Le foutoir et l’espoir…
Salut Ano.
En tant qu’ « animateur autoproclamé » / instigateur de ce difficile (non)volet (en chantier…) je vais essayer de vous répondre posément et de manière constructive.
Pour commencer, aucune ou presque de vos remarques ne me surprend… et j’ai des réponses diverses, suivant la nature de celles-ci.
- Sur les problèmes liés à la structure du forum / des volets / de la discussion / des jalons / des synthèses par étapes… :
(Pour ces aspects, je parle un peu au nom d’Etienne, et ne pense pas écorcher trop son point de vue. Il me contredira au besoin.)
Globalement, pour le forum complet, et pour ce volet aussi, en particulier (j’y reviendrai - et le lecteur patient s’en doute déjà certainement) il faut voir que la problématique, au delà du seul titre général du forum, évolue elle-même un peu avec les débats.
L’ordonnancement des volets lui-même est amené à évoluer ; il y a aussi le fait que de nouveaux volets sont créés au fur et à mesure, … Il y a surtout la spécificité de la construction politique européenne, et ses inconnues en cascade : forme juridique de l’UE, règles de subsidiarité en fonction, … Un enchevêtrement de choses qui font qu’il y a, oui, des jalons à poser. Mais les poser d’avance, c’est déjà fixer la problématique. Et cela colle de l’arbitraire. Si au moins on a une bonne et géniale idée pour faire un début… (si vous en avez une « clef en main », dites toujours.)
Bref, comme Etienne, je ne vois pas d’autre manière que de subir (et ce encore quelques mois au moins) un état de demi chantier avec interactivité sur la forme en plus du fond…
faudra bien sûr faire des efforts pour poser des jalons, sortir des synthèses… (pour ma part, j’y travaille régulièrement, même si c’est un boulot de titan, et que j’ai aussi des choses en chantier en la matière…)
Que cette forme décourage, chacun comprendra, mais voyons aussi le côté positif : c’est déjà un symptôme / un gage de grande qualité démocratique. Car - chose qu’on n’ignorera sans doute plus depuis le T"C"E - une question mal posée débouche inéluctablement sur un débat de sourds, et des divisions incessantes.
J’ai laissé entendre plus ou moins clairement, en tout début d’introduction, que la première raison d’être de ce volet est lié au flou sur l’étendue du domaine de l’Etat de droit, et que ce flou est lui-même lié à la mondialisation anarchique. Autrement dit, au fait qu’on a laissé les pouvoirs économiques (depuis 50 ans – 25 ans, … c’est selon) s’émanciper largement du contrôle démocratique, qui lui ne se fait que par le biais des nations souveraines.
En somme, on pourrait presque prendre ce volet comme une peau de chagrin, dont on sera ravi de voir la mort définitive… lorsque nous aurons enfin une véritable constitution.
Une avec laquelle le principe sacré du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, base de la démocratie, ne sera plus seulement une belle parole, amis une réalité qu’on pourra maintenir en maintenant la constitution. Nous concernant du moins (comme européens ou français, là n’est pas la question).
Quand Etienne écrit « Mais Sam tient à cette partie économique »… je crie à qui veut l’entendre que je n’y tiens pas, mais plutôt qu’il s’impose à défaut, et jusqu’à nouvel ordre. Même s’il faut ajouter que son dessein est de disparaître…
En attendant, ce problème est au cœur d’un défi auquel nul ne coupera, mais pour ce qui concerne le débat, au cœur de nombreux malentendus. Parmi eux : sur « l’objectif de ce volet » ; sur les conventions de termes liés aux doctrines, idéologie(s), et modes (modèles) économiques.
Il y a notamment le problème de la confusion généralisée « libéralisme / ultra libéralisme » (vous me dites qu’il faudrait poser le problème d’entrée… j’y ai consacré des heures et des heures de patientes explications. Mais voilà, il faudrait toujours mâcher la pensée des autres… paradoxalement, je suis bavard, mais c’est surtout pour donner une approche multi plans. Donc de l’eau au moulin, pas tant des pensées prémachées).
Les malentendus vont – c’est lié - jusqu’à la notion de « néo-conservatisme »… pour certains (la grande majorité) il s’agit de parler du néo-libéralisme ; pour moi, j’y inclus aussi la dynamique « passive », celle qui ne fait que bricoler sous le rouleau compresseur, j’ai nommé la « 3e voie » (social libérale / social démocrate), dont on prédisait l’avènement depuis deux décennies au moins, parce qu’elle est la pure expression du pragmatisme moderne, bricolage de doctrine qui est surtout signe d’une incapacité à repenser les rapports économiques sans préjugés. Ce pragmatisme, qui fait désormais, et jusqu’à nouvel ordre, autorité dans un centre proéminent. Je traite aimablement, oui, une large majorité de mes concitoyens de gens un peu dépassés, mais la même analyse me conduit à ne blâmer ni citoyens ni élus (vous pensez que quelqu’un qui n’est pas fichu de donner sens aux choses, et d’expliquer pourquoi toutes ces confusions, sans faire s’affronter les gens dans le débat, mais dans l’état des lieus, d’expliquer même en quoi on est formatés pour ne pas s’adapter aux changements structurels, … peut vous proposer des voies d’alternative tangibles ?).
La doctrine néo libérale elle-même, vieillit –elle s’est imposée non par simple adhésion (pas 0.1% des gens la soutiennent vraiment) mais par imprégnation idéologique, c’est-à-dire que le cadre structurel l’a conduit à s’imposer par défaut, et que le temps a fait son affaire – et il faut voir que sa réponse historique (pragmatisme du centre) devient elle-même un conformisme dogmatique – l’autoritarisme qui a accompagné la promotion du projet de T"C"E n’est pas étonnante ; et par ailleurs, on sait qu’un dirigent est d’autant plus autoritaire qu’il est impuissant, et incapable de donner sens ; bref, la force a cherché à compenser l’autorité.
Ce dogme, qui n’est que le pendant passif au néo libéralisme « actif », alimente lui aussi (sans doute bien plus, parce que le mode en est sournois, et parce qu’il est présenté, et même voulu, comme une défense des individus contre une tendance mauvaise, elle, aux yeux de tous) l’autodestruction de la démocratie, lisible sur différents plans : la dépolitisation, l’uniformisation des courants politiques ; l’emploi exclusifs d’indices macroscopiques qui confondent l’intérêt des bénéficiaires , et le point de vue des « chefs de guerre (économique » avec celui que M. Mme Lambda sont censés avoir ; la destruction, dans le discours, de toute perception d’une alternative tangible ; … les symptômes sont innombrables et très divers).
Vous référez vous à des modèles économiques particuliers ?
Pour ma part, oui et non. Oui, pour l’essentiel : le modèle libéral d’Adam Smith. Non, au sens ou il ne s’applique plus, je dirais tout simplement que ses diverses prescriptions ne sont structurellement plus applicables, essentiellement du fait de la mondialisation (plus exactement, du fait de la généralisation de l’investissement abstrait et apatride (actionnariat),
de l’évolution brutale des moyens de communication permettant une très forte spéculation, le tout rendu efficient par une autorité économique internationale (OMC, FMI, BM) indépendante de l’ONU) et ce jusqu’à nouvel ordre. J’irai plus loin : au delà des analyses et réflexions « philosophiques », tout ce que j’ai proposé dans ce volet, et les seuls « principes constitutionnels relatifs à l’activité économique » que j’entends défendre ne sont que mises en application, dans le contexte présent, des prescriptions d’Adam Smith.
Si je prône un modèle économique, au présent : un seul. Mais il n’existe pas encore… comme doctrine historique. Il n’existe encore à peu près pas sur la scène politique professionnelle. J’ai même peur qu’il ne fasse pas une majorité chez les « sympathisants » altermondialistes. Chez certaines de ses « têtes pensantes », notamment les fondateurs du mouvement ATTAC, j’ai tendance à penser que oui…
La démocratie libérale, voilà donc le modèle auquel je me réfère , mais je ne le vois qu’assorti du commerce équitable généralisé.
Pour aller droit à des choses un peu essentielles et « pratiques » (qui pourraient servir de base de discussion, sinon de principes constitutionnels directement), vous pouvez :
- si possibile, lire les deux messages introductif (n°208 - 209)
- lire mes suggestions d’ « articles € » (n°213)
- lire le message n°261 "UN BON EXEMPLE VAUT MIEUX QU’UN LONG DISCOURS…"
D’après Jacques Roman, qui est un peu notre « juriste de service » à ce jour, mes « articles € » (n°213) ne sont globalement pas recevables en l’état dans une constitution (pour les plus « pratiques », au mieux, ils relèvent d’une loi cadre - pour les quelques premiers, ils pourraient figurer dans les « valeurs de l’UE »).
Si une constitution ne définit pas - dans le résultat - de mode économique, de politique, de religion, …, cela n’entend pas qu’il ne faut pas parler d’économie, de politique, de religion… Il s’agit déjà de cerner le périmètre des choses, les limites de ce qu’il ne faut pas faire.
Mais plus largement, si on voit la constitution comme le résultat d’une révolution, il n’existe pas de vision sociétale moderne, alternative, pas de vision « existentialiste » sans une analyse croisée des structures, des doctrines, des luttes, …
La propriété, les droits et les devoirs qu’elle suppose, est évidemment au coeur du sujet. Mais avec la mondialisation, il faut voir que la propriété doit être reposée d’une manière ou d’une autre dans le cadre du contrôle démocratique. Autrement dit : l’économie s’est largement émancipée du politique parce que le droit et les devoirs liés à la propriété ne s’expriment plus de manière tangible au sens de la politique, dans le discours politique, au sens de la solidarité économique des différents « acteurs économiques » dans la nation.
Ce n’est ni pour moi un souhait d’abandonner le « patriotisme économique », ni de le prôner, au contraire, mais il s’agit de faire ce constat : la mondialisation (actuelle), de fait, a rendu absurde une logique ancienne (qui fit grands débats autour de 1789, qui est au coeur de toute doctrine économique) qui continue très largement d’être employée dans le discours.
Je conçois plutôt bien que nos vieilles doctrines aboutissent soit à un pragmatisme morbide (au centre) soit à un « repli souverainiste » (aux extrêmes). Mais je conçois surtout que la véritable 3e voie, qui a pour principal défaut de demander une véritable réflexion moderne ET démocratique, n’oppose rien. Elle donne sens, explique les impasses et les divisions, et n’oppose pas l’intérêt d’… elle rompt tout simplement avec l’ultra libéralisme parce qu’elle rompt avec sa logique elle-même. Comme dit Jospin « la rationalité économique a réponse à tout ». Le souci, c’est que même s’il parvient à s’en défaire, sa seule position d’élu de la nation (son devoir de défendre l’intérêt national) le contraint à manier une rationalité où on (la nation, à l’exception de ses ressortissants les plus riches en capital) se fait avoir à tous les coups… Dans toutes les nations, c’est pareil.
Le rôle d’un élu n’est pas conçu pour faire la révolution, ce serait précisément même dévoyer son rôle. Encore une manière de dire qu’une révolution nous attend.
"je sais, ceci peut vous paraître secondaire, j’ai bien lu la citation d’un intervenant, qui disait qqch comme "l’économie n’existe pas, mais la politique « . Bah, je pense le contraire : le politique en ce moment est bien au service d’une économie très libérale. »
C’était moi (qui citais Mitterrand, d’ailleurs… sans même me réclamer de lui en quoi que ce soit)…
Et notre opposition apparente, fruit de croisements de considérations diverses n’en est pas une, sans doute.
Le signe d’inquiétude, non pas pour notre opposition, mais pour le sens de la politique au présent, est qu’une idéologie règne déjà fortement. Une idéologie (dans l’acceptation donnée par Marx – non pas dans le sens de l’idéologie marxiste, chose qui n’existe pas, sauf quand et où elle a régné, dévoyant d’ailleurs la pensée de Marx…) :
- ce n’est pas une doctrine, un truc porté par des extrêmes, … c’est ce qui règne et qu’on ne voit pas tellement on est dedans et tellement ça implique tout le monde
- c’est l’émanation dans le discours politique d’une rationalité économique particulière, associée à des pouvoirs économiques
- quand elle règne, c’est : d’une part qu’elle oblige tous les courants politiques à s’y plier (même si c’est sur la défensive, souvent) ; d’autre part, qu’elle tend fortement à présenter dans le discours politique l’intérêt des puissants (économiquement) comme l’intérêt de tous.
Bref, il n’y a pas de contradiction dans nos propos, dans l’opposition des deux, il n’y a que mise en évidence du règne d’une idéologie. Chose que vous traduisez, vous, par « le politique en ce moment est bien au service d’une économie très libérale [j’écrirai « ultra libérale » : l’ultra libéralisme n’est pas simplement le « libéralisme réel », c’est « l’emploi d’une doctrine libérale sorti de son contexte », dans un contexte mondialisé, ça change pas mal de chose.]. »
Pardonez la longueur du message, j’ai essayé de répondre en détail, et de vous donner assez clairement l’esprit de la démarche que j’ai proposé d’entammer ici.
Cordialement.