Ce n’etait pas vraiment de la provoc’ plutot une puerile pirouette. Rassurez-vous, vos phrases me font bondir aussi: « l’information n’est pas une marchandise » par exemple, qui semble plus un slogan dogmatique et inattaquable qu’une veritable posture ideologique (je dis ca sans mechancete)

Plus serieusement, le seul moyen d’erradiquer le nationalisme est d’erradiquer la nation.

La nation n’existe pas, ce n’est pas une entite concrete, c’est une construction ideologique.

La nation n’a pas fait la Revolution de 1789: les aristos, beaucoup de religieux, une bonne partie de la Vendee etaient contre la Revolution. La Revolution a ete faite par…les revolutionnaires et rien qu’eux.

Le nationalisme n’est pas « historiquement un outil essentiel pour le maintient du capitalisme »: le nationalisme serbe et croate n’avaient pas pour but de defendre des interets capitalismes. Le nationalisme irlandais et britannique en Irlande du Nord n’avaient pas pour but de defendre le capitalisme et pour pendre un exemple d’actualite: le nationalisme israelien n’a pas pour but de defendre le maintien du capitalisme.

Faut que j’y aille, je vous reponds sur le reste ce soir

Je n’ai pas écrit que le nationalisme avait pour seul fin de servir le capitalisme.
Pas non plus que ceux qui le ressentent comme tels sont ceux qui l’instrumentalisme en capitalistes.
J’ai dit que c’est un outil essentiel au maintien du capitalisme.
Mais on peut aussi lui substituer d’autres moyens de diviser pour lieux régner.

« L’information n’est pas une marchandise », je le dis parce que c’est une synthèse correcte de ma pensée, qui n’est pas plus étayée par des acquis idéologiques alters que par d’autres sources.
Je tiens à préciser que ce slogan « le … n’est pas une marchandise », qui sent fort les altermondialismes, je ne l’emploie jamais. Je n’aime pas les petites phrases fortement colorées (associées à un dogme).
Sauf chez vous, quand ce sont surtout des pirouettes destinées à éveiller la critique…

« Tout ca pour dire que l’appauvrissement des classes populaires n’est pas forcement lie a la mondialisation mais peut certainement être du a la bêtise d’un gouvernement national. »

L’un n’empêche pas l’autre. Le grand drame des français dans la réflexion politique en milieu mondialisé, c’est que la France cumule… je suis très attaché à essayer de distinguer les choses, et à veiller à ce qu’on ne me fasse pas le coup du train qui peut en cacher un autre.

Maintenant, le statut de mauvaise élève de la France, qui lui est donné surtout par les libéraux les moins pauvres et les moins regardant au sort des pauvres, ainsi que par ceux qui sont résignés à accepter un système que de tous bords et de partout on sait intenable, pour ne pas dire néocolonial en certains endroits et propre à ramener l’occident des siècles en arrière, je le prends d’abord comme un avantage. Puisque tôt ou tard, il faudra bien revenir à un système économique viable, plus humain, et à une démocratie plus réelle. Lisez à l’occasion mes propositions sur ce volet, parce que je crois que je suis difficilement cataloguable…

La nation, au sens positif et démocratique du terme, c’est le peuple souverain, rien d’autre.

« Le qualificatif de souverain appliqué aux peuples est une tragique plaisanterie » (Mussolini).

« Plus sérieusement, le seul moyen d’éradiquer le nationalisme est d’éradiquer la nation. »

Diviser pour mieux régner, c’est une loi universelle. Eradiquez le nationalisme, il repoussera d’autres outils. Il y en a d’ailleurs bien d’autres. Focaliser sur le nationalisme, au présent, me semble être une approche un peu faible. Ce n’est plus si important de nos jours. Sauf quand l’extrême droite remonte. Mais c’est prendre le problème à l’envers : l’extrême droite remonte quand le centre triche. Et comme je ne crois pas beaucoup au « tous pourris », j’ajoute que quand celui-ci triche, c’est qu’il est impuissant.

Le capitalisme financier a de fait déjà créé un ordre néoféodal. Les élus de la nation sont impuissants face à lui. Ce qui fait monter Le Pen en France, c’est que le politique en est réduit au bricolage dès qu’il y a des enjeux économiques significatifs, soit sur une très grand part des dossiers. Et comme lorsqu’un dirigeant quel qu’il soit devient impuissant, perd son autorité (son pouvoir de donner du sens), il compense par la force. On a ainsi recommencé à banaliser la force en politique. Historiquement, on sait ce qui nous pend au nez en pareilles circonstances.

Citrouille,

« l’appauvrissement des masses populaires » n’a rien à voir avec le fait de la limitation du temps de travail, mais, comme tous les patrons qui n’ont pas eu besoin de « s’intoxiquer avec Marx » le savent, ce qui est concédé au travail par le capital fait baisser le taux de profit: cette « baisse » , c’est « le coût du travail », alors, on va les faire bosser plus « afin que les pauvres ne soient pas obligés de vendre leurs biens »…

Votre description de votre course au « gagner plus en travaillant plus » est pathétique !

Alain,

Comment expliquez-vous que les classes populaires se soient enrichies au RU et en Irlande durant la derniere decennie? Sans doute pas a cause de la flexibilite du travail.

Allo la France? Vous voulez-dire que les 35h n’ont pas apprauvi les classes laborieuses. Euh, vous en connaissez beaucoup des ouvriers qui ont vu leur fin de mois devenir moins difficile apres le passage des 35h?

Pardonnez-moi d’etre pathetique et merci au passage pour votre marque d’affection que j’apprecie pleinement. Je n’ai pas ete dans une course pour « gagner plus en travaillant plus », j’avais besoin d’argent, j’ai travaille un max pour obtenir ce dont j’avais besoin et j’ai le pathetisme de croire que je meritais ce que j’avais gagne. En France, a part telephoner a Popa et a Moman et de vendre mes quelques biens, je n’aurais pas eu d’autres possibilites. Merci la France.

Citrouille,

ce volet, comme tous les autres volets du forum, a pour objet de dégager par le débat des principes qui puissent être inscrits dans une constitution.
Inutile de préciser que ce volet a un handicap particulier, puisque « une constitution ne définit pas de politique économique ». Justement, je pense qu’une certaine hygiène s’impose dans les débats au moins autant que sur d’autres volet… Je trouve que nous partons vers un débat politique, et qu’il serait bien de garder en tête l’objectif.

Je crois que vous êtes le premier à parler ici des 35h et vive la flexibilité blairienne (un de ces jours, on va avoir la visite d’un fan de Ségolène, si ce n’est pas fait (…) qui nous vantera la flexsécurité).
On pourrait se dire que c’est encore un élément un peu hors sujet ici, parce que vous nous parlez essentiellement des petites merveilles de la politique économique blairienne et des petits et gros soucis de la politique économique française.
Mais non, ce n’est pas hors sujet. Le problème est que tout en soulevant régulièrement des points très intéressants, vous laissez les autres les mettre dans la perspective du sujet… C’est une manie chez vous ? :wink:

L’article 89 de la constitution du Venezuela établit le principe de progressivité en termes de norme de temps de travail (diminution progressive).
Pourquoi, au lieu de parler des 35h, qui furent une mesure politique (législative) prise en un temps donné, par une majorité donnée (donc une loi qui peut être modifiée par la suite, sans changer la constitution) sans aucun doute contre l’avis de libéraux comme M. Allais qui parlent eux aussi de relancer une économie post-baby boom… et à laquelle le capitalisme financier international a subtilisé habillement un tiers de sa richesse, …, ne pas commenter cet article 89 ?

Voyez-vous, moi je l’approuve, cet article, au sens où je préfère le voir écrit qu’absent.
Il donne un principe général, qui n’est pas directement contraignant dans le sens où il n’impose pas par exemple que soit appliqué automatiquement tous les trois ans une réduction du temps de travail d’un an, uniformément dans tous les secteurs d’activité et dans tous types de boîtes.
Par contre, il nous dit au moins implicitement qu’à secteur et à boîte (type, nombre de salariés) constant, on ne peut pas augmenter le temps de travail d’une année sur l’autre.

Cela peut se critiquer. Notamment quand la population enregistre des tendances significatives liées à l’évolution de la démographie d’une génération sur l’autre.
La première objection qui me vient à l’esprit, c’est que la génération baby-boom, celle qui a connu les trente glorieuses était parfaitement en mesure : et de prévoir le phénomène démographique, et de savoir que les glorieuses sont toujours des phénomènes temporaires, et de faire les économies substantielles nécessaires aux générations suivantes, et d’éviter de léguer à leurs enfants des dettes, de la dette publique à taux d’intérêt fluctuant en fonction des spéculations internationales sur les monnaies, et de la dette privée (parlez nous donc du surendettement des ménages en GB, comparé à celui déjà élevé des Française, et de qui finance celui des américains). Sans parler d’instaurer une nouvelle idéologie absurde à force de prendre des rêves pour des réalités.

Autrement dit, pour moi, l’objection la plus significative qu’on peut opposer à l’adoption de ce principe trouve elle-même une objection s’appuyant sur un autre principe essentiel (que certains ici ont déjà plus ou moins proposé d’inscrire dans la constitution) : le devoir moral d’une génération envers les générations futures, s’agissant notamment du legs environnemental. Le legs économique n’avait pas été abordé, je viens de le faire. C’est une première ici, vous me pardonnerez de ne pas développer, je soulève un point, on pourra y revenir.

Vous avez des idées de principes relatifs à l’économie et qui pourraient s’inscrire dans une constitution ?
C’est à dire un truc qui définit des droits fondamentaux qui ne doivent pas être remis en question, et les moyens institutionnels (définition du rôle et organisation des pouvoirs publics) à se donner pour les faire appliquer.

Par exemple, je n’apprécie pas la formule de l’article 87 de la constitution du Venezuela : « Toute personne a droit au travail et le devoir de travailler ». « Encourager l’emploi est un but de l’Etat ».

Le droit au travail, pas de problème. Mais l’acharnement à donner à tout prix un travail à tous, je suis assez convaincu que ce n’est pas (plus) une bonne chose.

Que pensez vous de l’idée du revenu universel garanti, c’est une belle idée, non ?

Cela permettrait :

  • aux individus « qui n’ont pas papa maman derrière eux » de n’être pas condamnés à faire un travail qui ne leur convient pas, à produire des choses dont souvent on n’a pas besoin avant de les avoir (je suppose que vous n’êtes pas dupes de la capacité de la société à soutenir un rythme de développement ne serait-ce qu’égal à celui que nous avons actuellement), dans un lieu qui ne leur convient pas (les théories du chômage du libéralisme néoclassique sont délicieuses de candeur - le facteur mobilité y coule de source). Au passage, je sors d’une famille nombreuse très modeste, et j’ai fait ingénieur précisément, consciemment, parce que je n’ai pas les c… (la capacité suffisante à me faire à l’angoisse de l’insécurité matérielle, parce que c’est lié à des angoisses cultivées trop jeune) de mener la vie d’artiste, bien que je préfère la musique et le dessin à la simulation numérique de comportement de pièces moteur. La moitié de mes copains de l’école d’ingénieur sont aujourd’hui dans les arts. Mais ils avaient papa maman, eux. Je ne me plains pas, mais c’est un fait. Et j’étais aussi doué que certains autres pour me lancer aussi (c’est du moins ce que m’ont dit les encouragements que j’ai reçus). Père d’un enfant en bas âge, j’ai passé 3 ans à Paris pour pouvoir enfin trouver du travail sur Lyon. Aller en GB ne m’intéresse absolument pas. Y trouver plus de flexibilité ou deux fois mon salaire, non plus. Je préfèrerais amplement diviser mon salaire par deux ou trois, et vivre sans bagnole, à la cambrousse. Je peux vous assurer que je ne m’ennuie jamais, et que je travaille beaucoup, en dehors de l’activité qui paye mes factures. Pendant deux ans, j’ai remboursé les dettes que j’avais contractées pour faire ma formation. Aujourd’hui, j’ai une bagnole parce que j’en ai besoin un peu pour mon travail, plus encore pour ma fille, quand je vais la chercher les WE. Mon travail, on n’en trouve pas dans n’importe quelle cambrousse. Allez, c’était pour causer comme vous un peu pratique, et des raisons qui font que je travaille là et comment je travaille au présent.

  • aux « institutionnels » de ne plus s’acharner comme des staliniens accrochés à leur plan à caser des ressources humaines encore appelées facteurs d’ajustement structurel dans les cases d’un marché de l’emploi orienté exclusivement produit et taux de profit (donc coût des ressources humaines) et à bricoler tout et n’importe quoi pour faire travailler tout le monde à tout prix dans une économie qui déborde déjà de richesses, et qui augmente les inégalités en même temps que la richesse (curieux comme les libéraux oublieux ont oublié que c’est une propriété intrisèque de la main invisible, qui justifie en elle-même l’impôt… progressif).
    Tout et n’importe quoi qui consiste de plus en plus souvent, vu la marge d’action dérisoire des pouvoirs publics face à des pouvoirs économiques qui fixent tout le cadre, à flexibiliser le travail, à accroître la mobilité et la précarité qui fait l’indisponibilité éducative et le stress des parents comme le trou de la Sécu qui nous coûte cher (ce pourquoi on va bien vite privatiser tout ça, comme ça l’impôt progressif des riches sera enfin appliqué à financer les soins progressifs des riches) et à baisser les revenus réels des petits salariés, de sorte de continuer à filer aux actionnaires leurs 8-10-12-15-18% (dans une économie si peu inflationniste, c’est curieux ce taux d’évolution de la rémunération des rentiers (84% de bénéfices moyens au CAC40 l’an passé, pauvres retraités américains), si je le compare par exemple au mien, qui ne suit même plus la minable inflation que l’on traîne, sans parler des loyers lyonnais et de l’augmentation du prix du pétrole, des péages d’autoroutes, du prix de l’énergie domestique, des cotisations privées ou publiques de santé, …)

Tout ça pour dire que je suis très favorable à ce qu’on instaure le revenu minimum universel garanti, indépendamment du travail, et qu’on laisse l’économie se focaliser sur une production qui en vaut la peine, et pour les travailleurs, et pour les consommateurs.
Je connais beaucoup de gens qui veulent travailler, mais faire un travail au travers duquel ils se sentent utiles. Dont beaucoup qui, du temps où ils étaient boutonneux, chantaient « ne plus jamais travailler… »

Ce principe, il existe déjà d’une manière ou d’une autre pour le secteur de la culture, et c’est tant mieux. Pourvu que ça dure. La dictature des producteurs fils à papa, ça ne nous a pas mené loin.

Bonjour à tous
Pour moi qui arrive sur ce forum, qui peut résumer les 3 pages ? (si c’est possible évidemment… quels sont les consensus et les grandes idées qui ressortent de vos échanges passionnants mais peut être trop foisonnants pour reprendre le train en marche et tout relire?)

Ceci dit, déjà sur le dernier post de Sam17, je suis d’accord sur le principe
" Tout ça pour dire que je suis très favorable à ce qu’on instaure le revenu minimum universel garanti, indépendamment du travail, "

Merci d’avance
AJH

Bonjour André-Jacques, et bienvenu au club.

Je me suis fixé au programme de la semaine (dernière semaine de vacances) un grand ménage sur ce volet. Ce qui tombe bien, parce que oui, j’aurais du mal à vous répondre, là tout de suite. :wink: Enfin, j’essaye déjà avec ce que j’ai en tête de mes dernières relectures.

En matière de consensus (en tous cas entre les 5-6 débatteurs à ce jour) je peux déjà citer la reconnaissance du droit à s’émanciper par son travail.

J’ajoute évidemment le principe rendu constitutionnel de protection de la nature. Mais le débat est encore très ouvert, balbutiant (et dispersé sur divers volets, notamment « Les principes fondamentaux, déclarés en tête de la constitution doivent primer… » - série n°1457 ; 1479 ; 1490 à 1609 http://etienne.chouard.free.fr/forum/viewtopic.php?pid=1490#p1490 et suivants), pour savoir ce qu’il faut écrire noir sur blanc dans la constitution, notamment pour plusieurs d’entre nous, pour éviter d’y coller des vœux pieux en préambule sans autre forme d’engagement, à savoir la traduction en institutions nouvelles, spécifiques (ou non) devant les faire appliquer (à ce stade, JR notamment y semble opposé).

Après quelques épisodes, je gage qu’un large consensus porte sur l’interdiction du brevettage du vivant, ainsi que sur l’exigence d’un débat public sur les OGM, et dans l’attente, l’interdiction de leur culture en plein air.

Certains (Alain notamment ; Étienne aussi, je crois) plaident pour l’introduction de nouveaux droits associés au travail. Alain évoque essentiellement le problème du droit à la cogestion des entreprises. Pour Étienne, je vous laisse parcourir les centaines de pages de ses écrits sur le site (…)
Je plaide surtout et déjà pour qu’on mette en oeuvre les outils institutionnels pour faire appliquer tous ceux qui existent, et tous les droits qui sont liés à l’activité économique. Notamment les articles 8 (« cogestion des entreprises », du moins, début d’approche de celle-ci, justement), 9 (tout monopole de fait ou activité ayant caractère de service public devient service public), 10 et 11 (la nation assure à tous des condition de vie convenable) du Préambule de 1946, le droit des peuples à jouir d’un environnement sain, …

J’ajouterai que j’ai réussi à ce jour à convaincre Jacques Roman :

  • d’intégrer quelques principes socio-économiques dans l’AVP de CIPUNCE (et son soutien à l’ouverture de ce volet)
  • une évolution majeure dans un article très problématique au départ, qui amalgamait directement libre entreprise et libre circulation des capitaux : cf. messages (n°837- … -872-875) n°933 et n°968 http://etienne.chouard.free.fr/forum/viewtopic.php?pid=968#p968

Certains, dont Étienne, restent à ce jour assez opposés à ce qu’on inclue dans la constitution des articles relatifs à l’activité économique.
Quid d’une plaidoirie pour des nouveaux droits fondamentaux liés au travail, si la constitution ne fait rien pour appliquer la Charte ?
Quid de la question sur la limitation de la propriété privée par le respect des autres droits fondamentaux ? (L’énoncé du principe se suffit à lui-même ? Donc il est déjà superflu… toute liberté, toute application d’un droit fondamental s’arrête là où elle/il empiète sur ceux des autres.)
Ajoutons la série d’articles déjà existants, sur la mise à contribution équitable au financement des pouvoirs publics, les services publics, l’interdiction des monopoles, la garantie d’un revenu suffisant, et mille autres droits liés de près ou de loin à l’activité économique.
L’indépendance de la BCE et le réseau de BC des Etats de l’UE (actuellement, et dans le projet de T"C"E rejeté), c’est un principe dont on sait où devrait savoir à quel point il a des répercussions sur l’économie, le social, le politique… la domination idéologique sur les politiques économiques. Surtout quand son effectif est composé exclusivement de gens de l’univers de la finance, qui en viennent et y retournent ensuite, surtout quand aucun contrôle ni même aucun débat public (pas même parlementaire), aucune obligation d’informer les gouvernements (…) ne sont tenus d’accompagner les « règlements » (au passage, JR a logiquement aussi transposé le rôle de la BCE de prendre des règlements).
Non, je pense qu’à bien des égards, de nombreux principes socio-économiques existent déjà dans les constitutions, et que la formulation de ceux-ci, leur existence ou bien l’absence d’autres principes créent directement ou indirectement un parti pris voire un état d’arbitraire sur divers aspects socio-économiques… Je suis de ceux qui pensent qu’attribuer à l’Etat certains devoirs d’intervention sur l’économie fait partie du nouveau contrat-social permettant de refonder la démocratie à l’ère de la « mondialisation ».

Personne (de déclaré) ne souhaite l’indépendance de la BC (BCE). Néanmoins, la question de « qui contrôle la BC » a juste été posée, sans trop de recherche. n°213 pour ma part ; JR se dit encore moins connaisseur en économie, et « susceptible d’être converti » : à ce jour, il a transposé du projet de T"C"E non pas l’idée d’indépendance de la BCE, mais le rôle dévolu à elle de lutter contre l’inflation (auquel s’ajoute celui de suivre les politiques générales de l’union). Gageons qu’il faille prendre le temps de débattre des aspects liés « monnaie, taux, « emploi », intervention de l’Etat, libéralisation des marchés de capitaux… et souveraineté ».

Il me paraît essentiel que nous commencions à aborder plus sérieusement ce point, ainsi que le problème de la monnaie. Avis aux amateurs.

(Suite).

Je pense que le principe de garantie d’une information (économique) juste et transversale fait consensus.

  • Alain a insisté sur la nécessaire garantie de la pluralité des approches économiques dans le débat public - je n’ai rien contre, bien sûr, mais je ne sais pas trop comment passer au comment (*)
  • Me concernant, j’ai proposé (cf. intro du volet déjà) le principe que pour préserver la démocratie, et permettre le primat du politique sur les pouvoirs économiques, l’activité économique doit être rendue lisible à l’échelle de l’Etat-nation, soit au même niveau et dans le même cadre où s’exercent et où trouvent leur légitimité les pouvoirs publics.

(*) Alain tient déjà beaucoup aux aspects multiplicité des couleurs des partis, associations, … - ajoutons cent autres voies, notamment la garantie que les syndicats ont accès à toute information sur toute entreprise liée au marché intérieur… que la BCE (et autres FMI…) est tenue de communiquer toute information aux gouvernements et parlementaires… et autres choses qui évitent qu’au final on n’ait que des gens qui de DSK à la tête de la CGT en sont réduit aux mêmes amalgames entre CAC40 et intérêt des Français (??) - sachant la vague domiciliation des entreprises du CAC40 en France (?? - RSA, la régie elle-même doit payer moins de 15% de ses impôts en France ; pour y avoir travaillé 2 ans, je sais quel part infime d’une voiture le « créateur d’automobiles » et ses concurrents font construire et même concevoir, désormais, par la maison mère ; je sais les niveau de « productivité » annuelle demandés aux sous-traitants et le niveau de morcellement des activités, ces politiques financiaro-managériales sont une catastrophe générale, et bien sur à très court terme, très juteuses pour les gros possesseurs) et les 50% ou plus d’actionnaires qui sont étrangers (anglosaxons - et dont 1% doit contrôler les 50% de la masse de capitaux…) Bref, à la théorie absurde des retombées, à l’absurde idée de compétition économique entre nations, la rhétorique du pour/contre le patriotisme économique (??) et autres discours de guerre économique.

J’ai tenu (face à Étienne notamment, et d’autres) à relativiser la notion de « Limiter le droit de propriété… » par « réglementer l’usage de la propriété d’entreprise », distinction (une des distinctions) qui me paraissent essentielles. J’ai exposé notamment - n°1441 http://etienne.chouard.free.fr/forum/viewtopic.php?pid=1041#p1041 - une idée sur le lien entre « mondialisation » et rupture dans la mise à contribution équitable au financement des services publics.

En matière de propositions personnelles, qui ma foi ont suscité un certain consensus sur le principe, sinon dans la justification d’une inscription dans la constitution, j’ai proposé comme je vous le disais (http://etienne.chouard.free.fr/forum/viewtopic.php?pid=1900#p1900) l’idée suivante :

Je propose que soient pris en compte pour l’établissement du niveau d’imposition des entreprises, outre les facteurs écologiques liés à l’activité, l’ensemble des inégalités individuelles mises en jeu par l’entreprise (écart type des salaires ; disparité de rémunération du capital (non productif, spéculatif) et du travail). Cela se ferait pour toute entreprise, nationale, étrangère ou transnationale. Toute entreprise dont l’activité mettrait en jeu les européens, ne serait-ce qu’au titre de consommateurs, serait tenue de rendre lisibles l’ensemble des informations demandées (l’Etat / l’Europe ne peut y forcer des entreprises étrangères, mais elle peut conditionner l’accès à son marché intérieur au respect de ce principe élémentaire - on peut songer à la garantie d'une coopération syndicale entre entreprises clientes et fournisseurs). Les mesures se feraient entreprise par entreprise (il ne s’agit pas d’opposer brutalement les pays dont les moyennes nationales de niveau de vie différent beaucoup, mais d’encourager dans tous pays les entreprises les plus égalitaires et de pénaliser les plus inégalitaire). Les mesures seraient effectuées par divers biais, par toute personne librement, notamment par les syndicats et associations, et centralisées par un nouvel organe institutionnel, indépendant de contrôle de l’information et de l’activité économique. Les niveaux d’imposition et autres mesures de pénalisation / incitation fiscales étant fixées par le Parlement (par la majorité en place), sur avis de cet organe.
La proposition elle-même est encore mal dessinée ici. Mais voir à ce sujet mes messages : - n°213 [url]http://etienne.chouard.free.fr/forum/viewtopic.php?pid=213#p213[/url]- [url]et n°261 (page 1 du volet) - http://etienne.chouard.free.fr/forum/viewtopic.php?pid=261#p261[/url] - n°1441 [url]http://etienne.chouard.free.fr/forum/viewtopic.php?pid=1041#p1041[/url]

Globalement, JR rejette la possibilité d’introduire la plupart des articles de mon message n°213 dans la constitution. Tout en étant lui aussi plutôt d’accord sur le fond des principes, je crois.

Je viens de lire le livre [bgcolor=#FFFF99]« Voter utile est inutile »[/bgcolor] de Dugois qui sous ce titre provocateur, développe le fait que nous n’abordons aucun des vrais problèmes de notre société.

En économie il rappelle que la richesse, l’encombrement et le déchet sont la même chose. Un crottin de cheval est richesse pour le jardinier, encombrement pour le marcheur et déchet pour le cheval. Les vide-greniers tellement à la mode, mettent sur le trottoir ce qui est déchet ou embarras des uns pour les transformer en richesse des autres. La richesse n’est qu’un regard. Il faut être bien prétentieux pour mathématiser ces regards et en faire un PNB qui n’est utile qu’aux manipulateurs.

Il explique que la croissance n’est que l’augmentation du temps acheté dans une journée par une démonstration que j’ai trouvé lumineuse et qui m’a fait comprendre pourquoi les tempêtes de 1999, les marées noires, la consommation de cocaïne qui font sans aucun doute de la croissance, ne sont pas ce que je souhaite à mes compatriotes pour demain. Les livres de sagesse sans exception disent: « Construisez votre vie ». Le pouvoir médiatico-politique nous dit:

  • « Achetez-la »
  • « Avec quoi? »
  • « Si vous n’avez pas d’argent, on vous le prête »
  • « Mais cela va donner quoi à long terme? »
  • « Comme disait Keynes, à long terme nous serons tous morts ».
Mais c'est surtout sur [b]l'argent[/b] que j'ai énormément apprécié une analyse qui va à l'encontre de tout ce qui est diffusé dans les universités occidentales. Partout nos professeurs d'économie disent qu'au début était le troc, l'échange des biens et des services, et que lorsque cela est devenu trop compliqué, on a inventé l'argent qui est le substitut des biens et des services. Dugois explique qu'avant le troc existe une raison qu'a le groupe d'exister, un lien social, et à l'intérieur de ce lien social un don de soi et un accueil des autres, un échange des êtres, et que l'argent est le symbole du lien social dont le pouvoir est garant, ce qui explique qu'il ait le droit de battre monnaie ainsi que le substitut de l'être.
Cette explication m'a intéressé parce qu'elle explique en effet pourquoi quand Gainsbourg brûle un billet de 500 francs à la télévision, la France entière s'émeut alors que tout le monde s'en serait moqué s'il avait brûlé un objet achété 500 francs cinq minutes avant. Pour Dugois, il se brûlait lui-même et nous brûlait tous car l'argent est le substitut de l'homme.

Cette analyse est aussi intéressante pour les exclus. Dans l’économie universitaire, la question est de savoir combien va couter le débile, le vieux, le jeune, le malade car ils n’apportent ni biens ni services. Dans l’analyse de Dugois de l’échange des êtres, il suffit qu’ils donnent réellement le meilleur d’eux-mêmes pour qu’ils soient intégrés.

Ce forum n’étant que sur l’économie, je limite mon compte rendu de lecture à l’économie mais n’est-ce pas faire de la politique que de la regarder sous cet angle? N’est-ce pas déjà parler de la profondeur d’une constitution?

Réflexions (partielles, provisoires et profanes) sur l’économie

  1. L’ouvrage de Dugois sur l’économie me paraît très intéressant, mais comme je n’aurai pas le temps de le lire il me faudra me contenter (au moins à ce stade des mes occupations) de ce que je peux grappiller dans les commentaires de ceux qui l’ont lu : merci, platon121.

  2. Ce qu’il dit de la richesse-déchet, je le sens bien. Mais il y a pire (ou mieux) que le crottin de cheval. Les bombes atomiques que nous fabriquons, les mines antipersonnels, les munitions déversées ici et là , l’amiante entrent dans le PIB du pays producteurs : il faut donc se méfier du PIB (et du PNB) comme indicateur de richesse.

  3. Je suis d’accord avec Sam que la transparence économique est nécessaire à l’échelle nationale. J’irai plus loin (à moins qu’il l’ait déjà dit) : il faut restaurer l’autorité de l’État national sur l’économie. Pour me répéter (j’ai écrit ça récemment sur le site de Ségolène Royal), Marx s’est trompé : il avait prévu que le capitalisme finirait sur un grand monopole, et ce que nous voyons c’est une immense dispersion du pouvoir économique entre des actionnaires qui ne connaissent rien à l’économie (j’en suis) et des dirigeants qui se font leurs complices, le mobile commun étant l’argent - le profit. Je suis sûr que même les États les plus puissants (comme les EUA) ne dirigent plus leur économie. Voilà bien le triomphe du libre marché : le marché est libre, mais nous sommes ses esclaves.

  4. Nous sommes aussi victimes du dicton « Le temps. c’est de l’argent ». C’est l’inverse qu’il faudrait dire (et penser) : « L’argent, c’est du temps ». L’argent ne vaut rien en soi, alors que le temps des humains est infiniment précieux, et limité. Mais l’argent permet à ceux qui en ont beaucoup de redistribuer notre temps, toujours mesuré. Que les riches soient victimes de cette illusion, n’empêche qu’ils ont beaucoup plus de temps que les pauvres, et c’est ça, la vraie pauvreté (soit qu’on meure plus vite, soit qu’on passe beaucoup de temps en choses sans intérêt).

  5. Ayant enfin terminé la Rév. 13 du projet CIPUNCE (la dernière sur laquelle je travaillerai seul en principe, car j’arrive au bout de mes forces et de mon imagination), je donne ici le dernier état des dispositions relatives aux « Principes constitutionnels à caractère socioéconomiques » (voir < http://www.cipunce.net >) - sans être tout à fait sûr qu’elles feront l’affaire de Sam17 :

"Chapitre 2 "Principes constitutionnels à caractère socioéconomique

"Article [65]. Principe général. La Confédération considère que l’économie est au service de la société et de ses membres.

"Article [66]. Libertés économiques

"1. La liberté d’entreprise est garantie.

"2. La liberté de circulation des personnes, des biens et des services à l’intérieur de la Confédération est garantie.

"3. Les paragraphes [1 et 2] du présent article s’entendent sous réserve des autres dispositions de la Constitution, notamment de son article [65], et de la faculté pour la Confédération de prendre des mesures d’exception dans son intérêt et celui des États membres.

"Article [67]. Biens publics. Les biens publics sont ceux que la loi confédérale ou nationale range dans le patrimoine commun. Ces biens ne sont aliénables que par la loi.

"Article [68]. Services publics. Tout service d’intérêt économique général impliquant continuité, adaptabilité, neutralité et égalité et tout monopole de fait ont ipso facto le caractère d’un service public. Il appartient à chaque État membre de fixer dans le cadre de la loi et hors toute considération de concurrence ou de rentabilité économique, et compte tenu du droit confédéral, les modalités de prestation de tels services, et en particulier de décider s’il convient de recourir à l’expropriation pour cause d’utilité publique.

« Article [69]. Modalités d’application des principes. La loi organique précise les modalités d’application des principes constitutionnels socioéconomiques. »


Bonne année à tous. JR

Bonsoir Platon121

Je me sens peu l’âme à philosopher ici, parce que j’ai beaucoup qui m’attend pour réfléchir plus encore qu’à de la politique, aux institutions. Et je n’avance pas beaucoup ces derniers mois. Pardonnez-moi.

Sur la richesse-déchet… oui, et comme le rappelle JR, il y a pire que le crottin : des choses qui ne servent à presque personne et nuisent à énormément d’autres. Prenez la guerre en Irak, formidable exemple du dicton capitaliste (au sens d’une activité dont l’intérêt n’est pensé qu’en terme de bénéfices privées pour ceux qui la financent et la décident eux-mêmes) : « faire et défaire, c’est toujours travailler ». Voyez à qui cela profite et à qui cela nuit (sur tous les plans et dans tous pays) : c’est un désastre.

« l’argent est le symbole du lien social dont le pouvoir est garant, ce qui explique qu’il ait le droit de battre monnaie ainsi que le substitut de l’être. »

Si vous songez (si Dugois songe) au « pouvoir » public, ce n’est plus le cas, pour notre grand malheur (sauf celui des rentiers). Plus depuis Maastricht, pour nous ; plus depuis un siècle bientôt aux USA.

C’est pourquoi le « sociétaliste » AJH a ouvert ici ce volet : http://etienne.chouard.free.fr/forum/viewtopic.php?id=81

C’est le sens des remarques « anti-BCE » de plus en plus récurentes, comme celle de Mme Royal, qui a déclaré que ce n’est pas à M. Trichet (son Gouverneur) de décider de la politique monétaire, mais à des élus du (des) peuples. C’est sans aucun doute l’une des exigences de M. Chevènement pour son alliance qui lui a valu cette prise de position, mais passons, on ne fait pas de politique ici.

Mais justement, on peut toujours dire que le « pouvoir » est « garant » de la création monétaire. Seulement, c’est un pouvoir privé qui l’est devenu : les (actionnaires des) banques et l’ensemble des acteurs privés qui ont intérêt à veiller sur le fait que la BCE remplit sa mission : lutter contre l’inflation. Dans leur conception à eux, car le prix des biens dépend des types de biens qui vous concernent, et l’inflation que subissent les Etats, les locataires, les salariés, les spéculateurs est devenue tout à fait différente : voyez l’évolution de leurs pouvoirs d’achat respectifs, à même temps passé…

La seule question qui me vient en résumé est : [bgcolor=#FFFF99]à qui sert la croissance ?[/bgcolor]

[color=purple]• Avec Keynes, l'Etat avait besoin de moins d'impôts qu'il ne prévoyait de dépenses : il créait un peu plus de monnaie, finançait gratuitement des services publics, et les fonctionnaires payaient ensuite leur pain à la boulangère qui payait ses achats, ... La croissance (le volume des échanges) augmentait grâce à cette création de monnaie [gratuite pour la collectivité].

• Au présent c’est l’inverse : l’Etat, qui s’est interdit dans un pacte de créer la moindre once de monnaie, ne « vit » plus que de l’impôt. Or, pour rentrer l’impôt, il faut de l’activité, qui manque : de la croissance, donc. Comme celle-ci n’est plus guère que le produit d’une activité privée, l’Etat ne peut guère qu’encourager les rentiers à s’enrichir (3% est de l’investissement, le reste pure spéculation) pour espérer que les miettes arrivent aux pauvres et au Trésor public… Nous sommes depuis des décennies entrés dans le dogme de la [b]théorie du « ruissellement » /b. Qui ne tient plus debout depuis des lustres, mais la machine est montée et tourne. [/color]


Passons sur les théories : [bgcolor=#CCFFFF]dans le premier cas, on remarque que qualitativement, la croissance peut très bien être de nature à servir le bien commun, les pauvres, la démocratie, l’écologie, … [/bgcolor]Puisque c’est ce à quoi l’Etat (les pouvoirs légitimes) destine en priorité l’argent (qu’il vienne de l’impôt ou de la planche à billet) ; [bgcolor=#CCFFFF]dans le second cas, l’Etat est le premier esclave des rentiers[/bgcolor], et ce sont eux qui décident du type de croissance sur laquelle ils cèderont en principe des deniers à l’Etat. Lequel en manquera toujours et sera toujours plus esclave. Il suffit de voir l’évolution de la dette des Etats ces 20 à 30 dernières années.

Voyez aussi le second volet ouvert ici par AJH : http://etienne.chouard.free.fr/forum/viewtopic.php?id=89.

Bonsoir Jacques,

Si, votre chapitre « Principes constitutionnels à caractère socioéconomique » me convient plutôt.
J’ai évidemment (…) encore quelques remarques à faire :

  • mon observation la plus insistante, sur la mise de côté de la libre circulation des capitaux, vous l’aviez prise en compte. C’est une révolution essentielle. Mais je constate une modification majeure depuis quelques mois : vous avez reformulé généralement ces « libertés » pour les situer à l’intérieur du marché européen. C’est une autre grande révolution. Que certains applaudiraient plus que moi, qui la cautionne tout à fait : en clair, en marquant la frontière de l’UE, [bgcolor=#FFFF99]vous ne gravez plus dans le marbre l’interdiction d’un protectionnisme européen, qui redevient une lattitude essentielle des politiques économiques[/bgcolor]. « Rassurez-vous », l’AGGCS - OMC et notre signature s’en chargent, mais disons que nous ne doublons pas cet énorme verrou institutionnel, c’est déjà considérable.

  • sur votre article [67] « Ces biens ne sont aliénables que par la loi. » Je ne suis pas très chaud sur la fomule : ces biens doivent être listés dans la Charte, cela me semble évident (c’est aussi l’avis d’Etienne, je crois - il propose du moins qu’y soit posée la liste exhaustive des services publics - je préfère la liste des biens communs, inaliénables ; cette liste n’est-elle pas liée à la liste des droits fondamentaux ?) ce qui sous-entend ensuite (pas la peine de le préciser alors) que la loi ne peut les aliéner que de manière marginale, si c’est pour mieux défendre globalement l’ensemble des biens communs. Non ?

Sur votre 3)
Oui, je l’ai dit aussi, en allant plus loin (pour qu’il y ait souveraineté et primat du politique sur l’économique, la lisibilité doit porter sur toute activité économique concernant tout ressortissant, même si elle est en partie effectuée en dehors du territoire). Passons.

Sur le paragraphe « Marx s’est trompé […] le marché est libre, mais nous sommes ses esclaves. »
Vous avez un peu tort. Prenez la plus grande entreprise du monde, Wall Mart : son chiffre d’affaires est supérieur au PIB de 170 Etats de la planète (données 2004)… Et ses bénéfices se répartissent entre très peu de gens. Dans tous les secteurs très marchands, on voit une poignée d’énormes entreprises constituer un oligopole.

Mais vous avez raison pour l’essentiel : ce que Marx n’avait sans doute pas conçu, pas plus que quiconque encore près d’un siècle après, c’est que cet état de fait serait atteint non pas dans un capitalisme d’Etat mais dans [bgcolor=#FFFF99]un capitalisme dont les Etats sont eux-mêmes complètement esclaves. Le nouvel empire, totalitaire (thèse que je défends, au côté de quelques autres), est au-dessus de tous les Etats (USA compris, bien sûr), bien qu’il compte énormément sur eux pour se maintenir[/bgcolor] : la force armée des USA, notamment, mais une multitude d’autres facteurs.

Prenez la « décentralisation à la Française » : pour faire des économies, l’Etat institue des pouvoirs locaux sans transférer assez de fonds, et vous voyez une foule de politiques (ou autres acteurs publics, associations d’intérêt public, …) réduits, avec ou sans loi contraire, à les chercher auprès de pouvoirs privés ; prenez le droit de diffusion télévisuelle descerné par l’Etat, activité qui diffuse des véritables produits, extrêmement juteux pour une petite minorité de gens (le CA cumulé des chaînes de TV privées françaises dépasse celui des entreprises automobiles dites françaises) et déverse l’idéologie qui assimile l’intérêt de tous à celui de quelques pour-cent de rentiers pas nécessairement nationaux, …

[b][bgcolor=#FFFF99]« Une constitution européenne contre le pouvoir des grandes firmes[/bgcolor]

  • Manifeste pour un mouvement en faveur des droits de l’homme - »[/b]

Un texte très intéressant de Walter Oswalt :

http://thorstein.veblen.free.fr/documents/Oswalt_fr.pdf

J’ai une vision sommaire — et plutôt négative pour le moment — de l’ordolibéralisme, mais il va peut-être falloir fouiller un peu plus. Les vrais libéraux (ceux qui font vraiment attention à éviter les injustices et qui ne se contentent pas de la liberté des plus forts) sont devenus inaudibles au milieu de la propagande néolibérale moderne, mais il ne tient qu’à nous de tendre l’oreille ; ce sera peut-être utile.

Voici le texte en question (pour qu’on puisse en parler entre nous point par point, si le coeur vous en dit) :

[align=center][color=blue][b]Une constitution européenne contre le pouvoir des grandes firmes - Manifeste pour un mouvement en faveur des droits de l'homme -[/b][/color][/align]

Celui qui souhaite se taire sur le pouvoir économique, ne devrait pas, non plus, parler sur la démocratie et les droits de l’homme : la réalisation de la politique démocratique et écologique est impossible dans le cadre d’un système d’un pouvoir économique tout puissant. Il y a de plus en plus de groupements économiques qui, en vertu de leur seul poids en capital, disposent de pouvoir politique. Par ce pouvoir para-étatique les grandes sociétés déterminent de plus en plus les règles du commerce. Ainsi, avec le soutien tacite du système du droit et par le monopole de la contrainte de l’État, se crée une anti-constitution informelle.

Au niveau de l’Union Européenne, les grandes firmes sont fortement représentées au sein même des comités qui préparent les décisions en amont ; il existe, par exemple, des comités à vocation décisionnelle, des actes quasi-législatifs extraconstitutionnels, où l’on fixe les prix maximaux et d’autres standards avec le concours des représentants de la grande industrie. En participant à la fixation du cadre normatif, les multinationales déterminent sensiblement quelles sont les conditions de vie de trois cent soixante-dix millions d’Européens. Qu’est-ce que nous pouvons manger ? Dans quelles conditions devons-nous vivre et travailler ? Les groupements économiques décident de notre avenir, de la culture, de la nature, des plantes et des animaux, de l’eau, de l’air et du climat. Ainsi les constitutions sont, derrière une apparence démocratique et légale, vidées de leur sens et transformées dans leurs fonctions.

La destruction de la démocratie et des conditions de vie est considérée en règle générale comme conséquence de la domination du « marché libre ». Nous, les citoyens européens, contestons cette critique habituelle du capitalisme. On ne peut pas amputer ces faits au marché libre. Aucune des grandes entreprises mondiales n’a acquis sa dimension actuelle sans le protectionnisme étatique. Les concentrations portent atteinte non seulement à la démocratie, mais également au marché libre. Et à l’inverse : les groupements économiques doivent leur existence aux comportements antidémocratiques des États et au blocage de la libre concurrence. La majorité des personnes sont privées par le protectionnisme qu’exercent les États riches au profit des multinationales, de la possibilité de concourir en tant qu’entrepreneurs sur un marché libre. Cela signifie faim et pauvreté pour des millions de petits agriculteurs, d’entrepreneurs et d’artisans du Tiers monde. La domination du pouvoir économique sur les marchés dans les pays industriels riches empêche pour certains existence indépendante et augmente ainsi le chômage et la dépendance vis-à-vis de la bureaucratie étatique.

Ainsi la menace contre la liberté de la démocratie et contre la liberté du marché est la cause principale de la destruction de l’environnement. La plupart des grandes entreprises du monde ne bâtissent pas leur puissance grâce à leurs performances sur le marché. Les entreprises du pétrole, d’automobile et de la chimie peuvent créer des empires, assurées, à l’aide des États, de leurs droits de déposséder les générations futures.

La concentration de pouvoir dans l’économie déstabilise les États en tant que démocraties, mais les renforce et rend incontrôlables en tant qu’appareils de domination.

Il y a eu depuis l’origine de l’époque moderne des bureaucraties d’État puissantes et des gouvernements interventionnistes qui ont crée artificiellement les conditions favorables à l’accumulation du capital et les ont imposées à l’encontre des intérêts des économiquement dépendants, des petits et moyens entrepreneurs. Les grands groupements économiques ne sont pas le résultat du « marché libre », qui n’a pas réellement existé jusqu’à présent, mais sont la création des appareils d’État. La puissance économique se considère généralement comme la conséquence d’une liberté de marché excessive, et les problèmes écologiques comme découlant de la protection exagérée de la propriété. En réalité le manque de liberté économique créée la puissance économique. La protection défaillante de la propriété provoque la destruction écologique.

Imposer la primauté de la démocratie basée sur les droits de l’homme

Nous, citoyens européens de plusieurs États européens, ne nous contentons pas de critiquer la puissance des sociétés multinationales. Nous prenons l’initiative de la création d’un Mouvement Citoyen et en faveur des Droits de l’homme. Défendre les droits de l’Homme au temps de la mondialisation exige de rompre le consensus social qui considère inéluctable l’existence de la puissance de l’économique. Nous affirmons le primat de la démocratie et la liberté, pour nos concitoyens, de choisir entre différentes logiques de développement. Nous ne devons pas admettre l’existence de concentrations de pouvoir économiques. Elles ne sont pas un produit naturel. Le processus, encouragé jusqu’à présent par d’innombrables mesures à tous les niveaux de la politique, peut être inversé si la volonté politique est suffisamment forte au niveau des actes administratifs, des règlements, des lois ou de la constitution.

[bgcolor=#FFFF99]Tous les domaines de droit concernant l’économie, allant de la fiscalité, via la patente, au droit constitutionnel, devront être réformés pour priver systématiquement la concentration du pouvoir économique du soutien étatique actuel.[/bgcolor] Ainsi on pourra transformer la tendance à la concentration en une tendance de déconcentration.

Nous avons besoin de mettre en oeuvre un mouvement politique pour promouvoir un système, où les droits de l’homme sont appliqués de façon conséquente dans l’économie et dans la société civile libre. Voilà pourquoi nous devons rompre des tabous indiscutables et concevoir une décision de principe sur l’ordre économique, sur le système en soi.

Avec l’engagement pour une organisation du système économique, dont l’esprit est contraire au pouvoir des groupements économiques, nous tirons les conséquences de plusieurs décennies de mouvements citoyens en Europe de l’Ouest et de l’Est, des États-Unis et du Tiers monde. Malgré les succès partiels, on n’est pas parvenu à imposer une conception radicale visant à arrêter la destruction de l’environnement.

L’initiation d’une politique globale de sauvetage de l’environnement, annoncée à grande pompe à Rio, s’est heurtée aux lobbies des industries de l’automobile et de la chimie, plus puissants que l’opinion publique démocratique. Il ne suffit pas de dénoncer les symptômes, on devrait s’attaquer aux causes profondes du blocage des réformes.

Nous ne pourrons battre des brèches dans le pouvoir des grandes sociétés que si nous nous engageons de façon univoque pour les pauvres et contre la grande richesse. Nous avons besoin de solidarité, d’une nouvelle internationale des petits entrepreneurs sur les marchés globalisés. La politique économique du socialisme démocratique s’oppose à ces objectifs : les nouveaux plans de développement, les entreprises d’État conservées où le monopole syndical protégé, tous ces moyens exacerbent la concentration du pouvoir économique et ses conséquences.

Et le libéralisme ? Comme [bgcolor=#FFFF99]libéraux radicaux[/bgcolor], nous allons vaincre le pouvoir des grands groupements économiques uniquement en nous opposant au « néolibéralisme » oppresseur. La concurrence réelle est le meilleur instrument de la dissolution du pouvoir, dont nous disposons. La démocratie des consommateurs sur des marchés sans pouvoir économique est la seule forme réalisable de démocratie économique. Voilà pourquoi, les principes du marché libre doivent être imposés contre le « libéralisme » existant et contre ses représentants idéologiques. Pour cette raison nous refusons le libéralisme de statu quo, qui proclame la liberté individuelle, mais l’entend limitée par l’exercice du pouvoir économique et par la dépendance économique et politique de l’individu. Il exige la concurrence et projette la socialisation des pertes. Le néolibéralisme et la social-démocratie se différencient dans la mesure où ils souhaitent compenser l’accumulation illimitée du capital par des mesures étatiques. Les deux positions ont un point commun essentiel : ils considèrent à tort que le processus de concentration de pouvoir économique est inéluctable en principe.

Nous devons revenir aux racines révolutionnaires des démocraties modernes pour pouvoir projeter et développer une perspective pour l’avenir.

Retour vers les origines révolutionnaires : le libéralisme fort comme alternative au néo-libéralisme

Au cours des révolutions bourgeoises se sont développées deux conceptions de la modernité, différentes voire contradictoires, dont résultent jusqu’à nos jours deux projets de société.

[bgcolor=#FFFF99]D’un côté étaient les précurseurs des droits de l’homme, aujourd’hui oubliés, tels la démocratie radicale, les droits égalitaires et l’individualisme cosmopolite réalisés par des marchés d’opinions et de marchandises, parties indivisibles d’un seul objectif révolutionnaire. Pour le moderne de l’autodétermination, du libéralisme fort, la liberté de l’individu est le critère selon lequel doit être mesurée la légitimité de l’ordre social.[/bgcolor] Il y eut les grandes figures (John Lilbourne, Robert Overton et William Walwyn) de la Révolution anglaise, celles encore de Paine ou William Findley pour la Révolution américaine, celles enfin du Cercle Social pendant la Révolution française, pour lesquelles les droits de l’homme avaient une vocation universelle : ainsi était refusé par avance les formes anciennes et nouvelles de la domination, le despotisme de l’État et le pouvoir économique.

De l’autre coté se développait le « fonctionnalisme » moderne, du libéralisme faible. Les prédécesseurs du néolibéralisme actuel avaient tendance à instrumentaliser la liberté de l’individu dans l’intérêt du pouvoir d’État et de l’économie. La liberté politique et économique est, dans cette tradition, considérée nécessaire tant que cela peut servir autres objectifs, tels que l’accumulation du capital, le pouvoir politique pour la minorité, ou encore, la croissance économique pour la majorité de la population. [bgcolor=#CCCCCC]Le libéralisme faible décrit par John Locke, les physiocrates et la plupart des « pères constitutionnels » américains, s’identifie encore aujourd’hui avec la modernité démocratique et le libéralisme comme tel.[/bgcolor]

Malgré cela le libéralisme fort n’a pas disparu. Il apparaissait toujours dans l’Histoire, en partie comme source d’inspiration dans des discussions publiques, en partie en underground, en marge de l’attention. Au XIXème siècle, aux États-Unis, il y avait un mouvement contre la charte ; plus tard, sur leurs traces, les mouvements antitrust et antimonopole, qui luttaient contre l’existence des grandes sociétés par actions, car ces constructions étatiques artificielles entravaient la libre entreprise et la démocratie libérale.

Au XXème siècle, les libéraux modernes ont été marqués par le fait, comme cela est arrivé en Allemagne national-socialiste, que [bgcolor=#FFFF99]les grandes firmes préparent le chemin vers le totalitarisme[/bgcolor]. Dans les années trente et quarante, des économistes et juristes critiques élaborent, aux États-Unis et en Allemagne, les concepts économico-scientifiques de l’élimination du pouvoir économique. Nous voyons dans la tradition de la dissolution du pouvoir un encouragement décisif et indispensable pour la solution des problèmes présents : l’alternative au néolibéralisme est le libéralisme fort.

Conformément à ce principe de fond de l’organisation des libertés, comme il a été formulé par les défenseurs des droits de l’homme pendant les révolutions anglaise, américaine et française, la légitimité des États constitutionnels contemporains est devenue douteuse malgré des avancées libérales, sociales et démocratiques impressionnantes. Les États industriels, dépendants vis-à-vis des lobbies économiques, ne sont pas en mesure de maintenir le fonctionnement de la démocratie et de la société civile, ni de protéger les acquis de l’État du droit et de l’État Social, ni d’arrêter la destruction continue de la biosphère. Les États industriels modernes dénoncent tacitement par leur politique le contrat social vis-à-vis de leurs citoyens.

La raison fondamentale de ce fait est que les constitutions des États européens sont incomplètes et contradictoires Les droits de l’Homme ne sont plus respectés quand il s’agit de menaces contre les libertés par le pouvoir économique ou écologique.

L’État de droit, la séparation des pouvoirs et la démocratie sont les pierres angulaires des constitutions des états membres de l’UE .Les constitutions contiennent en elles le grain de leur propre destruction : elles légitiment en même temps les concentrations de pouvoir (par exemple par la protection des droits des groupements économiques) qui menacent la démocratie et l’État du droit.

Les traités de l’Union Européenne n’ont pas encore une charte des droits de l’Homme, ils ne fondent pas un système démocratique respectant la séparation des pouvoirs. L’Union Européenne (U. E.) n’est pas dotée de constitution. Malgré cela les traités priment sur le droit constitutionnel des États membres. C’est la raison pour laquelle la création d’une Constitution pour l’Europe qui remplacerait les traités semble fondamentale. Ainsi l’Europe serait constituée de façon démocratique et libre, pour rendre praticables les démocraties régionales et communales en Europe dans le sens des droits de l’Homme.

[Hum, ça dépend fondamentalement de QUI ÉCRIT cette constitution, évidemment. (Rappel) ÉC]

Dans nos propositions pour une constitution de l’Europe nous nous référons au concept originaire de société démocratique et de droit, comme il l’a été formulé par les fondateurs des droits de l’Homme pendant les grandes révolutions bourgeoises. Par cette référence nous entendons renouer avec l’héritage commun de toute l’Europe démocratique : le point commun essentiel des traditions européennes est la construction d’une société des différences et des individualités. La liberté individuelle pour tous les citoyens est possible uniquement quand :

  • le pouvoir politique se constitue démocratiquement et est contrôlé par l’exercice des libertés fondamentales

- la puissance économique est privée de toute légitimité, puisqu’elle est per se un pouvoir politique sans origine démocratique.

  1. À l’époque de la mondialisation nous devons imposer une nouveau degré de démocratie des droits de l’homme pour protéger la démocratie et l’État de droit, comme l’a revendiqué le libéralisme radical depuis l’origine des temps modernes. Nous avons besoin d’une deuxième Révolution libérale. Quand le pouvoir politique n’a qu’une légitimité partiellement démocratique, comme de nos jours dans l’UE, l’État de droit est assuré en partie et la séparation des pouvoirs n’est pas fonctionnelle ; les groupes d’intérêt peuvent alors influencer facilement les institutions étatiques dans leurs propres objectifs et transformer ainsi tout le système social.

Pour cette raison les créations classiques du libéralisme radical sur la constitution étatique doivent être ancrées dans le droit constitutionnel de l’Union européenne : démocratie parlementaire liée avec de forts éléments de démocratie directe, une séparation des pouvoirs consécutive au renforcement d’un pouvoir judiciaire indépendant et un exécutif peu nombreux, contrôlé par le Parlement.

  1. Tout aussi important que la constitution de l’État sera un nouveau contrat social pour l’économie. Il ne s’agit pas là d’envisager une combinaison d’institutions étatiques. La démocratie, l’État de droit et le marché libre peuvent fonctionner dans le sens des droits de l’homme uniquement grâce à une Constitution économique contre le pouvoir économique. La dissolution du pouvoir dans le domaine économique doit être ancrée constitutionnellement comme l’est la séparation des pouvoirs. De cette manière nous pouvons battre une brèche dans le pouvoir du capitalisme aux temps de la mondialisation, ouvrir les marchés pour tous les citoyens et rendre l’UE et les États européens bureaucratiquement maigres et démocratiquement forts.

Initiative pour une Constitution de l’Union Européenne en harmonie avec les droits de l’Homme

Nous nous engageons pour l’ouverture d’une discussion publique large sur la création d’une constitution pour l’Union Européenne. Elle doit aboutir dans la convocation d’une Assemblée Constituante de l’UE, qui devrait élaborer un projet devant être soumis pour un référendum européen sur la Constitution européenne. La discussion sur la constitution de l’UE aura de larges conséquences pour les constitutions des Etats membres. On donnera de cette façon une impulsion pour la réforme des droits constitutionnels nationaux.

La Déclaration des Droits de l’Homme pour l’Union Européenne

Nous réclamons une déclaration des droits de l’homme qui doit être le fondement et l’objectif de tout comportement étatique dans le cadre de l’Union Européenne et dans tout droit constitutionnel national. Cette déclaration des droits doit être en harmonie avec les principes suivants :

[i][bgcolor=#CCFFFF]La mondialisation des droits de l'Homme : les droit fondamentaux devraient bénéficier à tous les individus, dont les libertés sont atteintes, que cette atteinte ait pour origine un État national ou l'UE.[/bgcolor][/i]

La globalisation de la protection des droits fondamentaux doit répondre à la globalisation du commerce. Cela signifie par exemple qu’un paysan d’Éthiopie doit pouvoir porter plainte devant les juridictions européennes contre l’atteinte à sa liberté de marché, si les produits agricoles de l’UE, hautement subventionnés, envahissent les marchés régionaux d’Afrique.

[bgcolor=#CCFFFF]Les droits fondamentaux doivent être également considérés pour le long terme. Cela veut dire que leur protection doit être assurée, non pas uniquement contre des atteintes ponctuelles, mais aussi contre les atteintes aux libertés qui se produisent à long terme.[/bgcolor]

Cela signifie avoir un recours judiciaire, non pas seulement dans le cas de l’assassinat d’un citoyen par les services de sécurité étatiques, mais également dans le cas de l’atteinte à la vie par l’État du fait de ses politiques destructrices en matière d’environnement : il serait donc possible de porter plainte contre les monopoles étatiques mais aussi contre les oligopoles privés protégés par l’État.

[bgcolor=#CCFFFF]Seuls les individus peuvent bénéficier de la protection des droits fondamentaux. Les droits fondamentaux ne doivent plus être extensibles aux sociétés en capital.[/bgcolor]

Dans le libéralisme originel, les droits fondamentaux concernaient uniquement les individus : ils devaient être des droits garantis constitutionnellement. Mais de nos jours les droits fondamentaux se sont pervertis en anti-droits, puisqu’ils bénéficient également aux sociétés en capital. Ainsi les constructions économiques artificielles, fruits de l’État, sont protégées contre le démantèlement par ce même État. Ce détournement de l’objectif initial provoque une reféodalisation qui devrait être écartée.

[bgcolor=#CCFFFF]Les droits fondamentaux doivent être pleinement susceptibles de recours individuel.[/bgcolor]

Il devrait être par exemple possible pour chacun de porter plainte contre la censure étatique ou contre la politique des médias qui favorise la concentration des médias et menace ainsi la liberté de la presse. Le droit fondamental à l’intégrité corporelle doit pouvoir être interprété en tant que droit subjectif, relatif à la protection contre les menaces écologiques globales comme et relatif à la garantie contre les agressions corporelles traditionnelles.


Cette universalisation des droits fondamentaux culmine dans le principe constitutionnel de minimisation du pouvoir.

Le principe constitutionnel de la minimisation du pouvoir

Le principe de la séparation des pouvoirs est aujourd’hui menacé puisque appliqué de façon isolée et partielle. Ce que nous entendons comme séparation des pouvoirs était pensé à l’origine par le libéralisme radical de manière plus conséquente et globale. [bgcolor=#FFFF99]La séparation des pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire était la partie concernant l’État d’un principe beaucoup plus large : la minimisation du pouvoir dans la société civile.[/bgcolor]

Aujourd’hui nous pouvons renouer avec cette tradition et rendre le principe de la minimisation du pouvoir le fondement de notre constitution. [bgcolor=#FFFF99]Le noyau dur du droit constitutionnel ne se limiterait donc plus seulement à la dissolution du pouvoir dans cette partie de la société qu’est « État » : il s’agit de minimiser le pouvoir dans toute la société.[/bgcolor] Les centrales nucléaires, les industries et lignes de circulation, détruisant l’environnement, ainsi que les consortium industriels, bancaires ou médiatiques seraient aussi anticonstitutionnels que le financement étatique des milices privées ou la censure exercée par le gouvernement.

Une Constitution pour l’Économie : la constitution d’une « Économie de marché libérée de pouvoir »

Nous ne demandons pas uniquement des constitutions pour les États européens ajustées de façon univoque aux droits de l’Homme, protégeant la démocratie et l’État de droit, mais également une constitution économique qui apporterait un complément nécessaire.

Depuis, au moins, le stalinisme, nous savons que la concentration économique totale propre à l’économie planifiée est, en principe, inconciliable avec une société libre. Le système de l’économie oligopolistique est de même incompatible avec la liberté individuelle. Le système oligopolistique existant n’est pas, contrairement aux affirmations des néolibéraux, une alternative à l’économie planifiée, mais démontre un rapprochement dangereux à l’économie de régulation centralisée. Ainsi, sous le couvert de l’OMC, les sociétés transnationales de l’industrie alimentaire déterminent à l’échelle mondiale quelles sont les normes à suivre par les cultivateurs et quel est le pourcentage d’éléments dangereux que doivent tolérer les consommateurs. L’OMC impose, par la suite, grâce au puissant soutien des grands pays industriels, les normes conformes au souhait des groupements économiques dans les conflits commerciaux internationaux.

Le consensus contre les systèmes économiques contraires aux libertés doit être élargi. Il ne doit pas s’opposer uniquement à l’économie planifiée mais aussi à toute forme de pouvoir politique qui se base sur la confiscation de la liberté économique. C’est pour cela que nous exigeons la constitution de « l’économie de marché libre de pouvoir ». Celle-ci, la constitution européenne et l’institution traditionnelles de la séparation des pouvoirs seraient ainsi intégrées dans les constitutions étatiques. Le droit constitutionnel doit protéger la démocratie des marchés libérés du pouvoir, comme il protège la démocratie parlementaire. Le pouvoir politique, dont l’origine est la possession du monopole de la contrainte physique, est illégitime et détruit la liberté. La même chose vaut pour un pouvoir politique qui a recours à des moyens de contrainte économiques. Les deux formes de pouvoir doivent être exclues par le biais du droit constitutionnel.

Dans le cadre européen, à cause de l’expérience de l’État national-socialiste, il existe des États prohibant l’existence d’organisations contraires à la Constitution. Mais les groupements économiques industriels, bancaires et médiatiques bénéficient de protection constitutionnelle, même s’ils mettent en péril les droits de l’homme, l’État de droit et la démocratie. À l’aide du principe de la minimisation du pouvoir et l’institution constitutionnelle de « l’économie de marché libre de pouvoir », on pourra enlever la protection étatique de toute organisation anticonstitutionnelle.

La realpolitik du libéralisme fort

La constitution européenne en harmonie avec les droits de l’Homme ne devrait pas être un rempart contre la mondialisation des relations de marché. Il s’agit au contraire de profiter de la chance de créer une économie de marché libre accessible pour tout citoyen.

Le Mouvement européen des droits de l’Homme prend position pour la mondialisation, en faveur des règles de marché universelles et contre tout protectionnisme national ou transnational. Nous sommes favorables à l’individualisation et contre le « néo-corporatisme ». Nous revendiquons propriété de capital pour chacun et combattons la domination de la majorité. Nous recommandons le principe de l’effectivité sur les marchés et refusons la politique du « maintien des positions acquises ».

La raison fondamentale de l’existence du pouvoir économique est le non respect des principes pourtant nécessaires aux changements actuels de l’économie mondiale. La mondialisation telle qu’elle est pratiquée aujourd’hui fait preuve d’un particularisme monstrueux : près de 80% des échanges commerciaux du monde se déroulent au sein de la cinquième partie de la population la riche. Des continents entiers comme Afrique sont pratiquement exclus de l’économie mondiale. Les relations économiques entretenues avec ces pays ne sont pas en grande partie des relations de marché. [bgcolor=#FFFF99]Un tiers des échanges mondiaux se déroulent à l’intérieur des firmes multinationales sous une forme avoisinant la répartition dans une économie planifiée.[/bgcolor]

De la modernisation du pouvoir à la modernisation par la dissolution du pouvoir

L’observation des réalités n’engendre pas de réponses automatiques. Des faits comme l’interdépendance transnationale par les technologies informatiques ou la dépendance générale de la destruction écologique, permettent des mesures concrètes différentes, mais ouvrent le choix entre plusieurs logiques d’action.

Les États peuvent emprunter le chemin du libéralisme faible, qui se soumet à la pression de la concurrence locale et opte pour une forme modernisée du protectionnisme des grandes industries. La mondialisation signifie alors un saut qualitatif dans la concentration du pouvoir. L’ouverture sélective des marchés se transformera en fermeture et la menace contre la démocratie se placera sur un niveau différent. En suivant cette option, nous nous approchons essentiellement du féodalisme global. La concentration de pouvoir économique maximale serait au niveau mondial un système de domination antidémocratique de certains oligopoles, sous lequel il est possible d’avoir un certain échange d’élites.

La stratégie du libéralisme fort est également envisageable. La mondialisation peut être utilisée pour déposséder du pouvoir les concentrations économiques existantes et faire un pas vers les républiques mondiales des citoyens. L’ouverture conséquente des marchés mondiaux, l’imposition du principe de la concurrence effective ne signifie pas de gain pour les grandes sociétés, mais aura l’effet contraire : une politique de mondialisation sans le sens libéral amènerait la fin des conglomérats industriels, financiers et des médias et contribuerait pour la réalisation des grands objectifs de l’État moderne, qu’on tient pour irréalisables.

Le développement de nouvelles technologies entraîne, sous l’empire des conditions politiques actuelles, la réorganisation et l’intensification de la concentration du pouvoir. Mais, grâce à la politique du libéralisme fort, les mêmes innovations technologiques favoriseraient la disparition de ce pouvoir. Le développement de la micro-électronique, de la communication électronique et les techniques solaires devraient dans un cadre juridique correspondant provoquer la création de millions de petites entreprises agissant au niveau global et soutenir la disparition de la grande concentration de pouvoir. De plus, sous les conditions établissant la minimisation du pouvoir, la création de nouvelles technologies, autres que celles résultant des rapports actuels, serait stimulée. Les innovations seraient multiples, plus écologiques et intelligentes, même si parfois portées aussi vers l’erreur.

Jusqu’à présent, c’est le paradigme du libéralisme faible qui prédomine. La mondialisation de l’économie signifie aujourd’hui la restructuration et amaigrissement des groupements économiques par l’élimination des domaines d’activités non rentables, mais en même temps l’augmentation de leur poids par fusions, reprises de nouvelles participations. La mondialisation signifie la décentralisation interne les sociétés multinationales pour augmenter l’efficacité, mais aussi la conservation simultanée de la concentration de capital ; la sous-traitance d’activités de plus en plus nombreuses aux petites entreprises, mais également la création de nouveaux réseaux de dépendance pour celles-ci et pour les consommateurs. Les monopoles nationaux sont démembrés, mais la création d’oligopoles internationaux est protégée par l’État. Les cartels nationaux éclatent, mais se créent simultanément des alliances à l’échelle mondiale.

Cette restructuration des structures de puissance, qui semble à première vue prédéterminée, peut être interrompue et la dynamique actuelle inversée. Ainsi pourra se réaliser la transition vers la politique économique du libéralisme fort.

Dans cette perspective, le Mouvement européen pour les droits de l’Homme s’inscrit dans les tendances de modernisation et continue de les développer. Un exemple : dans le cadre de la stratégie de shareholder-value, on imite, dans les firmes, les mécanismes maintenant inopérant du marché libre. Il s’agit de pratiquer l’autonomie et la concurrence à la place de l’hiérarchie et la bureaucratie. La décentralisation des structures internes a entraîné le partage des firmes multinationales en plusieurs centres de profits et sociétés, lesquelles se concurrencent avec les autres parties des firmes. La dynamisation et la décentralisation au sein des structures monolithiques sont les conditions pour continuer la concentration de capital dans une économie mondiale de plus en plus globale.

Mais la décentralisation interne des multinationales pourrait en cas d’utilisation correcte des principes de la concurrence effective et du marché libre englober également le noyau du problème c’est-à-dire les structures du capital, et peut mener, à terme, à la dissolution des multinationales en centaines et milliers d’entreprises indépendantes. Que cela n’arrive pas ne s’explique pas par « la logique immuable du capital ». Au lieu de soutenir systématiquement le pouvoir de marché, on devrait, tout aussi systématiquement, le défavoriser pour que cette domination disparaisse comme elle est apparue.

La suppression des subventions

Pour cette raison, il faudrait procéder en même temps qu’à l’ouverture globale des marchés, à la suppression des subventions de l’économie. Sous l’empire de la politique actuelle, l’État retire les subventions des branches « mourantes ». Les industries qui, au contraire, sont considérées par l’État comme porteuses d’avenir sont subventionnées.

Si on supprimait les subventions en général et si on défavorisait systématiquement la création de grandes puissances économiques, l’intérêt et le profit qu’ont les capitalistes de créer ces puissances économiques disparaîtrait. Ainsi la tendance de concentration pourrait s’inverser en déconcentration.

[Hum… Et on ne protège même pas les petits, les jeunes pousses (comme on protège les enfants), en attendant qu’elles deviennent aptes à concourir ? ÉC]

Les propriétaires de participations en capital de grandes sociétés auront soudainement un intérêt vital de partager « leurs » sociétés en plusieurs petites sociétés autonomes porteuses de bénéfices. Les milliers de centres de profits, tenus ensemble par la pression de la concentration du capital, deviendront des entreprises indépendantes sur des marchés libres.

On devrait éviter en général de prélever par l’impôt des ressources financières sur les citoyens pour les donner aux grandes entreprises sans contrepartie.

Pour arriver à ces objectifs, il ne suffit pas de supprimer toute forme de subvention ponctuelle et directe. Les aides les plus significatives sont intégrées en tant que normes allant de soi dans de nombreuses lois.

Plus l’entreprise est grande, plus les subventions étatiques à travers les réductions d’impôts normales sont importantes. Le citoyen imposable finance ainsi les déductions fiscales qui profitent aux grandes sociétés ; notons que certaines pertes sont occasionnées par des sites de production non rentables, qui, s’ils étaient indépendants, seraient en faillite depuis longtemps. Pour que les mêmes règles vaillent pour tout individu, il nous faut des lois « ultraneutres ». Les possibilités de couverture des pertes normales devraient diminuer avec l’augmentation du capital afin qu’aucun agent sur le marché ne soit avantagé par l’État à cause de son patrimoine.

Défaire de façon conséquente les positions acquises étrangères aux qualités concurrentielles

La suppression des subventions de la grande industrie n’est que le premier pas vers la dissolution du pouvoir. Il ne suffit pas d’arrêter le protectionnisme pour l’avenir. Les conséquences du protectionnisme du passé doivent être effacées si nous voulons ouvrir réellement les marchés et mettre fin aux différentes formes de dépossession. La destruction sans égards pour l’État social est représentée par le statu quo libéral par la formule qu’il ne faudrait avoir aucun « tabou dans la mise en question des avantages acquis ». Nous y répondons qu’il ne devrait avoir de tabou quand il s’agit de renverser des positions acquises qui ne résultent pas de la libre concurrence et ne correspondent pas aux capacités effectives.

Ce faisant nous devons prendre en compte le flux de capital, qui a coulé pendant des décennies vers les grandes firmes industrielles et bancaires, à travers des subventions directes, des remises de dettes exceptionnelles et normales, du régime de patente monopolistique, de la limitation de responsabilité et des gains : tout ce capital a été prélevé des citoyens.

Nous devons y ajouter aussi l’exploitation abusive du capital environnemental, qui est directement ou indirectement à la base de la puissance économique de plusieurs grandes industries. Si on devrait faire payer le prix réel des destructions déjà provoquées du climat, de la terre, de la diversité des espèces, des océans, des forêts etc., une grande partie des grandes firmes industrielles se retrouveraient en faillite, puisque les préjudices occasionnés sont impayables. Un instrument décisif pour instaurer des relations de marché conformes aux capacités effectives est, comme le prône l’ordolibéralisme, la suppression de la limitation de responsabilité pour les sociétés en capital, complété par un droit de la responsabilité en cas de dommages écologiques. Les entreprises comme Shell, Hoechst ou General Motors pourraient à peine survivre à l’application de ces principes uniquement dans le domaine des destructions climatiques.

Un capitalisme pour tous à la place de la « domination du capital »

Les contributions financières des citoyens, apportées par le passé, constituent en grande partie, les puissantes sociétés en actions. Le capital était prélevé : les contribuables ont, sans qu’on leur demande, investi dans les grandes sociétés. C’est simplement une question de justice vis-à-vis de l’effort financier requis pour le passage vers le marché libre les capitaux : ceux-ci doivent être libérés de cette affectation forcée et doivent être rendus à chaque citoyen, comme une propriété productive librement disponible. L’exigence de reconnaissance constitutionnelle des droits de propriété distribués à tous les citoyens est une revendication ancienne irréalisée du libéralisme radical. Elle a été soulevée, il y a deux cents ans, par Thomas Paine, le protagoniste des droits de l’Homme et précurseur, en Amérique, d’un capitalisme pour tous.

[Hum… La collectivisation, ça passe moins bien… ÉC]

Pour parvenir à ce but sous les conditions actuelles, il est nécessaire d’établir une discussion publique et scientifique. Nous proposons le thème suivant au débat : il serait sensé d’introduire un impôt pour le démantèlement du pouvoir. Il s’agirait de puiser sur le flux de trésorerie des grandes sociétés jusqu’à ce qu’elles perdent, par réduction de leur taille et par éclatement, leur puissance politique, économique et écologique. Le capital qui serait accumulé grâce à cet impôt, ne devrait pas entrer dans le budget de l’État, mais être distribué aux citoyens pour acquérir de parts en capital. On devrait utiliser de la même façon les rentrées consécutives à l’impôt progressif sur les successions et à celui sur les grandes fortunes, ce qui amènerait une exonération d’impôt pour les petites et moyennes entreprises et un taux d’imposition allant jusqu’à 100% pour les grandes fortunes. Par cette privatisation radical-libérale des structures de puissance des grandes firmes, tous les citoyens recevront un capital de base. Chacun peut décider alors par soi-même s’il veut créer avec ce capital une société, s’il veut participer dans une entreprise comme collaborateur et propriétaire de parts sociales, ou s’il veut, en guise d’assurance vieillesse, posséder des actions dans différentes sociétés.

Comme les grandes sociétés ne distribueront plus de dividendes à cause de l’impôt pour le démantèlement du pouvoir et se dissocieront tôt ou tard, les citoyens investiront automatiquement le capital en entreprises plus petites. La recherche individuelle du bénéfice maximum serait un moteur permanent de la déconcentration.

Les structures puissantes vont se dissocier en ouvrant la voie vers le marché libre pour tous les citoyens . La démocratie et l’État de droit peuvent fonctionner à l’époque de la globalisation par la politique de dissolution du pouvoir du libéralisme fort. C’est la condition pour trouver la solution des problèmes sociaux, économiques et écologiques.

Walter Oswalt

Le texte complet est disponible sous le titre : « Ein neuer Gesellschaftsvertrag für Europa-A new constitution for Europe » avec quatorze commentaires (en allemand et en anglais), publié par la fondation du parti des Verts, à l’adresse suivante : Grune Bildungswerkstatt Bund, Lindengasse 40, A- 1070 Wien.


Tout ça colle assez bien avec l’idée que je me fais du danger majeur pour l’espèce humaine que sont devenues nos propres créatures (juridiques) que nous ne savons pas contrôler : les entreprises qu’on appelle « personnes » soit disant « morales » et qui, précisément, n’ont rigoureusement aucune morale et se comportent exactement comme des psychopathes, froides, totalement égoïstes, menteuses, voleuses, esclavagistes partout où elles le peuvent… Ces « personnes » juridiques dont l’intérêt est absolument distinct de l’intérêt de leurs membres et qui grandissent aujourd’hui sans limites, au point de dominer même nos nations…

Les personnes physiques sauront-elles reprendre le contrôle des « personnes morales » qu’elles ont elles-mêmes créées ? Ou bien l’espèce humaine mourra-t-elle de ce cancer ? (le cancer des multinationales mourrait avec nous, d’ailleurs, maigre consolation)

Et, pour une illustration effrayante de la malfaisance mortelle de la [bgcolor=#FFFF99]concentration économique[/bgcolor], lisez ce document, aussi long que passionnant :

[bgcolor=#FFFF99][b]DERRIÈRE L’ACTUELLE VAGUE DE CARTELLISATION : DU TRAITÉ DE VERSAILLES À AUJOURD’HUI, LE FIL CONDUCTEUR DU FASCISME FINANCIER[/b][/bgcolor]

19 septembre 2006 - 00:00
par William F. Wertz, Jr.
Source : http://www.solidariteetprogres.org/spip/sp_article.php3?id_article=2402

[i]La guerre économique et financière menée aujourd’hui par l’oligarchie peut se réclamer essentiellement de trois antécédents historiques :
  1. l’empire vénitien au cours de la période précédant la guerre de Cent ans et l’âge des ténèbres du XIVème siècle ;

  2. l’empire établi, sur le modèle vénitien, par la Compagnie des Indes orientales suite au traité de Paris qui mit fin à la guerre de Sept ans en 1763 ;

et 3) les cartels anglo-américano-allemands mis en place dans les années 20.

C’est ce dernier aspect que nous allons examiner ici, car il est l’incarnation la plus récente du danger que représente actuellement une oligarchie financière déterminée à dominer le monde sous couvert de « globalisation ».

Il s’agit ici de montrer que le système financier oligarchique d’après-guerre, décrit en partie par John Perkins dans son livre Confessions d’un tueur à gages économique(1), représente la continuation des accords de cartellisation des années 20, qui menèrent à la Deuxième Guerre mondiale. Ces accords, que le président Franklin Roosevelt comptait démanteler après la guerre, constituent en quelque sorte un précurseur de la globalisation actuelle.[/i]

Dans une lettre au secrétaire d’État Cordell Hull, datée du 8 septembre 1944, le Président américain disait : [bgcolor=#FFFF99]« L’histoire de l’utilisation par les nazis du trust IG Farben se lit comme un roman policier. La défaite de l’armée nazie devra être suivie de l’éradication de ces armes de guerre économique. »[/bgcolor]

Cependant, malgré l’intention clairement exprimée par Roosevelt avant sa mort prématurée (en avril 1945), ces cartels furent protégés pendant la guerre par leurs partenaires anglo-américains et leur démantèlement ultérieurement prévu fut bloqué par ces mêmes intérêts.

En réalité, c’est une oligarchie financière internationale basée à Londres et à Wall Street qui permit la montée au pouvoir d’Hitler. Face à la dépression mondiale, elle ne voulait en aucun cas résoudre la crise en faisant appel aux méthodes du système américain de développement économique appliquées par Roosevelt aux États-Unis et proposées en Allemagne au début des années 30 sous forme du plan Lautenbach. Elle préféra encourager la création de gouvernements fascistes en Italie, en Allemagne, en Espagne, etc., afin de mieux garder le contrôle d’un système financier en plein effondrement, aux dépens de l’intérêt public. Les régimes fascistes ainsi mis au pouvoir devaient imposer une politique de pillage et de répression meurtrière et lancer la militarisation afin de renforcer encore le pillage.

On voit le reflet de cette politique aujourd’hui dans le dessein mondial visant à imposer, sous l’égide du Fonds monétaire international (FMI), la collecte de la dette extérieure assortie d’une austérité draconienne. La privatisation et donc le pillage du système de retraites (Social Security System), poursuivis avec acharnement par l’administration Bush, représentent le fer de lance de cette politique fasciste. Le modèle, explicitement invoqué par Bush, est la politique économique mise en œuvre au Chili à l’époque de la sinistre « Opération Condor » menée par le dictateur Augusto Pinochet - ce modèle lui-même ayant été préconisé par George Shultz et la Chicago School.

Au moment où Hitler commençait sa vaste mobilisation en vue de préparer une guerre d’agression, l’oligarchie financière basée à Londres et à Wall Street entretenait de multiples liens et relations avec les filiales allemandes des cartels ; ces sociétés continuèrent à commercer avec l’ennemi pendant la guerre et cherchèrent, par la suite, à protéger leurs avoirs. Dans le contexte de la Guerre froide, qu’elle orchestra avec l’aide de Winston Churchill et du président Truman, l’oligarchie financière se servit des mêmes avoirs pour [bgcolor=#FFFF99]torpiller le système de Bretton Woods, inspiré et lancé par Franklin Roosevelt, qui reposait sur la souveraineté des États-nations et le système américain d’économie politique.[/bgcolor] À la place, elle prônait une forme de fascisme universel sans Hitler que nous appelons, aujourd’hui, globalisation.

Le président américain Dwight D. Eisenhower mit clairement en garde contre cet appareil dans le discours qu’il prononça en quittant ses fonctions, en janvier 1961, où il parlait du danger que représentait le « complexe militaro-industriel ». Il ne fut pas possible d’éliminer immédiatement le système de Bretton Woods — il fallut pour cela attendre la première décision fatidique prise en 1971 par un président Nixon écoutant les conseils de George Shultz.


Les cartels : un plan Schacht-Dulles-Morgan

Le rôle des frères Dulles, John Foster et Allen, dans la création des cartels et dans ce qui allait devenir le projet Hitler, remonte à l’époque du traité de Versailles, en 1919, qui fit porter à l’Allemagne l’entière responsabilité de la Première Guerre mondiale. En conséquence, elle perdit 13,5 % de ses territoires d’avant 1914 et fut condamnée à verser des réparations de guerre. Pour tenter de les honorer, l’économie allemande fut saignée à blanc pendant les années 20, menant en fin de compte à la chute de la République de Weimar. L’aggravation de la dépression au début des années 30 contribua ainsi à la montée au pouvoir d’Hitler.

Remontons à l’époque de la Première Guerre mondiale, Allan Dulles est envoyé à Berne (Suisse) par son oncle, Robert Lansing, à l’époque secrétaire d’État du président Woodrow Wilson, où il est chargé du renseignement à la Légation américaine. Par le biais du même oncle, les frères Dulles prennent part aux négociations du traité de paix de Versailles. En 1920, Allen Dulles sera nommé premier secrétaire de l’ambassade américaine à Berlin.

Son frère, l’avocat John Foster Dulles, représentera les intérêts de la Banque d’Angleterre et de la société J.P.Morgan dans l’Europe d’après guerre. Au printemps de 1920, au lendemain des négociations de Versailles, John Foster rencontre Hjalmar Schacht (1877-1970), [Il faut prononcer « Charte », je crois. ÉC] à l’époque fonctionnaire subalterne auprès de l’autorité bancaire allemande créée par les Alliés et qui deviendra plus tard l’architecte de l’économie de guerre nazie basée sur les travaux forcés.

Le 20 mars 1922, Schacht fait part à John Foster Dulles d’une proposition de nouveau système international : [i]« Une solution au problème des réparations (...) pour donner à l’Europe quelques années, disons cinq ans, afin de restaurer (...) de solides conditions dans les différents pays. (...) L’Allemagne doit pouvoir trouver un prêt, disons de 5 milliards de marks-or, qui seront versés à la France. (...) Mon idée est que ce ne soit pas un emprunt d’État, mais un emprunt de compagnies privées. Je veux former, disons, quatre compagnies privées allemandes, et à chacune d’entre elles, le gouvernement allemand devra accorder le monopole des exportations en gros de produits tels que le charbon, la potasse, le sucre et le ciment. Chacune de ces compagnies contrôlera l’exportation d’un de ces produits. Le monopole devra être accordé pour 20 ans. Les producteurs nationaux devront leur remettre leur production. (...)

« Ces sociétés émettront des emprunts d’un montant total de 5 milliards de marks-or. (…) Comme le total des exportations des quatre peut être estimé à 500 millions de marks-or, le montant de l’emprunt sera remboursé en 10 ans. (…)

« L’emprunt que je propose (…) n’est basé sur aucun traité politique. (…) Le remboursement sera sous le contrôle, tout d’abord, d’industriels et d’hommes d’affaires appartenant aux rangs les plus élevés. »[/i]

Dulles fait suivre la lettre à Thomas W.Lamont, un associé de J.P.Morgan, et au cours des années qui suivent, l’essentiel de ce plan Schacht-Dulles-Morgan sera mis en oeuvre.

Voilà l’origine des cartels internationaux basés en Allemagne et dirigés par les Britanniques, qui furent créés dans les années 20.


Schacht lui-même sera nommé Commissaire à la monnaie nationale allemande en novembre 1923, et un mois plus tard, président de la Reichsbank.

Depuis 1919, John Foster Dulles était l’avocat de Richard Merton, fondateur du plus important de ces cartels, l’Interessen Gemeinschaft Farben ([bgcolor=#FFFF99]IG Farben[/bgcolor]). En 1924, il est choisi par J.P.Morgan pour mettre en oeuvre le plan Dawes prévoyant la réorganisation, dans le cadre de négociations avec Schacht, du versement des réparations de guerre. En 1926, il deviendra directeur exécutif de Sullivan and Cromwell, le cabinet d’avocats de tous les cartels.

La formation des cartels

De 1926 à 1929, le plan Schacht-Dulles-Morgan débouche sur une série d’arrangements impliquant nombre des plus grandes sociétés britanniques, américaines et allemandes. Les deux principaux cartels sont le trust chimique IG Farben et le Cartel international de l’Acier, dont la création est redevable aux prêts étrangers d’un montant de 800 millions de dollars accordés dans le cadre du plan Dawes, en vue de cartelliser la chimie et la sidérurgie allemandes. Ces prêts sont gérés aux trois-quarts par trois firmes de Wall Street : Dillon, Read & Co ; Harris, Forbes & Co et National City.

En 1925, IG Farben regroupe six des plus gros producteurs chimiques allemands. En août 1927, Standard Oil conclura avec lui un programme conjoint de recherche et développement sur l’hydrogénation (production d’essence à partir du charbon), procédé découvert par un chercheur allemand en 1909. En 1928, Henry Ford fusionnera ses actifs allemands avec ceux d’IG Farben. Le 9 novembre 1929, un cartel pétrochimique international sera créé suite au mariage d’IG Farben avec les Britanniques ICI et Shell Oil, et les Américains Standard Oil et Dupont.

C’est l’accord entre Standard Oil et IG Farben qui constitue le pilier du cartel. Premièrement, Standard Oil se voit accorder la moitié de tous les droits concernant le procédé d’hydrogénation pour tous pays sauf l’Allemagne. Deuxièmement, Standard Oil et IG Farben se mettent d’accord pour « ne jamais se concurrencer l’un l’autre dans les secteurs de la production chimique et de la production pétrolière. Désormais, si Standard Oil souhaitait entrer dans le domaine des produits chimiques industriels ou des médicaments, ce ne serait possible qu’en partenariat avec Farben. En retour, Farben s’engageait à ne jamais pénétrer le secteur du pétrole sauf en association avec Standard ».

Lorsqu’éclate la Deuxième Guerre mondiale, IG Farben a passé des accords de cartel avec 2000 sociétés dans le monde, dont Ford Motor Co., Alcoa, General Motors, Texaco et Procter et Gamble, pour n’en citer que quelques-unes.

En 1926, le Cartel international de l’Acier ouvre ses bureaux au Luxembourg. Il servira de véritable « gendarme privé » du commerce mondial de l’acier de 1926 à 1939. Sa composante allemande, qui regroupe les quatre plus gros producteurs d’acier nationaux, s’appelle Vereinigte Stahlwerke. Dirigé par Ernst Poensgen, Fritz Thyssen, Otto Wolff et autres, ce groupe recevra 100 millions de dollars de la part d’investisseurs privés aux États-Unis. Dillon, Read & Co., la société de placement new-yorkaise de Clarence Dillon, James V.Forrestal et William H.Draper, Jr., s’occupe de l’émission des obligations.

Lors de la signature du premier accord international, le 30 septembre 1926, tous les sponsors du cartel se vantent de ce que le premier pas vers la formation « des États-Unis économiques de l’Europe » vient d’être franchi. Douze ans plus tard, près de 90 % du fer et de l’acier commercialisé au niveau international est sous le contrôle du Cartel de l’Acier. Outre l’Allemagne qui le dirige, l’Autriche, la Pologne, la Tchécoslovaquie, le Royaume Uni et les États-Unis en font partie, même s’il est interdit aux compagnies américaines, U.S.Steel, Bethlehem et Republic, de signer les accords formels, sous peine de violer les lois anti-trust américaines.

En 1919, trois producteurs allemands de lampes électriques, Siemens & Halske, AEG et Auergesellschaft, avaient formé une nouvelle société dénommée Osram, pour tenter de regagner les biens et les marchés perdus à l’étranger. AEG était en grande partie contrôlé par General Electric et des liens similaires existaient entre toutes les autres entreprises du même genre en Allemagne, en Angleterre et aux États-Unis. En 1924, afin de prévenir toute concurrence extérieure, Osram propose la création en Suisse d’une société dénommée Phoebus, qui appartiendrait à toutes les compagnies du cartel et serait dirigée conjointement par elles. En juillet 1929, Osram et la filiale de General Electric pour l’étranger, International General Electric, créent un « partenariat pour tout temps ». A partir de 1929, les relations entre Osram et International General Electric se développeront suivant le même modèle que celles entre IG Farben et ses partenaires étrangers.

Pendant les années 20, quatre cinquièmes de l’industrie allemande étaient encore regroupés dans des cartels.

[color=blue][b]L’aspect bancaire et la BRI[/b][/color]

[bgcolor=#CCCCCC]Ce qu’on appelle le « système américain d’économie politique » est basé sur le concept de banque nationale, contrairement au concept libéral anglo-hollandais de banque centrale indépendante. [/bgcolor]Montagu Norman, le gouverneur de la Banque d’Angleterre de 1919 à 1944, fut le principal promoteur de la création de banques centrales indépendantes. Tout comme la Banque l’Angleterre, la Reichsbank allemande appartenait à des intérêts privés. Elle fut dirigée par un protégé de Montagu Norman, Hjalmar Schacht, de 1923 à 1930 puis à nouveau de 1933 (après la prise de pouvoir d’Hitler) jusqu’en 1939, quand il céda la place à Walther Funk.

L’Allemagne comptait six banques commerciales et de placement centralisées : 1 ) la Bank der Deutschen Arbeit, créée par les nazis, 2 ) la Reichs Kredit Gesellschaft, 3 ) la Berliner Handelsgesellschaft, 4 ) la Commerzbank et 5) et 6 ) les deux géants qu’étaient la Dresdner Bank et la Deutsche Bank. [bgcolor=#FFFF99]Ces deux dernières combinaient les activités de banque de dépôt et de placements, pratique interdite aux États-Unis, ce qui faisait leur force.[/bgcolor] Elles étaient aussi directement liées à IG Farben : le seul directeur du géant chimique venu de l’extérieur était Edward Mosler, de la Deutsche Bank, et c’est un ancien d’IG Farben, Carl Pfeiffer, qui sera nommé directeur de la Dresdner Bank.

En dehors de ces six grandes banques, il y avait plusieurs sociétés bancaires en nom collectifs, petites mais importantes, dont la Bankhaus JH Stein de Cologne, dirigée par le baron Kurt Schröder. Après la guerre, on devait découvrir qu’au moins 20 des grands directeurs de cartels, dont le baron von Schnitzler et Otto Wolff, d’IG Farben, ainsi que Friedrich Flick, de la Vereinigte Stahlwerke (Aciéries unies), effectuaient régulièrement des dépôts sur un compte spécial de cette banque, dénommé « compte spécial S ». Lorsque le chef des SS Heinrich Himmler avait besoin d’argent, les donateurs déposaient de l’argent sur ce compte qui servait alors à financer les SS. D’après les relevés, von Schnitzler y versait régulièrement des fonds, d’un montant d’au moins 40 000 dollars par an, de même que Friedrich Flick.

Hormis ces banques privées, l’internationale synarchiste avait à sa disposition un instrument de choix pour la mise en place des cartels : la Banque des règlements internationaux ([bgcolor=#FFFF99]BRI[/bgcolor]) sise à Bâle. Depuis sa création, et jusqu’à aujourd’hui, [bgcolor=#FFFF99]on la surnomme la « banque des banquiers ». En opposition à la conception du système américain de banque nationale, la BRI repose sur le modèle anglo-hollandais de banque centrale échappant au contrôle des États-nations souverains.[/bgcolor]

La BRI fut créée en 1930, dans le cadre du plan Young, par les banques centrales internationales, dont la Banque d’Angleterre et la Réserve fédérale des États-Unis, à l’initiative de Hjalmar Schacht, alors directeur de la Reichsbank. Celui-ci pouvait compter sur le soutien de Montagu Norman, lui-même conseillé par le baron Bruno Schroder, de la branche britannique de la J. Henry Schroder Bank. L’associé de Schroder, Frank Cyril Tiarks, fut le co-directeur de la Banque d’Angleterre aux côtés de Norman, tout au long de la carrière de ce dernier.

Parmi les directeurs de la BRI (et donc avec la complicité des présidents américains successifs, dont Thomas McKittrick pendant la Deuxième Guerre mondiale), figuraient Harman Schmitz, directeur d’IG Farben, le baron Kurt von Schröder, directeur de la JH Stein Bank de Cologne et principal financier de la Gestapo et de la Brigade Tête de Mort, Walther Funk, de la Reichsbank, et l’économiste nazi Emil Puhl, les deux derniers ayant été personnellement nommés au conseil d’administration par Hitler.

Les fonds américains et britanniques destinés à soutenir l’accession d’Hitler au pouvoir et à financer, par la suite, sa machine de guerre, transitaient par la BRI. Avant 1940, celle-ci avait investi des millions de dollars en Allemagne, tandis que Kurt von Schröder et Emil Puhl, de leur côté, avaient déposé d’importantes quantités d’or à la BRI, sommes utilisées après la guerre pour financer les « rat-lines » (référence aux lignes du mât d’un navire qui coule, sur lesquelles les rats tentent de fuir). Grâce à ces filières, des nazis et leurs collaborateurs pourront s’échapper d’Europe pour se réfugier en Amérique du Sud et au Moyen-Orient.


Malgré l’importance de la BRI pour Hitler, la Grande-Bretagne ne s’opposa pas aux activités de la banque, même après la décision britannique d’entrer en guerre contre l’Allemagne. Sir Otto Niemeyer et Montagu Norman, respectivement directeur et PDG britanniques, conservèrent leur poste tout au long de la guerre.

Lors de la conférence de Bretton Woods en juillet 1944, deux résolutions seront déposées, l’une appelant à la dissolution de la BRI et l’autre à une enquête sur ses comptes. La première résolution sera retirée suite à des pressions ; quant à la seconde, aucun enquête ne sera ouverte après la guerre. À ce jour, la BRI n’a jamais interrompu son activité.

La conspiration pour mettre Hitler au pouvoir

Dans son livre, John Perkins décrit son propre passé de tueur à gages économique pour le compte d’une oligarchie financière. Il explique que lorsque les tueurs à gages ne réussissent pas à faire plier le pays concerné, on déploie alors les « chacals » pour exécuter les basses œuvres : assassinats ou coups d’État. En cas d’échec des chacals, c’est à l’armée d’intervenir directement. En un sens, IG Farben était le tueur à gages économique de l’oligarchie financière de l’époque et les nazis, les chacals.

En 1930, Schacht démissionne de la Reichsbank, à cause de différends avec le gouvernement de Weimar. Comme Hitler, qu’il allait soutenir, Schacht est contre la poursuite du versement des réparations de guerre et, comme Hitler, il prône une austérité brutale pour la classe laborieuse, à travers la militarisation de l’économie.

Schacht exprimera clairement ce point de vue dans un discours prononcé le 20 octobre 1930 lors d’une conférence de la Foreign Policy Association à New York, intitulée « Le plan Young et l‘économie mondiale ». Était également présent son collègue de longue date, John Foster Dulles.

Schacht critique à cette occasion les sociaux-démocrates allemands qui veulent élever le niveau de vie des travailleurs aux dépens des 80 000 Allemands les plus riches. L‘Allemagne, note-t-il, a un déficit commercial de plus de deux milliards de marks, dû au manque de matières premières. En outre, elle doit payer pour 1,5 milliard de marks-or par an en intérêts et en amortissement des dettes privées, plus environ 2 milliards de marks en réparations de guerre. Au total, l‘Allemagne doit verser à l‘extérieur plus de 5 milliards de marks par an, prélevés sur son excédent commercial.

« Pour réaliser cet excédent commercial, nous devons importer les matières premières nous permettant de fabriquer nos biens. Pour atteindre cet objectif, nous devons augmenter le commerce actuel de près de 50 %. Je pense que les pays alliés (…) ne l’accepteront pas. (…) »

Schacht conclut son discours en faisant l’éloge des « hitléristes » qui viennent d’obtenir de bons scores aux élections allemandes. Le soutien reçu par Hitler dans ces élections, où il avait fait campagne contre le paiement des réparations, est qualifié par Schacht d’« avertissement pour le monde » :

« Mesdames et Messieurs, les derniers événements politiques en Allemagne ne signifient pas que quelque chose de violent ou de révolutionnaire va se produire. Ils représentent simplement une forme de protestation dans les limites légitimes de la Constitution. Je pense que c’est un grand avantage de la démocratie moderne que l’on puisse ressentir, à partir du vote constitutionnel, les sentiments et les opinions d’un grand peuple. Voilà ce que signifient ces dernières élections. Même les hitléristes, même ces radicaux de droite, ne feront rien de violent. Tout ce qu’ils demandent, c’est de ne pas devoir devenir malhonnêtes, de ne pas être obligés, par les circonstances politiques, de se trouver dans une situation qui les amène à perdre le respect de soi. Ils veulent garder le respect d’eux-mêmes, et c’est pourquoi ils ont envoyé cet avertissement au monde. »

Peu après, Schacht commence à organiser du soutien pour Hitler et son Parti des travailleurs allemands national-socialiste (NSDAP, le parti nazi). En 1931, après des discussions avec Hitler et Hermann Göring, Schacht pousse le chancelier Brüning à accepter le NSDAP dans le gouvernement. Puis, en novembre 1932, en tant que membre d‘une organisation appelée Cercle des amis de l‘économie, Schacht lance une pétition dans les cercles industriels et financiers, appelant le président Hindenburg à nommer Hitler chancelier. Ce qui fut fait le 30 janvier 1933, après une réunion avec le chancelier Franz von Papen et Hitler chez le baron Kurt von Schröder à Cologne.

Néanmoins, le Parti nazi est loin d’être assuré de la victoire aux élections de mars. Par conséquent, le 20 février 1933, Göring invite 20 grands industriels et banquiers à écouter un discours d’Hitler sur l’« entreprise privée ». Göring leur demande alors un soutien financier et Schacht se fait encore plus explicite : « A cette table, nous devons collecter un fond de 3 millions de marks. »

Von Schnitzler, qui participait à la réunion, en présente un compte-rendu au conseil d’administration d’IG Farben. Celui-ci verse alors 400 000 marks, la plus grosse contribution individuelle à la campagne d’Hitler. Le lendemain intervient l’incendie du Reichstag, qu’Hitler met sur le dos des communistes, alors qu’il était en réalité instigué par Göring. Hitler utilise cet incendie comme prétexte pour imposer des décrets d’urgence. Tel fut le premier acte d’Hitler et des nazis après réception du don d’IG Farben.

Il était clair pour Schacht et ceux qui le soutenaient à Londres et à Wall Street, que seul Hitler aurait la capacité d’imposer le niveau d’austérité qu’ils jugeaient indispensable. Ainsi, le 16 mars 1933, après la consolidation du pouvoir du Führer, Schacht reprend son poste de gouverneur de la Reichsbank. Plus tard dans l’année, John Foster Dulles, en tant que représentant de Brown Brothers Harriman, Dillon Read, Kuhn Loeb, ainsi que de toutes les banques d’investissement privées et firmes de Wall Street, se rend à Berlin pour négocier avec Schacht le financement du nouveau gouvernement. Il est accompagné d’un subalterne de Sullivan et Cromwell et de trois employés de la Chase Bank.

En août 1934, Schacht est nommé ministre de l‘Economie, poste qu‘il conservera jusqu‘en novembre 1937. De 1935 à 1937, il sert aussi de plénipotentiaire pour l‘économie de guerre. Ce n‘est qu‘en janvier 1939 qu‘il démissionnera de la Reichsbank, à cause d‘une querelle juridictionnelle avec Hermann Göring, devenu le dictateur économique virtuel. Schacht reste néanmoins ministre sans portefeuille jusqu‘en 1943.

Bien avant son arrivée au pouvoir en 1933, Hitler jouissait d‘un soutien substantiel de la part des cartels privés. Le cas le plus fameux est celui de Fritz Thyssen, de Vereinigte Stahlwerke. Dans un livre publié en 1941 sous le titre J’ai financé Hitler, Thyssen admet qu’il avait commencé à financer Hitler en octobre 1923 avec une première contribution de 100 000 marks.

En 1922, W. Averell Harriman s’était rendu à Berlin pour établir la filiale berlinoise de W.A. Harriman & Co. Selon des enquêteurs du gouvernement américain, « à un certain moment avant 1924 », Harriman et Thyssen s’étaient mis d’accord pour créer une banque de Thyssen à New York. C’est ainsi qu’en 1924, fut créée la Union Banking Corp., en tant qu’entité dans les bureaux new-yorkais de W.A. Harriman & Co. appartenant à la Bank voor Handel en Scheepvaart (BHS) aux Pays-Bas, qui appartenait à Thyssen. Prescott Bush, le grand-père de George W., fut nommé vice-président de W.A. Harriman & Co. en 1926, la même année où fut créée la Vereinigte Stahlwerke avec l’aide de Dillon, Read.

Après la guerre, Fritz Thyssen déclara aux enquêteurs alliés :

[i]« En 1930 ou 1931 (…) j’ai dit à [l’adjoint d’Hitler Rudolf] Hess (…) que j’allais arranger un crédit pour lui avec une banque hollandaise à Rotterdam, la Banque commerciale et maritime [Bank voor Handel en Scheepvaart]. J’ai organisé le crédit, (…) il devait le rembourser en trois ans. (…) J’ai choisi une banque hollandaise car dans ma position, je ne voulais pas être mêlé à des banques allemandes, et parce que je pensais qu’il valait mieux faire des affaires avec une banque hollandaise, et que je tiendrais les nazis un peu plus en mains. (…)

« Le crédit se montait à 250-300 000 marks [or] - à peu près la somme que j’avais donnée auparavant. Ce prêt a été remboursé en partie à la banque hollandaise, mais je crois qu’il y a encore de l’argent à recouvrer. »[/i]

Le 20 octobre 1942, en application de la loi sur le Commerce avec l’ennemi, le gouvernement américain saisit la Union Banking Corp. dont Prescott Bush était l’un des directeurs. Friedrich Flick, le principal co-propriétaire de Vereinigte Stahlwerke avec Fritz Thyssen, finançait aussi le Parti nazi et était membre du Cercle des amis de Himmler, qui aida généreusement les SS.

En mars 1932, un représentant de DuPont en Allemagne, écrivait : « C’est un fait bien connu en Allemagne qu’IG Farben finance Hitler. Il semble ne faire aucun doute que le Dr Schmitz au moins est personnellement un important contributeur au Parti nazi. »

Le complot contre Roosevelt

Ces mêmes réseaux qui ont mis Hitler au pouvoir et soutiennent aujourd’hui l’administration Cheney-Bush conspirèrent au début de 1934 pour renverser le président Roosevelt à la faveur d’un coup d’État militaire. Parallèlement à la montée d’Hitler en Allemagne, les DuPont commencèrent à financer l’American Liberty League and Clark’s Crusaders, qui comptait 1 250 000 membres en 1933. Pierre, Irenee et Lammot DuPont, John Jacob Raskob, ancien dirigeant du Comité national démocrate, ainsi que Alfred Sloan, de General Motors, contribuaient de leur côté financièrement à la ligue. Par ailleurs, Irenee DuPont et William Knudsen, directeur de General Motors, avec des amis de la banque Morgan, financèrent l’orchestration d’un coup d’État perpétré par une armée de terroristes modelée sur les Croix de feu françaises, moyennant trois millions de dollars. Les armes et munitions nécessaires auraient été fournies par Remington, une filiale de DuPont. Le complot était soutenu par Hermann Schmitz, le baron von Schröder et d’autres nazis.

Cependant, le général Smedley Butler de Pennsylvanie, pressenti pour diriger le coup d’État, en fut si horrifié qu’il révéla le complot aux autorités. Butler avait déclaré publiquement : [i][bgcolor=#FFFF99]« La guerre est largement une question d’argent. Les banquiers prêtent de l’argent aux pays étrangers et quand ceux-ci ne peuvent rembourser, le Président envoie les marines pour l’obtenir. Je le sais - j’ai fait partie de onze de ces expéditions. »[/bgcolor][/i] En 1934, la Commission d’enquête du Sénat confirma « les soupçons [de Butler] selon lesquels le big business - Standard Oil, United Fruit, le trust du sucre, les grandes banques - avait été derrière la plupart des interventions militaires qu’on lui avait ordonné de conduire ».
Heureusement, ce coup d’État fut avorté. Etant donné le niveau de trahison et de sympathie nazie qui régnait aux États-Unis et en Grande-Bretagne, si Roosevelt n’avait pas survécu à ce complot et à d’autres, le fascisme serait très probablement sorti victorieux de la Deuxième Guerre mondiale.

La faction pro-Hitler en Angleterre

En Grande-Bretagne aussi, un puissant courant oligarchique soutint Hitler tout au long des années 30, jusqu’à défendre, en 1940, une paix négociée avec lui. [bgcolor=#FFFF99]The Link[/bgcolor] était une organisation britannique de sympathisants nazis haut placés, dirigée par Lord Halifax, le ministre des Affaires étrangères et futur ambassadeur aux États-Unis. Parmi les personnalités pro-nazies, il y avait aussi le duc de Windsor. En été 1937, le duc rencontre deux envoyés d’Hitler, Rudolf Hess et Martin Bormann, à l’hôtel Meurice à Paris, où il promet d’aider le premier à contacter le duc d’Hamilton, un homme directement lié à Himmler et à Kurt von Schröder, à la Schröder Bank et à la synarchiste Banque Worms. Hess était déterminé à forger une alliance avec la Grande-Bretagne, au point où il entreprit le vol se terminant par son parachutage dramatique sur la propriété d’Hamilton en 1941. On compte aussi, parmi les fervents sympathisants d’Hitler, Montagu Norman, de la Banque d’Angleterre et de la BRI, et Lord McGowan.

Signalons deux autres membres du cercle, Sir Samuel Hoare et Lord Beaverbrook. Le premier, en sa qualité de secrétaire d’État aux Affaires étrangères en 1935, se joignit au Premier ministre français Pierre Laval pour soutenir l’invasion de l’Ethiopie par Mussolini. Comme retombée du pacte Hoare-Laval, Hoare devra démissionner plus tard, avant d’être nommé secrétaire d’État du Home Office dans le gouvernement de Neville Chamberlain. Lorsque Winston Churchill arriva au pouvoir, il nomma Hoare ambassadeur dans l’Espagne de Franco, de mai 1940 à juillet 1944.

Quant à lord Beaverbrook, il accompagnait Hoare dans les négociations avec Laval concernant l’Ethiopie et soutint le roi pro-nazi Edward VIII (l’ancien duc de Windsor), lors de la crise d’abdication. En 1935, Beaverbrook rencontra personnellement Hitler et Mussolini et fut l’invité du ministre allemand des Affaires étrangères, Joachim von Ribbentrop, aux jeux olympiques de Munich l’année suivante. L’homme de confiance du lord, Sefton Delmer, qui dirigeait le bureau du Daily Express de Beaverbrook à Berlin, était un confident d’Hitler. Dans son reportage sur l’incendie du Reichstag, il prit à son compte la version des nazis qui devait faciliter la consolidation du pouvoir d’Hitler.

Si une paix négociée ne fut pas conclue entre les nazis et la Grande-Bretagne, c’est parce que Churchill refusait à tout prix de laisser l’Empire britannique tomber sous la coupe d’Hitler, même s’il avait lui-même soutenu Mussolini. (Après la guerre, le commando Otto Skorzeny utilisa les lettres de Churchill à Mussolini, rédigées entre 1927 et 1944, pour exercer un chantage sur le Britannique afin d’obtenir la libération de prisonniers nazis.) Néanmoins, la détermination de Churchill de préserver l’Empire britannique jeta les bases de l’alliance américano-britannique pour poursuivre la guerre contre les puissances de l’Axe.

[color=blue][b]Les préparatifs de la Deuxième Guerre mondiale[/b][/color]

Le renforcement du régime d’Hitler n’empêche pas les filiales américaines et britanniques des cartels allemands de consolider leurs partenariats au moment même où ces derniers, particulièrement IG Farben, commencent à préparer une guerre d’agression.

En 1936, par exemple, la Schroder Bank de New York fonde une société en commun avec les Rockefeller, la Schroder, Rockefeller and Co. Investment Bankers, qui a pour associés Avery Rockefeller, neveu de John Rockefeller, le baron Bruno von Schroder de Londres et Kurt von Schröder de la BRI et de la Gestapo de Cologne. Leurs avocats sont les frères John Foster et Allen Dulles, de Sullivan and Cromwell.

Sosthenes Behn, directeur de International Telephone and Telegraph (ITT), et Gerhardt Westrick, directeur de ITT en Allemagne et associé de John Foster Dulles, nomment au conseil d’administration de la société Walter Schellenberg, chef du service de contre-espionnage de la Gestapo (SD), et le baron Kurt von Schröder, afin de garantir la continuité des activités de la société en Allemagne au cours de la guerre à venir. Au même moment, le président de la Standard Oil de Rockefeller dans le New Jersey, Walter Teagle, est nommé directeur de American IG (Farben) Chemical Corp, dont le conseil d’administration comprend entre autres Edsel Ford, président de Ford Motor Co., Charles Mitchell, président de la National City Bank of New York de Rockefeller, Paul Warburg, président de la Réserve fédérale, et Herman Metz, directeur de la Bank of Manhattan.

Tandis que ces relations se consolident, IG Farben est en passe de se faire entièrement intégrer dans la machine de guerre nazie - qu’il dirige même en grande partie. En effet, comme le rapporte Josiah DuBois dans son livre Les chimistes du Diable, 24 cadres d’IG Farben allaient passer en jugement au tribunal de Nuremberg pour avoir « préparé et lancé une guerre d’agression » et « conspiré à lancer une guerre d’agression ». Cependant, dans l’atmosphère politique de la Guerre froide qui règne au moment de la conclusion des procès, le 28 mai 1948, les seules condamnations prononcées sanctionnent le « travail esclavagiste » et le « pillage », et les chefs d’accusation portant sur la préparation et la conduite d’une guerre d’agression aboutissent à un acquittement. Dans ce climat, les efforts pour démanteler les cartels après la guerre furent sabotés. Pour en donner une idée, pendant le procès, DuBois lui-même fut traité par le député américain Dondero de « gauchiste du département du Trésor qui avait été un étudiant proche de la ligne du Parti communiste ».

Il est clair qu’en septembre 1939, Hitler n’aurait pas pu lancer son offensive sans la guerre économique menée par IG Farben dans le cadre de la mobilisation de guerre. Manquant de matières premières, comme l’avait fait remarquer Schacht dans son discours de 1930 devant la Foreign Policy Association de New York, l’Allemagne nazie devrait fabriquer les matériaux synthétiques nécessaires à sa machine de guerre. Deux exemples illustrent ce point.

D’abord, bien que l’Allemagne nazie eût continué à recevoir du pétrole de la Standard Oil pendant la guerre, grâce aux livraisons en provenance d’Amérique ibérique transitant par l’Espagne de Franco, le processus d’hydrogénisation « Leuna », mis au point par IG Farben pour produire de l’essence à partir du charbon, était crucial pour faire rouler les blindés. En 1934, l’Allemagne importait près de 85 % de ses produits pétroliers. Sans l’essence synthétique, les nazis n’auraient pas pu mener une guerre mécanisée moderne. Le processus d’hydrogénisation même avait été mis au point et financé par les laboratoires de la Standard Oil aux États-Unis, en commun avec IG Farben, dans le contexte de l’accord de 1929.

Deuxièmement, sans le caoutchouc synthétique produit avec le procédé Buna mis au point par IG Farben, les véhicules nazis n’auraient pas eu de pneus. Avant la Deuxième Guerre mondiale, la Standard Oil avait convenu avec IG Farben, aux termes de l’accord de la Joint American Study Corp. (Jasco), que le caoutchouc synthétique resterait dans la sphère d’influence d’IG Farben et que la Standard Oil ne bénéficierait de son monopole aux États-Unis qu’à condition que la firme allemande en autorise le développement sur place. Or en 1936, le gouvernement nazi interdit de transmettre à quiconque aux États-Unis le savoir-faire pour la production du caoutchouc synthétique buna. En conséquence de cette mesure de guerre économique, le caoutchouc synthétique ne fut pas développé outre-Atlantique avant guerre.

En 1938, Standard fournit à IG Farben son nouveau procédé de caoutchouc butyl, tout en gardant secret aux États-Unis mêmes le procédé buna. Ce n’est qu’en juin 1940 que Firestone et US Rubber pourront participer aux essais de la méthode butyl et auront droit à des licences de production du caoutchouc buna.

En 1937, Schmitz, Krauch et von Kniriem, d’IG Farben, se rendent à Londres où ils réussissent à négocier l’achat de carburant d’avion provenant de Standard Oil, au profit de la Luftwaffe de Göring, pour un montant de 20 millions de dollars.

En outre, Standard fournit à IG Farben des plans pour la production de plomb tétraéthyle, composante indispensable au carburant d’avion, et sur l’insistance de Standard Oil, le ministère de la Guerre à Washington accorde un permis pour sa production en Allemagne, dans une usine dont les co-propriétaires étaient IG, General Motors et des filiales de Standard.

En 1938, la Luftwaffe a un besoin urgent de 500 tonnes de plomb tétraéthyle, que lui « prête » l’Ethyl Export Corp. de New York. La garantie pour la transaction est fournie par le biais de Brown Brothers, Harriman, dans une lettre datée du 21 septembre 1938.

Au moment de l’attaque japonaise sur Pearl Harbor le 7 décembre 1941, Farben avait réussi, grâce à ses relations américaines, à s’assurer 80 % de l’ensemble de la production de magnésium du continent américain. L’accord conclu entre IG Farben, Aluminium Co. of America et Dow Chemical Co., limitait sa production à l’intérieur des États-Unis et prévoyait que toutes les exportations en quantité importante à partir des États-Unis aillent à l’Allemagne.

[bgcolor=#FFFF99]Le rôle d’IG Farben dans la guerre d’agression[/bgcolor]

Après l’arrivée d’Hitler au pouvoir en 1933, IG Farben mit en place sa propre entité d’espionnage international, opérant à partir d’un bureau dans le quartier Nord-Ouest 7 (N.O.7) de Berlin. Ce bureau avait d’abord été ouvert en 1927 par le président de la société, Hermann Schmitz, qui en confia la direction, deux ans plus tard, à son neveu Max Ilgner, également directeur de Farben. Ce dernier partit peu après aux États-Unis pour créer l’American IG Chemical Corp. En 1934, il fit venir son frère Rudolf Ilgner aux États-Unis, pour y travailler sous la direction du frère de Hermann Schmitz, Dietrich Schmitz, chez General Aniline and Film Corp, la société ayant pris la relève de American IG. En effet, Schmitz avait dû changer la dénomination sociale de la société pour échapper à une enquête du gouvernement américain.

Un exemple du modus operandi de N.O. 7 : avant l’entrée en guerre des États-Unis, ayant appris que le gouvernement américain voulait photographier ses installations militaires dans la zone du canal de Panama et en Alaska, General Aniline and Film proposa de fournir à titre gratuit les pellicules et les appareils photos. Les photos originales furent ensuite développées et envoyées à Berlin, et une copie remise au gouvernement américain.

Dans le quartier N.O.7, se trouvait également une agence créée en 1935 par Hermann Göring : la Vermittlungstelle Wehrmacht (liaison de l‘armée chargée des relations entre IG Farben et le ministère de la Guerre), dirigée par Carl Krauch, le président du conseil de surveillance d‘IG Farben. Lorsque Krauch prit son poste auprès de Göring, il fut remplacé à la Vermittlungstelle Wehrmacht par Fritz ter Meer, le directeur de la commission technique du conseil de gestion d‘IG Farben et membre du conseil d‘administration de General Aniline and Film dans l‘État de New York. En 1937, chaque usine d‘IG avait un représentant confidentiel à la Vermittlungstelle Wehrmacht.

Interrogé après la guerre à propos de ce bureau, von Schnitzler d‘IG Farben répondra : [bgcolor=#FFFF99]« Pendant douze ans, la politique extérieure des nazis et celle d’IG Farben étaient inséparables. J’en conclus aussi qu’IG était en grande partie responsable de la politique extérieure d’Hitler. »[/bgcolor]

Pour ce qui est de l’Espagne, DuBois rapporte que les enquêteurs ont trouvé des documents montrant que Farben avait financé Franco de manière conséquente. Interrogé à ce propos, Schnitzler répondra : « Il n’est pas si improbable que nous ayons soutenu certains mouvements intérieurs dans des pays étrangers. »

En 1934, Hitler avait nommé à la direction de l’Institut latino-américain de Berlin le général Wilhelm von Faupel, connu comme le « général d’IG » car il comptait parmi ses protecteurs George von Schnitzler, Fritz Thyssen, le baron Kurt von Schröder et Franz von Papen. Pendant la guerre civile en Espagne, alors qu’Hitler et Mussolini apportaient un soutien militaire direct à Franco, von Faupel fut nommé ambassadeur allemand auprès du gouvernement insurrectionnel du généralissime. Après la consolidation du pouvoir de ce dernier, il utilisa la Phalange espagnole pour s‘introduire en Amérique ibérique pour le compte d‘IG Farben et des nazis.

DuBois note que dans plusieurs cas, les tueurs à gages économiques d‘IG Farben brandissaient la menace des chacals nazis pour mettre la main sur l‘industrie chimique d‘un autre pays. Comme en Autriche, par exemple, où deux ans avant l‘Anschluss, Farben s’était emparé de toutes les usines chimiques et d’explosifs. De même en Tchécoslovaquie, avant le pacte de Munich, les nazis avaient dépouillé une partie de l’industrie chimique nationale. Même avant cela, von Schnitzler avait préparé une monographie sur la structure de Prager Verein - une industrie chimique tchèque située dans le pays des Sudètes et sise à Prague - et un plan prévoyant de mettre ses usines sous contrôle de Farben en cas d’invasion nazie. En dépouillant Prager Verein, Farben commença par dérober les actions détenues par les Belges, puis arrêta toute livraison d’armes vers la Belgique.

Le 28 juillet 1939, un mois avant l’invasion de la Pologne, la Vermittlungsstelle Wehrmacht présenta au gouvernement allemand une étude préparée de longue date, intitulée « Les usines chimiques les plus importantes de Pologne ». Farben s’en servit pour prendre le contrôle de ses usines suite à l’invasion.

Farben avait aussi préparé un document intitulé « Le nouvel ordre pour la France ». Selon un de ses directeurs, le conseil d’administration de Farben « considérait la France non seulement comme un modèle pour les plans des pays qui suivraient peu après, mais comme un exemple classique de planification à grande échelle ».

En fait, le géant chimique comptait s’assurer, par le biais des brevets, le contrôle de l’économie de l’ensemble du continent. Il prévoyait que tous les pays seraient obligés d’enregistrer leurs brevets auprès de l’Agence centrale des brevets dirigée par Farben.

Après qu’Hitler ait rejeté le « Nouvel ordre pour la France », en novembre 1940, Farben rencontra en privé les dirigeants des industries de colorants en France, pour exiger une part majoritaire de 51 % dans le capital de toutes les sociétés. Aucun accord ne fut conclu à l’époque, mais l’année suivante, les sociétés françaises se plièrent aux menaces de Farben, en acceptant de créer un nouveau groupe, Francolor, dont les administrateurs comprenaient von Schnitzler et ter Meer. A travers Francolor, Farben accapara les licences exclusives de 259 brevets étrangers et de 53 applications de brevets. Pour une bouchée de pain, le géant contrôlerait dorénavant un nouveau groupe évalué à 800 millions de francs. De là, il se tourna vers le monopole pharmaceutique français.

Dans chacun de ces cas, Farben, tout en organisant la mobilisation de guerre nazie, brandissait la menace d’invasion nazie et même, le cas échéant, soutint une véritable invasion, afin de piller l’économie nationale des pays visés et de créer une économie « globalisée » placée sous son contrôle.

[bgcolor=#FFFF99]Auschwitz : la solution d’IG Farben au problème des matières premières[/bgcolor]

Dès le départ, le camp de concentration d’Auschwitz fut l’affaire d’IG Farben. Comme nous l’avons vu, l’Allemagne n’aurait pas pu faire la guerre si elle n’avait pas disposé de caoutchouc et d’essence synthétiques. En moins de quatre ans, l’application du procédé buna avait permis à l’Allemagne de réduire la part des importations de caoutchouc dans la consommation nationale de 95 % à seulement 7 %. C’est en 1936, moins de quatre ans avant l’invasion de la Pologne en septembre 1939, que les deux premières usines buna avaient été construites. Auschwitz deviendra la troisième en importance.

Elle avait pour vocation d’être l’« usine buna pour l’Est » et son nom était simplement la traduction allemande de la petite ville rurale d’Oswiecem, en Haute Silésie, que Farben avait choisie avant l’invasion de la Pologne pour y installer cette usine. En effet, la production de caoutchouc synthétique nécessitait beaucoup de charbon et d’eau et Oswiecem se trouvait à la limite sud des mines de charbon de Silésie et à la confluence de trois fleuves.

Le choix d’Auschwitz se basait sur quatre présuppositions :
  1. la nécessité d’une usine buna à l’Est en vue d’une guerre d’agression contre l’Union soviétique ;

  2. la probabilité d’une guerre sur le front ouest, qui rendrait vulnérables les autres usines à l’Ouest ;

  3. l’invasion de la Pologne pour pouvoir y construire l’usine ;

  4. la mise en place d’un camp de travail, vu qu’il n’y avait même pas 15 000 agriculteurs dans la région pour servir de main-d’œuvre.


En 1937, IG Farben considérait déjà les avantages économiques découlant de la mise à proximité de la production du caoutchouc buna et des carburants de Leuna (hydrogénation). Ainsi, après le choix d’Auschwitz pour le site buna, Farben décida d’y installer aussi l’usine de Leuna.

Plus tard, lors de la construction des installations, Göring autorisera Farben à utiliser des prisonniers des camps de concentration d’Auschwitz. Farben contrôlait aussi les mines qui devaient produire les 2 millions de tonnes de charbon par an nécessaires.

Tous les renseignements concernant les prisonniers qui travaillent pour Farben seront tenus à jour non pas par les autorités des camps, mais par le géant chimique lui-même. On constate que le Camp I d’Auschwitz, construit en 1940 pour abriter 26 000 personnes, en compte 40 000 en 1941, au moment où commence le chantier du site buna. De 1941 à 1943, plus de 2 millions de personnes passeront dans le Camp I, dont des centaines de milliers pour satisfaire les demandes de main-d’œuvre de Farben. Pendant cette période (qui exclut donc 1944, l’année la plus forte), plus de 100 000 travailleurs de Farben seront assassinés dans les chambres à gaz. Sur le site buna, sans compter celui de Leuna, Farben emploiera plus de 300 000 esclaves en tout, dont plus de 200 000 périront au travail. Pour ce qui concerne les Camps II et III, on n’a pas retrouvé les rapports de Farben. Le Camp IV, appelé « Monowitz », était connu comme « le camp de concentration de Farben ». Construit pour 5000 travailleurs, il s’y trouvait jusqu’à 20 000 par moments.

Les conditions dans les usines dirigées par Farben étaient pires que dans les camps. « Les prisonniers étaient condamnés à brûler le poids de leur propre corps en travaillant », disait un médecin tchèque. Même certains SS se sont plaints du traitement infligé aux prisonniers par les employés de Farben. Avant l’achèvement des usines, neuf punitions sur dix étaient infligées par des employés de Farben. Dès le début, il y avait une relation directe entre les besoins de production établis par Farben et le traitement des prisonniers.

Fin février 1943, un crématoire moderne fut installé à Auschwitz. Le [bgcolor=#FF66FF]Zyclon B[/bgcolor], utilisé pour gazer les victimes des camps de concentration, avait été inventé par IG Farben, qui en détenait le monopole mondial des ventes depuis 1934. [bgcolor=#FFFF99]Chaque bidon de Zyclon B vidé à Auschwitz avait été produit par IG Farben.[/bgcolor]


Commerce avec l’ennemi

Pendant la guerre, la Chase National Bank des Rockfellers gardera ses bureaux ouverts dans la France occupée par les nazis, gérant les comptes de l’ambassadeur nazi Otto Abetz qui finançait le Mouvement synarchique révolutionnaire, celui qui liquidait les cellules anti-nazies à Paris. Ce mouvement, tout comme l’Union synarchiste nationale fondé au Mexique en 1937 par les nazis, se réclamait du synarchisme dans son titre. Mais en fait, tous les mouvements fascistes du début des années 20 jusqu’en 1945, y compris les nazis, furent des créations synarchistes de l’oligarchie financière internationale.
Chase aura également en charge les transactions de la Banco Aleman Transatlantico, le contrôleur du Parti nazi en Amérique ibérique. Le 17 avril 1945, Chase National Bank of New York sera traduite en justice devant un tribunal fédéral américain pour avoir enfreint la « Loi sur le commerce avec l’ennemi », dans l’affaire des diamants de Smit.

En mai 1940, Leonard Smit, un important négociant en diamants de New York, avait commencé à faire de la contrebande de diamants commerciaux et industriels à destination de l’Allemagne nazie par l’intermédiaire de Panama. Roosevelt donna l’ordre de geler ses avoirs, mais quelques jours plus tard, des responsables de Chase débloquèrent les fonds à la demande du propriétaire, permettant ainsi l’expédition des diamants de la zone du Canal vers Berlin.

La Chase fut acquittée et le fait qu’elle ait poursuivi ses activités dans la France occupée tout au long de la guerre ne fut pas rendu public.

cNous avons déjà vu comment IG Farben allait profiter de ses relations avec la Standard Oil avant la guerre pour affaiblir les États-Unis et renforcer la machine de guerre nazie. Pendant la guerre, le géant pétrolier du New Jersey continuera à fournir du pétrole au régime nazi, en passant par l’Espagne fasciste, où les cargaisons étaient payées par des fonds de Franco que la Réserve fédérale avait débloqués.

Le secrétaire d’État Cordell Hull, qui devait plus tard dénoncer l’Argentine pour avoir collaboré avec les nazis, protégea en 1943 la Standard Oil en déclarant que le pétrole expédié en Espagne venait des Caraïbes et non des États-Unis et était transporté par des pétroliers espagnols.

Le 27 février 1942, Thurman Arnold, directeur de l’Anti-Trust Division américaine, mit en accusation [b]le président de la Standard Oil, Willam Farish[/b]. Selon lui, « en aidant Hitler dans l’accord sur le caoutchouc et les arrangements sur les brevets », Standard Oil « avait agi contre les intérêts du gouvernement américain ». Il proposa « une amende de 1,5 million de dollars et un décret de consentement en vertu duquel Standard remettrait tous les brevets » en question au gouvernement pour la durée de la guerre. Farish refusa et des poursuites pour conspiration avec l’ennemi furent engagées devant un tribunal de Newark (New Jersey). Mais celles-ci furent plus tard abandonnées en échange de la remise des brevets par Standard et de la condamnation à une amende modeste (Farish fut condamné à verser la somme ridicule de 1000 dollars).
Le 13 juillet 1944, au plus fort de la guerre, Standard Oil of New Jersey porta plainte contre le gouvernement américain pour avoir confisqué les brevets du caoutchouc synthétique. Le 7 novembre 1945, le juge Charles Wyzanski statua en faveur du gouvernement. La procédure en appel fut rejetée le 22 septembre 1947, le juge Charles Clark déclarant : [bgcolor=#FFFF99][i]« La Standard Oil peut être considérée comme un ennemi national au vu de sa relation avec IG Farben après que les États-Unis et l’Allemagne soient devenus des ennemis actifs. »[/i][/bgcolor]

Quant à ITT, il continuera tout au long de la guerre à collaborer avec le gouvernement nazi. La branche allemande d’ITT, dont le PDG était Gerhardt Westrich, l’associé juridique de John Foster Dulles, fournira la Wehrmacht en téléphones, avertisseurs de raids aériens, équipements radars, mèches pour pièces d’artillerie, etc.

ITT contrôlait aussi le trafic entre les pays ibéro-américains et ceux de l’Axe. CIDRA, filiale d’ITT en Argentine, s’occupait des appels à Buenos Aires, en Allemagne, en Hongrie et en Roumanie. Une autre filiale d’ITT, United River Plate Telephone Co., a géré 622 appels téléphoniques entre l’Argentine et Berlin au cours des seuls sept premiers mois de 1942.

ITT, RCA, British Cable et Wireless, l’allemand Telefunken, l’italien Italcable et la Compagnie générale, contrôlée par Vichy, avaient des parts dans TTP (Telgrafica Telefonica del Plata), une société contrôlée par l’Axe qui fournissait un service télégraphique et téléphonique entre Buenos Aires et Montevideo (Uruguay). Les nazis de Montevideo pouvaient donc téléphoner à Buenos Aires au moyen de TTP sans être contrôlés par le système d’État en Uruguay ou le système ITT en Argentine.

Les messages étaient transmis alors directement à Berlin et à Rome par Transradio, dont le conseil d’administration comprenait des nazis allemands, des fascistes italiens et des représentants des alliés. Le président du conseil d’administration à Buenos Aires, Ernesto Aguirre, siégeait aussi au conseil d’administration de la filiale nazie de General Electric et de différentes compagnies italiennes, japonaises et allemandes. Par conséquent, nombre de messages envoyés aux capitales des pays alliés par les ambassades et consulats américains devaient d’abord passer par des amis de l’Axe !

Pendant la guerre, l’entreprise de roulements à billes basée en Suède, Swedish Enskilda Bank (SKF), expédia ses produits vers des entreprises ibéro-américaines associées aux nazis. Hugo von Rosen, l’un des directeurs de SKF aux États-Unis, n’était autre que le cousin par alliance de Göring. Les roulements à billes étaient transportés sur des bateaux enregistrés au Panama, depuis les ports américains vers des ports sud-américains, avant d’être réexpédiés via le Portugal, l’Espagne et la Suisse. En 1943, quand l’Allemagne commence à manquer de roulements à billes, von Rosen arrange une réexpédition de Rio de Janeiro et Buenos Aires via la Suède.

[b]Henry Ford[/b] fut lui aussi un sympathisant d’Hitler et son livre publié en 1927, [b][i]Le Juif international[/i][/b], fut largement diffusé en Amérique ibérique. [bgcolor=#CCCCCC][b]Une des rares personnes louées dans Mein Kampf, il envoyait à Hitler 50 000 Reichsmarks par an.[/b][/bgcolor] En 1938, Henry Ford, tout comme James Mooney de General Motors, recevra d’Hitler l’ordre de l’Aigle d’Or. En outre, le chef de la Vermittlungstelle Wehrmacht, Carl Krauch, était aussi le directeur de Ford Motor Co. en Allemagne.
En avril 1943, une enquête menée par le gouvernement américain sur les filiales de Ford en France conclut que « leur production ne bénéficie qu’à l’Allemagne et aux pays que celle-ci occupe ». En outre, « l’activité accrue des filiales françaises de Ford pour le compte des Allemands est approuvée par la famille Ford en Amérique ».

La Banque Worms et le synarchisme

En 1940, nombre des représentants de l’oligarchie financière qui avaient aidé à mettre au pouvoir Hitler comprirent que le Führer était devenu un monstre de Frankenstein qui menaçait leur dessein d’un empire financier globalisé, représentant aussi les intérêts anglo-saxons. Ce groupe, orbitant autour de la Banque Worms, entendait conclure rapidement la guerre en éliminant Hitler et sa Gestapo en Allemagne et en écartant du pouvoir le Premier ministre britannique Winston Churchill en faveur de Lord Beaverbrook et Sir Samuel Hoare.

[b]L’objectif de ce groupe — en gros la création d’une forme de fascisme universel sans Hitler — allait devenir le principe de base de l’internationale synarchiste après guerre.[/b] Son plan était exposé dans [b][bgcolor=#CCFFFF]un document du renseignement américain datant de 1940, intitulé « La « Synarchie » et la politique du groupe de la Banque Worms »[/bgcolor][/b]. (Notons déjà qu’après la guerre, [b]l’assistant économique du général William Draper qui [u]sabota la décartellisation[/u] était Alexander Kreuter, un ancien de la Banque Worms[/b].)

Ce document du renseignement américain rapporte donc que « le mouvement réactionnaire connu comme la « Synarchie » existe en France depuis près d’un siècle. Il a toujours eu pour objectif de mener une révolution non sanglante, inspirée par les classes supérieures, destinée à produire une forme de gouvernement de « techniciens » (le fondateur du mouvement était lui-même un « polytechnicien »), dont la politique intérieure et extérieure serait soumise à l’économie internationale. « Les objectifs du groupe de la Banque Worms sont les mêmes que ceux de la « Synarchie », et les dirigeants des deux groupes sont, dans la plupart des cas, identiques. »

Selon ce rapport, le programme continental du groupe synarchique de la Banque Worms consistait à « mettre en échec tous les nouveaux projets sociaux qui auraient tendance à affaiblir le pouvoir des financiers et industriels internationaux [et] à œuvrer à ce que l’ensemble de l’industrie soit en fin de compte sous le contrôle complet de la finance et de l’industrie internationales ».

En outre, le groupe Worms « avait l’intention de tirer avantage de la collaboration franco-allemande afin de conclure une série d’accords avec des industries allemandes, établissant ainsi une solide communauté d’intérêts entre industriels français et allemands, ce qui tendra à renforcer la position de la finance et de l’industrie internationales. On espère que le « bloc » franco-allemand ainsi créé sera en position : a) d’effectuer une fusion avec l’industrie anglo-saxonne après la guerre ; b) de neutraliser toute tentative de répandre le socialisme avec le programme de Hitler ; [bgcolor=#FFFF99]et c) d’empêcher le développement de toute union douanière européenne excluant les intérêts anglo-saxons.[/bgcolor] [Tiens, tiens… C’est intéressant, ça, non ? ÉC] »


Toujours selon ce rapport de 1940, « il y a des raisons de croire que Göring et le Dr Funk considèrent avec sympathie ces aspirations. On dit aussi que certains milieux industriels en Grande-Bretagne ont de la sympathie pour ce mouvement. On prétend que des progrès ont été faits pour garantir l’adhésion de la grande industrie américaine à ce mouvement. »

Le groupe Worms souhaite « la conclusion rapide de la guerre, car ils pensent que sa continuation ne peut mener qu’à la ruine des intérêts de l’industrie lourde ». Concernant la Grande-Bretagne, leur objectif consiste à « provoquer la chute du gouvernement Churchill [et] à favoriser la formation d’un nouveau gouvernement comprenant Sir Samuel Hoare, Lord Beaverbrook et M. More-Belisha ». A travers Hoare, ils veulent « favoriser un accord entre l’industrie britannique et le « bloc » franco-allemand [et] protéger les intérêts anglo-saxons sur le continent ».

Leur politique envers l’Allemagne consiste à « éliminer Hitler, Goebbels et Himmler avec sa Gestapo et faciliter ainsi la formation d’un bloc anglo-franco-allemand ».

(… Voir les dernières pages dans le message suivant…)

[color=green](Suite du message précédent)[/color]

Opération Sunrise et Guerre froide

Avec la disparition de Roosevelt en 1945 et la fin de la guerre en Europe, le projet synarchiste pour l’après-guerre, consistant à former un bloc économique globalisé, fut lancé sans délai. On commença par rompre l’alliance avec l’Union soviétique et créer un bloc anti-communiste, en y intégrant des éléments de la machine nazie.

Roosevelt à peine décédé, on mena à bien l’opération Lever du soleil (Operation Sunrise) : la négociation de la capitulation des forces allemandes dans le nord de l’Italie, conduite par Allen Dulles et le général SS Karl Wolff. Ce premier pont jeté entre l’anti-communisme nazi et l’anti-communisme anglo-américain allait se développer tout au long de la Guerre froide.

Comme nous l’avons vu, avant la guerre, Allen et John Foster Dulles, du cabinet Sullivan et Cromwell, avaient été les conseillers juridiques du noyau dur des cartels nazis anglo-américains. De plus, Allen Dulles était membre du conseil d’administration de Schroder, Rockefeller et Co. Dès lors, il n’est pas surprenant que ce soit lui qui, en sa qualité de chef de l’OSS (Office of Strategic Services) à Berne, ait négocié la capitulation des forces allemandes dans le nord de l’Italie avec le général Karl Wolff, chef de la police et des SS dans cette région, le 2 mai 1945, cinq jours avant la capitulation générale à Reims.

En 1950, Allen Dulles sera nommé numéro deux de la CIA puis, trois ans plus tard, numéro un. Entre-temps, son frère John Foster sera nommé secrétaire d’État du président Eisenhower. L’adjoint de Dulles dans l’opération Lever du soleil, James Jesus Angleton, le suivra à la CIA, tandis que le général Lyman Lemnitzer, autre collaborateur de Dulles lors des mêmes négociations, deviendra plus tard commandant des forces de l’OTAN et chef de l’état-major conjoint des forces américaines.

Dulles, pour sa part, considérait les négociations sur la capitulation comme un pas important vers la formation d’une alliance anti-soviétique avec les éléments du Parti nazi et des SS qu’on pourrait « récupérer ». Par conséquent, il tenait à en exclure complètement les Soviétiques mais ceux-ci, informés de la manœuvre, exigèrent la rupture des négociations tant qu’ils n’y participeraient pas. Averell Harriman, ambassadeur américain à Moscou à l’époque, soutenait la position de Dulles. Dans une lettre à Roosevelt, Staline avait affirmé que « l’initiative de toute cette affaire (…) à Berne revient aux Britanniques ».

En Italie même, Dulles s’efforçait d’empêcher des éléments communistes de la résistance anti-fasciste de prendre le pouvoir, à la faveur du chaos devant suivre la retraite militaire des nazis. Cette inquiétude explique aussi la création, après la guerre, d’unités fascistes « stay behind », sous l’égide de l’opération Gladio.

Il est clair que le général Wolff, pour sa part, voulait que les négociations débouchent sur une scission définitive entre Anglo-Américains et Soviétiques. Certains de ses collaborateurs se berçaient de l’illusion de pouvoir « retourner au Reich et continuer, de concert avec les unités anglo-américaines, la lutte contre la Russie ». Plus réaliste, Wolff savait que c’était impossible, mais il espérait néanmoins que Dulles autoriserait les membres « idéalistes » et « décents » du parti nazi et des SS, y compris lui-même, à jouer « un rôle actif dans la reconstruction ».

Tout au long des négociations et par la suite, Wolff restera un nazi convaincu qui, au cours de discussions avec des officiers alliés, traitait les Polonais de « mongols slaves ». Un jour, il confia à deux SS sous ses ordres : « Nous allons récupérer notre Reich. Avec le temps, les autres commenceront à se battre entre eux et nous, nous serons au milieu et pourrons jouer les uns contre les autres. » Dulles le décrivait comme une personnalité « distinctive » et « dynamique », mais il impressionnait moins les autres négociateurs.

Au départ, protégé par Dulles, Lemnitzer et d’autres, Wolff échappera de justesse, grâce à eux, aux poursuites du tribunal de Nuremberg. Puis, en 1949, poursuivi par les Britanniques à Hambourg, il sera acquitté après avoir produit des témoignages de Dulles et Lemnitzer en sa faveur. Toutefois, en 1962, après le procès d’Adolf Eichmann en Israël, le gouvernement ouest-allemand intenta un procès contre lui pour avoir planifié l’extermination des Juifs pendant les années où il était adjoint de Himmler et officier SS de liaison au quartier-général d’Hitler. En effet, dans une lettre écrite en 1942, il avait exprimé sa « joie spéciale en sachant que désormais, cinq mille membres du Peuple élu arrivaient tous les jours à Treblinka ». Cette fois-ci, il fut condamné.

La tentative de protéger Wolff faisait partie d’une opération bien plus vaste par laquelle on cherchait à coopter certains nazis dans la reconstruction de l’Allemagne, en ce début de Guerre froide, tout en aidant d’autres à s’échapper par le biais des « lignes de rats ». Certains criminels de guerre seront bel et bien poursuivis à Nuremberg et ailleurs, mais grâce à Allen Dulles et à James Jesus Angleton, d’autres nazis et collaborateurs nazis pourront fuir, via l’Italie ou l’Espagne de Franco, vers l’Amérique ibérique et l’Asie du sud-ouest. Cette opération était coordonnée avec des éléments corrompus de l’Eglise en Italie. Ceux qui se réfugiaient en Amérique ibérique arrivaient via l’Argentine qui, du temps de Juan et Evita Peron, était un refuge et point de transit pour des milliers de criminels de guerre nazis, jusqu’à ce que Peron mette fin à l’opération en 1949-50.

L’opération [b][bgcolor=#FFFF99]Sunrise[/bgcolor][/b] comportait au moins trois ramifications.

D’abord l’opération Amadeus, destinée à financer la fuite de criminels de guerre en Amérique ibérique grâce à l’argent de la drogue, de gros stocks de morphine des SS ayant été passés en contrebande à cette fin.

Deuxièmement, de faux billets de banque britanniques, contrefaits dans le cadre de l’opération Bernhardt, servaient par ailleurs à financer les lignes de rat.

Et troisièmement, pendant que des milliers de nazis trouvaient refuge en Amérique ibérique, d’autres devaient former, en Europe, des unités « stay behind », dans le cadre de l’opération Gladio.


Mentionnons trois nazis de premier plan qui furent cooptés après guerre pour servir les intérêts « occidentaux » dans la Guerre froide : Reinhard Gehlen, Hjalmar Schacht et Otto Skorzeny, mari de la nièce de Schacht. Le premier, ancien général chargé des renseignements nazis sur le front Est, sera recruté par Dulles pour collaborer avec la CIA jusqu’à sa nomination, en 1956, comme principal officier de renseignement du nouveau gouvernement ouest-allemand. Quant à Schacht, il protégera surtout les avoirs des industriels nazis après-guerre, tandis que Skorzeny était affecté à l’organisation des lignes de rat.

[bgcolor=#FFFF99][color=blue][b]Sabotage du programme de décartellisation[/b][/color][/bgcolor]

En dépit de la ferme intention de Franklin Roosevelt de démanteler I.G. Farben et les autres cartels dès la fin de la guerre, afin de neutraliser les « armes de guerre économique » des nazis, tous les efforts allant dans ce sens furent systématiquement entravés.

En avril 1945, par exemple, le chef d’état-major de l’armée américaine signe une directive (JS1067) précisant : [bgcolor=#FFFF99]« Vous interdirez tous les cartels et autres arrangements commerciaux privés et les organisations de type cartel (…) »[/bgcolor] De même l’accord de Potsdam conclu le 2 août 1945 entre les États-Unis, la Grande-Bretagne et l’Union soviétique affirmait qu’[bgcolor=#FFFF99]« à la date la plus rapprochée possible, l’économie allemande sera décentralisée afin d’éliminer la concentration excessive de pouvoir économique comme on le voit dans les cartels, syndicats, trusts et autres arrangements de type monopoles ».[/bgcolor]

L’intention de Roosevelt, reflétée dans ces deux documents, sera délibérément contrariée. L’homme chargé de la Division économique de l’armée américaine en Allemagne après la guerre, le général William H. Draper, s’était occupé du financement de la reconstruction allemande après la Première Guerre mondiale, en sa qualité de vice-président de Dillon, Read & Co. Son adjoint chargé des affaires économiques, Alexander Kreuter, travaillait à la Banque Worms et Averell Harriman, de Brown Brothers, Harriman, succéda à Jesse Jones au poste de ministre du Commerce des États-Unis.

Un livre rédigé en 1950 par James Steward Martin, All Honorable Men, décrit le sabotage du programme de décartellisation mandaté par Roosevelt. Martin parlait en connaissance de cause, ayant été chef de la division Guerre économique du département de la Justice, puis affecté, après la guerre, à la branche Décartellisation du gouvernement militaire de l’occupation.

La composition de cette branche au moment où Martin la rejoint illustre bien le problème. La division économique était dirigée par le colonel Graeme K. Howard, l’auteur d’un livre paru en 1940 (America and a New World Order) pour faire l’apologie du système économique nazi. Vice-président de General Motors, il était membre du conseil d’administration de GM-Opel qui resta actif en Allemagne pendant la guerre. Il sera ensuite remplacé par le général William H. Draper, par ailleurs secrétaire-trésorier de Dillon, Read & Co. Le responsable de la section Acier de la branche industrie est Rufus Wysor, PDG de Republic Steel Co., et l’adjoint de Draper est Frederick L. Devereux, vice-président à la retraite d’une filiale de American Telephone & Telegraph.

Côté britannique, la principale opposition à la décartellisation vient de Sir Percy Mills qui, en 1939, avait représenté la Fédération des industries britanniques dans diverses réunions à Dusseldorf, avec le Reichsgruppe Industrie, l’organisation nazie responsable de la mobilisation de guerre de l’économie allemande.

L’équipe de Martin chargée de la décartellisation devait travailler à la division finance avec le capitaine Norbert A. Bodgan, ancien vice-président de la J. Henry Schroder Banking Corp. de New York.

Rappelons que Dillon, Read & Co. et la J. Henry Schroder Banking Corp. sont les deux banques de placement américaines ayant géré le financement de la reconstruction de l’Allemagne après la Première Guerre mondiale. La première avait lancé aux États-Unis les obligations de la Vereinigte Stahlwerke, qui regroupait les quatre grands sidérurgistes allemands, dont Fritz Thyssen, l’un des premiers bailleurs de fonds d’Hitler. L’aspect juridique des prêts organisés par la Schroder Banking Corp. aux États-Unis était assuré par Sullivan & Cromwell, le cabinet de John Foster Dulles.

Pendant toute la guerre, Allen Dulles, un collaborateur de Sullivan & Cromwell et directeur jusqu’en 1944 de la Schroder Bank de New York, dirigea la mission européenne de l’OSS en Suisse. La vice-présidente de la Schroder Bank, V. Lada-Mocarski, était consul américain en Suisse.

Le 7 décembre 1946, Philip D. Reed, PDG de General Electric Co., compagnie qui avait supprimé le carbure de tungstène en faveur de Krupp et financé Hitler, arrive à Berlin pour mener à bien une mission commandée par le secrétaire au Commerce Averell Harriman. Dans son rapport au ministre, il dit que la politique de décartellisation est l’œuvre des « extrémistes » du département de la Justice.

Le 22 mai 1947, Martin démissionne, pour être remplacé par son adjoint, Philips Hawkins, le fiancé de la fille du général Draper. Martin est le troisième directeur du programme de décartellisation à donner sa démission. Ses prédécesseurs, le colonel Bernstein et Russell Nixon, étaient eux aussi partis à cause du sabotage de la décartellisation.

En mars 1948, Richard Bronson, le chef de la branche décartellisation, propose de soustraire à la réorganisation toutes les entreprises de biens d’équipement et d’industrie lourde et annonce qu’environ un quart des membres du personnel sera licencié. Dix-neuf employés qui s’opposent au sabotage de la décartellisation seront traités de « déloyaux » et une note sera insérée dans le dossier de chacun d’eux, précisant qu’il n’aura droit à aucune promotion, mutation ou autre modification de son statut sans l’approbation des autorités supérieures.

De même, en 1948, la commission de lutte contre les menées anti-patriotiques de la Chambre (House Un-American Activities Committee) ruina la carrière de deux responsables du département du Trésor, Harry Dexter White et Lauchlin Currie, qui participaient activement aux enquêtes sur la BRI, Standard Oil, Chase, ITT, SKF, Ford, General Motors et les Morgan. Ils seront tous deux dénoncés comme agents communistes. Currie disparaît en Colombie et sa nationalité américaine lui sera retirée en 1956, tandis que White mourra d’une crise cardiaque le 16 août 1948, à l’âge de 56 ans, en rentrant chez lui après un interrogatoire.


Les débuts de la globalisation

[bgcolor=#FFFF99]Martin identifie les principales sociétés américaines ayant œuvré contre le programme de décartellisation. Il s’agit d’un groupe autour des entreprises Morgan, de banquiers de Harriman et de consultants en gestion de Dillon, Read & Co.[/bgcolor] Voyons le profil de certains des directeurs.

Après la guerre, James V. Forrestal, ancien PDG de Dillon, Read et vice-président de General Aniline and Film, est passé du poste de sous-secrétaire à la Marine à celui de secrétaire au Commerce. Robert A. Lovett, ancien collaborateur de Brown Brothers, Harriman, est passé du ministère de la Guerre, où il était sous-secrétaire, au département d’État, avec le même rang. Après avoir été ambassadeur en Russie et en Grande-Bretagne, W. Averell Harriman est nommé secrétaire au Commerce, puis, plus tard, ambassadeur sans portefeuille du plan Marshall. Draper lui-même avait été nommé sous-secrétaire de l’Armée en 1947, avant de démissionner pour reprendre son poste de vice-président de Dillon, Read.

[bgcolor=#FFFF99]Pendant la Deuxième Guerre mondiale, le président de la BRI était un Américain, Thomas H. McKittrick, en dépit du contrôle exercé sur cette banque par les nazis ![/bgcolor] Lors de la conférence de Bretton Woods en juillet 1944, on adopta une résolution excluant explicitement du FMI et de la Banque mondiale tout pays n’ayant pas rompu toutes relations avec la BRI. Deux mois auparavant, McKittrick avait défendu sa position, disant que « nous continuons à faire tourner la machine, car quand l’armistice arrivera, les puissances autrefois hostiles auront besoin d’un instrument efficace comme la BRI ». Il resta d’ailleurs à la tête de cette institution pendant deux ans après la résolution de Bretton Woods. En 1948, la BRI est devenue la chambre de compensation des transactions en devises étrangères entre pays participant au programme de reprise européenne. McKittrick était alors vice-président de la Chase National Bank. Il servit aussi, un temps, de conseiller financier à Averell Harriman, lorsque celui-ci était ambassadeur sans porte-feuille en Europe de l’Administration de coopération économique.

Accusé d’avoir participé à la conduite d’une « guerre d’agression », [b]Hjalmar Schacht[/b] fut acquitté à Nuremberg en 1946, bien qu’il ait favorisé l’accession au pouvoir d’Hitler et qu’il ait conçu et mis en œuvre le système économique fasciste qui permit la mobilisation de guerre. Impliqué dans le complot raté pour assassiner le Führer, en 1944, il passa le reste de la guerre en prison. Par la suite, une cour de dénazification le condamna à huit ans de camp de travail, mais il retrouva la liberté en 1948, après avoir gagné son procès en appel.

Alors qu’il était encore en prison à Stuttgart, Schacht déclara que si on lui donnait trois semaines, avec accès à ses dossiers personnels et trente à quarante feuilles de papier, il pourrait présenter un plan de reprise pour l’Allemagne dans l’après-guerre qui ne coûterait pas un centime aux puissances occupantes. Bien que celles-ci n’aient pas accepté immédiatement l’offre, le gouvernement militaire américain l’autorisa en 1949 à occuper des postes administratifs dans les organismes allemands.

L’homme qui portait la responsabilité de la politique d’austérité draconienne, de travaux forcés et de guerre d’agression fut donc libéré et réhabilité, parce que l’Internationale synarchiste entendait mettre à nouveau en œuvre la politique « schachtienne » dans l’après-guerre, après avoir réussi à éliminer le legs du président Franklin Roosevelt.

Comme Martin le fait remarquer, [bgcolor=#FFFF99]le danger après la guerre était que les cartels deviennent non pas l’instrument d’une résurgence du nazisme, mais des groupes financiers britanniques et américains.[/bgcolor] Il avertit que, si les États-Unis devaient connaître de graves difficultés économiques, « la plupart des conditions d’une nouvelle version du drame allemand se trouveraient réunies sur la scène américaine ».

[b]Avant la Deuxième Guerre mondiale, les 250 plus grosses firmes américaines contrôlaient deux-tiers des avoirs industriels aux États-Unis, dont la majorité était dans les mains d’une centaine de sociétés. Après la guerre, les cent plus grandes entreprises, appartenant à huit groupes financiers, contrôlaient non plus les deux-tiers, mais les trois-quarts de l’économie industrielle américaine.[/b]
Martin écrit : [i]« Tout comme les six plus grandes compagnies financières allemandes étaient entremélées aux sociétés industrielles dominantes, [b]dans l’économie américaine, il y a huit grandes unités financières qui ont obtenu un degré de pouvoir comparable ici. Ce sont :[/b] 1) le groupe [b]Morgan[/b], qui contrôle United States Steel, General Electric, Kennecott Copper, Americain Telephone and Telegraph, International Telephone and Telegraph ; 2) les intérêts [b]Rockefeller[/b], dont les sociétés Standard Oil et la Chase National Bank ; 3) le réseau [b]Kuhn Loeb[/b] de gaz, électricité et eau ; 4) les avoirs de [b]Mellon[/b], dont l’Aluminium Co, Gulf Oil, Koppers, Westinghouse Electric ; 5) le [b]groupe de Chicago[/b], dont International Harvester et les conserveries ; 6 ) les intérêts [b]du Pont[/b], dont General Motors, EI du Pont de Nemours, et United States Rubber ; 7 ) le [b]groupe de Cleveland[/b], avec Republic Steel, Goodyear et autres, et 8 ) le [b]groupe de Boston[/b], dont United Fruit, Stone and Webster Utilities et la First National Bank of Boston. »[/i]

Depuis la parution du livre de James Martin en 1950, l’organisation du monde financier et industriel anglo-américain a subi bien des changements. Notamment, à partir de 1971, avec l’évolution d’une société de production vers une société de consommation. Néanmoins, son avertissement sur le danger de fascisme aux États-Unis dans des conditions de dépression économique et son analyse des sociétés anglo-américaines ayant collaboré avec les nazis restent plus que jamais d’actualité.

Notes :
(1) Confessions of an Economic Hit Man : How the U.S. Uses Globalization to Cheat Poor Countries out of Trillions (San Francisco : Berret-Koehler, 2004).

[color=purple]Rebonjour à tous, heureux de vous retrouver.

Merci, Étienne, pour ce formidable éclairage historique.

À cette longue litanie de sociétés, hydres modernes hybrides entre la sangsue et la pieuvre, on pourrait en ajouter bien d’autres, comme Halliburton et Monsanto.

D’un côté cette mainmise ne me paraît pas bien augurer de notre avenir, mais de l’autre je me dis que les cris des manifestants américains opposés à la guerre du Golfe (« Hell, no, we won’t go, we won’t kill for Texaco! ») prouvent que l’opinion publique occidentale, pour embobinée, droguée et abrutie qu’elle soit jusqu’à la complaisance par ses pseudo-élites, n’est pas encore complètement anesthésiée.

Quelque chose me dit que tout n’est pas encore joué. J’espère, pour les générations futures, avoir raison.[/color]

Bonjour,

Je suis complètement nouveau dans ce forum.

J’aimerais savoir ce que vous pensez de l’idée selon laquelle
les PDG et hauts cadres des grosses entreprises devraient être élus démocratiquement par le peuple ?

Ceci de façon à orienter les activités des entreprises pour le bien-être général et non vers l’enrichissement personnel des PDG et actionnaires.

Peut-être en avez-vous déjà parlé quelque part (je suis encore perdu dans ces forums).

Merci.

Entreprises et pouvoirs publics

Francis (3112), bonjour et bienvenue.

Votre question, vous vous en doutiez je pense, appelle un non catégorique.

La démocratie est le gouvernement du peuple, par le peuple, pour le peuple. Qui dit « gouvernement » dit organisation et fonctionnement des pouvoirs publics. Or, les entreprises, même les entreprises d’État, ne sont pas des pouvoirs publics au sens dont il s’agit ici, même si leur activité (comme toute activité d’ailleurs, y compris celle des particuliers) peut retentir sur la marche du gouvernement et de la société.

La démocratie n’a tout simplement rien à voir là dedans. L’idée que les PDG et les hauts cadres de l’Agence France-Presse, d’Airbus, de la SNCF, de Sanofi-Aventis, de la Banque Lazard Frères ou de l’Institut Pasteur puissent être élus au suffrage universel me paraît hautement fantaisiste.

Dans certains cas, il n’est pas irraisonnable que les employés d’une entreprise participent à la désignation des responsables de l’entreprise. Mais c’est une autre question, qui doit se règler sur la base de la compétence et eu égard aux objectifs de l’entreprise. JR

de l’idée selon laquelle les PDG et hauts cadres des grosses entreprises devraient être élus démocratiquement par le peuple

Bonsoir Francis. Bienvenue à vous. Ne vous effrayez pas du désordre relatif de ces forums, leur contenu riche compense, et je vous encourage à en parcourir la liste, et à y intervenir, même si vous n’aurez pas le temps de lire la plupart des messages précédents.

Avant de répondre, rappelons deux droits fondamentaux supposés acquis pour nous :

[color=blue]8. [b]Tout travailleur participe, par l'intermédiaire de ses délégués, à la détermination collective des conditions de travail ainsi qu'[u]à la gestion des entreprises[/u][/b].
  1. Tout bien, toute entreprise, dont l’exploitation a ou acquiert les caractères d’un service public national ou d’un monopole de fait, doit devenir la propriété de la collectivité.[/color]

Articles 8 et 9 du Préambule de 1946, inscrit dans l’actuelle constitution française.


Le fait que l’entreprise soit traitée comme un pouvoir public (JR n°3117 ; un principe que Jacques défend depuis l’origine du forum) ne suffirait pas, a priori, à me faire dire non sans d’abord nuancer la question. De quelle entreprise s’agit-il ?

S’il s’agit d’une entreprise publique, votre idée me parait déjà tout à fait défendable. Or :

  1. vous parlez de « grosses entreprises », et je suppose vous ne précisez pas ce que ça veut dire exactement car vous n’avez pas trop d’idées précises sur la manière de définir le critère, la limite de taille ;
  2. le principe selon lequel les monopoles privés doivent être nationalisés (art. 8), du moins démantelés sinon (ce qui ne change rien pour cette discussion), fait consensus. Inutile d’en débattre ici, il me semble ;
  3. il existe, enfin, un consensus chez les démocrates de tous bords, pour dire que les oligopoles sont nuisibles à la société. Ce dernier aspect est difficile à traiter car il faut définir des critères, une limite, pour la définition, et cela devra peut-être être laissé au débat : une idée est de dire dans la constitution que la loi définira le critère (le nombre d’entreprises minimal au dessous duquel il y a oligopole, et/ou d’autres critères qui concerneront sans aucun doute la taille de l’entreprise.)

Supprimez la précision « grosses entreprises ». Comme vous dites « élus […] par le peuple », et non pas « élus par l’ensemble des salariés (travailleurs) de l’entreprise concernée », la règle signifierait alors le communisme. (Un communisme démocratique, s’entend, donc a fortiori une économie communiste garantie et imposée par un régime constitutionnel.) Cette règle imposerait alors, dans la constitution, une politique économique prédéfinie (en interdisant assurément la liberté d’entreprendre, notamment) : c’est contraire à l’un des principes définis comme titre d’un volet de ce forum.

[b]Remplacez « élus […] par le peuple » par « élus par l’ensemble des salariés (travailleurs) de l’entreprise concernée » : l’idée n’est pas lointaine de l’article 8 du Préambule de 1946. Elle ne fait qu’en proposer un mode d’application concret et durable.

Ainsi précisé, vous avez là un fondement majeur d’une économie libertaire (quoique la seule élection ne suffise pas, mais c’est un début). Je suis convaincu que cette base, contrairement à celle du communisme ou du néolibéralisme (et même du capitalisme), me parait pouvoir être imposée par une constitution. En particulier :

  • elle garantit la « démocratie d’entreprise », une voie dans laquelle beaucoup disent qu’il nous faut absolument nous engager à notre ère (tant l’économie a développé de pouvoirs au-delà voire au-dessus des pouvoirs publics), cela tout en ne créant pas de confusion entre la société civile et les pouvoirs publics ;
  • s’agissant de ne pas prédéfinir d’orientations en termes de politiques économiques : elle ne nuit pas à la liberté d’entreprendre, sans pour autant accorder de privilèges « quasi-politiques » aux entrepreneurs ;
  • elle ne préjuge pas de l’impôt, mais surtout, elle est un fondement essentiel permettant de réassoir l’ensemble de la fiscalité sur les capacités individuelles (un principe majeur qui me semble complètement dévoyé et oublié), cela tout en impliquant la participation de tous les individus, mais sans pour autant les forcer ni concentrer les mécanismes de pouvoir concernés.[/b]

Concernant ce dernier aspect Je trouve qu’il y aurait une voie très prometteuse, et de large portée, consistant à établir - au niveau supérieur du droit, dans la constitution, car il s’agit là du fondement même de l’impôt sur les capacités individuelles - une pondération de toutes formes d’impôts sur les entreprises, qui serait proportionnelle : soit à la dispersion des revenus qu’elles pratiquent, soit à la proportion des dividendes / bénéfices. AJH m’a dit que de Villiers avait proposé quelque chose de ressemblant ; le dernier programme présidentiel (livre rose commun, avant la campagne personnelle de Ségolène Royal) contenait aussi une disposition de cette nature.
Au plan national, je ne vois aucune réelle difficulté pratique. Étant altermondialiste, je suis juste un peu ennuyé avec la question d’étendre la comptabilité en question aux fournisseurs étrangers de l’entreprise concernée. On sort un peu du sujet, mais l’idée me semble tout de même praticable à plus long terme (après que cette première base soit appliquée au plan national, surtout si c’est au plan européen), et propre à servir de fondement à un syndicalisme d’avenir. En tout état de cause, il me semble qu’une entreprise libertaire serait certainement moins encline à tyranniser ses fournisseurs… ou bien, nous revenons là à une forme de colonialisme dans laquelle les responsabilités nationales seraient partagées… démocratiquement.