Ce sujet m'intéresse.
Je pense que dans le cadre d’une démocratie moderne la docimasie devrait avoir une place centrale et devrait etre beaucoup plus développée qu’elle ne l’était à Athènes.
Je pense que la docimasie devrait en effet permettre de déterminer le domaine de compétence pour lequel une personne est en capacité d’exercer une fonction, exécutive, législative, représentative, de contrôle. Même l’expression du suffrage pourrait, pour certaines questions techniques, être réservée aux citoyens ayant obtenu une note suffisante a la docimasie idoine.
En effet je n’ai pas forcément envie que Bébert qui ne pipe mot a l’éco donne son avis sur la gouvernance monétaire de la nation après s’être fait bourrer le mou par un démagogue. Par contre Bébert aurait bien sur a tout moment la possibilité d’accéder à la formation nécessaire à l’obtention de la note requise à la docimasie afin de lui ouvrir le droit d’expression au suffrage économique.
La note obtenue a telle ou telle épreuve permettrait d’ouvrir des droits politique plus ou moins grands dans le domaine concerné: la moyenne donnerait le droit de vote, une note plus élevée permettrait d’être tiré au sort. Une très bonne note serait requise pour être tiré au sort à un rôle exécutif.
La docimasie serait la responsabilité de l’éducation nationale et serait bien entendu surveillée de très près par les contrôleurs et les citoyens.
D’ailleurs le but serait tout simplement d’intégrer la formation/évaluation de citoyens au cursus scolaire.
Tout citoyen pourrait a tout moment de sa vie décider de valider des docimasies qui lui manqueraient…
Voila un pot pourri de mes suggestions dans le domaine.
Donc tu es bien d’accord qu’il faudra déjà du temps (peut être beaucoup de temps) pour savoir ce que l’on va mettre comme règles et comme compétences nécessaires à avoir dans ces docimasies ? Car en plus avant de pouvoir mettre en oeuvre ces docimasies et former les gens, il va falloir former les formateurs, sur quels critères ? Qui formera ceux qui formeront ?
Car j’imagine d’ailleurs difficilement calquer des compétences de business as usual de notre paradigme dans un système entièrement novateur pour nous sortir non seulement de la mouise institutionnelle actuelle, mais aussi sociale, monétaire, de système de santé, d’économie, d’énergie, d’environnement, d’éducation etc…
Et le risque avec des pratiques de docimasies très poussées comme tu le souhaites en terme de vérification de compétences ( en tout cas c’est l’impression que me fais ton exemple de l’inculte Bebert), c’est le risque de renier une partie du fondement de l’égalité politique, et prétendre à une nécessité, voilée, d’une " aristocratie" dans sons sens étymologique de prendre si ce n’est les meilleurs, ceux qui sont dans le haut du tableau vis à vis de chaque domaine.
Car que signifie aristos, être le meilleur ? C’est exceller dans un domaine prédéfini avec des règles fixées à l’avance et qui peut démontrer son efficacité à évoluer au sein de ce système, et non pas à faire évoluer et transformer ce système car une grande partie, et peut être même la plupart des critères et mesures définissant cette efficacité interne au système deviendraient caduc.
Les " meilleurs " ne sont ils pas justement ceux qui permettent de pérenniser un système ?
Alors ce qu’il faut ce sont des innovateurs, plutôt que des « meilleurs » non ? Que cela soit pour des fonctions législatives, comme exécutives, de grandes administrations et de responsables des organisations à l’intérieur de l’Etat.
Et l’innovation se mesure à mon sens, après coup, une fois qu’elle a fini de modifier le système, où à ce moment là on peut utiliser les critères encore pertinents dans cette mesure d’évolution et d’efficacité, tout en ayant la nécessité de créer de nouvelles mesures et critères pour évaluer l’évolution future de ce nouveau système.
Et pour définir l’innovation c’est un ressenti entièrement subjectif qui va être en oeuvre, avec l’idée que va se faire du futur, d’un futur nécessaire et/ou d’un « meilleur » futur, celui qui juge et va pratiquer cette docimasie.
C’est la prise de risque de l’investisseur qui parie sur l’inventeur. Et à ce niveau là nous sommes je le crois à peu près à même niveau dans cette capacité de jugement subjectif, si ce n’est la nécessité de donner une culture « politique » de notre monde à tous, d’avoir des notions de la réalité des choses, de ce qui fonctionne ou pas, des opportunités et des menaces de l’environnement, de nos forces et faiblesses, en somme d’avoir des citoyens conscients et pleinement informés.
Car de plus si tu souhaites " former " les individus dans des domaines précis pour les rendre " capables ", tu ne fais que leur inculquer les schémas, pratiques et fonctionnements de ce qui existe, du système et de sa pérennisation, et non pas les clés à sa transformation. La nécessaire imagination pour changer et faire évoluer un système ne s’apprend pas.
Personnellement j’estime qu’il existe deux types d’hommes dans la vie, les précurseurs et les autres, les premiers rejoignant les seconds une fois la mise en oeuvre de leurs idées. Ainsi on ne renie pas l’égalité politique.
Ce bon vieux Périclès nous rappelle cette réalité démocratique avec son fameux discours :
" Notre constitution politique n’a rien à envier aux lois qui régissent nos voisins ; loin d’imiter les autres, nous donnons l’exemple à suivre. Du fait que l’État, chez nous, est administré dans l’intérêt de la masse et non d’une minorité, notre régime a pris le nom de démocratie. En ce qui concerne les différends particuliers, l’égalité est assurée à tous par les lois ; mais en ce qui concerne la participation à la vie publique, chacun obtient la considération en raison de son mérite, et la classe à laquelle il appartient importe moins que sa valeur personnelle ; enfin nul n’est gêné par la pauvreté et par l’obscurité de sa condition sociale, s’il peut rendre des services à la cité. La liberté est notre règle dans le gouvernement de la république et dans nos relations quotidiennes la suspicion n’a aucune place ; nous ne nous irritons pas contre le voisin, s’il agit à sa tête ; enfin nous n’usons pas de ces humiliations qui, pour n’entraîner aucune perte matérielle, n’en sont pas moins douloureuses par le spectacle qu’elles donnent. La contrainte n’intervient pas dans nos relations particulières ; une crainte salutaire nous retient de transgresser les lois de la république ; nous obéissons toujours aux magistrats et aux lois et, parmi celles-ci, surtout à celles qui assurent la défense des opprimés et qui, tout en n’étant pas codifiées, impriment à celui qui les viole un mépris universel "