Bonjour
Je recopie ici un échange privé entre Jacques Roman (JR) et moi-même (AJH), avec l’accord de Jacques, évidemment… et dans l’ordre de l’échange.
AJH :
Pouvez-vous me préciser la différence entre Nation et Etat ? Est ce qu’on pourrait par exemple parler d’une « Union des Nations Européennes » ?
JR :
La « nation » est la collectivité des individus ayant la volonté de vivre ensemble, c’est-à-dire de former un même peuple. L’ « Etat » est l"entité juridique (souveraine au regard du droit international) qui gouverne et représente la nation lorsque celle-ci est devenue effectivement indépendante au regard du droit international. (Les Etats fédérés ne sont donc pas de véritables Etats, mais se trouvent dans une situation analogue par rapport à l’Etat fédéral
AJH :
Néanmoins, pour préciser ma compréhension entre ces deux mots, pouvez-vous répondre à ma question : "Est-ce qu’on pourrait, par exemple, parler d’une « Union des Nations Européennes » et qu’est-ce que (juridiquement) ça évoquerait pour vous ?
JR :
Pour moi (mais je suis peut-être formaliste), la nation n’a pas qualité pour intervenir sur le plan international (juridiquement s’entend) : seuls les Etats ou groupements d’Etats (organisations intergouvernementales) ont la personnalité juridique internationale.
Dans cette optique, comme « Union des nations » ou « Union des peuples » ne me paraissent pas admissibles, contrairement au mauvais précédent de la « Charte des Nations Unies » et de son préambule (« Nous, les peuples des Nations Unies »).
AJH :
Je poursuis afin de vérifier si j’ai bien compris.
Donc, si une Nation n’a pas qualité pour intervenir en tant que telle dans la signature d’un Traité ou d’une Constitution, l’Etat qui a la personnalité juridique, représente bien la Nation…
Serait-il donc possible d’imaginer la phrase suivante sans qu’elle ne choque un juriste…
" Les représentants des Etats signataires, ayant consulté leur population par référendum, approuvent la présente Constitution régissant l’Union des Nations Européennes (UNE), qui sera donc appliquable à compter du xxxxx aux Peuples de ces Etats en remplacement de leur propre Constitution. "
ou préférez-vous une formulation telle que celle-ci
" Les représentants des Etats signataires, ayant consulté leur population par référendum, approuvent la présente Constitution régissant l’Union des Etats Européens (UEE), qui sera donc appliquable à compter du xxxxx aux Peuples de ces Etats en remplacement de leur propre Constitution. "
En vérité, je pense que le « nationalisme » devrait disparaître dans une future Constitution commune aux Etats d’Europe qui l’approuveraient. Vouloir superposer des couches avec des lois différentes (et différentes Constitutions) me semble voué à l’échec… ou alors il ne s’agit plus d’une Constitution mais d’un Traité entre différents Etats qui acceptent des « réglements communs » tout en continuant leur compétition économique pour bouffer leur voisin … tiens, c’est l’Europe actuelle, non ? 
[color=blue]JR :
A vrai dire, je n’aime aucune des deux formules, et toujours pour la même raison : les constitutions ne sont pas des constitutions de peuples ou de nations, mais des constitutions d’Etats : par contre, le peuple (la nation) décident de la constitution qui sera applicable à leur Etat. Je préfèrerais donc la formule suivante (qui vise l’hypothèse d’une Europe fédérale - pas la mienne comme vous savez) :
« Les Etats signataires, ayant chacun consulté leur population par référendum, adoptent la présente Constitution de l’Union européenne, dont les dispositions remplacent pour autant que nécessaire les dispositions correspondantes des constitutions desdits Etats »
Notez :
- Qu’on ne peut pas prévoir le remplacement pur et simple des constitutions nationales par la constitution de l’Union : certaines dispositions de la constitution de l’Union ne concerneront pas les Etats fédérés ; d’autre part, la constitution fédérale ne peut pas couvrir tous les aspects constitutionnels propres aux Etats fédérés (je doute beaucoup, par exemple, que le Royaume-Uni veuille renoncer à sa monarchie). Les constitutions nationales des Etats fédérés doivent donc continuer de s’appliquer pour autant qu’elles ne contredisent pas la constitution de l’Union ;
- Je ne vois pas de raison (surtout dans votre perspective ) de remplacer « Union européenne » par « Union des Etats européens ».[/color]
AJH :
Merci Jacques pour ces précisions.
Nos avis divergent un peu : je pense qu’une Constitution Européenne, si elle est adoptée par certains Etats (par référendum évidemment) et pas d’autres , doit s’appliquer à ces Etats qui formeront dans ce cas le « noyau » de cette nouvelle Europe, et remplacer leur propre Constitution qui deviendrait caduque (le principe de subsidiarité restant néanmoins le principe de base… donc la Constitution ne doit prendre en compte que les grands principes et la définition des « pouvoirs régaliens » au niveau de ces pays « fusionnés » dans cette Union.
Pour répondre à l’objection concernant la monarchie du R-U, je pense que la Constitution peut prévoir le fait que les Etats qui rejoignent l’UEE peuvent garder leur organisation politique interne
Pour répondre à « 2 », j’avais préféré une formulation telle « Union des Etats (ou Nations) Européens » pour bien différencier le fait que (dans mon souhait) nous ne serions plus « nécessairement » dans une « Europe des 25 » telle que le sous-entend " l’Union Européenne", mais dans l’Europe de ceux qui veulent adopter cette nouvelle Constitution qui seule permettrait (entre autres) :
- Une monnaie d’Etat (monnaie publique et non privée) et un système économique commun
- Des régles sociales et fiscales communes, de telle façon que le seul « avantage comparatif » soit la compétence
- Une définition claire des services publics (« gratuits », donc financés par les recettes) et des services au public (participation)
- Une mise en commun des richesses naturelles
JR :
Parcourez le TCE et le projet CIPUNCE Rév. 12 : vous vous rendrez vite compte, je pense, que la constitution confédérale couvre seulement une petite partie des règles constitutionnelles qui doivent s’appliquer à un Etat confédéré. Je citais le cas de la monarchie britannique, mais j’aurais pu en citer bien d’autres, comme celui du régime présidentialo-parlmentaire français, du principe de laïcité pas accepté par tout le monde, ou encore de la distinction fondamentale faite en France entre loi et règlement, ou du rôle du juge, qui diffère beaucoup d’un pays à l’autre.
Une constitution UE unique ne pourrait s’appliquer qu’à Etat fédéral européen, dont nous sommes encore loin (vous-même parlez d’ailleurs d’une « Union d’Etats »).
… à vous … 