Les propositions de Proudhon: abolition de la propriété privée, égal salaire pour tous.

Quand Locke (la référence absolue, incontestable, pour tous les "libéraux" du monde) écrit d'une part ses pages éblouissantes et enthousiasmantes sur la résistance à l'oppression et le droit à la liberté pour tous les hommes (sic), et que, d'autre part, le même homme institutionnalise carrément l'esclavage (un droit de propriété avec droit absolu de vie et de mort (resic) sur ses esclaves) dans la constitution d'un État américain, je le vois comme un escroc, oui. Et même L'ESCROC-MODÈLE, l'archétype de l'escroc "libéral".

Pas vous ?


Vous savez Étienne, [bgcolor=#FFFF99]les partisans de l’interdiction de l’avortement estiment qu’un avortement est un meurtre en tout point similaire à celui d’un adulte conscient et bien portant. Est-ce que pour autant les partisans de l’avortement sont tous des psychopathes ? Je ne le pense pas. Le droit français confère à la femme un droit de vie et de mort absolu sur le fœtus jusqu’à la douzième semaine de grossesse. Dans les cas de malformation et autres atteintes du fœtus, l’Interruption Thérapeutique de Grossesse autorise l’avortement jusqu’au moment de la naissance, et si l’on devait qualifier cela selon des critères éthiques rigoureux, c’est presque un droit à l’eugénisme qui est consacré. Pourtant, l’avortement, il y a des gens pour, il y a des gens contre, et seuls ceux qui sont contre considèrent un droit absolu du fœtus à l’existence. Il ne s’agit pas de dédouaner Locke, mais il est concevable qu’en son temps, la vie et la liberté d’un Noir pouvaient paraître d’une importance tout aussi variable que l’est de nos jours la vie d’un fœtus, et Locke se serait alors trouvé dans une posture similaire à ceux qui aujourd’hui sont les « pro-choix » (en opposition aux « pro-vie »).

Les pro-choix considèrent un fœtus exactement comme un kyste, tout comme un esclavagiste considère un esclave exactement comme un meuble.

L’éthique, la morale, sont aussi des normes, et on est toujours plus ou moins aveugles sur celles dans lesquelles on baigne, et prompt à juger celles des autres.[/bgcolor]

L’impact des idées de Proudhon sur le mouvement social a été considérable. La première association internationale des travailleurs et la quasi totalité des délégations syndicales présentes était acquise aux idées anti autoritaires, il faut lire la déclarations de saint Imier de 1872 pour s’en rendre compte, l’antagonisme de classe se situait a cette époque au moins autant entre le travail et le pouvoir que dans un conflit interne au travail.

Pour en revenir un peu a la seconde proposition de Proudhon sur la propriété ( la liberté) je prends exemple des collectivités durant la révolution espagnole, dont on peut prétendre qu’elles furent parmi les plus abouties des expériences socialistes, et bien ces collectivités étaient des propriétés privées collectives et c’est bien ce caractère privée qui les différencient d’un communisme d’État

[bgcolor=#FFFF99]Proudhon est considéré comme le père de l’autogestion, et l’autogestion sans propriété privée n’est pas concevable[/bgcolor], on est maitre chez soi comme disait ma grand mère.

La propriété privée se définit comme le droit d’utiliser, de profiter et d’abuser (jus utendi, fruendi et abutendi), et c’est bien ainsi que la définit Proudhon.

Une propriété privée collective, c’est un oxymore. Privé s’oppose à commun, public, collectif. Privé, c’est « mien », collectif, c’est « notre ». Public, collectif ou commun n’implique pas étatique.[bgcolor=#FFFF99] Sous l’Ancien Régime, certains bois et sources étaient à disposition de tous, « patrimoine commun », et précisément pour cette raison le seigneur ne pouvait y toucher[/bgcolor] (et le roi ne les revendiquait pas: c’était un usage, parfois même il confirmait le privilège de la communauté villageoise contre le seigneur). [bgcolor=#FFFF99]Ce patrimoine commun pouvait être utilisé, les gens en profitaient (en tirant du bois, des glands, des plantes etc), mais d’une part il n’y avait pas de propriétaires « nominaux » (c’est la communauté en général, génération après génération), et d’autre part nul n’avait le droit de les dégrader ou de les détruire.[/bgcolor] D’ailleurs, dans les cahiers de doléances du Tiers Etat en zone très rurale, il y a beaucoup de plaintes concernant le non-respect de ces [bgcolor=#FFFF99]usages consacrés, et considérés comme des droits par le petit peuple[/bgcolor].

Idem, l’air, la lumière sont des « biens » collectifs dont nous jouissons tous gratuitement, et qui n’ont aucun propriétaire, ni privé, ni étatique.

La distinction qu’introduit Proudhon entre propriété privée classique (romaine) et possession est puissante et fructueuse. Elle est reconnaissance du droit à utiliser et à profiter, mais considère le jus abutendi comme criminel et anti-social. Les droits d’utilisation et de profit sont des droits d’usage. Il n’est pas question de contester le « chez soi », mais la façon dont on peut en être maître. Parce qu’une personne qui a des centaines de millions d’euro de patrimoine immobilier, c’est essentiellement une sangsue pour des milliers de locataires. Et une personne qui a des centaines de millions d’euros d’outils industriels, c’est un voleur de travail pour les ouvriers. [bgcolor=#FFFF99]Ce que dit Proudhon, c’est, en gros, que le locataire est légitime à posséder son logement, tandis que le propriétaire est illégitime à lui louer au titre de la propriété privée, et que l’ouvrier est légitime à posséder la fraiseuse sur laquelle il travaille (et sans qui elle ne serait qu’un tas de ferraille inutile), tandis que le propriétaire est illégitime à lui sucrer le fruit de son travail au titre de la propriété privée (des moyens de production).[/bgcolor] Mais le jour où l’occupant du logement déménage et un autre occupant emménage, c’est lui qui devient possesseur du logement, parce que c’est lui qui en a l’utilité. C’est à dire que concrètement, pour 80% des gens, quasiment rien ne change dans la pratique, [bgcolor=#FFFF99]c’est pour ceux qui ont beaucoup de patrimoine/capital dont ils tirent rente que ça change, car en abolissant la propriété privée pour la remplacer par la possession d’usage, ils se retrouvent du jour au lendemain déplumé des siècles d’accaparement et d’accumulation illégitime, tandis que l’œuvre sociale collective subsiste entièrement.[/bgcolor]

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Je n'ai pas lu Marx encore, mais il me semble que les réflexions de Proudhon sont bien plus profondes, fondamentales et révolutionnaires que celle de Marx [...]
C'est un faux-semblant, comme vous vous en rendrez sans doute compte après avoir lu Marx. JR

C’est vrai que j’oppose propriété privée et propriété étatique et je partage votre analyse sur la propriété commune.

Un autre aspect de la propriété qui se développe remarquablement de nos jours est la propriete intellectuelle
qui est par bien des cotes un exemple de ce que dénonce Proudhon. Je met en lien une analyse du role de la propriete intellectuelle dans la concentration du capital et du rôle de l’État comme perturbateur du marché .

La propriété étatique a exactement les mêmes inconvénients que la propriété privée si elle comporte un jus abutendi (voire l’Etat Grec qui met le pays à l’encan pour satisfaire les desiderata de la finance internationale et de la Troïka). Par contre, qu’une puissance publique, exclusivement usufruitière, émanation du peuple au sein d’une société démocratique, ait pour tâche l’entretien et l’exploitation d’un patrimoine collectif en vue du bien public, cela me parait pouvoir ne pas poser de problème; on en revient à nos débats sur le tirage au sort, les mandats courts et révocables, le vote direct, etc…

Dans notre société capitaliste, la propriété intellectuelle à la fois se justifie et se condamne toute seule. Ce qui la justifie, c’est qu’elle permet à une petite structure de profiter d’une idée/création originale et novatrice sans se la faire immédiatement piquer par une structure plus grosse, qui submergera le marché grâce à sa puissance de production/communication supérieure, et risque de faire crever la petite structure. Mais quand ce sont les grosses structures qui tirent profit des protections accordés à la « propriété intellectuelle », la situation monopolistique qui s’ensuit est bien pire encore. Cependant, le monopole consacré par les lois sur la propriété intellectuelle est toujours limité dans le temps… pour l’instant. Cependant, ce laps de temps est bien suffisant pour permettre aux grosses structures d’être toujours plus en avance sur les autres, si bien que quand quelque chose tombe dans le domaine public, c’est déjà en partie obsolète (quand on parle de propriété industrielle, l’oeuvre d’un artiste ne peut jamais réellement être obsolète).

Indéniablement, la propriété intellectuelle est une innovation du capitalisme (innovation cependant anti-libérale dans ses principes, car elle suppose l’intervention de la puissance publique pour retirer les contrefaçons du marché, arbitrer les conflits, etc, point de « main invisible du marché » quand Monsanto réclame l’exclusivité de commercialisation de ses semences stériles!), qui consacre et renforce encore le monopole de ceux qui ont déjà beaucoup trop. Ca donne lieu à des manifestations d’un ridicule consommé, notamment quand Apple intente un procès à Samsung, arguant qu’ils violent leur brevet US D504.889S, portant, je cite, sur « un design décoratif pour appareils électronique », en l’espèce un rectangle à coins arrondis. Mais ce brevet est valide et en vigueur, conférant légalement à Apple le droit de faire interdire sur tout le territoire américain tout appareil électronique rectangulaire à coins arrondis, ou de se faire payer pour l’utilisation de cette « invention ». A coté de ça, les banalités seigneuriales font vraiment figure de bricolage d’attardé mental. Il semblerait qu’aucun verdict définitif n’ait été rendu dans cette affaire, pour l’instant, mais le simple fait que ça arrive est une démonstration de la folie capitaliste.