Nous sommes les habitants d’une commune de france. Les circonstances nous réunissent sur la grand place pour nous constituer en assemblée souveraine.
Une voix dans la foule : Qui c’est qui commande ?
Une autre : Tout le monde.
Une autre : Ya des arabes, y vont commander les arabes aussi ?
J’attends la suite, avec le plus grand intérêt. JR
Cette histoire d’arabe m’emmerde. Bon tout ceux qui sont là, et qui veulent être citoyens levez le doigt.
C’est nous tous qui commandons.
Ceux qui veulent faire l’effort de réfléchir plutôt que de répéter ce qui dit Claire Chazal.
Pas ceux qui veulent qu’on les écoute parce qu’ils ont tout compris.
Pas ceux qui veulent qu’on les aide parce qu’ils sont plus malheureux que les autres.
Pas ceux qui font jamais l’effort d’écouter, de lire et de douter mais qui la ramènent tout le temps.
Ceux qui sont prêts à se gourer, à travailler et qui comprendront que leur seules envies ne suffisent pas pour faire un programme.
Et s’il y en a qui ont toujours peur des arabes, des juifs, des roms, des capitalistes, des libéraux ou des cons, c’est le moment de se parler plutôt que de s’imaginer.
C’est le moment d’exister aussi pour les autres.
C’est le moment de nous inventer ensemble.
Sans chef, sans programme, seulement notre volonté de s’essayer à ce qui nous a été jusqu’alors interdit.
Moi j’en suis.
Qui d’autre?
Citoyen Dehel, nous sommes plusieurs milliers sur cette place et dans ces conditions nous ne pourront jamais formuler des propositions pour définir les règles de notre « vivre ensemble », j’entend le citoyen Étienne s’époumonner de l’autre côté de la place pour dire qu’une façon honnête de constituer un groupe de travail chargé d’élaborer des propositions serait de le tirer au sort. J’approuve.
Ha ! J’en vois un qui monte sur le toit du kiosque.
" citoyens, il nous faut définir les règles de notre souveraineté "
- clameur dans la foule.
" nous voulons l’égalité politique"
-clameur.
" un citoyen, une voix" - ovation
" bon, designons par le sort des citoyens chargés de proposer notre constitution" - votons !
Le vote se passe. Et c’est oui!
-combien de tiré au sort ?
" que chacun propose un nombre, nous ferons une moyenne "
Ouf !
Bon ben moi cette assemblé souveraine me fait peur ( je suis un tiré au sort, comme vous tous évidemment ) j’ai bien envie de commencer par définir les libertés individuelles.
Et puis aussi de cadrer dans le temps notre proposition de constitution, histoire de ressembler à la nature. Cinq ans ?
Il faudrait que la constitution consacre notre liberté d’expression, de circulation, d’association, d’opinion et , mais je n’arrive pas bien à le mettre en forme, disons une jouissance a la propriété.
Bon c’est pas terrible de faire les révolutions au mois de mai, avec tout le travail au jardin et les montées de sève, on a du mal pour se concentrer.
Donc pour la question de la citoyenneté je propose : est citoyen de plein droit et devoir toutes personnes étant né d’un parent citoyen et ayant 13 ans révolu, ou toutes personnes de plus de 13 ans naturalisés. On peut renoncer à la citoyenneté sur demande.
Profitons de la pluie pour aborder la loi.
J’ai envie de poser en premier le principe que tous citoyens est en droit et en devoir de participer à l’élaboration et à l’adoption de la loi.
Pour l’adoption il suffit de poser que toute loi sera présentée devant le suffrage universel. Pour l’élaboration il doit exister pléiade de procédure, pour ma commune de 3000 citoyens cela pourrait être : une assemblé de 30 citoyens tirés au sort pour une période de six mois sera chargée de faire les propositions de loi . Une procédure de référendum d’initiative citoyenne ayant obtenue 300 signatures sera une autre façons de proposer des lois.
Petit intermède. Je me dis que dans notre groupe de tirés au sort constitutionnel, il y aurait des divergences que même des heures de recherche de consensus ne sauraient amoindrir. Une solution évidente serait de départager au vote, entre tirés au sort, les points conflictuels, mais l’on pourrait aussi solliciter l’assemblée des citoyens régulièrement pour départager par le vote les blocages.
Appliquer les lois. Alors là il y a des cas simples et d’autres non.
Un cas simple : on a voté une loi interdisant de polluer la rivière. Il suffit de mandater un shérif de l’eau pour surveiller les stations d’épuration par exemple . Shérif élu, tiré au sort, recruté sur concours suivant les cas, mais contrôlé et revocable.
Un cas compliqué: la volonté générale souhaite que notre commune devienne autonome pour sa nourriture. Il faut peut être créer 30 fermes, vaste entreprise !
Faut il que la loi précise ses modalites d’exécution ?
Ben oui tiens, c’est pas plus mal. Lorsque l’on présentera une loi il faudra présenter les modalités d’exécution avec, peut être soumettre les deux parties séparément au vote ( on pourra être d’accord sur la partie législative et pas sur la partie exécutive ) . Donc à priori pas besoin de disposition spéciales dans notre constitution sur le pouvoir exécutif, si ce n’est peut être que tout mandat exécutif sera susceptible d’être destitué par référendum.
Projets de loi/états d’incidence financière
Idée intéressante, frigouret (14), mais je te garantis que l’assemblée locale passera un temps énorme à adopter très peu de lois.
Un peu dans cette optique, le projet http://www.euroconstitution.org envisage que tout projet d’acte législatif (d’où qu’il vienne) soit accompagné d’un état d’incidences financières (c’est la procédure, par exemple, dans le cas des résolutions d’organes internationaux qui entraînent des dépenses).
Comme les dépenses sont affectées à des objets, ça revient un peu au même que ton idée, mais dans le contexte européen ce sont les députés et les ministres qui dresseraient cet état, et c’est quand même plus facile pour eux que pour M. Martin ou pour Mme Dupont.
Tu me diras : on pourrait faire établir l’état d’incidences par la chambre régionale des comptes, ou par un comité de comptables ? JR
Ah Jacques je me suis fait mal comprendre. Sous le règne de notre Veme république nous avons un exécutif institué pour cinq ans, mais dans notre petite république communale j’imaginais autre chose. Chaque proposition de loi devrait intégrer son mode exécutif. Un exemple : une loi portant sur l’ interdiction de semence OGM sur la commune devra comprendre le ou les fonctionnaires chargés de son application, leur mode de nomination, les mécanismes de leur contrôle ect. Disons que dans le cadre.d’une démocratie directe je ne vois pas l’intérêt de séparer les pouvoirs. Les citoyens décident des lois et de leur mode d’exécution. Ton avis ?
J’ai bien compris : ce sera le régime d’assemblée type Convention nationale sous la Révolution.
Mais qui financera la mise en œuvre d’une loi communale une fois votée ?
Dans l’optique de la démocratie directe communale que tu envisages, la commune devra fixer la dépense et prélever les impôts correspondants : est-ce que cette question des impôts ne sera pas importante (voir la plus importante) au yeux des citoyens ?
Un état d’incidences financières dit qui fera quoi, comment, à quel prix, et qui paiera.
Par exemple : s’il faut faire intervenir une chambre des comptes régionale (supposons), il faudra décompter la dépense en heures de travail de conseillers de cette cour, de secrétaires, de messagers, en frais de transport, en temps d’occupation des locaux administratifs, etc.
Autre chose : il y aurait des limitations extrêmement fortes à la loi communale. Je suppose que tu admets qu’une loi communale ne pourra pas enfreindre la loi générale, ni empiéter sur les compétences des autres communes.
Par exemple : une commune pourra (à condition de respecter la loi générale) interdire l’usage des pesticides sur son territoire, mais elle ne pourra pas imposer l’usage d’un pesticide plutôt que d’un autre si cela doit affecter d’autres communes (les pesticides ne connaissent pas les frontières communales). La décision correspondante relèvera donc de la législation fédérale.
Sommes-nous d’accord là-dessus ?
Si oui, cela ne veut-il pas dire qu’en pratique une commune ne sera pas en mesure (du moins dans la plupart des cas) d’adopter des lois exprimant vraiment une volonté générale, et donc que seul le pouvoir fédéral (en pratique toujours) aura le pouvoir d’adopter de telles lois ?
Les seules loi que la commune pourrait adopter porterait sur l’érection d’un monument au mort, la règlementation du marché du samedi, le changement de nom d’une rue et, à la rigueur, le montant des amendes pour infraction à ces lois communales (à condition de ne pas contrevenir au code pénal).
Quelle différence y aura-t-il alors entre la « loi » communale et un arrêté municipal actuel ?
Le fait, je suppose, que les citoyens de la commune se substitueront au conseil municipal pour adopter directement la « loi » municipale. C’et possible dans un village de 300 habitants, mais est-ce que ça l’est dans une commune de 500 000 habitants ? JR
N’ayant pas étudié la convention nationale sous la revolution je ne peux juger de ta comparaison. Notre petite république communale étant à peine sortie de l’oeuf la question de l’argent n’est pas réglée, pour l’instant nous subsistons avec les stocks de nouilles requisitionné dans les épiceries et nous nous occupons de cultiver les jardins. Mais l’incidence financière que tu evoques me semble indispensable pour prendre des décisions responsables, mettrons nous cette disposition dans la constitution ?
A ce nomment de l’histoire notre commune n’a fait aucunes delegation de compétence à la fédération et est entièrement souveraine, les conditions de ces délégations de compétences devront effectivement venir assez vite sur le tapis .
Il me semble cependant que tu commets une erreur logique. Les lois générales ( lois de la fédération) ne porterons que sur les compétences que les communes aurons décidé d’attribuer à celle-ci, et elles ne sauraient par conséquent être en concurrence avec les lois communales. Essaye de t’imaginer une société organisée du bas vers le haut, je sais c’est dur .
@ frigouret
Une société organisée du bas vers le haut, ce n’est pas particulièrement dur à imaginer : quiconque a eu l’occasion de participer à la mise en place d’une association a eu forcément cette expérience.
Ce qui est dur à imaginer dans le cas d’une constitution communale comme celle que tu envisages, c’est comment concilier les inévitables différences de point de vue et d’intérêts entre communes.
Ce que tu proposes, c’est de partir de volontés particulières intermédiaires (en l’espèce communales), en espérant que ces volontés particulières coïncideront sur suffisamment de points importants pour former une volonté générale.
Difficulté immédiate : quelle est la légitimité de ces volontés communales intermédiaires ? Plus précisément, comment ces communes se sont-elles créées, qui a défini le territoire qui leur est attribué ?
Chaque commune devra-t-elle accepter ses délimitations actuelles ? Comment concilier les intérêts de la commune de Chamonix et ceux de la commune de Marseille, sinon en vertu d’une autorité d’État acceptée par la majorité du peuple dans toutes ses communes ?
Dans le cadre démocratique, l’organisation de bas en haut est possible seulement à partir de l’ensemble des individus (comme dans le cas des associations). Elle est impossible à partir d’entités territoriales sauf par la guerre ou la conquête, sauf cas rarissimes.
C’est l’individu qui est à la base de l’organisation démocratique de bas en haut, pas la commune ; et c’est le cumul des volontés individuelles – pas des volontés communales – qui exprime la volonté générale. JR
Je crois qu’une tentative d’organisation fédérale venant des communes n’aboutira pas ou aboutira à l’anarchie (au mauvais sens du terme). JR
@Jacques.
Il me semble que je suis d’accord avec toi, la personne est la base de la démocratie. Si nous envisageons des délégations de compétences pour des ensembles plus vastes que notre assemblée communale il ne saurait être question, selon moi, de delegation de souveraineté qui devra,elle, toujours se légitimer par la règle un(e) citoyen(ne) une voix.
Résumons : notre république communale pourra déléguer des compétences, ou les reprendre, à la fédération. Mais la fédération ne pourra adopter des lois autrement que par le biais du suffrage universel.