LIBERALISME

[...] Je n'ai pas de problème avec le libellé de la DDHC, seulement avec la définition malheureusement implicite de ce qu'est la propriété et de ce qui peut donner lieu à propriété, et avec la nature malheureusement implicite des "personnes" qui jouissent de ce droit.
Les deux déclarations prises ensemble sont parfaitement explicites : l'article II de la DDHC fait de la propriété un droit naturel de l'homme tandis que l'article 17-1 de la DUDH (voyez plus haut) précise que ce droit peut être exercé individuellement ou collectivement.

Quant au terme « propriété », il ne pouvait avoir en 1789 que le sens parfaitement connu hérité du droit romain : droit d’user, de jouir et de disposer d’une chose de manière exclusive. Il était donc déjà explicité : les deux déclarations y ont ajouté le droit d’expropriation et l’obligation de respecter les restrictions établies par la loi. JR

Cette année j’ai découvert « Les raisins de la colère » et je médite un peu sur les aventures de la famille Joad.

Les Joad souffre d’un manque de propriété , ces fermiers sont expulsés par les banques, et d’un excès de la propriété, il n’y a rien de disponible pour eux en Californie.

[...] Je n'ai pas de problème avec le libellé de la DDHC, seulement avec la définition malheureusement implicite de ce qu'est la propriété et de ce qui peut donner lieu à propriété, et avec la nature malheureusement implicite des "personnes" qui jouissent de ce droit.
Les deux déclarations prises ensemble sont parfaitement explicites : l'article II de la DDHC fait de la propriété un droit naturel de l'homme tandis que l'article 17-1 de la DUDH (voyez plus haut) précise que ce droit peut être exercé individuellement ou collectivement.

Quant au terme « propriété », il ne pouvait avoir en 1789 que le sens parfaitement connu hérité du droit romain : droit d’user, de jouir et de disposer d’une chose de manière exclusive. Il était donc déjà explicité : les deux déclarations y ont ajouté le droit d’expropriation et l’obligation de respecter les restrictions établies par la loi. JR


Voui.

Par exemple le droit pour une société anonyme et à responsabilité limitée de jouir et de disposer de manière exclusive d’un élément non-rival du domaine public sous le fallacieux prétexte qu’elle y a ajouté un détail contingent.

Par exemple le droit pour Herr Gurlitt d’user, de jouir et de disposer de manière exclusive des tableaux volés par son père.

Par exemple le droit pour un Etat de donner l’exclusivité d’un bien commun au plus offrant en vendant ce dont il n’est que le gardien.

Oh, bien sûr on peut exproprier Disney ou Gurlitt ou ASF, moyennant une juste indemnité. Que diriez vous du montant des droits que l’un pourrait tirer de ses (!) contes de fée en 70 ans ? D’une estimation par l’autre du prix total de ses (!) tableaux sur le marché hautement spéculatif de l’art ? Du montant total des péages prévisibles sur, disons, 99 ans, pour le troisième ? Heureusement qu’il nous reste encore la possibilité d’exproprier un petit paysan au prix de la terre agricole pour pouvoir revendre au prix du terrain constructible en bord de mer.

Car le droit qu’établit la DD, ce n’est pas celui d’exproprier, qui a toujours existé, de par le monopole de la violence que détient la force publique, mais bien le droit à être indemnisé dans une telle circonstance. C’est, en fait, contrairement à ce que vous dites, une restriction du droit d’exproprier, qui rend la DD moins simple et moins radicale (puisque c’est votre critère) qu’elle le pourrait.

En 1789, le sens de cet article ne pouvait se comprendre que dans le contexte de l’abolition des privilèges qui incluait l’obligation de racheter les droits féodaux par ceux qui y étaient soumis. C’était, et c’est toujours, une clause protégeant d’abord les plus riches, et, seulement par effet de bord, partiellement, les autres propriétaires. Et pas du tout, au contraire, ceux qui n’ont rien.

Lanredec : quelques remarques :

  1. La définition de la propriété, héritée du droit romain, n’a rien à voir avec les abus éventuels du droit de propriété (seraient-ils légaux) mentionnés par vous. C’est à la loi de définir les conditions de l’exercice du droit de propriété et le régime de l’expropriation.

  2. La violence n’institue pas un droit par elle-même.

Le droit d’expropriation reconnu dans la DDHC et la DUDH avait déjà été théorisé par Grotius (mort en 1645). L’indemnisation préalable est peut-être en effet une nouveauté de la DDHC (je n’en suis pas sûr).

  1. La condition d’indemnisation préalable est un moyen efficace de protéger l’individu contre la tyrannie éventuelle de la collectivité. Les tribunaux sont là pour apprécier.

  2. Même avec cette condition, et quelles que soient l’histoire et l’origine des articles correspondants de la DDHC et de la DUDH, il reste que les formulations actuelles des déclarations se prêtent à des régimes parfaitement modernes et évolutifs répondant aux intérêts de la collectivité comme de l’individu.

  3. En ce qui concerne les droits féodaux et les privilèges, voyez http://chrhc.revues.org/1227. En gros, ces droits ont été effectivement abolis sans obligation de rachat – sinon dès le 4 août 1789, du moins par la suite (1792-1793). Mais cette question est mêlée à celle des biens communaux, de la vente des biens nationaux et de l’expropriation ordinaire : ce qui complique l’analyse. JR

1) La définition de la propriété, héritée du droit romain, n'a rien à voir avec les abus éventuels du droit de propriété (seraient-ils légaux) mentionnés par vous.
Vrai. Par contre les abus, "éventuels" ou non, ont beaucoup à voir avec (le flou de) la définition.
C'est à la loi de définir les conditions de l'exercice du droit de propriété et le régime de l'expropriation.
Vrai. Le fait elle (de façon satisfaisante) ? Non. Peut on y faire quelque chose ? Il me semble.
2) La violence n'institue pas un droit par elle-même.
On appelle ça le droit du plus fort. Pensez vous que Clovis (mort bien avant Grotius) ait eu besoin d'une loi ou d'un tribunal pour exproprier Syagrius ? Cette expropriation, sans juste indemnité, est pourtant (considérée par beaucoup comme) le fondement du [i]droit[/i] de l'Etat français à exercer une autorité sur le territoire et la population français. (J'ai une flopée d'autres exemples, si vous voulez)
Le droit d'expropriation reconnu dans la DDHC et la DUDH avait déjà été théorisé par Grotius (mort en 1645). L'indemnisation [i]préalable[/i] est peut-être en effet une nouveauté de la DDHC (je n'en suis pas sûr).
C'est vous qui l'avez affirmé. Je vous ai fait confiance. Mais en fait ça n'a strictement aucune importance.
3) La condition d'indemnisation préalable est un moyen efficace de protéger l'individu contre la tyrannie éventuelle de la collectivité.
C'est surtout un moyen efficace de protéger les possédants contre la tyrannie des non-possédants.
Les tribunaux sont là pour apprécier.
C'est vrai. Le font ils ? Il faudrait d'abord qu'ils soient saisis (comment un sans-terre doit il s'y prendre pour réclamer un lopin ?). Il faut ensuite qu'ils sachent définir une juste indemnité (juste pour le plaignant ou juste pour le défendeur ?).
4) Même avec cette condition, et quelles que soient l'histoire et l'origine des articles correspondants de la DDHC et de la DUDH, il reste que les formulations actuelles des déclarations se prêtent à des régimes parfaitement modernes et évolutifs répondant aux intérêts de la collectivité comme de l'individu.
C'est une opinion qui se défend (la preuve).
5) En ce qui concerne les droits féodaux et les privilèges, voyez http://chrhc.revues.org/1227. En gros, ces droits ont été effectivement abolis [i]sans obligation de rachat[/i] – sinon dès le 4 août 1789, du moins par la suite (1792-1793). Mais cette question est mêlée à celle des biens communaux, de la vente des biens nationaux et de l'expropriation ordinaire : ce qui complique l'analyse. JR
1792-93 a peut être amendé [i]l'obligation de rachat présente dans les décrets[/i] du 15 mars et du 3 juillet 1790 mais la DDHC qui est applicable au XXIe est bien celle de 89, qui a bien été écrite dans le même esprit que ces décrets.

Bref, le diable est dans les détails. On peut se congratuler sur les droits à la sûreté contenus dans la DD. On peut aussi utiliser la formulation de la DD pour que les puissants n’aient pas besoin d’utiliser trop concrètement le droit du plus fort.

brève : l’indemnisation devient correcte dès qu’elle est excessive (!), ce qui n’est possible que si l’état est détenteur de sa monnaie (exclu donc de nos jours)

Je signale, bien que je ne sache pas joindre en lien les vidéos de YouTube, un entretien avec Alain de Benoist sur le libéralisme.
Cet exposé de une heure est je trouve très bien fait. Alain de Benoist sait donner une cohérence et une perspective a l’étude du libéralisme. Je regrette un peu qu’il n’evoque pas la critique du capitalisme du point de vue libéral , oui ça existe.

Très intéressant. Merci frigouret :slight_smile:

Je pense que de Benoist a une vision sincère du libéralisme et que sa critique porte sur un point axiomatique celui de la liberté.
De Benoist , qui transpire le socialisme, tend a démontrer que l’individu est le resultat de déterminisme culturels , identitaires, sociaux qui le depasse, points tout a fait clivants et aux conséquences déterminantes.

Albert Camus qui se faisait traiter de fasciste par un communiste ( stalinien) fit cette réponse :

C’est qu’il ne s’agit pas de ce que je suis mais de ce que, selon la doctrine et la tactique, il faut que je sois. Selon lla doctrine, il faut qu’un libéral aujourd’hui soit fasciste. (…) Ce qui oblige ou bien à respecter les vrais libéraux ou bien à faire admettre qu’en réalité un libéral est l’ennemi de toutes les libertés. Le mieux, selon la tactique, n’est pas de le démontrer, ce qui serait difficile, mais de le dire et de le répéter autant de fois qu’il le faudra. La tactique se donne en somme pour but de remplir les mots mécaniquement d’un contenu opposé à celui qu’ils détenaient jusque là. Le libéralisme c’est le fascisme, le parti unique c’est la liberté, la vérité c’est le mensonge, les généraux sont pacifiques.

Bertrand de Jouvenel est un homme que j’imagine vous allez détester. Liberal , promoteur de l’UE, membre du club du mont Pellerin et même assez proche du fascisme a une période de sa vie ( je crois). Il a donc le profil type du pestiféré. Cependant au cours de mes recherches amateur sur le libéralisme j’ai découvert un texte que je trouve épatant et que je partage en lien dans l’espoir, si vous ne le connaissez déjà, que vous serez sensible aux diamands qu’il contient.

DU POUVOIR

http://www.wikiberal.org/wiki/Du_Pouvoir#LIVRE_II_:_Origines_du_Pouvoir