Le problème du populisme

mais il me semble que la foule de 2013 comporte en son sein plus d'instruction et d'éducation que jamais auparavant et qu'il paraît donc envisageable de bâtir aujourd'hui un collectif de citoyens - même minoritaires en nombre - volontaires et capables de défendre l'intérêt collectif face aux intérêts privés.
1 Vous faites un contresens par rapport à la foule, que vous confondez avec la population, qui est le mot (population de 2013) que vous auriez dû employer dans la phrase ci-dessus (ou peut-être citoyens de 2013) qui n'est au fond rien d'autre qu'une partition de la population définie par le droit positif).

La foule est celle qui se laisse parquer dans des catégories définies par des sondages, et manipuler par des incitations à stigmatiser, à manifester ou à voter; (ou qui ne se manifeste que si des frontières de l’acceptable sont franchies). Et la foule de 2013 est probablement très proche, sinon pire, que ses devancières sur ce plan-là. C’est donc une notion qui n’existe que s’il y a manipulation.

2 Vous n’avez pas encore évacué l’idée aristocratique (par l’utilisation du cliché qui voudrait qu’un collectif volontaire et capable soit FORCEMENT minoritaire) et en cela vous n’avez donc pas encore accepté l’idée du tirage au sort démocratique.

Je pense au contraire qu’un collectif quelconque représentatif, où chacun pourrait défendre son intérêt PRIVE, (le seul intérêt que chacun puisse LEGITIMEMENT défendre, et dont on ne peut douter qu’il le soit LIBREMENT) est la meilleure solution pour faire primer l’intérêt collectif sur l’intérêt privé.

Vous n'avez pas encore évacué l'idée aristocratique (par l'utilisation du cliché qui voudrait qu'un collectif volontaire et capable soit FORCEMENT minoritaire) et en cela vous n'avez donc pas encore accepté l'idée du tirage au sort démocratique.
[b] [/b]Devrait-on accepter personnellement l'idée du tirage au sort [i]a priori[/i] ou bien serait-il préférable que le tirage au sort s'impose à nous de par les nombreux avantages qu'il présenterait comparé à l'actuelle démocratie représentative? La première proposition frise l'argument ontologique.

Pour ce qui concerne le contre-sens qui vous a visiblement horripilé, je le déplore évidemment mais je ne saisis pas le raisonnement derrière l’obligation de manipulation qui distingue la foule de la population. Une référence accessible aux ignorants me ravirait.

Quant à l’aspect minoritaire des citoyens volontaires et capables je le constate au travers des différentes expériences auxquelles j’ai participé depuis quelques années maintenant. Je le constate et je le déplore mais le deuxième sentiment ne sert absolument à rien sinon à parler de soi. Gentils virus, Citoyens Constituants, Résistants, Ggouv sont pour l’essentiel les organisations qui m’ont poussé à ce constat. Comme visiblement je me trompe ou bien que j’ai joué de malchance dans mes choix, j’apprécierais beaucoup Bernarrdo que vous nous transmettiez le nom d’un collectif où il en va autrement afin que j’y adhère au plus vite. Merci d’avance.

A lanredec, #11 et 20 :

Non, notre « grave divergence » :wink: s’avère en fait être une convergence inattendue : au premier abord, votre discours m’avait fait croire à une rhétorique du « bon sens populaire », mais je comprends que vous n’avez pas voulu dire cela.

Convergence inattendue : car non seulement vous me semblez avoir tout à fait raison, mais on pourrait même aller jusqu’à dire que vous dénichez un nouveau biais hélas classique, qui justifie en effet beaucoup d’emballements populaires pour une expertise hors de propos. On pourrait peut-être le nommer : illusion de la solution technicienne, ou quelque chose comme cela. En revanche, il faudrait le déterminer sans doute plus rigoureusement, pour en mieux cerner les contours (expériences de psychologie sociale). Rien de tel pour savoir dans quel type de contextes, et face à quel type de sujets nous y sommes soumis (car il serait tout autant absurde de brandir le risque d’un biais à temps et à contre-temps). Si je comprends bien Bronner, il n’est pas présent partout : il y a par exemple une méfiance croissante pour les solutions énergétiques techno-scientifiques (OGM, nucléaire), et les citoyens décident souvent (expériences d’assemblées délibératives populaires) plutôt pour des moratoires, et une idéologie de la précaution (un biais bien réel celui-là). Je me permets de dire idéologie, car c’est souvent contre toutes les expertises techniques, en en dépit du bons sens qui voudrait que l’on pèse le pour et le contre en évaluant les risques de manière réaliste. Toujours Bronner : on a connu 36 arrêtés d’interdiction dus aux réactions de l’opinion publique contre la ligne à THT passant par la Manche, sous prétexte que tant que « l’absence totale de risques pour la santé n’aura pas été prouvée », il ne faudrait pas faire un pas dans cette direction. Nous voyons bien qu’une telle décision est absurde, car ce ne sera jamais le cas, le risque zéro étant un slogan « populiste », on y revient toujours. A ce compte, aucune avancée scientifique ne serait possible.

Mais nous touchons sur cet exemple à la complexité du sujet. Prendre déjà conscience du danger d’une démocratie populiste qui aurait une conception pré-critique de ce qu’est une délibération laissée à elle-même, c’est déjà faire un pas très important.

Cordialement.

Gheel

"t[i]enir compte de tous les acquis de l’anthropologie, de la sociologie, de la psychologie des foules, de la psychologie cognitive, ". […]

Je crois pouvoir dire que cette complexité ne m’est pas inconnue : elle est même à la base (pardon d’y revenir) de mon avant-projet de constitution.


Il serait alors encore plus utile et instructif pour tous les participants (et lecteurs) de ce forum que vous explicitiez, pour chacun de vos choix, de quel(s) acquis de ces sciences (ou d’autres, comme la théorie des systèmes) précisément vous vous êtes servi pour vous déterminer. Les fondements de votre projet me semblent encore plus importants que le détail conjoncturel de sa forme à un instant donné.

Que j’aie conscience de la complexité du problème et que cette complexité soit à la base de mes propositions ne signifie nullement que j’aie répertorié ni maîtrisé les acquis des sciences correspondantes, que je me détermine à partir de corpus scientifiques et qu’il soit intéressant que je les expose.

Comme je lai dit plusieurs fois, je ne suis pas un expert mais un citoyen ordinaire, constitutionnaliste amateur qui puise à toutes les sources qui lui paraissent utiles. La seule science dont je me serve un peu est le droit : il me suffit, et c’est d’ailleurs la science plus accessible au citoyen ordinaire : la meilleure preuve en est que tout le monde fait du droit sur ce site, dans certains cas comme M. Jourdain faisait de la prose, sans le savoir, parfois même en le critiquant. J’ajoute que qui dit droit devrait dire écriture correcte et accessible à tous, contrairement à ce que certains voudraient faire croire. La clarté et la précision de la langue sont des conditions essentielles de la démocratie.

C’est en citoyen ordinaire que je me détermine au moment de présenter ici mes propositions. Toutes sont expliquées en détail dans l’introduction et les notes de l’avant-projet, auxquelles je ne peux que renvoyer les participants (quand ça me paraît nécessaire je les répète aussi sur ce site) :

http://1789plus.org/Const.1958%20ProjRévJR.htm

Une autre mise à jour substantielle sera bientôt mise en ligne. Il suffit de parcourir le texte actuel pour se rendre compte qu’il touche de manière concrète à presque tous les problèmes dont il est question sur notre site. Nous sommes loin en tout cas du hors-sujet.

Quant aux fondements du projet, ils sont très simples : il s’agit de trouver les moyens de concilier le maximium de liberté avec le maximum d’égalité pour arriver à la solidarité (la fraternité), cela en développant à la fois la démocratie et l’état de Droit.

Par contre, j’aimerais bien que Déhel dise où se trouve le document de mars 2012 auquel il se réfère : sinon pour moi, du moins pour les nouveaux, comme Gheel, qui ont eux toutes les excuses pour ne pas le savoir et que ça pourrait intéresser.

PS. Comment concilier la demande de lanredec (exposer les systèmes scientifiques qu’il suppose me déterminer) avec cette remarque faite par lui dans le message 11 :

« […] ma plus grande confiance, non pas dans la capacité d’un incompétent à faire un bon tyran, mais dans la capacité de la démocratie à faire émerger la vérité si le peuple n’est pas distrait de la politique par des considérations de compétence technique a priori » ?

La vérité qu’il s’agit de faire émerger ici, avec l’approbation du peuple si possible, est celle du meilleur fonctionnement démocratique. Parler d’anthropologie, de sociologie et de psychologie des foules peut être parfois nécessaire, mais ce ne serait la plupart du temps, dans notre contexte, qu’une distraction.

Notre public est le peuple. Pas la peine de jouer aux experts. JR

A mon idée le populisme est une problématique liée au gouvernement représentatif. En effet le populiste prétend incarner le peuple dans un système monopolisé par les élites mais le populiste n’existe lui même que dans un système représentatif.
Ceci dit, il serait peut être bon de réexaminer avec le recul des mouvements comme le poujadisme ou le boulangisme ( qui je crois se concentraient sur la défense du petit commerce) .

Vous n'avez pas encore évacué l'idée aristocratique (par l'utilisation du cliché qui voudrait qu'un collectif volontaire et capable soit FORCEMENT minoritaire) et en cela vous n'avez donc pas encore accepté l'idée du tirage au sort démocratique.
[b] [/b]Devrait-on accepter personnellement l'idée du tirage au sort [i]a priori[/i] ou bien serait-il préférable que le tirage au sort s'impose à nous de par les nombreux avantages qu'il présenterait comparé à l'actuelle démocratie représentative? La première proposition frise l'argument ontologique.
Je ne vois pas où vous auriez pu trouver, sur mon post, l'expression de cette "première proposition", effectivement ridicule, que vous me prétez,
[b] [/b]Pour ce qui concerne le contre-sens qui vous a visiblement horripilé, je le déplore évidemment mais je ne saisis pas le raisonnement derrière l'obligation de manipulation qui distingue la foule de la population. Une référence accessible aux ignorants me ravirait.
Ne renversons pas les rôles: c'est vous qui avez fait le distinguo aristocratique entre la "foule" qui constituerait une "population" tellement immature qu'il faudrait nécessairement en extraire un collectif volontaire et capable et le "peuple" démocratiquement souverain. Mais comme TOUS les partis politiques, au pouvoir ou dans l'opposition, possèdent, au niveau de leurs états-majors, absolument les mêmes caractéristiques collectives autoproclamées (volontaires et capables), on ne voit pas pourquoi les collectifs que vous citez (que je n'ai nulle envie de dénigrer) ne tomberaient pas dans les mêmes travers en cas de prise de pouvoir. Il n'y a donc pas de solution ARISTOCRATIQUE démocratique basée sur le volontariat et la compétence). La manipulation est la seule solution pour expliquer que, statistiquement, ces aristocraties élues n'ont pas, et de loin, mieux répondu aux aspirations du peuple que les pouvoirs absolus qui se sont imposés par la force ou par idéologie religieuse. Elle est nécessaire pour continuer à VOUS faire croire que la bonne politique est affaire de compétence, et que certains sont autorisés à s'autoproclamer mieux pourvus que d'autres dans ce domaine. A vous de décider quelle explication vous préférez.
Ceci dit, il serait peut être bon de réexaminer avec le recul des mouvements comme le poujadisme ou le boulangisme ( qui je crois se concentraient sur la défense du petit commerce) .
Excellente idée. Pour les réhabiliter à mon avis.

La caractéristique de ces mouvements est qu’il s’agissait de défendre des gens autonomes économiquement, bien intégrés dans les cités qu’ils habitaient.
Il était absolument nécessaire de les diaboliser pour faire prospérer la rente de l’actionnariat de la grande entreprise (actuellement les multinationales) et remplacer le désir républicain de faire partie de cette classe aisée (mais autonome et travailleuse) et qui comprenait les petits patrons locaux, par celui d’appartenir à la classe collaborationniste de l’actionnariat, typiquement celle du cadre de grande entreprise, celle qui a manifestement pris le dessus.

Cela pose à mon sens comme question fondamentale celle de la légitimité citoyenne:

  • au niveau de l’état-nation de l’actionnariat de la multinationale (défend-t-il les intérêts de la nation de son siège social ou de son lieu de résidence?),
  • au niveau de la cité des cadres exécutifs de ces grandes entreprises (même questionnement au niveau des politiques locales)
[...] Un collectif quelconque représentatif, où chacun pourrait défendre son intérêt PRIVE (le seul intérêt que chacun puisse LEGITIMEMENT défendre, et dont on ne peut douter qu'il le soit LIBREMENT) est la meilleure solution pour faire primer l'intérêt collectif sur l'intérêt privé.
En effet, le tirage au sort est le meilleur moyen de désigner des personnes qui défendront exclusivement leur intérêt privé. Le hic, c'est que l'ensemble des personnes ainsi désignées ne sera représentatif que de ces intérêts. Et comme il s'agirait (cas de la France) de représenter 43 millions de personnes, il est exclu que la somme des intérêts des tirés au sort corresponde même de très loin aux intérêts collectifs de ces 43 millions de personnes. Ne nous cachons pas la vérité : les désignations par tirage au sort opéreront au hasard.

@frigouret : le populisme consiste à vouloir se faire bien voir du peuple ou d’une population. Je ne vois pas pourquoi des tirés au sort n’auraient pas envie de se rendre populaires pour des raisons qui leur seraient propres, ne serait-ce que par gloriole (après tout, seuls des volontaires seront tirés au sort, et ça dit déjà quelque chose si l’on s’est porté volontaire). La perspective de la réélection n’est pas le seul motif de se rendre populaire. JR

[...] Un collectif quelconque représentatif, où chacun pourrait défendre son intérêt PRIVE (le seul intérêt que chacun puisse LEGITIMEMENT défendre, et dont on ne peut douter qu'il le soit LIBREMENT) est la meilleure solution pour faire primer l'intérêt collectif sur l'intérêt privé.
En effet, le tirage au sort est le meilleur moyen de désigner des personnes qui défendront [b][color=red]exclusivement[/color][/b] leur intérêt privé. Le hic, c'est que l'ensemble des personnes ainsi désignées ne sera représentatif que de ces intérêts. Et comme il s'agirait (cas de la France) de représenter 43 millions de personnes, il est exclu que la somme des intérêts des tirés au sort corresponde même de très loin aux intérêts collectifs de ces 43 millions de personnes. Ne nous cachons pas la vérité : les désignations par tirage au sort opéreront au hasard. JR
Je note que, (c'est normal, il raisonne en juriste, non en philosophe politique), JR ne fait aucune remarque sur les deux adverbes importants de mon message (LIBREMENT et LEGITIMEMENT) qui sont précisément ceux qui définissent les conditions nécessaires et suffisantes de se trouver en position de concilier, dans l'exercice du pouvoir, à la fois son exigence individuelle MORALE (faire valoir LIBREMENT son point de vue moral) et une exigence collective POLITIQUE DEMOCRATIQUE (être perçu et se percevoir comme légitime dans ce comportement).

Il fait ensuite la bête pour introduite l’adverbe exclusivement, en faisant semblant d’ignorer que les mesures que le tiré au sort aura à proposer ou celles sur lesquelles il aura à se prononcer sont des mesures GENERALES dans lesquelles son intérêt particulier se confond avec l’intérêt de la FRACTION SOCIALE du peuple qu’il REPRESENTE. De sorte que si l’échantillon des fractions sociales est bien représentatif, c’est bien l’ensemble des intérêts particuliers qui sera pris en compte, et avec la pondération majoritaire adéquate, et donc en fin de compte l’intérêt collectif qui sera défendu.

Hors sujet.

A partir de quel pourcentage d’une population un échantillonnage par tirage au sort est très représentatif ?

Bonjour !

Il me semble que Jacques a raison d’insister sur ce point crucial : dans la plus pure tradition rousseauiste (que rien toutefois ne nous oblige à accepter sans inventaire), la somme des intérêts particuliers ne constituera jamais l’intérêt général. Il est vrai qu’en surfant sur le blog, je viens de lire un ancien message de Chouard affirmant que la volonté générale n’était que cette somme : a-t-il évolué sur cette question depuis, à vous de me le dire. Il est en tous les cas très difficile de soutenir que telle est bien la vérité, et je penche évidemment du côté de Rousseau sur cette question.

Soutenir le contraire, c’est tomber dans une sorte d’atomisme individualiste, un individualisme aveugle, le nez dans le guidon. Sur ce point, il me semblait que les Michéa, Caillé et consorts avaient dit le principal. Pas besoin d’ailleurs de faire du Mauss : les théories de tradition aristotélicienne sur le bien commun comme étant plus que la somme de ses parties ne disaient rien d’autre.

Plus actuellement, tous les développements tournant autour de la théorie des jeux vont dans ce sens (pas besoin d’évoquer l’exemple canonique du dilemme du prisonnier, qui montre suffisamment que l’intérêt du tout ne se réduit pas strictement à la somme des intérêts particuliers). On rétorquera avec finesse que l’intérêt personnel bien compris ne devrait pas être en contradiction avec l’intérêt général (raisonnement du type : si les acteurs individuels prenaient vraiment conscience de ce que leur coûteraient certaines externalités négatives, pour utiliser le jargon économique, alors leur intérêt particulier tendrait à se confondre de plus en plus avec l’intérêt général). Sans doute : mais c’est supposer que la délibération collective est justement suffisamment intersubjective pour qu’émerge au cours des confrontations l’intérêt général, qui apparaîtra alors nécessairement comme autre chose qu’une somme de + et de - qui s’annulent et se compensent et qui ne correspondent paradoxalement plus à aucune volonté particulière ! Il suffirait de prendre un exemple un peu benêt pour illustrer très clairement de quoi il s’agit : des amis veulent se faire une soirée cinéma. Si l’on a pas compris Rousseau et qu’on raisonne bêtement sur la somme des préférences quant au choix du film (chacun émet par exemple trois vœux par ordre de préférence), le jeu des compensations et annulations réciproques peut très bien faire que le groupe se retrouve devant un choix que personne ne souhaite finalement vraiment : un film caméra à l’épaule de 3h30 irano-afghan sur le suicide d’une prostituée libyenne ayant fui la révolution arabe. Un rapide tour suffirait pour voir qu’il n’est finalement dans l’intérêt de personne (sauf d’une ultra minorité du groupe) de passer la soirée à dormir devant ce film. A une époque où la République, de part l’annulation systématique des oppositions selon la logique bipartite voulue par Montesquieu, est soumise aux tiraillements et revendications de minorités et lobbies qui se multiplient, et qui ne représentent qu’eux-mêmes, la question de l’émergence d’une volonté générale est capitale. Jacques me semble avoir raison.

Après, je ne le suis pas sur la conclusion. Cela implique-t-il en effet de jeter le tirage au sort aux orties ? Ce serait jeter le bébé avec l’eau du bain, et, ma foi, un fort joli bébé bien prometteur, que maman Chouard a enfanté dans l’intérêt de tous, me paraît-il.

Il y a probablement un piège formidable dans la question de la représentativité, qui touche à nouveau à des affects populistes. Beaucoup voudraient qu’il y ait à l’assemblée des boulangers, des plombiers, des pianistes, des poètes, des mécaniciens, etc. pour que l’on puisse se dire : « au moins, mes petits intérêts sont pris en compte ». Je dis populistes parce que Jacques n’a pas totalement tort de rappler qu’il n’y a pas de raison a priori évidentes pour qu’un pianiste soit plus utile pour moi à l’assemblée qu’un mécanicien ou un avocat. Il y a un côté populiste à flatter le sentiment de reconnaissance des foules, la satisfaction de se voir reconnu et écouté, alors que le problème politique n’est pas sur ce niveau. Opposer pianistes à boulangers, mécaniciens à menuisiers et philosophes, n’est-ce pas multiplier les intérêts particuliers comme le fait actuellement la République, pour aboutir à un gloubi-boulga de positions et réformes contradictoires ? C’est, malgré mon horripilation à l’écoute de Florence Gauthier face à Chouard, un point sur lequel elle me semblait plus critique et rigoureuse politiquement : elle avoue que cela ne l’intéresse pas d’avoir forcément une assemblée paritaire avec autant de femmes que d’hommes, car ce n’est pas le problème. Je crois pouvoir risquer : ce n’est pas un problème politique du bien commun, c’est un problème populiste.

Malgré toutes ces critiques, qui pèsent lourd, je ne pense pas du tout qu’il faille abandonner le tirage au sort décisionnel comme le pense Jacques. Il reste le meilleur moyen de se protéger des abus de pouvoir, mais à condition de ne pas le justifier avec des histoires populistes de représentativité (arguments type : une France miniature ; et alors ?), mais avec les vraies raisons (qui restent celle de Chouard dans ses meilleurs moments). C’est pour cela que je propose ce fil de discussion : c’est une tendance populiste qui nous fait retomber dans l’idée que la volonté générale n’est que la somme des volontés particulières, avec un petit côté débat de chiffonniers sur le marché. Mais le tirage au sort et la délibération peuvent être protégés, encadrés par des institutions aristocratiques obligeant le meilleur à sortir du débat, autrement dit le bien commun, pas des décisions flattant les ego.

Bien cordialement (nous nous approchons de l’essentiel : dommage que Chouard ne discute pas plus ces questions : il convaincrait les Manin, Onfray, Lordon…).

Gheel

Bonjour !

Il me semble que Jacques a raison d’insister sur ce point crucial : dans la plus pure tradition rousseauiste (que rien toutefois ne nous oblige à accepter sans inventaire), la somme des intérêts particuliers ne constituera jamais l’intérêt général. Il est vrai qu’en surfant sur le blog, je viens de lire un ancien message de Chouard affirmant que la volonté générale n’était que cette somme : a-t-il évolué sur cette question depuis, à vous de me le dire. Il est en tous les cas très difficile de soutenir que telle est bien la vérité, et je penche évidemment du côté de Rousseau sur cette question.

Soutenir le contraire, c’est tomber dans une sorte d’atomisme individualiste, un individualisme aveugle, le nez dans le guidon. Sur ce point, il me semblait que les Michéa, Caillé et consorts avaient dit le principal. Pas besoin d’ailleurs de faire du Mauss : les théories de tradition aristotélicienne sur le bien commun comme étant plus que la somme de ses parties ne disaient rien d’autre.


Il me semble que vous faites un contresens sur le FONCTIONNEMENT d’une assemblée représentative. Ces gens ne sont pas là pour ASSEMBLER leurs intérêts particuliers, ni d’ailleurs leurs PRINCIPES MORAUX, mais au contraire pour les CONFRONTER.

D’où la réalisation de COMPROMIS évolutifs dans tous les domaines, en fonction des conditions extérieures et des progrès de la connaissance. Dans ces conditions parler de SOMME des intérêts particuliers n’a aucun sens dans un tel mode de fonctionnement.

Parler de SOMME des intérêts n’a effectivement de sens que dans la situation actuelle, quand il s’agit d’assemblées PARTISANES qui ont alors tendance, sinon à sommer, du moins à renforcer leurs intérêts réciproques dans les soit-disant processus gagnant/gagnant, processus qui n’existent pas dans la réalité car il se font toujours au détriment de tierces parties qui ont été soigneusement évacuées du débat. C’est le b-a ba de la lutte économique. C’est tout l’intérêt du tirage au sort de s’assurer que toutes les parties sont présentes à la confrontation.

Cher bernarddo,

Bien sûr, nous en convenons tous. Rousseau également. La question est de savoir à quelles conditions l’assemblée permet cela, plutôt qu’un compromis qui ne serait que l’annulation et la compensation réciproques des points de vues (le film irano-afghan que personne ne veut vraiment voir, pour reprendre mon exemple bêta), c’est tout le sujet du fil de discussion sur le populisme. Il faut sortir des mantras à la Florence Gauthier et expliquer comment cela est possible. Rousseau n’explique pas lui-même comment l’on peut passer de la somme et du compromis entre points de vue, à l’émergence d’autre chose que d’un compromis : la volonté (l’intérêt) générale.

Cordialement.

Gheel

À propos du tirage au sort, quelques précisions concernant mon avant-projet de refonte de 1958.

Loin de jeter le tirage au sort aux orties, je l’ai introduit explicitement dans l’avant projet pour les fonctions d’observation et de recommandation, et les discussions que nous avons eues ici y sont pour beaucoup.

Par contre, je reste opposé au tirage au sort décisionnel, par quoi j’entends le tirage au sort de décideurs (législateurs, gouvernants, juges). Mais pas au tirage au sort d’une assemblée constituante à condition que son projet soit soumis au référendum, puisque les constituants ne seraient pas alors des « décideurs » au sens où je l’entends. Cependant, j’avoue qu’une assemblée constituante élue continue de me paraître beaucoup plus rationnelle qu’une assemblée tirée au sort.

L"organe citoyen de contrôle" (dernier titre de mon avant-projet) ferait largement usage du tirage au sort pour la constitution de ses organes collégiaux et pour la désignation des membres du conseil constitutionnel, du conseil supérieur du pouvoir judiciaire, de la cour de justice de la République et de la cour des comptes qui lui sont attribués dans l’avant-projet : on peut imaginer que le tirage au sort servirait à constituer une liste des candidatures et que les membres de l’organe citoyen élirait ses représentants (de vrais représentants, ceux-là) sur cette liste . Ou bien l’inverse (élection suivie de tirage au sort). JR

Populisme : notion floue

à Gheel ( comment prononcez-vous ce pseudo, s’il vous plaît ? )
Si je conviens avec vous et avec la plupart des intervenants précédents dans le souci d’éviter la démagogie et les politiques irréfléchies par manque de débats contradictoires raisonnés et approfondis, il me semble qu’utiliser le terme populisme ne nous fait pas avancer en raison du flou de sa définition.

Ceux qui ont revendiqué à l’origine le terme de populistes ont fini par prôner des politiques distinctes aussi diverses que peuvent l’être les opinions au sein du peuple. Ce qui fait que la notion de « politique populiste » ne renvoie à rien d’identifiable et de concret, même pas à la notion de démagogie. Si nous prenons l’exemple des premiers qui se sont revendiqué du populisme ( Попули́зм ) dès 1850, c’est à dire les populistes russes, ils se sont opposés à l’oppression tsariste, ils étaient originaires de quasiment toutes les couches de la société, à part la famille impériale, bien sûr, ils ont été en correspondance aussi bien avec Marx qu’avec Bakounine premier lien Bakounine, Vera Figner et les prisons tsaristes, deuxième lien et ont ensuite divergé vers soit vers divers partis ou courants marxistes, soit vers l’anarchisme, soit effectué un retour vers la religion, soit vers le nihilisme, soit vers le terrorisme et les attentats contre le tsar ou soit vers réformer le tsarisme. Et cela se complexifie si nous prenons en compte tous les mouvements qui se sont réclamés ensuite du populisme dans différents pays. En fait le terme « populisme » est trop flou pour signifier une politique spécifique et son sens peut varier selon le contexte du discours. Maintenant différent du sens original de défenseur du peuple, il a dérivé vers un sens proche du mot démagogie, il est de plus à double tranchant : Il peut ainsi soit dénoncer les personnes qui cherchent à mobiliser le peuple par des promesses électoralistes, en exacerbant ses frustrations et en réveillant parfois les préjugés populaires soit souvent utilisé dans un sens péjoratif par les classes dirigeantes ou les politiciens au pouvoir pour critiquer l’opposition à leur politique. Je pense qu’utiliser le terme démagogie est préférable pour décrire le souci d’éviter les politiques irréfléchies par manque de débats contradictoires raisonnés et approfondis. Utiliser le mot « populiste », n’est pas neutre et peut être un Cheval de Troie pour introduire des idées de prééminence de l’expertise, de capital social ou relationnel au détriment de l’égalité politique.

« Mal nommer un objet, c’est ajouter au malheur de ce monde. »

Cher Gilles,

Gheel : c’est un long débat avec un ami philosophe très cher qui m’a fait adopter, par humour et pour céder à sa demande, l’anagramme de Hegel. Mettons que cela se prononce gé-èle ?

Vous avez probablement raison. L’important est en tout cas ce qui est mis sous ce vocable. Le problème des termes flous, à l’histoire incertaine et difficilement interprétable, est un problème sans solution véritable. On pourrait déconseiller de la même façon à Chouard d’employer le terme de démocratie, pour des raisons parfaitement analogues à celles que vous avancez pour disqualifier le terme de populisme. Et les termes « justice sociale », « anarchisme », « fascisme », « extrémisme », « aristocratie », « élitisme », « bien commun » souffrent des mêmes carences, hélas.

Toutefois, Chouard n’en continue pas moins d’utiliser le terme démocratie parce qu’il est porteur d’espoir, et intrinsèquement puissant. De la même façon, je me sers volontairement du terme « populisme » pour déjouer la critique qui est faite aux tenants d’une démocratie directe. Le terme de démagogie ayant moins de puissance ou virulence à notre époque, le déconstruire a moins d’intérêt. Maintenant, si vous tenez à parler de démagogie, plutôt que de populisme, je ne vois pas d’objection dirimante à cela. Il y aurait toutefois une différence assez nette à marquer : la démagogie vient d’en haut (je conduis le peuple), le populisme peut venir d’en bas (une foule ne peut avoir d’instincts démagogues, mais elle peut avoir des revendications populistes).

Pour plus de clarté, voilà ce que je mettais sous le terme « populiste », liste à compléter (elle traduit une représentation qu’on se fait du peuple). Est populiste :

  1. Ce qui relève d’une conception pré-critique des phénomènes sociaux et de la complexité des mécanismes psychologiques du groupe non qualifié (parce qu’on met de côté les qualifications pour le besoin de l’analyse, ce qui est nécessaire ; exemple : l’assemblée délibérative sur un problème de politique)
  2. Ce qui disqualifie la science et l’excellence des compétences sous prétexte d’égalitarisme (Frank Lepage, cf plus haut l’anecdote précise)
  3. Ce qui se préoccupe moins de chercher l’intérêt général, au risque de déplaire au plus grand nombre, que de flatter les ego vaniteux qui sommeillent en chacun de nous
  4. Ce qui suppose une séparation essentialiste entre les « élites » et le « petit peuple »

Vous voyez en revanche, cela va peut-être vous surprendre, que je ne fais pas rentrer sous le terme populiste (ni démagogue) d’ailleurs, le fait d’activer certaines passions populaires. J’ai toujours trouvé cette critique stupide : il y a des passions raisonnables et souhaitables : de bonnes peurs, de bons espoirs, de bons dégoûts. Bien délibérer, c’est délibérer en tenant compte des passions naturelles, pas comme des robots sans âme. C’est justement une conception critique (et non pas anti-scientifique) des phénomènes sociaux et psychologiques qui permet de faire la part des choses. De ce point de vue-là, Etienne Chouard n’est pas populiste ou démagogue lorsqu’il réactive chez beaucoup certaines passions : renouveau de l’espoir en politique, amour de la justice sociale, peur des abus de pouvoir. Ce sont des passions légitimes.

Vous voyez que le débat est éminemment complexe. C’est précisément la raison pour laquelle j’ouvre le débat dans ce fil : j’ai l’impression que dans la mouvance Chouard, il y a trop de non-dits et postulats souterrains qui desservent la cause de la démocratie directe. Même dans les formules de Chouard, je crains qu’il n’y ait parfois des expressions malheureuses qui rendent méfiants les Onfray, Manin, Lordon que Chouard voudrait tant rallier à sa cause.

Tout cela étant dit, vous avez raison sur le fond (ambiguïté du terme « populiste »), mais je n’en tire pas les mêmes conclusions : il faut déconstruire ce mot en le précisant, afin de lever les craintes de certains.

Bien cordialement

Gheel

[...] Dans la plus pure tradition rousseauiste (que rien toutefois ne nous oblige à accepter sans inventaire), la somme des intérêts particuliers[b] ne constituera jamais[/b] l'intérêt général. Il est vrai qu'en surfant sur le blog, je viens de lire un ancien message de Chouard affirmant que la volonté générale n'était que cette somme : a-t-il évolué sur cette question depuis, à vous de me le dire. Il est en tous les cas très difficile de soutenir que telle est bien la vérité, et je penche évidemment du côté de Rousseau sur cette question.
Tout à fait : l'intérêt général, c'est le dénominateur commun, pas la somme des intérêts particuliers. JR

Démocratie directe/démocratie représentative/populisme

Pour commencer, tordre le cou à l’idée que la démocratie se résumerait à la démocratie directe et que le « gouvernement représentatif » ne serait pas démocratique.

Le gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple implique le pouvoir du peuple de se faire représenter quand il estime qu’il y a intérêt. Un peuple qui n’aurait pas le pouvoir de se faire représenter par qui il juge bon ne serait pas souverain et donc ne vivrait pas en démocratie.

Voilà pour la théorie, ou si l’on préfère, la logique.

La théorie s’appuie sur la pratique. Si Athènes a probablement inventé la notion de démocratie, la démocratie pratiquée par Athènes était en fait une oligarchie de 30 000 citoyens maintenant sous leur coupe une population de 300 000 personnes. Encore, parmi ces 30 000 privilégiés, très peu sans doute (5 000 ? C’est une supposition, on n’en saura jamais rien) étaient dans le meilleur des temps des démocrates actifs. Et comme on sait, la démocratie athénienne était à la fois directe et représentative (élections).

La démocratie directe pure, celle dans laquelle le peuple assemblé prend toutes les décisions d’intérêt général par des votes, est probablement impossible au-delà d’un millier de citoyens. Ceux qui proposent de procéder par assemblées populaires (verticales ou horizontales) doivent savoir qu’ils ne proposent rien d’autre qu’une forme de gouvernement représentatif – à condition d’ailleurs que ces assemblées soient désignées par élection, car le tirage au sort serait exclusif de la vraie représentation : il ne faut pas confondre mécanisme voulu par le peuple (par exemple un gouvernement tiré au sort) et représentants choisis par le peuple.

Tout ce qui relève de l’organisation et du fonctionnement des pouvoirs publics relève par nature de la démocratie directe, car presque tout le monde a assez de connaissances et de bon sens pour savoir comment il veut être gouverné. Pour le reste, la démocratie représentative permet habituellement de mieux dégager les intérêts généraux – les dénominateurs communs – et d’effectuer les arbitrages, les adaptations et les compromis nécessaires en vue du bien-être de la société en fonction des circonstances. Mais il doit être entendu qu’en démocratie le peuple reste le souverain et que les institutions doivent lui permettre de reprendre les commandes quand il le juge bon (d’où le référendum d’initiative citoyenne).

L’histoire du populisme est une chose. Sa réalité présente telle que la majorité de nos concitoyens la ressentent est presque sans rapport avec cette histoire. Le populisme consiste de nos jours à caresser des intérêts particuliers ou catégoriels dans le sens du poil en vue d’obtenir des avantages ponctuels ou circonstanciels (généralement électoraux), cela au détriment de l’intérêt général (le dénominateur commun) qui devrait guider la démocratie représentative aussi bien que la démocratie directe.

Les vrais populistes ne sont donc pas en général des démocrates, mais de vrais démocrates peuvent céder à la tentation du populisme et se transformer en alliés objectifs des populistes. JR

Suite à mon message 25808 (plus haut), je reçois par courriel de Déhel la clarification suivante, dont je le remercie :

"J’avais répondu à votre demande de lien dans le message 25801:
« @Jacques Roman: le biais que je vois dans votre volonté de ne confier qu’un pouvoir consultatif au peuple réside dans le risque d’une absence de motivation des tirés au sort. Sachant que leur travail n’aura aucune valeur légale, il sera vite impossible de trouver des citoyens prêts aux sacrifices nécessaires à la compréhension des affaires courantes et, en l’état, je les imagine alors parfaitement incapables de rivaliser avec les experts au point d’invalider très rapidement et par l’exemple l’usage du tirage au sort en politique. (Le texte est dans la signature de tous mes messages, Le risque de la liberté: texte collégial d’insurection morale téléchargeable ici. Il suffit de cliquer sur ici.) »

Ce message m’avait échappé, je m’en excuse.

Naturellement, quiconque (mais ce n’est pas le cas de Déhel d’après ce qu’il dit lui-même) aura lu l’avant-projet de constitution que je présente sur notre site et sous http://www.1789plus.org (voir rubrique VIII) sait qu’il n’a jamais été dans mon intention de ne confier qu’un pouvoir consultatif au peuple.

L’avant-projet maintient l’élection, qui bien sûr n’est pas une consultation mais un choix direct de représentants par le peuple. Surtout, elle institue le référendum d’initiative citoyenne qui peut porter sur les objets suivants :

a) dépôt au Parlement d’une proposition de loi constitutionnelle, organique ou ordinaire nouvelle ou modifiant ou abrogeant une loi existante (avec référendum si le Parlement n’adopte pas quant au fond la proposition citoyenne);

b) dépôt d’un projet d’arrêté au Conseil municipal ou au Conseil régional (également avec possibilité de référendum) ;

c) destitution du Président de la République en application de l’article [59] de la Constitution ;

d) rappel d’un élu par voie d’élection spéciale

De plus, la constitution et sa révision ne peuvent être adoptées que par référendum, et le référendum est toujours d’initiative citoyenne.

Ces dispositions sont à mettre en rapport avec le titre [XIII] de l’avant-projet instituant l’organe citoyen de contrôle : je le reproduis tel que mis à jour (mais pas encore en ligne) :

[i]"TITRE XIII
"DE L’ORGANE CITOYEN DE CONTRÔLE DU FONCTIONNEMENT DES INSTITUTIONS

"Article 96
Les électeurs inscrits sur les listes électorales se constituent, dès que possible après l’entrée en vigueur de la Constitution, en organe citoyen de contrôle sous la forme d’une association placée sous le régime de la loi de 1901 relative au contrat d’association.

"Article 97

  1. L’organe citoyen de contrôle se donnera le nom qu’il jugera approprié, adoptera librement ses statuts en se conformant à la Constitution et à la loi et opérera en toute indépendance par rapport aux pouvoirs constitutionnels sous les conditions suivantes :

"a) L’organe citoyen de contrôle surveillera le fonctionnement des institutions publiques et celui des organismes privés dont l’activité présente un intérêt général, communiquera ses observations et recommandations à qui de droit, et aidera les citoyens à mettre en œuvre les procédures de la démocratie active ;

"b) Les organismes collégiaux de l’organe citoyen seront composés par tirage au sort parmi ses membres volontaires ;

"c) L’organe citoyen désignera :

"– le Défenseur des droits conformément à l’article [5-2] de la Constitution ;

"– les membres du Conseil constitutionnel, du Conseil supérieur du pouvoir judiciaire, de la Cour de justice de la République et de la Cour des comptes qui lui sont attribués par les articles [75-1, 78-1, 79-2 et 82-2], respectivement, de la Constitution ;

"d) Il publiera un rapport d’activité annuel sur ses activités.[/i]

Ces dispositions mettraient en place un instrument très puissant d’une démocratie active permanente.

L’avant-projet prévoit aussi que « le tirage au sort peut servir à désigner des personnes sans mandat représentatif en vue d’exercer des fonctions ne comportant pas l’exercice du pouvoir constituant, législatif ou réglementaire et n’exigeant pas de compétences particulières ». Mais il est exact que le tirage au sort ne jouera qu’un rôle très secondaire par rapport aux autres dispositions : la réalité de la démocratie directe serait dans le RIC, pas dans le tirage au sort, qui n’est pas un mécanisme de la démocratie directe mais un mécanisme de désignation d’agents publics concurrençant l’élection.

Il me reste à voir le texte « Le risque de la liberté », ce que j’espère faire bientôt. JR

Cher bernarddo,

Bien sûr, nous en convenons tous. Rousseau également. La question est de savoir à quelles conditions l’assemblée permet cela, plutôt qu’un compromis qui ne serait que l’annulation et la compensation réciproques des points de vues (le film irano-afghan que personne ne veut vraiment voir, pour reprendre mon exemple bêta), c’est tout le sujet du fil de discussion sur le populisme. Il faut sortir des mantras à la Florence Gauthier et expliquer comment cela est possible. Rousseau n’explique pas lui-même comment l’on peut passer de la somme et du compromis entre points de vue, à l’émergence d’autre chose que d’un compromis : la volonté (l’intérêt) générale.

Cordialement.

Gheel


Selon moi, le problème posé par ces amis n’est pas recevable en tant qu’exemple,il n’est pas de nature normative qui est la marque des compromis politiques. Il est du ressort de leur autonomie individuelle, et il existe une infinité de manières de le trancher, chacun pouvant d’ailleurs à loisir s’en détacher. Pourrais-je leur suggérer de réunir APRES avoir vu chacun leur film préféré pour en parler ensuite.