Merci Étienne,
Je ne suis pas sûr toutefois que le sujet auquel je pensais d’abord soit : Qu’est-ce qu’un citoyen ?
Je retiens cependant que la façon directe avec laquelle elle a été posée, et la façon tout aussi directe avec laquelle JR a répondu en nous assénant « sa » définition, qu’un sondage (exclusif ?) lui permettrait de poser comme la plus classique (sic), et invite gentiment l’initiateur du blog et la majorité de ses participants à aller voir ailleurs, est très éclairante, je cite :
Le citoyen. À la "question centrale" posée par bernarddo : "Qu'est-ce qu'un citoyen ?", on peut déjà répondre par la définition formelle: est citoyen tout national d'un État donné qui est appelé à participer à l'exercice de la souveraineté nationale.
.....
Au-delà de cette définition, je vous souhaite bien du plaisir.. !!
Je sais au moins que je n’adhèrerai jamais à cette définition, et vais expliquer le plus simplement possible pourquoi.
La mienne serait plutôt :
Est citoyen tout national d’un état donné qui S’appelle lui-même [et appelle donc les autres] à participer à l’exercice de la souveraineté nationale
La différence entre les deux est purement grammaticale, la forme active remplace simplement la forme passive mais la première définition est celle d’un SUJET (alors que JR la prend pour celle d’un citoyen) et ne devient celle d’un CITOYEN que s’il y a appropriation.
Il me semble que JR devrait méditer sur la chose, certainement une des plus intériorisées qu’il ait écrite sur ce blog, mais cohérente avec la plupart d’entre elles; cela devrait lui permettre de saisir pourquoi ce qu’il prend pour des attaques personnelles est tout simplement la manifestation d’une incohérence de fond: je ne pense pas être le seul participant à se demander pourquoi JR participe à une entreprise à laquelle il ne croit pas.
Je ferme la parenthèse.
Une réflexion plus avancée et la relecture des interventions sur ce fil m’a rappelé que ma motivation était très proche de celle d’alainguillou dans son message 399 sur ce fil, qui part à la recherche d’un « axe directeur »autour duquel devrait s’articuler une constitution.
Cette réflexion reste proche du fil ouvert non numéroté « Et si on parlait de la Devise de la République », ou d’interventions sur le fil 4a « Les principes fondamentaux,……
En effet une collection d’articles est « techniquement » une constitution, mais ne lui donne pas forcément tous son sens, qui devrait rappeler les PRINCIPES RAISONNÉS qui DÉMONTRENT qu’il est RATIONNEL d’y adhérer.
Cette recherche de sens existe d’ailleurs dans beaucoup de constitutions actuelles, soit par référence confessionnelle, soit comme devise, ou comme préambule faisant appel à une déclaration solennelle (ie celles des droits de l’homme), soit en faisant appel à un « esprit », réel ou prétendu, à l’image de celui des « pères Fondateurs de l’Amérique ».
Et c’est cet AXE DIRECTEUR qui doit constituer la pièce angulaire de la constitution, au-delà de ses dispositions techniques que l’évolution de l’environnement et des connaissances peut et doit faire varier.
Il faut chercher, « à l’os », j’ai bien aimé l’expression, l’invariant, (l’OS lui-même en quelque sorte) qui prouvera au citoyen que sa constitution lui donnera la meilleure garantie et permettra de le convaincre d’accepter les modalités de cette représentation à laquelle il a dû se résoudre « en désespoir de cause » comme cette réflexion de C. Castoriadis l’illustre (Les carrefours du labyrinthe, tome 5)
[bgcolor=#FFFF99]« Quant à moi, en tant qu’homme qui se veut libre, j’accepte volontiers d’obéir aux magistrats que j’ai élus aussi longtemps qu’ils agissent légalement et qu’ils n’ont pas été révoqués dans les formes.
Mais l’idée que quiconque pourrait ME REPRÉSENTER me paraîtrait insupportablement insultante, si elle n’était pas hautement comique.»[/bgcolor]
Alainguillou propose cet OS dans la DIGNITÉ HUMAINE, ce qui est certes séduisant.
Sa solution (implicite) serait alors de sélectionner par élection ou autre (et si on a pu se donner les moyens de les reconnaître) ses représentants dans une « élite » capable de promouvoir dans tous les domaines les dispositions qui vont dans le sens du RESPECT de la dignité humaine, précepte qui présente à la fois deux caractéristiques qui emportent l’adhésion, son aspect MORAL et son aspect DÉSINTÉRESSÉ.
Toutes caractéristiques qui sont revendiquées par les postulants au pouvoir, souvent accompagnées d’une autoproclamation de compétence.
Outre les difficultés pratiques pour savoir si des candidats sincères ont (et éventuellement garderont) ces caractéristiques, et si l’on saurait les détecter, les objections fondamentales sont d’ordre théorique.
Elles ont été notamment avancées par Éric Weil (dans le chapitre d’introduction de son « Économie Politique » on les trouve sur les extraits du livre disponibles sur le net Philosophie politique - Eric Weil - Google Livres) :
La première montre l’impossibilité de fonder une politique uniquement sur une morale, qu’elle soit confessionnelle ou humaniste et laïque, fût-elle même basée sur des déclarations basées sur l’humanisme comme la Déclaration universelle des Droits de l’homme.
É. W. , lorsqu’il examine les rapports entre morale et politique, nous montre pourquoi, tout en étant « fondées sur leur origine commune dans l’homme regardé et se regardant comme être agissant » , elles conservent leur entière autonomie, la politique « visant l’action raisonnable et universelle sur le genre humain » étant par essence a-morale tandis que la morale « action raisonnable et universelle de l’individu, [considéré comme représentant de tous les individus], sur lui-même, en vue de l’accord avec lui-même » est tout aussi fondamentalement a-politique.
La seconde, montre le danger, beaucoup plus pernicieux, de fonder une base sur le caractère désintéressé, en montrant que l’autoaffirmation de désintéressement, même si elle est sincère, est le plus souvent un leurre, notamment quand elle prétend s’appuyer sur l e simple exercice d’une compétence.
É.W. lorsqu’il examine les rapports entre « sciences sociales » et « politique », montre le risque induit par la tentation de réduire la politique à une « science », à laquelle le « non-dit suggéré » affecterait le caractère neutre et « désintéressé » des sciences « dures » qui réduirait la politique à une simple gestion administrative de la nation par des experts nommés pour leur compétence.
Il souligne que les sciences sociales ne sont que sciences empiriques (donc auxiliaires) qui ne font (et ne doivent faire) qu’élaborer certains des concepts de la politique, avec ou contre lesquels l’homme politique agit. C’est cette possibilité de choix qui est l’essence de la politique.
Quelques extraits de E.W.:
……
« il est possible de montrer qu’une telle science [sociale] ne se comprend pas elle-même et n’est pas compréhensible en elle-même (ce qui n’exclut pas qu’elle puisse être pratiquée sans compréhension) »
….
« toute science sociale propose souvent inconsciemment une action politique et contient implicitement une définition du BIEN politique »
« …il en résulte que toute [constatation] se voulant purement « désintéressée » est IDÉOLOGIQUE, en d’autres termes, est inconsciente de ses propres présuppositions et de ses idéaux et risque ainsi de proposer une politique qui, se voulant universelle avec une sincérité subjective totale, ne vise que le bien d’un groupe particulier. »
L’illustration parfaite arrive en fin de réflexion :
« La théorie d’Adam Smith montre avec une très grande clarté les rapports objectifs existant entre science sociale et politique : en proposant la suppression de toute intervention politique dans le domaine de la production et des échanges, c’est une politique qu’elle propose. » !!
Le corrollaire à ces considérations fondamentales démontrant qu’il est donc vain de chercher à sélectionner les représentants dans une quelconque élite « morale, scientifique,…» est donc que [bgcolor=#FFFF99]tous les citoyens ont un comportement équivalent lorqu’ils exercent le pouvoir : ils veillent soigneusement à faire évoluer les règles existantes à leur arrivée dans le sens des intérêts (au sens le plus large) de la catégorie de citoyens à laquelle ils s’identifient.[/bgcolor]
À ceux qui seraient choqués par cette affirmation, il suffit pour les rassurer de considérer qu’il n’y a là rien de nouveau : il ne s’agit que d’une généralisation, au politique, du concept de base de l’économie « néoclassique» : des individus parfaitement égoïstes qui cherchent à maximiser leur intérêt économique propre. Une remarque peut être faite à ce sujet : l’optimisation de ces intérêts économiques individuels suppose qu’ils soient parfaitement informés en économie. C’est également le cas en politique où le maximum d’informations différentes doivent être prises en compte : le fait pour chacun d’être effectivement éligible au pouvoir a donc toutes les chances de renforcer la vie politique.
D’où le concept d’échantillon représentatif, capable d’optimiser le nombre de points de vue, et donc le tirage au sort qui se conçoit comme la méthode de désignation la plus adaptée.
C’est le concept d’universalité appliqué à la politique, qui n’est en fin de compte, dans un régime représentatif, que la confrontation des points de vue que chacun des représentants a de ses propres ressorts de réalisation individuelle.
Ecoutons Noam Chomsky (Les états manqués chapitre 1) présenter un énoncé du principe d’universalité, dans un contexte interétatique:
[bgcolor=#FFFF99]« L’une des évidences morales les plus élémentaires est le principe d’universalité : nous devons nous appliquer les mêmes critères qu’aux autres, voire de plus exigeants. »[/bgcolor]
La vision de la politique exposée plus haut montre que ce n’est pas du tout le cas. L’énoncé de Chomsky reste un énoncé idéaliste, et n’exprime qu’un voeu. Mais réaliser ce souhait n’est pas du tout insoluble.
Il suffit d’écrire :
L’accès au pouvoir sera organisé de telle sorte que ses tous détenteurs transitoires du pouvoir passeront la majorité de leur vie sous la férule d’un pouvoir délégué à d’autres, impossibles à identifier à l’avance : ils se verront appliquer mécaniquement les mêmes critères qu’aux autres. Et ne subsisteront de leur mandat que les dispositions qui auront été perçues comme de réelles avancées dans la continuité des équipes au pouvoir.
D’où la nécessité du principe de la rotation rapide du pouvoir, associé à l’exigence de l’imprévisibilité sur ceux qui seront appelés à l’exercer.