Plus que la question de l’éducation, tu lèves celle bien plus profonde de l’engagement que l’on peut exiger du citoyen. Peut-on vraiment faire faire la guerre au peuple dans son intérêt, s’il y rechigne? Peut-on lui inculquer à résister, à se lancer dans la guérilla et la terre brûlée si les frontières sont violés ou le pouvoir confisqué? La morale chrétienne bien comprise, qui est celle de la plus haute exigence morale qui nous soit concevable, nous apprend à tendre l’autre joue à celui qui nous frappe, à donner la chemise à celui qui nous vole le manteau, et, en tant que gouvernement, ça implique de refuser d’encourager le peuple à la violence.
Mais concrètement, il y a certaines attaques de subversion, au final les plus perverses et insidieuses, qui peuvent être combattues sans violence. Par exemple, empêcher des groupes « contestataires » (réactionnaires) de recevoir des fonds de l’étranger peut être une première barrière légale. Si malgré tout, par des entremises occultes, ces groupes soutenus par l’ennemi commençaient à prendre de l’ampleur, d’une part il y aurait la résistance des individus (en dehors de toute forme de propagande, une éducation permettant le décodage des discours et des intérêts et visions du monde qu’ils cachent décrédibiliserait ces groupes au moins partiellement), et quand on en arrive à un niveau plus extrême, le mécanisme d’ostracisme (dispositif constitutionnel « anti-trollage ») les maintiendrait à une portion congrue, sans possibilité de gagner par leur rhétorique une partie croissante de la population.
Ce qui est le plus à craindre, à mon sens, c’est quelque chose d’extrêmement vicieux qui s’observe dans le cas de la Syrie ou de la Libye: faire gonfler ou créer de toute pièce une opposition prétenduement révolutionnaire, pacifique en premier lieu, puis violente voire terroriste ensuite, afin de prétendre le gouvernement illégal et illégitime, et faire comme l’ont fait des ministres français, à la plus grande honte de notre tradition diplomatique centenaire, c’est à dire soutenir des bandes armées de semi-mercenaires incultes et radicalisés contre un gouvernement légitime et plutôt bénéfique pour le pays.
On a vu les mensonges qu’ils sont capables d’inventer: Khadafi de bon ami de Sarkozy (il a financièrement soutenu sa campagne, maintenant on en a des preuves) est devenu le nouvel Hitler, et Bachar El-Assad est quasiment dépeint sous les mêmes traits. L’immonde BHL crache partout ses contre-vérités insupportables par leur démesure pornographique dans la fausseté, et quoi qu’il se passe effectivement dans les pays pris pour cible, une chose est sûre: l’opinion dans les pays agresseurs (car ils ont beau faire semblant de ne pas s’impliquer, ce sont eux qui arment ces « contras », qui les recrutent et les envoient sur le théâtre d’opération) tolère que leur pays s’implique dans des crimes contre la paix aussi odieux.
A un moment, il est là le problème. C’est qu’en face, on a à faire à des individus qui n’ont plus la moindre forme de barrière, pour qui les humains sont des pions, que les conditions de leur existence ou le décret de leur mort leur est absolument indifférent. Ils ont de l’argent et du pouvoir, des médias et des armées. A défaut d’annihiler totalement au premier coup, ils écrasent patiemment et avec la plus extrême perversité tout ce qui ose leur résister. Non content de détruire par intérêt pur, doublé d’une pensée d’un cynisme glacial absolument horripilant, ils diabolisent leur adversaire. Un ennemi ne mobilise plus assez: il s’agit d’en faire un monstre, un être ou un gouvernement ontologiquement mauvais qu’il est moralement impératif de détruire.
En cela, ces gens-là sont des satanistes: ils accablent les autres d’être ce qu’ils sont, et les combattent comme personne n’oserait les combattre eux, alors même qu’ils sont l’aune à laquelle se mesure la perversité et l’intérêt. Ils retournent toutes la valeurs, se parent des vertus qu’ils foulent au pied et détruisent, et attribuent à ceux qui osent résister à leur vision du monde les vices les plus infamants, les perversions les plus honteuses. Ils sont donc des ennemis redoutables, j’ose même dire imbattables, car leur saloperie morale absolue leur découvre des chemins vers la victoire qui glacent d’horreur les esprits sains.
La situation où un pays réellement démocratique (ou réellement indépendant, ce pourrait être une monarchie, une dictature, une anarchie, ils s’en foutent: tout ce qui ne leur est pas soumis est ennemi mortel) serait entouré et menacé de puissances encore oligarchiques et adeptes de la visions du Nouvel Ordre Mondial est condamné, que la lutte se fasse de front ou sournoisement. A mon avis, le « pays » qui doit entrer en résistance, c’est les 99%, sur toute la planète, comme si ce n’était qu’un seul peuple. Chercher l’avènement au pouvoir avant d’avoir profondément sapé la crédibilité et l’autorité des 1%, surtout si l’on se concentre à une niveau national, c’est tendre le bâton pour se faire battre, et s’exposer à un échec cuisant.
La bonne nouvelle, c’est que les 1% sont principalement occidentaux, et que la plupart des occidentaux savent lire, écrire, et ont une connexion internet. Par ailleurs, et sans méchanceté, les difficultés que rencontrent les nouvelles générations leur font prendre conscience que le monde de grand-père, et donc ses schémas mentaux, est aussi désuet que le gramophone, et leur curiosité est plus aiguë. Ils cherchent à savoir pourquoi ils sont dans la merde, pourquoi tout augmente, sauf le salaire, pourquoi on trouve des centaines de milliards pour les banques, et qu’on leur refuse un prêt pour fonder une petite entreprise, pourquoi on va faire la guerre à l’autre bout du monde, alors qu’au bas de l’immeuble c’est toujours la même bande de racailles qui met des béquilles aux passants et arrache les rétros.
Il y a une conscience qui est en train de se réveiller, et parce qu’elle est née du réel elle est la meilleure des éducations, et parce que son grondement est comme le bruit encore lointain d’un tsunami elle est la meilleure des résistances. Ce qu’il va falloir surveiller de très près, c’est le flicage généralisé du net, parce que c’est ça qui nous pend au nez maintenant. Isolés et en colère. Ils auraient à leur disposition une force de destruction sociale d’une puissance colossale, un stock d’explosif humain pré-miné, prêt à exploser sur commande.