Bordel, je bitte que dalle à votre discussion. Ca a l’air intéressant pourtant… Mais à force de rajouter des couches et des couches…
J’ai une conception simple: l’argent, c’est de la capacité d’échange (de biens ou de services) temporisée. Partant du système d’échange juste le plus naturel, celui du troc, un jour le gars qui fait des poteries, allant voir le gars qui taille des silex, lui dit: « Ecoute, voilà le pot que tu m’a demandé, mais actuellement j’ai tous les silex qu’il me faut. Alors puisque tu as besoin du pot, prend le maintenant, et entendons nous pour que tu me tailles le silex dont j’aurais besoin la prochaine fois que je viens te voir » (en supposant que tout pot est considéré de valeur égale à tout silex). Puis le potier va voir le pêcheur, car il a besoin de poisson alors que celui-ci n’a pas besoin de pot, mais ils discutent, et le potier se rend compte que le pêcheur a besoin d’un silex, alors il lui dit: « Ecoute, le tailleur de silex devait m’en faire un parce que je lui ai passé un pot sans avoir pris de silex, mais va le voir de ma part, et dis-lui que comme je t’ai pris un poisson et que je n’avais pas de pot pour toi, le silex est pour toi » (en supposant que tout pot vaut tout silex, vaut tout poisson).
L’argent, et ça tout le monde le sait, c’est juste une manière commode de se transmettre ainsi le souvenir quantifié de ces que les acteurs économique, au départ essentiellement producteurs, se doivent l’un l’autre. Un heuro dans la main de Tatave, c’est le souvenir qu’à un moment il y a eu un échange, et qu’une des « parties » n’a pas encore eu la livraison honorée. Le rôle d’un banque, à mon sens, c’est de s’assurer que le potier n’a pas 5.000 pots qu’il n’a pas livré, tandis que le tailleur de silex a livré 5.000 silex dont il attend la livraison de la contrepartie. Les comptes de la banque doivent être une représentation fidèle de ces « livraisons temporisées », ils doivent en être le souvenir fiable et tenu à jour. Le « zéro » sur les comptes est une pure convention, selon qu’on prend la photo de l’économie au moment où il y a beaucoup de livraisons à honorer, ou au moment où toutes les livraisons temporisées ont été effectuées. Le vrai découvert, c’est quand, dans l’économie réelle, plus personne n’a le souvenir qu’il a des livraisons à honorer, et que pourtant il y a des personnes qui n’ont pas été livrées. Comment ça se traduit sur les comptes, ça on s’en fout, mais le rôle de la banque, peu importe comment elle fait sa tambouille, c’est que cette situation ne se produise jamais.
Cette notion de livraison est à mon sens plus pertinente que celle, purement arithmétique, de solde de compte, ou même d’unité monétaire en temps de travail. Comme le signale Lanredec, le travail, la monnaie, tout ça, c’est intrinsèquement relié aux besoins. Mais quand on décide de passer au dessus du troc (et même du troc de métaux précieux sous forme de pièces), et qu’on commence vraiment à faire entrer la confiance dans l’économie, c’est à dire que le potier a confiance en l’honnêteté du tailleur de silex quand il lui demande de surseoir à la taille et à la livraison du silex (il sait qu’en revenant plus tard, le tailleur se souviendra de cet accord passé), mais aussi en l’honnêteté du pêcheur en lui transmettant le profit de cet accord avec le tailleur en échange de la livraison immédiate d’un poisson (et réciproquement) -bref, qu’une fois que le tailleur aura son pot, le potier son poisson, et le pêcheur son silex, tout le monde sera absolument quitte, et nul ne fera la moindre revendication à personne- quand la confiance rentre dans l’économie donc, il faut que la chaîne des besoins réels soit bouclée convenablement. 10 heuros de dette dues au potier par le tailleur de silex ou par le pêcheur, ce n’est pas la même chose, car pour l’honorer l’un doit produire et livrer 10 silex, l’autre pêcher 10 poissons (très schématiquement), et la notation « 10 heuros » ne représente pas cette différence fondamentale dans la manière d’honorer la dette.
Bon, peut-être que je suis complètement largué et que je n’ai rien compris, mais une approche basée sur les besoins réels, plutôt que sur une abstraction (l’euro, l’heuro, peu importe) me paraît plus judicieuse.