Une idée géniale ? "LE REVENU DE BASE".

Complètement en désaccord, et pour deux raisons:

1 On n’a, à ma connaissance jamais vu un actionnaire (ou un banquier) refuser un accord salarial le concernant directement, vu qu’il n’a jamais à le faire. Il se contentera de virer le PDG qui le déçoit (1er cas) ou refusera le prêt envisagé (2ème cas). Ces gens de la 1ere catégorie n’ont donc aucune chance de se confondre avec ceux de la 5ème.

2 Contrairement à ce que tu sembles penser, je ne fais aucune liaison entre la dignité de la vie et le niveau de vie, ou je la limite à la réalisation d’un minimum commun qui est la satisfaction des besoins vitaux. Ce sont deux concepts qui n’ont rien à voir et sont même souvent antagonistes. La dignité (je parle de la vraie, du sentiment que la personne éprouve vis-à vis d’elle même) peut naître souvent d’ activités choisies et non marchandes ce qui laisse beaucoup de libertés à la 5ème catégorie.

Mais on ne propose pas des « accords salariaux » aux gens dans la rue! Surtout que les gens auxquels tu penses soit n’ont pas vraiment de compétences, soit, lorsqu’ils en ont, ils savent qu’ils en profitent mieux lorsqu’ils sont leur propre patron et agissent pour leur compte.

Et tu fais un lien fort entre rémunération et dignité: " ceux à qui leur travail rémunéré ne permet pas de subsister dans la dignité".
J’ai précédemment donné ma définition du niveau de vie: c’est la facilité d’accès aux soins, à l’éducation, à l’information, la garantie de la sécurité, bref, tout ce qui améliore les conditions de vie. L’argent n’est qu’un moyen d’accéder à tout ça, mais en soi on s’en fout. Généralement, c’est le progrès technique et la spécialisation qui permet l’essor progressif et général (bien que très inégalitaire) du niveau de vie, qui n’est pas forcément une fin en soi, mais qui à mon sens est une exigence absolue.

Celui qui éprouverait un sentiment de dignité vis-à-vis de lui-même sans ce niveau de vie (c’est à dire en s’éclairant à la bougie et en lavant son linge dans la rivière), tant mieux pour lui, mais j’ai envie de dire on s’en fout un peu. Ce qu’il faut obtenir, c’est de réussir à avoir et le niveau de vie, et le sentiment de dignité, et ce pour la grande majorité des individus, de manière durable dans le temps.

Le RdB permet seulement à plus de gens de passer dans la première catégorie (celle des parasites), parce qu’il est par définition inconditionnel: c’est une rente pure. Ce qui serait autrement plus révolutionnaire (mais autrement moins démagogique que le RdB), et nous mettraient tous face à nos ambiguïtés, ce serait de décréter que certains travaux ne seront plus rémunérés. Par exemple interdire la perception de toute rémunération monétaire pour une quelconque activité de soin, ou de transport de personnes ou de marchandises. On sait tous qu’on a affreusement besoin de médecins, d’infirmières, de camionneurs, de postiers, etc, alors que ferait-on lorsqu’ils se présenteraient à la caisse du supermarché sans un rond en poche, mais le caddie plein pour nourrir la famille? Acceptera-t-on qu’en vertu du service immense qu’ils rendent, ils soient exemptés de payer? Car le voilà le vrai passage au non-marchand: la démonétarisation progressive de l’activité humaine, et non pas l’inverse que tente de faire le RdB en inondant la société de monnaie à dépenser, sous prétexte de reconnaissance du travail non-marchand, mais en réalité pour pousser encore plus loin la logique capitaliste.

Après, comme je le disais, je suis radicalement POUR le principe des aides sociales, et une petite aide (temporaire) d’au plus 300E par mois, ça me paraît être quelque chose qui pourrait être mis en place avec grand profit. Ca aiderait dans les moments difficiles, par exemple pour les étudiants.

Le RdB permet seulement à plus de gens de passer dans la première catégorie (celle des parasites), parce qu'il est par définition inconditionnel: c'est une rente pure. Ce qui serait autrement plus révolutionnaire (mais autrement moins démagogique que le RdB)...

Après, comme je le disais, je suis radicalement POUR le principe des aides sociales, et une petite aide (temporaire) d’au plus 300E par mois, ça me paraît être quelque chose qui pourrait être mis en place avec grand profit. Ca aiderait dans les moments difficiles, par exemple pour les étudiants…


C’est absolument faux, le RDB n’est pas une RENTE, il s’agit d’une redistribution, qui peut et doit être géré pour rester à l’équilibre. Ce n’est démagogique que pour autant que le système de redistribution existant actuellement le serait aussi. La dernière phrase indiquerait-elle que tu serais radicalement démagogue ?

Par contre, AUCUN système de RENTE ne peut maintenir longtemps l’équilibre, et entrainera tôt ou tard des réaménagements brutaux (famines, faillites, guerres)

Ce qui serait autrement plus révolutionnaire (mais autrement moins démagogique que le RdB), et nous mettraient tous face à nos ambiguïtés, ce serait de décréter que certains travaux ne seront plus rémunérés..
En voilà une idée qu'elle est bonne, comme dirait Coluche notre dernier homme politique compétent. Mais choisir un exemple repoussoir par excellence
Par exemple interdire la perception de toute rémunération monétaire pour une quelconque activité de soin, ou de transport de personnes ou de marchandises. On sait tous qu'on a affreusement besoin de médecins, d'infirmières, de camionneurs, de postiers, etc, alors que ferait-on lorsqu'ils se présenteraient à la caisse du supermarché sans un rond en poche, mais le caddie plein pour nourrir la famille? Acceptera-t-on qu'en vertu du service immense qu'ils rendent, ils soient exemptés de payer? Car le voilà le vrai passage au non-marchand: la démonétarisation progressive de l'activité humaine, et non pas l'inverse que tente de faire le RdB en inondant la société de monnaie à dépenser, sous prétexte de reconnaissance du travail non-marchand, mais en réalité pour pousser encore plus loin la logique capitaliste.
n'indiquerait-t-il pas un rejet viscéral de penser le vrai problème.?

Et pourtant cela a fonctionné pendant de nombreux siècles. Ce qui était interdit c’était l’intérêt monétaire, c’est à dire la RENTE par excellence.

Faut-il rappeler que l’Islam l’interdit toujours, que l’église catholique l’a longtemps interdit (en laissant la chose se faire par ceux qui n’étaient pas sous son autorité morale, et en s’assurant, via les régimes tirant leur légitimité de son autorité morale, que les prêteurs à intérêt seraient tenus à l’écart du pouvoir politique), et les juifs interdisent l’intérêt uniquement vis à vis des coreligionnaires.

Je viens de regarder le dictionnaire de l’Académie Française, et selon la définition officielle d’une rente, effectivement on ne peut pas dire que le RdB en serait une. En admettant que c’est une redistribution, c’est une des plus stupides et néfastes qu’il soit possible d’imaginer: d’un côté elle favorise le parasitisme (ie: se mettre dans une situation de profiter de ce qui nous est offert sans contribuer de manière équitable en retour), de l’autre elle coince toute l’économie (la TVA a 50%, ou comment favoriser la thésaurisation pour ceux qui ont les moyens, et cibler les plus modestes). L’instauration d’un RdB tel qu’il est généralement conçu mènerait, pour la majorité des gens, à une chute drastique du niveau de vie (selon ma définition).

Il y a un mécanisme dont je viens de me rendre compte, d’ailleurs:
-un taux de TVA très élevé nuit à la fluidité des échanges dans l’économie réelle; cette « viscosité » se traduit par une plus grande difficulté à écouler la production, donc à une nécessité de réduction des coûts au sein des entreprises, en particulier au niveau de la masse salariale (licenciements)
-le RdB favorise l’abandon de poste et rend l’assiduité au travail peu intéressante, puisqu’il permet -dans un premier temps- le maintien d’un niveau de vie tolérable. Le CDI et le temps plein n’ont plus vraiment d’intérêt.
=>il en découle que le RdB serait une solution idéale, du point de vue des élites, pour maquiller en truc sympathique une crise systémique aboutissant à une récession perpétuelle, la destruction de nombreux postes (non remplacés), etc… Sauf que quand la population se maintien à peu près stable, que le niveau de spécialisation ne bouge pas vraiment, mais que des emplois disparaissent massivement, le résultat c’est la pénurie. L’argent (du RdB) n’a d’utilité que s’il y a suffisamment de biens à acheter avec pour tout le monde.

Quand dans un pays il y a cinq sociétés qui fabriquent des réfrigérateurs, employant chacune 30 employés, et que ça répond à la demande (c’est à dire que quand un frigo claque, on en trouve immédiatement un de rechange), tout va bien. Mais quand deux disparaissent, et que les trois survivantes voient les effectifs diminués du tiers, la demande ne peut plus être satisfaite de la même manière. Ainsi des foyers pourraient se retrouver sans réfrigérateur pendant une semaine, deux semaines, un mois… Et ce qui est valable avec les réfrigérateurs est valable avec tout le reste. Le RdB permettrait aux élites de faire cette transition « en douceur », de la rendre supportable, sans que la société ne soit ni plus juste, ni plus épanouissante, ni plus prospère.

Je dis ça parce que Michel Drac, dans une interview, estimait cette situation de pénurie pour la majorité l’issue la plus probable de la crise systémique, à long terme, avec les ultra-riches vivant en dehors de cette société profondément sinistrée, dans une « bulle » où leur niveau de vie à eu aurait été préservé. Ca m’est revenu en tête il n’y a pas longtemps, en allant voir Elysium au cinéma: la situation de la Terre dépeinte dans le film correspond assez bien à ce sombre pronostic. Petit à petit, je remarque de plus en plus de choses semblent converger vers cette issue, ou du moins la rendent possible et augmente ses chances d’ advenir.

Tu parles de mon exemple comme d’un repoussoir. Je dirais plutôt que j’ai volontairement pris une situation qui frappe l’esprit pour qu’on comprenne bien le changement de mentalité qu’implique la démonétisation. Au lieu de gratifier d’une somme d’argent en reconnaissance de l’utilité ou du service rendu, reconnaître directement un « droit au pouvoir d’achat ». C’est un peu abstrait comme formulation, et ce n’est pas vraiment ce que je veux dire, mais je n’ai pas réfléchi à exprimer ça de manière moins mesquine. Pour moi, la seule utilité de l’argent (fiduciaire, je m’oppose aux monnaies ayant une valeur intrinsèque), c’est de sortir de la plus grande limitation du troc, qui est la symétrie de l’offre et de la demande entre les deux acteurs: pour qu’il y ait échange, il faut que Robert ait des oeufs à offrir et ait besoin de clous, et que Marcel ait des clous et ait besoin d’oeufs. C’est très vite extrêmement limitant (bien que ça ne soit pas dérangeant dans une société peu spécialisée, à échelons locaux autonomes). L’argent permet de faire « sauter » l’offre et la demande d’un acteur particulier à n’importe quel autre, et à mon sens c’est réellement son utilité principale. La seconde étant la thésaurisation en prévision des revers de l’existence (le bas-de-laine, quoi) et l’investissement.

Les changements de la société, notamment l’ouverture des communautés villageoises et même urbaines, et l’essor de la spécialisation (en particulier depuis la révolution industrielle), ont petit à petit rendu le « troc de village » impraticable (si Robert n’a pas d’oeufs au moment où il va voir Marcel pour des clous, c’est pas grave: tout le monde se souvient que Robert doit tant d’oeufs à Marcel). La comptabilité objective que permet l’argent, ainsi que sa capacité à rendre le troc « glissant », ont naturellement fait qu’il s’est petit à petit immiscé dans une part toujours plus grande de l’activité humaine, au point qu’aujourd’hui, il est devenu difficile de concevoir que ce qu’on peut s’acheter avec l’argent n’est pas du à l’argent. On a justement perdu de vu que Robert a des poules et propose donc des oeufs, et que Marcel a une cloutière et sait l’utiliser, ce qui lui permet de proposer des clous.

Le RdB entérine cette mentalité, cette vision au travers du « pouvoir d’achat » et des écritures comptables, en oubliant complètement qu’avant l’échange, il y a la production. Enfin, ce n’est pas un reproche que je vais au RdB en particulier, juste une observation. On est pas riche de l’argent qu’on a, mais de ce qu’on peut se payer avec. Dans le cas des particuliers, c’est une phrase sans grand intérêt, car justement ça ne recouvre guère plus que la notion de « pouvoir d’achat ». Mais au niveau global, c’est à dire quand on inclut les entreprises, les institutions, les administrations, etc, la portée est déjà bien plus importante. Le jour où la production de pétrole sera tombée au quart de ce qu’elle est aujourd’hui, l’argent ne servira de rien pour faire démarrer et rouler la bagnole. Mon idée de la démonétisation, c’est justement de prendre conscience de ce rôle (quasi) exclusivement médiateur de l’argent, et d’inciter à réfléchir à la suppression de cette médiation sans impact sur le niveau de vie.

Certains parlent de la logique du don, la société du don, etc… Personnellement, cette formulation ne me convient pas. Le don pur, désintéressé, n’a pas vraiment de place dans l’économie, il reste exceptionnel dans un cadre général d’échanges bidirectionnels équitables. Si Marcel donnait une fois, deux fois, trois fois des clous à Robert qui vient lui en demander le mains dans les poches, et que Robert lui refuse de lui donner des oeufs quand il en a besoin (alors même qu’il en a de rab), à moins que Marcel ne soit un saint, il va assez vite considérer que Robert n’est rien qu’un profiteur, et à juste titre. Peu importe l’écart dans le temps, Marcel attend de Robert qu’après lui avoir donné des clous gentiment, celui-ci lui donne des oeufs lorsqu’il en aura besoin. Dans ces conditions, selon moi ça n’a rien d’un don, mais c’est un « troc différé ». On l’aura compris, pour moi le troc est le type de l’échange vertueux, car il unit activité économique et lien social. Pour moi, le troc est le marqueur d’une société qui fonctionne… si elle est « primitive » (faible population, peu de spécialisation, vulnérabilité face à l’environnement, etc).

Ce dont je parle, c’est de réussir à importer les vertus du troc dans une société hautement spécialisée et à haut niveau de vie comme la nôtre. La démonétisation que ça implique pose des questions autrement plus profondes que le RdB, il me semble. Il faudrait alors se poser individuellement et collectivement la question de la confiance qu’implique notre monnaie fiduciaire (a-t-elle réellement besoin d’un support papier ou scriptural?), de l’utilité au sein de la société (si Jean vient habiter à coté de Robert et Marcel, et demande des clous à l’un et des oeufs à l’autre, mais n’a à offrir qu’un recueil de blague de Toto en 10.000 exemplaires, il risque d’avoir à élever ses propres poules et se faire ses propres clous), etc…

Certains parlent de la logique du don, la société du don, etc... Personnellement, cette formulation ne me convient pas. Le don pur, désintéressé, n'a pas vraiment de place dans l'économie, il reste exceptionnel dans un cadre général d'échanges bidirectionnels équitables. Si Marcel donnait une fois, deux fois, trois fois des clous à Robert qui vient lui en demander le mains dans les poches, et que Robert lui refuse de lui donner des oeufs quand il en a besoin (alors même qu'il en a de rab), à moins que Marcel ne soit un saint, il va assez vite considérer que Robert n'est rien qu'un profiteur, et à juste titre. Peu importe l'écart dans le temps, Marcel attend de Robert qu'après lui avoir donné des clous gentiment, celui-ci lui donne des oeufs lorsqu'il en aura besoin. Dans ces conditions, selon moi ça n'a rien d'un don, mais c'est un "troc différé".
Je dirais qu'au contraire le don est encore (mais de moins en moins, c'est vrai) le paradigme d'échanges bidirectionnels équitables le plus courant. Quand je fais la lessive de ma fille, je ne lui réclame pas de mettre le couvert en échange, quand je donne quelques kilos de patates à mes voisins, je ne leur réclame pas en échange quelques drageons d'artichauts ou une petite place dans leur coffre pour ramener de leurs vacances une caisse de Savagnin. Certes je m'attends à une certaine réciprocité. Certes si l'échange reste trop longtemps unilatéral je l'arrêterai probablement. Mais ça n'a rien à voir avec du troc. Le bricolage que vient faire ma fille (ou mon voisin) à la maison n'est pas une rémunération du repas qu'elle vient prendre (ou de l'écoute pendant des heures de ses problèmes) et réciproquement. Et les relations que j'ai avec ma famille et mes voisins sont (eh oui ! pas vous ?) plus courantes que les relations commerciales (monétaires ou de troc) que j'ai avec d'autres personnes.

Le principe du don, c’est le désintérêt. C’est à dire que si tu donnes quelque chose à quelqu’un, aucune compensation ne peut être attendue, aucune réciprocité, même pas de reconnaissance. Le don est purement unidirectionnel. C’est vrai qu’on peut donner un certain nombre de choses avant de commencer à être agacé par le manque de réciprocité, mais ça montre bien qu’on a profondément des mentalités de troqueurs, pas de donneurs, sinon on donnerait sans limite, sans conditionner nos dons suivants à une réciprocité. Ce système de troc différé fait par contre beaucoup plus intervenir la confiance que le troc classique. C’est bon pour une société, ça veut dire qu’elle est relativement saine, d’une part parce qu’elle n’est pas obsédée par la propriété et la comptabilité au centime près, et accepte une sorte de « part des anges » dans les échanges (rôle joué de nos jours par les banquiers et les financiers, et c’est plutôt la part des démons) correspondant aux dons (c’est à dire aux trocs différés qui n’ont pas été honorés mais sans que ça ne pose problème), d’autre part parce que la règle est la confiance plus que la méfiance, et qu’on ne craint ni d’être volé, ni d’être tué ou de mourir avant de « toucher » la contrepartie du troc, c’est à dire qu’on vit dans une société civilisée.

Si tu ne perçois pas l’intéressement (mais bénéfique, pas nuisible) qui sous tend tous ces rapports de don prétendus dont tu fais mention, c’est parce qu’au nom de valeurs stupides ont conçoit toujours que faire quelque chose dans son intérêt personnel n’est pas terrible (« Cachez cet intérêt personnel que je ne saurais voir! »). C’est le mauvais héritage du christianisme. Mais qu’on examine les choses en cessant de se laisser écraser par des a priori moraux qui perturbent les analyses, et on se rend compte que l’intérêt a une grande part dans ces prétendus dons, même si c’est absolument inconscient. Sauf que cet forme là d’intérêt personnel est plutôt vertueuse, je veux dire utile à la pacification et à la prospérité d’une société. Parce que même un don « pur », dont aucune contrepartie n’est attendue (ou plutôt reçue), on s’attend plus ou moins à ce qu’il soit « transitif » (au sens mathématique), et que celui qui a bénéficié du don fasse à son tour, un jour, un don, et ainsi de suite, et qu’ainsi, peut-être, notre « don » nous revienne. Et ce n’est absolument pas sale moralement, c’est au contraire très bien. C’est un niveau de confiance encore supérieur, donc un niveau de civilisation supérieur. Bon, évidement, il faut que ça fonctionne, sinon le résultat est catastrophique.

L’argent fiduciaire a la transitivité et la confiance, mais il a la comptabilité tatillonne qui caractérise une obsession pour les biens matériels qu’il n’y a pas dans le troc différé (que toi tu définis comme un système de don, mais pour moi c’est un refus de voir la réalité en face à cause de valeurs morales déplacées/non-optimales), ce qui fait que ce n’est pas réellement une évolution civilisationnelle, même si ça permet l’avènement d’une spécialisation extrêmement poussée qui permet d’augmenter terriblement le niveau de vie (selon ma définition). Pour moi, passer à u niveau de civilisation supérieur, ce serait maintenant passer du troc transitif comptable (c’est la monnaie qui sert d’outil comptable), à un système de troc transitif non-comptable. Concrètement, ça veut dire que la monnaie disparaîtrait, et que l’impératif moral et légal de payer à la caisse du Super-U quand on fait ses courses serait remplacé par l’impératif moral et légal de jouer dans la société un rôle suffisamment utile pour être à son tour en mesure d’offrir au moins autant que ce dont on bénéficie. Evidement, ça demande un niveau de discernement individuel dont on est pas près de voir l’avènement, et je m’inclue tout à fait dans ce constat. Mais à mon sens, c’est la prochaine évolution de civilisation (si on arrive à faire fonctionner pendant plusieurs siècles une société sur ce principe).

Oui et non.
Pour moi la différence entre le troc et le don c’est que le premier sous-entend la même notion de valeur économique intrinsèque de ce qui est échangé que n’importe quel autre échange marchand, alors que le second le récuse. Ce qu’on troque est censé avoir la même « valeur » pour les deux parties. Ce qu’on donne a peu de valeur pour celui qui donne (les drageons d’artichaut auraient fini au compost, le temps d’écoute aurait été gaspillé à regarder les feux de l’amour, depuis sa retraite mon voisin est sevré de bricoler des circuits imprimés) et beaucoup pour celui qui reçoit (quasi impossible de trouver des drageons d’artichaut dans le commerce, la solitude est pour certaines personnes la pire des tortures, le SAV de mon PC n’est pas fichu de le réparer). La question de la réciprocité n’intervient pas au sens de la valeur pour le donneur mais de la valeur pour les autres qui auraient pu en profiter, et au sens où des bonnes relations unilatérales ne sont pas des relations du tout.
Pour moi (comme pour vous :wink: ) le don au sens que vous lui donnez n’existe pas. Réserver ce mot pour désigner ce (non-)concept, c’est donc juste s’interdire de l’utiliser.

« Ce qu’on donne a peu de valeur pour celui qui donne » >>> non, pas toujours.

Le don existe bel et bien.

« … ça montre bien qu’on a profondément des mentalités de troqueurs, pas de donneurs, sinon on donnerait sans limite » >>> Ce n’est pas une question de mentalité mais de réservoir : en cas de non réciprocité, on arrête de donner quand on se sent dans le danger de manquer, du fait que l’on n’a pas un réservoir infini de richesse à donner. Puisqu’on a donné, c’est bel et bien qu’on a une mentalité de donneur, même si par la suite on n’a pas les moyens de la faire vivre.

S’il y a assez de donneurs, comme à Todmorden, la question de la réciprocité disparaît car tout le monde reçoit, les actifs comme les paresseux.

A noter que chez certains peuples que nous avons assassinés, le mécanisme était naturel : la condition pour agir était que l’action soit nécessaire et que l’acteur soit compétent. En tel cas, pas besoin de compatibilité puisque chacun joue le jeu du fait de la culture ambiante.

On rejoint ici la notion de pulsion contributrice qui est anesthésiée par notre civilisation.

Il ne doit pas s’agir de don, mais de partage. JR

Le principe du repas « canadien » peut aider à comprendre ce que serait l’esprit du don s’il prenait corps au point de devenir la norme :

Chacun apporte quelque chose à manger ou à boire.
Il n’y a pas de concertation …
Il n’est rien reproché à celui qui n’a rien (pu) apporter.

En général, ça se passe très bien et on est plutôt dans le festin que dans la pingrerie.

Egalement intéressant : Le Potlach, cérémonie axée sur le don, où curieusement apparaît une compétition dans le don (à qui brillera le plus)

"Ce qu'on donne a peu de valeur pour celui qui donne" >>> non, pas toujours.
Diriez vous vraiment que je serais sain d'esprit si j'offrais ce billet d'avion qui m'a coûté la peau des fesses et dont j'ai besoin pour aller voir ma fille que je n'ai pas vue depuis des mois à quelqu'un qui a très largement les moyens de l'acheter pour qu'il aille faire du tourisme dans un pays dont il n'a rien à faire ? Pour moi ce n'est pas une marque de sanité, ni même de sainteté.

Le principe du repas canadien entre parfaitement dans le cadre de ce dont je parle: chacun va s’occuper du plat qui a le plus faible coût pour lui tout en ayant le coût et la valeur les plus élevés pour les autres.

Je ne connaissais pas le potlatch, mais la description de Wikipedia relève plutôt du troc (« en retour un autre objet lui appartenant dont l’importance sera estimée comme équivalente à celle du premier objet offert »). Dans le don il n’y a pas de retour. Il peut y avoir une attente de réciprocité mais liée à la personne et pas à l’acte (on finira par tourner le dos au pique-assiette qui vient systématiquement les mains vides - au sens large : son apport ça peut être des bonnes blagues ou sa guitare - au repas canadien, mais effectivement on ne lui demande rien en retour).

l'esprit du don s'il prenait corps au point de devenir la norme
Je crois que comme les communs vis à vis de la propriété privée, comme l'anarchie vis à vis des différentes archies et craties, le don est l'étang où nage le poisson des échanges valués (commerce, troc, ...). Quand le poisson cherche à avaler l'étang on a le capitalisme ou le totalitarisme. Et quand le poisson devient trop gros pour l'étang il ne peut que mourir.

Entre le don acratopège et l’esclavage, en passant par le partage, le troc, le commerce, la domination par le salaire, il y a toute une hiérarchie de mécanismes, du plus monstrueux au plus noble, et il n’est pas forcément utile d’ergoter sur le sens des mots sinon à comprendre que l’humain est double, inscrit dans une dualité entre l’individu égoïste qu’il est, et l’âme généreuse qu’il est aussi.
Le manichéisme serait malsain et l’angélisme trop facile à contrer intellectuellement, interdisant ainsi à l’interlocuteur l’ouverture d’une modeste lucarne sur l’autre mode possible.

Pour illustrer, je prends l’exemple de la grande entreprise, qui donc domine ses gens par le chantage au salaire mais dans le même temps est obligée de faire appel au sens de la collectivité de ses salariés, allant jusqu’à leur vanter l’épanouissement personnel qu’ils retireront de leur engagement.
Très joli à observer est cet esclavagisme masqué et institutionnel qui est bien obligé de tricher avec lui-même en magnifiant la pulsion contributive, autant que sa filouterie le lui permet sans être ridicule.
Le coercition par le salaire ne fonctionnerait tout simplement pas s’il n’y avait en plus l’adhésion du subordonné …
Tout ceci est à mon sens la preuve, et j’espère ne pas être seule :wink: que le mécanisme du don et/ou des mécanismes contributifs inconditionnels, sont omniprésents et indéracinables dans la motivation humaine, même quand toute la structure politique et économique les inhibe au maximum comme c’est le cas de nos jours.
La réflexion sur le don est donc essentielle. Et c’est vrai qu’il faut faire un effort pour se libérer ne serait ce qu’un instant de la foi dans le calcul et la parcimonie comme uniques agents de régulation de la synergie humaine.
Ici est le contre-paradigme qui fait passer de la guerre à la paix (vaste sujet :wink: )

Je pourrais ici poursuivre en pointant l’idée que ce sont les mécanismes d’adhésion inconditionnelle et spontanée de l’individu à un processus de contribution synergique (sain ou malsain, là n’est pas la question) qui font l’unité d’un peuple, et le court rayon d’action de ces mécanismes qui engendre la partition de l’espèce en peuples concurrents (autre vaste sujet :wink: )

Tout ceci est à mon sens la preuve, et j'espère ne pas être seule ;) que le mécanisme du don et/ou des mécanismes contributifs inconditionnels, sont omniprésents et indéracinables dans la motivation humaine, même quand toute la structure politique et économique les inhibe au maximum comme c'est le cas de nos jours.
Si vous avez lu mon message précédent vous savez que nous sommes au moins deux. La société du don n'est pas un idéal plus ou moins inaccessible. C'est le substrat nécessaire pour toutes les autres formes de relations interpersonnelles. L'idéal inaccessible c'est d'éradiquer les mauvaises herbes, mais ça n'empêche pas de sarcler et d'ajouter du compost.

:slight_smile:

Science fiction :

description de quelques concepts dans le cadre d’un roman :

revenu de base
dividende universel
revenu inconditionnel
salaire
revenu
retraite
monnaie
création monétaire
destruction monétaire
rôle de la monnaie
thésaurisation
la propriété


revenu de base : il s’agirait d’octroyer à chaque individu un fixe, en espèces ou en nature, qui pourrait par exemple correspondre à l’idée que chaque être humain a droit de par sa naissance et sans autre motif à un minimum vital et de confort.

dividende universel : il s’agirait de considérer que chaque être humain est actionnaire de l’entreprise humaine, cohéritier du fruit du travail accompli au cours des siècles, et copropriétaire du fruit du travail au présent. Ce dividende universel ne serait pas forcément fixe, mais modulé au fil du temps en fonction des performances de l’espèce. Il serait distribué à chaque individu soit en espèces, soit en nature.

Le dividende universel est un revenu inconditionnel et le revenu de base, qui ne sort pas du néant, est une partie de ce revenu inconditionnel.

Le revenu inconditionnel, bien que fluctuant est donc supérieur au revenu de base (hypothèse de prospérité) qui lui, est fixe.

Le dividende universel, alias revenu inconditionnel, correspond à un dû associé aux concepts d’héritage et de partage, tandis que le revenu de base est un concept humaniste, correspondant aux devoirs du collectif envers l’individu ; mais d’un simple point de vue comptable, le revenu de base n’a pas besoin d’être mentionné.

Salaire : rétribution directement dépendante de la contribution de l’individu à la société, selon une évaluation convenue démocratiquement, et non pas comme de nos jours selon des mécanismes sauvages et de pouvoir. En espèces ou en nature.

Le salaire est une récompense, la cerise sur le gâteau universel.

Revenu : la somme bêtement arithmétique du revenu inconditionnel et du salaire.

Revenu = dividende universel (alias revenu inconditionnel) + salaire

Retraite, vacances prolongées, chômage = en cas de non contribution, l’individu touche son dividende mais aucun salaire.
(Exactement comme de nos jours un capitaliste qui a placé son argent et se la coule douce)
Celui qui a déjà contribué mais ne contribue plus ne mérite plus salaire, mais de manière naturelle et dépersonnalisée, il touche à travers le dividende universel sa part du fruit de sa contribution passée, diluée dans le chaudron commun.

Monnaie : c’est l’outil de distribution de la part du revenu qui n’est pas en nature.
La seule fonction de la monnaie est de permettre cette distribution, et de permettre la liberté de l’individu quant à l’affectation de son avoir.
La monnaie est créée au moment de la distribution du revenu, et en aucune autre occasion.
La monnaie est détruite au moment où l’individu la dépense.
La thésaurisation forcenée est donc ainsi impossible, ou inutile et les fonctions perverses de la monnaie sont annihilées, car la monnaie ne servant pas à créer, ne crée pas de pouvoir.

Lorsque la société décide de s’offrir de nouveaux outils ou de nouvelles richesses collectives, elle n’a pas besoin de fonds comme de nos jours. Elle dit, et fait.

La croissance n’est plus une fatalité et créer devient un acte choisi.

Les matières premières sont collectives.

Dans la mesure où cela ne nuit pas, l’individu peut acquérir de la terre selon le principe du bail emphytéotique, une terre dont il est responsable : il a le devoir d’en maintenir la qualité ou d’en préorganiser la régénération.
Sa descendance hérite à sa mort du résidu temporel du bail.

La transmission par héritage se limite aux objets porteurs d’une charge affective et non susceptibles de conférer du pouvoir à leur détenteur.

[align=center]Une enquête du collectif « Le quatrième singe » sur la robotisation :[/align]

Quand les humains n’auront plus besoin de postuler :

http://4emesinge.com/quand-les-humains-nauront-plus-besoin-de-postuler/

À lire : les échanges précédents sur ce fil.