Les propositions de Proudhon: abolition de la propriété privée, égal salaire pour tous.

Sur un marché aux livres, je suis tombé sur Qu’est-ce que la propriété? de Proudhon. Je connaissais de nom, mais pas plus que ça, mais pour 3€, j’ai pas trop hésité. Je n’ai pas encore fini le bouquin, mais tout ce que j’ai lu d’ores et déjà m’a fait très forte impression, en partie parce que ça rejoins des idées que j’avais déjà, mais vagues et incertaines, mais surtout parce que c’est radicalement révolutionnaire, et que les arguments et réflexions qu’il apporte sont en rapport direct aussi bien avec notre modèle économique, qui permet l’inégalité, qu’avec la politique, l’inégalité étant la cause qu’on ait des maîtres qui nous dominent.

Je pourrais difficilement résumer cet ouvrage en quelques lignes, mais il faut savoir qu’il s’ouvre sur cette affirmation: la propriété, c’est le vol. Bien des crétins en ont fait un slogan rapide et commode, mais tout le bouquin est dédié à la démonstration de cette affirmation. Le bouquin a été publié en 1840, et la plupart des exemples employés par Proudhon font référence à la vie rurale de l’époque, notamment il est extrêmement souvent question de fermage, et de l’occupation et de la culture des champs. On s’y fait vite, car les réflexions sont tout à fait transposables à une société industrielle, voire post-industrielle comme la nôtre.

De nos jours, on dénonce souvent l’usure, c’est à dire de faire de l’argent avec de l’argent, mais Proudhon démontre qu’il y a bien pire. Car une fois le principal et les intérêts remboursés, créancier et débiteurs sont quittes. Mais dans le cas du fermage (et il n’est absolument pas obsolète de parler de ça, car tout est parti de là), un propriétaire fait payer régulièrement aux travailleurs qui exploitent le champ un intérêt « éternel », sans que jamais, à aucun moment, les travailleurs puissent un jour, par leur travail, se libérer de cette sujétion, et devenir les propriétaire de cet instrument de travail. Ainsi, les travailleurs payent un intérêt sur un capital qu’ils n’ont pas emprunté et dont il ne prendront jamais possession.

Proudhon prend un exemple intéressant: dans une contrée inexplorée et vierge, arrivent dix familles de colons. S’ils veulent s’installer et vivre, ils vont devoir défricher, désoucher, labourer, semer, etc. Si chaque famille travaille seule dans son coin, le travail est harassant, et la nature reprend ses droits presque aussi vite que l’homme se fatigue. C’est alors qu’un malin, parti avec plus de provisions et d’argent que les autres, propose à toutes les familles de s’unir pour défricher et préparer son terrain, contre rémunération, après quoi chacun sera libre de retourner chez lui préparer son propre terrain. C’est promptement fait, et alors que le terrain de ce premier propriétaire est mis en culture, chaque famille retourne à son propre terrain… pour le trouver tout aussi sauvage et inculte qu’avant! Sauf que, voilà: pendant le temps du travail pour le propriétaire, les provisions ont été consommées, et le seul apte à produire de quoi vivre, bah c’est le propriétaire avec son terrain fertile et cultivé! Le propriétaire sait tout cela, et il va voir une première famille disant: « Voyez votre terrain inculte et propre à rien, et bien je propose de vous le racheter, et de faire venir les 8 autres familles pour qu’on le rende cultivable. Je vous payerais pendant les travaux, et à la fin vous pourrez l’exploiter contre une petite redevance ». La famille se laisse tenter, et ainsi le propriétaire n’a plus un seul champs, mais deux champs. Et il peux ainsi recommencer avec chacune des familles, si bien que non seulement il devient propriétaire des 10 parcelles, mais en plus fait travailler les neuf familles pour son compte et leur fait même dégager un excédent qu’il garde et capitalise, permettant de lancer d’autres « campagnes » de ce genre.

A chaque fois que le propriétaire aura salarié des travailleurs, certes il aura payé leur peine quotidienne presque à son juste prix, mais ce qu’il n’a pas payé, c’est le fait que pendant ce temps ils n’ont pas exploité leur propre terrain, d’une part, et surtout que neuf familles ensembles sont bien bien bien plus efficaces que neuf familles travaillant l’une après l’autre, ou l’une à coté de l’autre, sans coopération. Le propriétaire n’a pas payé la force supplémentaire issue de l’union. Ce n’est pas exprimé extrêmement clairement chez Proudhon, mais l’idée est là, et en lisant ce paragraphe j’ai été frappé par la vérité fondamentale de cette idée. Gobekeli Tepe, Stonehenge, les pyramides de Gizeh, l’Acropole, tous ces monuments « éternels » sont une ode à la mise en commun des efforts pour accomplir des réalisations qui sont hors de portée, et même hors d’imagination d’un homme seul ou d’un petit groupe d’hommes désorganisés. 1.000, 5.000, 50.000 réunis peuvent faire en quelques mois ou années ce qu’il est rigoureusement impossible d’accomplir à un homme seul quand bien même il vivrait des millions d’années. Cette puissance colossale n’est JAMAIS payée par le salaire. Et vous savez quoi? Facilement 80% de la population terrienne est interconnectée, s’échange des biens et des services, se rendant mutuellement service dans un schéma de spécialisation du travail à l’échelle mondiale, ce qui fait qu’au bas mot, en ce moment même, tout ce qu’on connaît est le résultat du travail coopératif et simultané de trois ou quatre milliards de personnes. Voilà le travail non rémunéré qui est converti en milliers de milliards joués dans les casino de la finance internationale.

Mais revenons à Proudhon. Il a une phrase: tout travailleur ne peut être payé qu’avec les produits d’un autre travailleur. L’argent n’est pas un vrai produit, seulement un intermédiaire qui permet d’accéder à ce dont on a besoin, et qui a été produit par un autre (principe de la société de spécialisation du travail). Proudhon montre ainsi que la société réelle fonctionne en boucle fermée, chacun occupant une petite place dans un grand ensemble où il remplit son rôle et sert les autres. Partant de là, il n’a pas de hiérarchie de dignité des métiers, et rien ne justifie des rémunérations différentes, tant que la tâche est accomplie. Je n’ai plus exactement en tête la démonstration que fait Proudhon, mais elle est brillante, et se conclue ainsi:

La quantité limitée de la matière exploitable démontre la nécessité de diviser le travail par le nombre de travailleurs: la capacité donnée à tous d'accomplir une tâche sociale, c'est-à-dire une tâche égale, et l'impossibilité de payer un travailleur autrement que par les produits d'une autre, justifie l'égalité des émoluments.
Proudhon fait une distinction entre possession et propriété. La propriété serait une sorte de pacte moral, un droit sacré, qui fait qu'un mec vivant à Paris aurait toute liberté de faire détruire un quartier d'habitation à Bangkok, et que son fils après lui ait encore ce droit, et que son arrière-petit-fils puissent en tirer loyer. La propriété permet à un homme seul d'avoir un patrimoine tellement gigantesque qu'il faut plusieurs dizaines ou centaines de milliers d'hommes pour l'entretenir, le valoriser, le rentabiliser, ce qui lui rapporte un fric monstre alors qu'il ne saurait même pas nommer ce qui lui apporte tout ce revenu. Au contraire, la possession est le droit particulier, contextuel et circonscrit qu'à un travailleur à bénéficier de "son" instrument de travail, de par le fait qu'il en a besoin pour travailler (idem avec l'habitation). Pour Proudhon, travailler ouvre un droit sur l'instrument de travail: un champs sans laboureur est une terre inculte, une presse sans ouvrier n'est qu'un tas de ferraille, une mine sans mineur n'est qu'un trou béant. La société se passerait bien plus facilement du droit moral et sacré qu'a le propriétaire sur un instrument de travail exploité et valorisé par des salariés, que des-dits salariés, par qui seuls la production existe. Proudhon s'emploie même à démontrer que la propriété n'est que nuisance et concussion, facteur de trouble et d'inégalités, et ne repose que sur le mensonge et la sidération mentale de la majorité de la population. La phrase "c'est pourquoi la propriété est impossible" revient plusieurs dizaines de fois.

Abolir la propriété, c’est couper l’herbe sous le pied à la puissance de l’argent. Consacrer l’égalité comme principe et condition de la vie en société, c’est quasiment proclamer une constitution démocratique.
Cet ouvrage de Proudhon, que je résume très mal, est vraiment une incroyable bouffée d’air frais. C’est éminemment politique, éminemment économique, éminemment éthique, et il me semble que ça s’articule parfaitement avec les réflexions que l’on mène autour de la démocratie, de la souveraineté, etc.

Oui fameux texte. On peut le trouver en ligne chez kropot.free.fr entre autre .
Ne pas oublier que le même Proudhon écrira la propriété c’est la liberté ( de larges extrait sur le site panarchy.org)avec pour thème la propriété force de décentralisation .
Sur l’égalité des salaire dans l’Encyclopédie anarchiste ( en ligne) a la rubrique salaire tu trouves ce qui constitue une revendication de la cgtsr de l’époque dans un article approfondi de pierre Besnard je crois. C’est aussi le principe d’une monnaie temps.
Il faut noter que les premiers libéraux , Locke, avait aussi ce.souci, regarde le proviso Lockeen sur le net.
Je distingue propriete des ressources qui je pense doivent être socialisés et propriété issue du travail qui je pense doit /peut rester privée.

Merci Gotfried.

J’aime beaucoup lire ce livre, moi aussi (pas tout, mais presque tout ce que je lis de Proudhon est épatant). Beaucoup plus nuancé (et puissamment argumenté) que ce que la doxa en laisse penser.

[bgcolor=#FFFF99]Je crois que ce serait très utile que vous nous signaliez ici les EXTRAITS que vous jugez les plus importants et décapants.[/bgcolor]

Bien à vous.

Étienne.


PS : pas besoin de tout retaper ; la plupart de ses textes sont libres de droit et disponibles sur le net. Donc, une fois repéré dans le livre-papier, le passage important peut être copié-collé ici assez facilement, je crois.

Voyez :

Pierre-Joseph Proudhon

http://fr.wikisource.org/wiki/Auteur:Pierre-Joseph_Proudhon

et notamment : http://fr.wikisource.org/wiki/Qu’est_ce_que_la_propriété_%3F

http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k229468p

http://gallica.bnf.fr/Search?ArianeWireIndex=index&p=1&lang=FR&q=proudhon+qu'est-ce+que+la+propriété&x=0&y=0

Pour les extraits on trouve sur YouTube un film où des comédiens ont mis en scène les passages les plus marquants, c’est bien joué et bien filmé je trouve.
« De la propriete » partie 1 et 2.

@Frigouret
Je viens de lire (en sautant quelques passages) le texte de Proudhon faisant l’apologie de la propriété. C’est extrêmement décevant et faible. En fait, c’est juste un texte libéral « de base »: l’Etat c’est pas beau vilain, la liberté absolue c’est trop cool, la liberté passe nécessairement par la propriété. Cette analyse est complètement fausse, essentiellement parce que « l’Etat », c’est juste un « gros mot », mais que derrière il n’y a que des hommes, et quels que soient leur velléités de domination, ils s’appuient toujours plus ou moins sur la propriété. D’ailleurs, on voit bien de nos jours que ceux qui font la loi, ce sont les plus gros propriétaires, à savoir les banquiers. Et ça a toujours été comme ça: on a jamais vu de tyran rechercher la pauvreté et le dénuement, au contraire le tyran aime le luxe, a fortiori si ce luxe extrême est la démonstration qu’il a réussit à opprimer le plus lourdement possible la plus grande portion possible de la population, car c’est ainsi une manière directe pour lui d’afficher son pouvoir aussi bien aux yeux des dominés que des potentiels concurrents. Avant, on faisait construire des palais, de nos jours, on achète des médias, des infrastructures stratégiques, des services publics, etc.

Je viens de jeter un oeil à la lockean provisio (provision lockienne, donc), et en fait, c’est une sorte de condition qu’il pose à la propriété, ou plus précisément à l’ « enclosure » (le fait de circonscrire un terrain vierge, de se l’accaparer et de le dire sien): elle n’est pas contestable et ne pose pas problème quand elle ne prive pas autrui du même droit. Implicitement, ça veut dire que Locke a des doutes quand au caractère absolu du droit d’ « enclore »: il ne suffit pas d’être le premier arrivé, le droit des autres à une égale propriété limite le droit individuel. Quelque part, on retrouve la conception qu’avoir les moyens de sa subsistance est un droit universel. Par ailleurs il semble bien que Locke limite encore le droit à la propriété, en ce que ne peut être accaparé par une personne que ce qu’elle est capable de faire fructifier: qu’un homme seul puisse être propriétaire de centaines d’hectares qu’il laisse en friche est une aberration. On est dans des conceptions assez proches du Proudhon de Qu’est-ce que la propriété?.

La question de la propriété des fruits du travail ne se pose que très marginalement, car grâce à (ou à cause de) la spécialisation, la majorité de ce qu’on produit est pour d’autres. Cependant, les biens meubles personnels que les gens conservent sont complètement en dehors du champs de la propriété « productive ». Une table de nuit, une boule à neige ou un poster de Justin Bieber ne sont pas des instruments de travail et on ne peut en tirer rémunération, donc le fait d’en être propriétaire ne pose absolument aucun problème. En plus, en valeur, ça ne représente pas grand chose. La suppression de la propriété privée (sur les biens « productifs ») et l’égalité des salaires préviendrait toute accumulation dangereuse de biens meubles (dangereuse dans le sens où si 5% de la population représente 85% des propriétaires/acheteurs/vendeurs de meubles, ils sont dans une position de monopole qui ne peut qu’être nuisible, mais cela impliquerait l’existence d’un patrimoine capitaliste conditionné à la propriété privée, ou un salaire extrêmement élevé).

@Étienne
Ca ne m’étonne pas que tu apprécies cette oeuvre. On est dans le même genre de questionnement de fond que ceux qui animent tout le mouvement des gentils virus, et dans la recherche de réponses et de solutions innovantes et qui fonctionnent à l’inégalité chronique, à l’injustice, à la violence, au despotisme, au vol de souveraineté, etc.

Quand j’ai commencé à le lire, je me suis tout de suite dit qu’il fallait que je note les passages les plus intéressants… mais je me suis rendu compte qu’il me faudrait citer facilement le quart du bouquin! Les arguments s’enchaînent à la mitrailleuse, abordant le même problème à chaque fois sous un angle nouveau, à chaque fois manifestant d’une grande pénétration d’analyse, si bien que j’ai du mal à faire le tri! Je vais d’abord finir ma première lecture, puis j’essayerais ensuite de relire en me concentrant sur ce but de réunir les passages qui nous seraient le plus utile dans le contexte actuel. Comme j’ai vraiment été séduit par ce bouquin et par ses thèses, c’est quelque chose que je ferrais volontiers.

Je viens de voir la « lecture jouée » des passages de Qu’est-ce que la propriété?, et ça fait quand même très « gauche de la culture ». Comme si le texte ne se suffisait pas à lui-même, et qu’il fallait rajouter un jeu d’acteur très douteux et amateur pour le rendre compréhensible/audible.

En me relisant, je me rends compte d’une grande confusion qu’il y a dans la langue française (ainsi que dans la langue anglaise, si je ne m’abuse), sur le mot « propriété »:
-d’une part, la propriété en tant que « contenu »: un champ, une usine, un ensemble de jardin en teck, etc
-d’autre part, la propriété en temps que concept

Si bien que quand on dit « droit à la propriété », en fait on ne sait pas vraiment de quoi on parle: le droit au champs, à l’usine, à l’ensemble de jardin en teck (pris comme moyens individuels de subsistance ou de relaxation), ou le droit à la propriété (le droit à être propriétaire en général, sans présumer d’un droit aux moyens de subsistance et de relaxation). Cette confusion sémantique permet toutes les embrouilles et mystifications, car alors qu’est proclamé « le droit universel et sacré à la propriété », le fermier va croire qu’enfin il va pouvoir avoir un champs à lui, l’ouvrier une fraiseuse à lui, et que tous pourront s’offrir un ensemble de jardin en teck, alors qu’en fait les riches, ceux qui ont inventé cette formulation, entendent sacraliser leur droit à eux à ce que jamais on ne touche à leur droit de propriété sur le champs que laboure le fermier et la fraiseuse que fait fonctionner l’ouvrier, en remettant aux calendes grecques le droit actuel du fermier à posséder le champs et le droit de l’ouvrier à posséder la fraiseuse (le droit du propriétaire du champs et de la fraiseuse étant sacré et absolu, il peut refuser pour l’éternité de vendre au fermier le champs, et à l’ouvrier la fraiseuse, situation qu’il veille à éviter en maintenant les salaires suffisamment bas pour que ni l’un ni l’autre ne puisse se constituer un pécule suffisant).

Ne pas oublier que John Locke était… esclavagiste (au point d’écrire la constitution esclavagiste de l’État de Caroline)…
Les « libéraux » sont des escrocs qui ne défendent que leur propre liberté, au prix de la servitude de tous les autres, toujours accompagnée d’expropriations et de génocides.
Voir le livre bouleversant de Domenico Losurdo : « Contre-histoire du libéralisme ». Ça décape.

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Ça vole bas
Périclès était esclavagiste donc les démocrates sont des escrocs…

Ça vole bas, effectivement.

Libérés de la contrainte que représentaient pour eux l’absolutisme royal et l’église, les marchands déchaînés sont aussitôt devenus « libéraux », et, dans le même geste, esclavagistes raciaux (ce qui est une novation significative par rapport aux esclavagismes précédents) et génocidaires (un détail, sans doute), en commençant par les riches Hollandais (rançonnant et massacrant les Africains), puis les riches Anglais (rançonnant et massacrant les Irlandais, les noirs, les pauvres, les soldats, les marins, les incroyants), puis les riches Américains (rançonnant et massacrant les Peaux-Rouges, les noirs, puis toutes les provinces d’un empire), puis les riches du monde entier (les héritiers « libéraux » rançonnant et massacrant les salariés)…

L’idéal « libéral » vole bas, effectivement.

Et c’est du vol en bandes.

http://www.editionsladecouverte.fr/catalogue/index-Contre_histoire_du_liberalisme-9782707173485.html

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Et bien Condorcet, l’abbé Gregoire
La Fayette, Tocqueville , Montalembert vous remercient d’honorer leir combat abolitioniste.

Condorcet défendait certes l’abolition, mais pas tout de suite (va savoir pourquoi)… et par ailleurs, il s’est enrichi à millions en achetant à vil prix les biens des églises qu’il avait fait exproprier, ce qui est effectivement un mode opératoire « libéral » courant.

La Fayette, de son côté, en bon « libéral », n’a pas cessé de trahir le peuple qu’il était payé pour défendre, jusqu’à tirer carrément sur une foule désarmée et pacifique, pour finir par passer carrément à l’ennemi en pleine guerre (ennemi qui n’a même pas voulu de lui). C’est un héros, pour vous, La Fayette ? Vous devriez lire un peu de Guillemin, ça nous fera des sujets de conversation.

Tocqueville, en bon « libéral », a commencé par bosser à fond les techniques carcérales (le domaine d’excellence des esclavagistes et donc des libéraux, car souvent, les condamnés aux travaux forcés sont rétifs, et donc, dans une société « libérale », c’est-à-dire de liberté confortable pour le petit nombre et de travaux forcés misérables pour le grand nombre, il faut de bonnes prisons, avec des trucs chiadés comme, par exemple, le panoptique de Bentham, un autre grand « libéral »), et Tocqueville en est venu à souhaiter très explicitement (dès 1836) qu’on se débarrasse de la « canaille pénitentiaire » (sic), ces « rats » (resic), par un gigantesque incendie…

Je n’ai pas travaillé sur les autres icônes « républicaines » que vous citez (icônes de cette « république » bancaire qui s’est imposée à nous depuis les origines).

En 1792, quand ils ont déclenché leurs guerres de rapine (pour renflouer l’État qui leur devait, à eux personnellement, des sommes folles), les Girondins, tous riches physiocrates, étaient nombreux à posséder des plantations esclavagistes, et à prôner, bien sûr, le « libéralisme ».

Etc.

Un « libéral », ça vole beaucoup, et ça vole bas, effectivement.

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J’ai parcouru e’ vitesse le pédigrée de Losurdo dont vous présentez l’ouvrage en lien. Le bonhomme tente par ailleurs de réhabiliter Staline , l’ouvrage semble prometteur.

Lisez le livre, et on parlera des faits ; ça nous évitera de nous taper dessus sans savoir (je ne suis pas Stalinien, et je cherche à garantir une vraie liberté, raisonnable, pour tout le monde, tout le temps ; je suis sûr que vous n’êtes pas loin de cette position ; ne pas nous empailler pour rien).

J’ai de nombreux livres parmi ceux que Losurdo cite en référence, et tout ce que j’ai vérifié (pour l’instant) correspond à ce qu’il affirme.
S’il se trompe quelque part, ça m’intéresse, bien sûr.

L’esclavage athénien n’était pas raciste ; on pouvait être affranchi.
L’esclavage « libéral » est raciste : en régime « libéral », on est esclave par naissance, sans espoir (de père en fils), alors qu’on est libre parce qu’on est « élu » (de père en fils). Le « libéralisme » s’appuie sur l’idéologie élitiste et racialiste des protestants et des Jansénistes.

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Vous parlez du libéralisme en critiquant les faits et gestes de particuliers, j’essaie de me concentrer sur les idées , voilà le malentendu.

Ben non, pas n’importe quel particuliers, justement : ceux dont on parle, ce sont les penseurs, les icônes, les référence$ du « libéralisme », les sources pures des idées dites « libérales » mais en fait pas libérales pour tout le monde.

Et si vous voulez, il reste à dénoncer d’autres pointures, comme Smith, Franklin, Washington, Hutcheson, Grotius, Sieyès, Mandeville, Bentham, Burke, Jefferson, Montesquieu (esclavagiste lui aussi, tant que c’est loin de chez lui, comme les Anglais, c’est très « libéral », ce point-là), Voltaire, Fletcher, Sidney, etc. tous « libéraux », tous des références pour les « libéraux » d’aujourd’hui, tous esclavagistes…

Vous prétendez donc que la marque du libéralisme serait l’esclavagisme et le racisme, vous êtes gonflé.

Pas tout à fait (vous avez compris que je me sens moi-même, au sens strict, libéral, mais sans mentir, donc sans guillemets : libéral pour toute l’humanité) :
je dis que tous ceux qui se sont revendiqués explicitement du « libéralisme » (depuis les physiocrates, c’est-à-dire depuis que les marchands, devenus immensément riches, ont aspiré à prendre le pouvoir au 18e siècle, et sont devenus littéralement tyranniques et esclavagistes quand ils ont obtenu ce pouvoir — on appelle ça gentiment le capitalisme), tous ceux-là, donc, sont des escrocs parce qu’ils obtiennent le pouvoir en vantant la liberté (c’est très vendeur puisque tout le monde aspire à la liberté), tout en sachant très bien (mais sans le dire) qu’ils seront les seuls à être finalement libres.

Quand Locke (la référence absolue, incontestable, pour tous les « libéraux » du monde) écrit d’une part ses pages éblouissantes et enthousiasmantes sur la résistance à l’oppression et le droit à la liberté pour tous les hommes (sic), et que, d’autre part, le même homme institutionnalise carrément l’esclavage (un droit de propriété avec droit absolu de vie et de mort (resic) sur ses esclaves) dans la constitution d’un État américain, je le vois comme un escroc, oui. Et même L’ESCROC-MODÈLE, l’archétype de l’escroc « libéral ».

Pas vous ?

Bonne nuit :slight_smile:

Bien sur, mais je reste sur le sens strict, comme vous et moi retenons les idées des démocrates athéniens et non leurs pratiques esclavagistes
Bonne nuit aussi, moi je veille les animaux mettent bas.

C’est vrai que les problèmes du libéralisme sont à chercher dans la doctrine/idéologie libérale elle-même. Même l’Athènes démocratique a causé beaucoup de souffrances parmi les oubliés de l’histoire. Les prismes historiographiques sont choses trop changeantes, à mon sens, pour départager les bonnes des mauvaises raisons, les salauds des crétins, les innocents emportés malgré eux et les véritables criminels. Peut-être qu’un jour, le véganisme sera devenue la norme mondiale, dans une logique de rejet de toute exploitation, et qu’on parlera de nous comme des salauds insensibles et des mangeurs de viande criminels. Je dis celà en particulier parce que j’ai noté une tendance lourde chez Guillemin et Marion Sigaut à une certaines instrumentalisation de l’histoire. Ce n’est pas forcément conscient, mais ces deux auteurs finissent par se poser en juges de l’histoire et des hommes, et se lancent dans ce procès avec toutes leurs passions et leur valeurs. Ils induisent une vision littéralement biaisée de l’histoire chez le lecteur/auditeur, et ça me dérange quand sur cette historiographie particulière et partiale on bâti un système philosophique. Je ne cherche pas à faire l’avocat du diable, à dire que Voltaire et Napoléon étaient des gens merveilleux, que Thiers a eu bien raison de faire massacrer les Communards, etc, mais qu’il ne faut jamais lâcher son quant-à-soi et son discernement: les gens pétris de bonnes intentions quand ils se trompent le font avec vigueur.

Ce qui me concerne, c’est par contre que l’idéologie libérale, au delà même de ses fondements éventuellement nuisibles (mais elle a une certaine logique qui n’est pas exclusivement néfaste), sert surtout de paravent à une domination dont ON fait les frais. Parce que certes on le voit bien le libéralisme dans les traités transatlantiques et autres saloperies, mais quand les banques centrales rachètent les créances pourries des banques privées, pour des centaines ou des milliers de milliards d’euros, et fait du quantitative easing sans limite, tout celà ayant pour seul source de financement les impôts (prélevés par la puissance publique régalienne), là on est plus du tout dans le libéralisme au sens strict, mais dans les magouilles de riches. D’un coté, ils demandent à ce qu’on les laisse faire du commerce et qu’on dérégule en avançant les « bienfaits démontrés » de l’idéologie libérale, de l’autre ils emploient l’Etat (car c’est vraiment une relation d’employeur à employé) pour nous soutirer encore un peu plus le peu de fric qui nous est laissé pour vivre. Mais je prêche des convertis! Qu’untel, untel ou untel, promoteur du libéralisme, vivant il y a X siècles, ait pu être esclavagiste, fermier général, voire anglais (oh, ça va, on a bien le droit de rigoler un peu!) certes dit quelque chose de l’idéologie qu’ils promeuvent, mais, à mon sens, ce n’est pas le plan où la critique se placera de la manière la plus pertinente.

Rapidement, sur le sujet de l’esclavage antique, le sujet est assez dépassionné, mais dans le cas du Commerce Triangulaire et de l’esclavage des Africains, la White Guilt est de vigueur, et il est impossible d’exprimer des doutes sur l’inhumanité systématique et total de cet esclavage-là. Le tableau de cet esclavage-là est peint exclusivement en noir pur, sans mauvais jeu de mot, et la nuance est interdite. Pour la Shoah, par exemple, c’est encore pire. Je suis persuadé que des esclaves Noirs ont aussi été affranchis, que certains maîtres les traitaient avec magnanimité, voire avec bienveillance, et qu’il est un peu facile de faire de généralités des absolus, car à ce titre là le racisme lui-même peut se justifier. Mais je commence à partir complètement hors sujet…

En l’occurrence, ce que j’ai trouvé captivant, c’est la vision de Proudhon « jeune » sur la propriété, les maux qu’elle engendre, les solutions qui s’imposent. [bgcolor=#FFFF99]Sa notion de possession, en tant que tolérance conférée par l’usage, me semble vraiment excellente[/bgcolor], et au fond correspondant parfaitement avec la psyché humaine. Sa manière de concevoir la possession, en opposition à la propriété, ramène presque à des schèmes mentaux primitifs, mais loin, contrairement à certaines idéologies (je pense au décroissantisme), d’impliquer aussi un retour à la primitivité de l’ensemble des aspects de la société, elle est au contraire parfaitement compatible avec un certains nombres d’acquis purement modernes, et qui sont indéniablement une amélioration aux yeux de 99% de l’humanité quand ils en bénéficient (pouvoir avoir à loisir de l’eau chaude, de la lumière, de la chaleur, ce n’est pas de le décadence mais un progrès qui, en lui-même, est désirable).

Bon, c’est un peu brouillon ce que j’écris là, je m’égare un peu et n’arrive pas à être très clair, mais ce dont je voulais réellement parler, c’est de [bgcolor=#FFFF99]l’originalité de la pensée de Proudhon « jeune »[/bgcolor], de la qualité de sa critique de la propriété, et du potentiel des solutions qu’il esquisse à peine. Je n’ai pas lu Marx encore, mais il me semble que les réflexions de Proudhon sont bien plus profondes, fondamentales et révolutionnaires que celle de Marx (à qui l’ont doit cependant la création des premiers syndicats et internationales, alors que l’impact social de Proudhon est minime).