Démocratie, adversité

Bonjour à tous,

Je vous propose l’ouverture d’une réflexion sur la [bgcolor=#FFFF99]capacité de résistance d’un régime démocratique face à l’adversité.[/bgcolor] Il faut en effet admettre que la meilleure constitution au monde ne signifie pas nécessairement conditions économiques florissantes ou situation internationale sans nuages. Et puisque dans le système ici défendu, nous aspirons à un peuple se gouvernant lui-même indépendamment des circonstances politiques, il faut impérativement à mon sens se demander comment éviter que ce-dernier, en cas de coup dur, ne renonce tout simplement au pouvoir.

Prenons un exemple simpliste. Une démocratie, au véritable sens du terme, est établie dans un pays A en l’an 0. Durant dix ans, le système fonctionne relativement bien, au point que des mouvements d’émancipation se développent un peu partout dans les pays voisins toujours en « mode représentatif ». [bgcolor=#FFFF99]Menacées, les oligarchies en place s’allient alors et décident d’un blocus économique terrible contre notre beau pays A. En plus de cela, on pourrait imaginer l’organisation par ces-mêmes systèmes aux abois d’opérations de déstabilisation sur le territoire national. Bref, comment dans un tel cas éviter le recours tentant par le peuple de faire appel au fameux « homme providentiel » ? Et l’histoire nous enseigne à quel point les gens en sont friands aux périodes cruciales. A fortiori quand ils ont l’estomac vide.[/bgcolor]

Dans une telle situation, la capacité du citoyen à être stoïque me semble essentielle.

Ne faudrait-il pas, à votre avis, que la constitution fixe au minimum l’obligation pour les pouvoirs publics d’éduquer la jeunesse à une certaine capacité de résistance ? Je ne discute pas encore à ce stade des formes très variées que cela pourrait prendre, mais vous pose simplement la question du bien-fondé de l’idée. Car il est facile d’imaginer un système démocratique en période faste voter une éducation par exemple très artistique et peu pratique pour sa jeunesse, la laissant terriblement mal préparée pour le « creux de la vague ».

Bonjour BaSan, et bienvenue :slight_smile:

Bonne idée, tous ceux qui cherchent à apaiser le monde pensent à un volet crucial « éducation », avec toujours ce risque redoutable qu’un système éducatif très efficace peut (évidemment) devenir un terrible outil oppressif s’il passe en de mauvaises mains.

C’est intéressant d’essayer de détailler à la fois le programme et les méthodes d’une telle école, et les garde-fous souhaitables et possibles pour protéger (aussi) la liberté individuelle.

Enfin, je dis ça mais moi, je suis en pleine rentrée => je ne devrais plus m’occuper du site… :wink:

Étienne.

Plus que la question de l’éducation, tu lèves celle bien plus profonde de l’engagement que l’on peut exiger du citoyen. Peut-on vraiment faire faire la guerre au peuple dans son intérêt, s’il y rechigne? Peut-on lui inculquer à résister, à se lancer dans la guérilla et la terre brûlée si les frontières sont violés ou le pouvoir confisqué? La morale chrétienne bien comprise, qui est celle de la plus haute exigence morale qui nous soit concevable, nous apprend à tendre l’autre joue à celui qui nous frappe, à donner la chemise à celui qui nous vole le manteau, et, en tant que gouvernement, ça implique de refuser d’encourager le peuple à la violence.

Mais concrètement, il y a certaines attaques de subversion, au final les plus perverses et insidieuses, qui peuvent être combattues sans violence. Par exemple, empêcher des groupes « contestataires » (réactionnaires) de recevoir des fonds de l’étranger peut être une première barrière légale. Si malgré tout, par des entremises occultes, ces groupes soutenus par l’ennemi commençaient à prendre de l’ampleur, d’une part il y aurait la résistance des individus (en dehors de toute forme de propagande, une éducation permettant le décodage des discours et des intérêts et visions du monde qu’ils cachent décrédibiliserait ces groupes au moins partiellement), et quand on en arrive à un niveau plus extrême, le mécanisme d’ostracisme (dispositif constitutionnel « anti-trollage ») les maintiendrait à une portion congrue, sans possibilité de gagner par leur rhétorique une partie croissante de la population.

Ce qui est le plus à craindre, à mon sens, c’est quelque chose d’extrêmement vicieux qui s’observe dans le cas de la Syrie ou de la Libye: faire gonfler ou créer de toute pièce une opposition prétenduement révolutionnaire, pacifique en premier lieu, puis violente voire terroriste ensuite, afin de prétendre le gouvernement illégal et illégitime, et faire comme l’ont fait des ministres français, à la plus grande honte de notre tradition diplomatique centenaire, c’est à dire soutenir des bandes armées de semi-mercenaires incultes et radicalisés contre un gouvernement légitime et plutôt bénéfique pour le pays.

On a vu les mensonges qu’ils sont capables d’inventer: Khadafi de bon ami de Sarkozy (il a financièrement soutenu sa campagne, maintenant on en a des preuves) est devenu le nouvel Hitler, et Bachar El-Assad est quasiment dépeint sous les mêmes traits. L’immonde BHL crache partout ses contre-vérités insupportables par leur démesure pornographique dans la fausseté, et quoi qu’il se passe effectivement dans les pays pris pour cible, une chose est sûre: l’opinion dans les pays agresseurs (car ils ont beau faire semblant de ne pas s’impliquer, ce sont eux qui arment ces « contras », qui les recrutent et les envoient sur le théâtre d’opération) tolère que leur pays s’implique dans des crimes contre la paix aussi odieux.

A un moment, il est là le problème. C’est qu’en face, on a à faire à des individus qui n’ont plus la moindre forme de barrière, pour qui les humains sont des pions, que les conditions de leur existence ou le décret de leur mort leur est absolument indifférent. Ils ont de l’argent et du pouvoir, des médias et des armées. A défaut d’annihiler totalement au premier coup, ils écrasent patiemment et avec la plus extrême perversité tout ce qui ose leur résister. Non content de détruire par intérêt pur, doublé d’une pensée d’un cynisme glacial absolument horripilant, ils diabolisent leur adversaire. Un ennemi ne mobilise plus assez: il s’agit d’en faire un monstre, un être ou un gouvernement ontologiquement mauvais qu’il est moralement impératif de détruire.

En cela, ces gens-là sont des satanistes: ils accablent les autres d’être ce qu’ils sont, et les combattent comme personne n’oserait les combattre eux, alors même qu’ils sont l’aune à laquelle se mesure la perversité et l’intérêt. Ils retournent toutes la valeurs, se parent des vertus qu’ils foulent au pied et détruisent, et attribuent à ceux qui osent résister à leur vision du monde les vices les plus infamants, les perversions les plus honteuses. Ils sont donc des ennemis redoutables, j’ose même dire imbattables, car leur saloperie morale absolue leur découvre des chemins vers la victoire qui glacent d’horreur les esprits sains.

La situation où un pays réellement démocratique (ou réellement indépendant, ce pourrait être une monarchie, une dictature, une anarchie, ils s’en foutent: tout ce qui ne leur est pas soumis est ennemi mortel) serait entouré et menacé de puissances encore oligarchiques et adeptes de la visions du Nouvel Ordre Mondial est condamné, que la lutte se fasse de front ou sournoisement. A mon avis, le « pays » qui doit entrer en résistance, c’est les 99%, sur toute la planète, comme si ce n’était qu’un seul peuple. Chercher l’avènement au pouvoir avant d’avoir profondément sapé la crédibilité et l’autorité des 1%, surtout si l’on se concentre à une niveau national, c’est tendre le bâton pour se faire battre, et s’exposer à un échec cuisant.

La bonne nouvelle, c’est que les 1% sont principalement occidentaux, et que la plupart des occidentaux savent lire, écrire, et ont une connexion internet. Par ailleurs, et sans méchanceté, les difficultés que rencontrent les nouvelles générations leur font prendre conscience que le monde de grand-père, et donc ses schémas mentaux, est aussi désuet que le gramophone, et leur curiosité est plus aiguë. Ils cherchent à savoir pourquoi ils sont dans la merde, pourquoi tout augmente, sauf le salaire, pourquoi on trouve des centaines de milliards pour les banques, et qu’on leur refuse un prêt pour fonder une petite entreprise, pourquoi on va faire la guerre à l’autre bout du monde, alors qu’au bas de l’immeuble c’est toujours la même bande de racailles qui met des béquilles aux passants et arrache les rétros.

Il y a une conscience qui est en train de se réveiller, et parce qu’elle est née du réel elle est la meilleure des éducations, et parce que son grondement est comme le bruit encore lointain d’un tsunami elle est la meilleure des résistances. Ce qu’il va falloir surveiller de très près, c’est le flicage généralisé du net, parce que c’est ça qui nous pend au nez maintenant. Isolés et en colère. Ils auraient à leur disposition une force de destruction sociale d’une puissance colossale, un stock d’explosif humain pré-miné, prêt à exploser sur commande.

Cher Gotfried,

Un grand merci pour votre réponse. Vous touchez en cinq points à beaucoup de sujets essentiels, mais qui sont - pour au moins trois d’entre eux - bien plus vastes que la discussion que je désirais déclencher sur ce fil.

Je pense d’une part à l’affirmation selon laquelle un système démocratique serait incapable de survivre en monde représentatif; d’autre part au refus d’encourager le peuple à la violence en cas de nécessité au nom du fameux « tendre l’autre joue chrétien » et enfin, à votre exposé sur la situation Lybie & co.

Il va sans dire que je suis tout à fait prêt à débattre de ces points dans d’autres fils, mais concentrons-nous ici sur le thème en question :

[bgcolor=#FFFF99][align=center]Dans le but d’une capacité de résistance à l’adversité accrue, est-il ou non opportun de constitutionnaliser un jeu de principes éducatifs et, si oui, lesquels ?[/align][/bgcolor]

Mr. Chouard résume d’ailleurs parfaitement mes aspirations dans son message N°20987 : « [bgcolor=#FFFF99]C’est intéressant d’essayer de détailler à la fois le programme et les méthodes d’une telle école, et les garde-fous souhaitables et possibles pour protéger (aussi) la liberté individuelle[/bgcolor]. »

Je suis en train de préparer un argumentaire sur la question… laissez-moi quelques jours. En attendant, voici mes réponses à vos arguments :

1/ Sur la prise de conscience comme meilleure éducation

Désolé mais je pense qu’une prise de conscience seule ne saurait remplacer un système éducatif formateur de pensée. C’est au plus un élément déclencheur, qui a d’ailleurs le désavantage de s’estomper en période plus calme, ou en cas d’amélioration de situation sociale.

2/ Sur la décrédibilisation de l’ennemi par un bon décodage intellectuel enseigné

Là, tout à fait d’accord. Il est impératif de penser à des façons d’émanciper la pensée au lieu d’enseigner du pré-mâché (aussi véridique soit-il). En fait, l’obligation d’émanciper les esprits au lieu de les formater me semble une excellente notion pour un grand principe.

Bien à vous.

Je vous accorde que j’ai largement digressé dans mon intervention. Je n’appelle d’ailleurs pas à réponse, c’était plutôt des considérations annexes.

Je suis tout à fait d’accord avec vous pour dire qu’une bonne éducation formatrice de la pensée (et non pas des opinions) serait un rempart majeur contre la subversion intérieure. Ce que je veux dire, c’est qu’à moins d’une sorte de « coup d’état » au sein des structures formatrices de professeurs et enseignants, seule une prise de conscience plus générale peut mener la population à voir que le système éducatif actuel n’a pas pour but la formation de citoyens critiques et éveillés, et à réclamer la mise en place d’un système dont ce serait la vocation. Le système éducatif est sous contrôle des 1%/de l’oligarchie/du système représentatif (selon la manière dont on voit les choses), qui ne le laissera pas changer d’orientation si facilement, a fortiori si c’est pour former à une pensée qui peut potentiellement mener à leur perte.

Il y a donc une lutte qui doit précéder la réforme du système éducatif, sans quoi elle ne pourra pas se faire, tout simplement. Mais dans l’hypothèse où les affreux auraient reçu ce qu’il méritent, et où le fonctionnement est démocratique et populaire, alors effectivement oui, on ne peux plus compter sur la prise de conscience originelle seule, et il faut pérenniser la capacité de lutte et de résistance en formant et entretenant un esprit critique indépendamment des circonstances de crise qui l’on vu naître.

Le programme, les méthodes et les garde-fous, à mon avis, seront largement fonction des formes de la prise de conscience et du changement de forme du pouvoir résultant, qui définiront une vision des choses globales, fixant justement les limites éthiques et légales dans lesquelles s’inscrira la réforme du système éducatif. Par exemple, si le changement est à caractère révolutionnaire, dans la lancée le système éducatif sera probablement lui aussi empreint de valeurs fortes, d’une certaine forme de puissance de volonté cherchant à couper avec le passé, tandis que si la transition est progressive et se fait globalement en respect des règles, il est plus probable que le système éducatif se fasse plus respectueux des libertés individuelles.

Si le changement se fait à l’échelle européenne, il y a fort à parier que le système éducatif suivra aussi, se faisant plus ouvert sur l’Europe dès le jeune âge, et mettant plus en valeur la coopération internationale et l’entente des peuples, tandis que s’il se fait nationalement, subissant des embargos étrangers et des pressions extérieures, il mettra l’importance sur la force de la Nation. Si le changement vient du peuple, l’éducation sera probablement gérée à un niveau plus locale, tandis que si c’est une minorité agissante qui en est la cause, on peut s’attendre à un certain jacobinisme. En tout cas, je vois ça comme ça. Poser a priori ce qui est préférable me paraît un peu spéculatif, ce qui n’empêche pas de mener une réflexion, mais le nombre d’inconnus me semble un peu élevé.

Pour bien identifier l’ennemi, il y a un seul critère, qui est aussi le mécanisme à l’origine de tous nos problèmes.

C’est la ‹ cause des causes ›, celle que notre ami Étienne si longtemps cherché.

Cette cause des cause, c’est le conflit d’intérêt.

Hippocrate :« Pour traiter un patient souffrant d’une multitude de maladies, il vaut mieux s’attaquer à la cause des causes plutôt que de traiter séparément chacun des symptômes. »

Les mauvaises constitutions, les institutions défaillantes, le pouvoir financier contrôlant le pouvoir politique, les découvertes médicales enterrées pour éviter d’augmenter l’espérance de vie, l’OTAN orchestrant des guerres au bénéfice de l’industrie américaine…

La liste est sans fin, sa cause toujours la même : des conflits d’intérêt au plus haut niveau.

Mettre en lumière les conflits d’intérêt, et amener toutes les organisations à les révéler, à les contrôler, et parfois à les interdire, voilà une ligne d’action qui à elle seule peut changer beaucoup de choses.

La Démocratie dont nous rêvons tous n’a pas de plus grande adversité à affronter.

Dans le but d'une capacité de résistance à l'adversité accrue, est-il ou non opportun de constitutionnaliser un jeu de principes éducatifs et, si oui, lesquels ?
Je propose :
1. Le rôle de l'école est d'aider individuellement chaque élève à découvrir comment découvrir la vérité. 2. Le rôle de l'école n'est pas d'inculquer un corpus prédéfini de vérités pré-machées. 3. L'école doit mettre en pratique ce qu'elle enseigne.
De tous temps, [i]indépendamment de ce qui y est enseigné[/i], l'école a pour fonction et est [i]structurellement[/i] conçue pour inculquer la soumission à l'autorité, le conformisme, l'apathie, la disponibilité à toutes les formes de propagande.

Et par ailleurs tout ce qui est dit sur le pouvoir médiatique peut être appliqué à l’école.

A mon sens, ces notions sont certes bien intentionnées, mais très vagues, et concrètement on ne voit pas trop quelle forme devra prendre l’enseignement. Car en même temps qu’il faut être intransigeant sur la totale neutralité idéologique de l’école, il est absolument capitale que des notions fondamentales de qualité soient inculquées: mathématiques, géométrie, langues, technologie, tandis qu’il faut développer l’esprit critique en histoire, en géographie et en philosophie, et la sensibilité dans les arts. Mais ça, c’est pour un niveau collège, lycée et ultérieur, il me semble qu’avant cet âge on ne peut pas trop se permettre de jouer la déconstruction, puisque l’esprit est encore en pleine construction.

Comment alors aider à structurer un jeune esprit en construction sans passer par des référents idéologiques, et même, si possible, en diminuant les biais culturels? A mon sens, une bonne solution pourrait être l’apprentissage de plusieurs langues (vivantes comme mortes) en même temps. Chaque langue est intrinsèquement liée à une culture, voire même à un certain weltanshauung. Ainsi apprendre plusieurs langues dès l’enfance, c’est être exposé à des cultures diverses, aux valeurs et aux concepts différents. Mettons, par exemple, en plus du français, l’anglais, l’arabe, le mandarin, ainsi que le latin et le grec ancien. Ca fait beaucoup, certes, mais ce qui peut sembler quasiment insurmontable pour un adulte ne présente parfois pas la moindre difficulté pour un enfant, et l’ouverture sur le monde, aussi bien culturellement et géographiquement qu’historiquement est absolument immense.

Mais ça c’est pour la construction du langage et de la pensée. Mais c’est insuffisant. Il convient qu’un enfant, dès le plus jeune âge, intègre des notions morales essentielles à la vie en société. Il faut qu’il découvre le partage, mais aussi, du coup, l’exclusion, le bonheur mais aussi la douleur, le conflit puis la réconciliation. C’est peut-être un peu radical, mais il serait peut-être bon que chaque enfant passe un jour par une période de test. Lui faire subir une sorte d’expérience de Milgram, mais où il serait tour à tour bourreau, observateur capable d’intervenir et victime, plusieurs fois. C’est cruel, mais ça marquerait très profondément en lui un certain nombre d’idées morales, et particulièrement la compassion: la souffrance de sa victime serait profondément reliée à sa propre souffrance à lui, et il répugnera à se faire bourreau.

Observateur, il cherchera à intervenir pour faire cesser la tourmente de son camarade. On fera en sorte que l’enfant découvre que l’action de l’observateur peut améliorer son sort, alors que son indifférence prolonge sa souffrance. Au besoin, on truquera volontairement l’expérience pour que chaque enfant soit secouru un jour, qu’il éprouve le soulagement que procure l’entraide. Mais hélas je crains qu’on découvre aussi un poignée d’enfants inconditionnellement indifférents à la souffrance des autres, voire appréciant de les faire souffrir, soit par vengeance (il a détesté la souffrance, et veut que tous les autres souffrent comme il a souffert), soit par amour de la souffrance (même pour lui-même). Ceux-là risquent de nous faire nous poser de très sérieuses questions. Pour tous les autres, on aura appris à détester la souffrance pour soi-même comme pour les autres, et les vertus de l’entraide, déclenchée par la sympathie (au sens premier du terme).

Je conçois que ce genre de traitement à un enfant puisse être considéré scandaleux, mais à mon sens il est plus scandaleux encore que des adultes égoïstes, qui ont été des enfants sans compassion, puissent arriver à des postes à responsabilité. Cependant, cette partie « hardcore » n’est qu’une suggestion pour frotter les enfants aux pires cotés de l’homme comme aux meilleurs, et à réaliser que le uns ne mènent qu’à la souffrance, et les autres permettent de la lever. Par ailleurs, il y aurait des jeux plus classiques, mais dans lesquels il faudrait toujours intégrer un aspect « social », mettant le partage, la réciprocité, la bienveillance, la tolérance au coeur de la réussite de l’enfant, non pas par des notes et des classement, mais par des rires ou des pleurs.

Une démocratie ne peut pas fonctionner si les citoyens n’ont pas un très haut niveau d’éducation, un très haut niveau de conscience et surtout du temps libre pour pouvoir s’occuper de politique et réfléchir à leur propre condition en plus de l’intérêt général.

A mon sens, ces notions sont certes bien intentionnées, mais très vagues, et concrètement on ne voit pas trop quelle forme devra prendre l'enseignement.
Je vous remercie, non pas tant pour ce compliment (puisque la suite montre que votre point de vue est radicalement opposé à ces notions "bien intentionnées") mais plutôt parce que votre réflexion (très intéressante et utile par ailleurs) me donne l'occasion de continuer à m'exprimer.

Tout d’abord BaSan, conformément au sujet de ce forum, s’interrogeait sur des principes constitutionnels. Il me semble que, concernant un sujet certes important, voire capital, par son impact, mais ne relevant finalement que d’un sous-ensemble d’un sous-ensemble de l’État, la constitution ne devrait pas y consacrer plus de quelques phrases (moins d’une demi-douzaine ?) et se limiter à quelques critères permettant d’apprécier si une mise en œuvre particulière (comme celle que vous proposez) est acceptable ou non.

Pour passer à votre réflexion, qui à mon sens procède plus de celle que pourrait avoir un professeur, un directeur des écoles, voire un ministre à partir de règles constitutionnelles que vous n’avez pas précisées voire évoquées, elle me semble, comme je l’ai dit, en totale opposition avec les principes que j’ai proposés (ce qui n’est pas gênant : nous sommes ici pour confronter nos idées). Il serait donc utile de creuser quelles règles constitutionnelles pourraient lui être sous-jacente.

Pour moi une école où on « éduque la jeunesse à une certaine capacité de résistance » comme dit BaSan doit 1) aider ses élèves à acquérir des techniques d’autodéfense intellectuelle, 2) être un lieu de pratique permanente de la démocratie (celle ci ne s’apprend pas dans des cours d’éducation civique, quelle que soit leur forme, même celle de jeux de rôle).

Je ne souhaite pas entrer dans une polémique sur la pédagogie, qui comme je l’ai dit serait hors sujet de ce forum, mais voici tout de même deux réactions à chaud sur votre réflexion :

En ce qui concerne le « programme », il est parfaitement clair pour moi que ce dont on a besoin pour acquérir un niveau élevé de compétence dans les matières traditionnelles que vous évoquez n’est pas d’un enseignement (ou d’une amélioration de l’enseignement) mais 1) de temps, 2) de l’accès libre aux connaissances et 3) accessoirement d’un soutien. Les statistiques, comme je l’ai évoqué il y a quelques jours dans un autre fil sont formelles : il n’y a quasiment pas de corrélation entre l’illettrisme et le niveau des dépenses d’éducation.

En ce qui concerne les techniques pédagogiques, je suis plus que sceptique sur le fait de manipuler les élèves pour tenter d’en faire des citoyens non manipulables. Il y a manifestement contradiction absolue entre le but à court terme et le but à long terme. On ne peut pas espérer qu’un élève parfaitement manipulable (= réceptif à la pédagogie) la veille du bac devienne parfaitement immunisé contre la manipulation (= capable et désireux de mettre en œuvre ce qu’on lui a inculqué d’autre que la soumission) le lendemain. D’ailleurs il n’y a qu’à regarder autour de nous. Je le répète, l’école produit structurellement la soumission à l’autorité, le conformisme, l’apathie, la disponibilité à toutes les formes de propagande. Les élèves en échec sont ceux qui n’atteignent pas ces objectifs.

Personnellement, je ne vois pas grand intérêt à inscrire dans une constitution des notions aussi vagues. A mon sens, un des défauts terribles du système actuel est justement l’interprétabilité des textes. Je crois que le droit, et a fortiori le droit du droit, doit être absolument sans équivoque, et que les principes généraux n’y ont pas leur place, en tout cas ils n’ont aucune valeur juridique et ne valent guère plus qu’une déclaration d’intention, et concrètement ne fournissent aucun cadre ni aucune limite réels. Il suffit de voir toutes les guerres d’agression que l’on fait au nom des Droits de l’Homme.

Il faut faire du droit une science dure et méthodique, une sorte de langage de programmation, c’est par ce moyen seul que l’on évite les errances. Ainsi, cher Lanredec, malgré tout le respect que j’ai pour vous, je n’aimerais aucunement voir figurer votre proposition en trois points dans une Constitution. Par contre, quelque chose de ce genre pourrait m’aller (mais ce n’est qu’un exemple du niveau de formalisme requis pour un article constitutionnel):
« Afin de garantir un haut niveau d’instruction, et de fournir à la jeunesse les armes intellectuelles pour lutter contre toute forme d’oppression, la Nation/le Peuple institue une école publique et obligatoire; structurée, financée et programmée par les voies démocratiques usuelles telles qu’instituées ci-avant dans la présente Constitution »

Par ailleurs, mais j’ignore si votre message précédent est une réponse au mien, je ne fait pas mention ni de dépenses d’éducation, ni de baccalauréat. A titre personnel, j’estime qu’il est important qu’il y ait effectivement des examens dans les sciences dures (mathématique, géométrie, physique, chimie, technologie), pour y apprendre qu’il existe une vérité qui n’est pas au choix de chacun, mais au contraire favoriser dans les sciences humaines le débat, le questionnement. Dans les langues, c’est la communication qui prime, l’accent sur la formalisation de la pensée, le maniement des concepts, qui forme une introduction naturelle à la philosophie. Dans les arts, le développement de la sensibilité, l’écoute de soi, la découverte sensorielle du monde et des hommes est ce qui me semble à rechercher. Et enfin, peut-être à l’effarement général, il ne serait pas inutile d’introduire à la spiritualité, qui touche à la fois un peu à sensibilité et à la philosophie, éventuellement en levant le tabou actuel sur le mysticisme, le spiritisme, le chamanisme.

Mais je le répète: pour remettre en cause, il faut déjà concevoir, être capable de s’exprimer et de comprendre, savoir reconnaître ce qui est vrai (au sens logique) de ce qui est faux. Il y a tout un ensemble de notions de base, pas à la base de la société, mais à la base de la formation d’une cognition humaine efficace, qu’il faut inculquer à l’enfant. Il n’y a pas son mot à dire, car il n’est même pas encore capable de concevoir de quoi il en retourne. Mais là on parle justement de la cognition, et son développement n’est pas le seul objectif, à mon sens, de l’école. Elle doit aussi aider à former le fond moral, quelque chose qui vient bien plus jeune, et qui est « programmé » bien plus profond.

Ce que je décris dans les trois derniers paragraphes de mon post n° 21074 vise justement à aider à faire se former les sentiments « instinctifs » de souffrance et de plaisir, de compassion, d’injustice, d’entraide, etc… Je dis instinctifs, car on les observe chez les primates, et même chez d’autres animaux. Je pense qu’ils se forment lorsque l’on se « frotte » à ses semblables, et que notamment chez l’homme, leur développement peu être influencé dans une certaine mesure. Il s’agit donc de s’assurer qu’aucun enfant n’associe la souffrance des autres à du plaisir personnel, mais au contraire éprouve de la souffrance lorsque d’autres souffrent, comprenne l’injustice, que ce soit lui qui la subisse ou un autre (et en particulier lorsqu’il est le privilégié), éprouve de la satisfaction après avoir fourni de l’aide à d’autres, etc…

On pourrait dire qu’il s’agit d’une tentative d’éradiquer le mal à la racine en associant les comportement égoïstes, injustes, voire malveillants à la souffrance personnelle, et les comportements altruistes ou désintéressés à de la satisfaction personnelle. Voilà les « manipulations » dont je parle, qui ont lieu avant même l’exposition à tout contenu conceptuel ou d’opinion. Mais j’admets que ça puisse être choquant.

Par contre, quelque chose de ce genre pourrait m'aller (mais ce n'est qu'un exemple du niveau de formalisme requis pour un article constitutionnel): "Afin de garantir un haut niveau d'instruction, et de fournir à la jeunesse les armes intellectuelles pour lutter contre toute forme d'oppression, la Nation/le Peuple institue une école publique et obligatoire; structurée, financée et programmée par les voies démocratiques usuelles telles qu'instituées ci-avant dans la présente Constitution"
Il me semble que, inséré dans la constitution actuelle, vous institueriez par là à peu près ce qui existe déjà et dont on peut voir tous les jours qu'il échoue à atteindre ces buts. Quand je dis à peu près, j'ai bien remarqué le monopole étatique, que je ne trouve pas une solution acceptable, exactement pour les mêmes raisons que pour le pouvoir médiatique dont, pour moi, l'école n'est qu'un élément.

Dans le cadre d’une constitution réellement démocratique cette formulation veut donc seulement dire que les principes « institués ci-avant » suffiraient pour apporter « une capacité de résistance à l’adversité accrue ». Et donc que cet article est vide.

La déclaration d’intention en tête devrait au minimum être transformée en mission donnée à l’institution (permettant de justifier la révocation des responsables échouant à la mener à bien). Je suis ici votre point de vue sur le droit du droit : cet article ne doit pas être une base pour discuter des mérites du responsable mais une base pour qu’un citoyen puisse porter plainte et qu’un juge puisse conclure sur l’existence d’une faute.

Donner deux buts à une institution est prendre le risque de la voir arbitrer en faveur de la moins importante, or il me semble que la première n’est qu’un moyen alors que la seconde est une fin. J’omettrais donc la première.

Cet article dit qu’on institue une école publique et obligatoire, qu’elle est financée, structurée et que le programme est défini (peut-être que « programmée » n’était pas assez clair) par les voies démocratiques en vigueur. Il est donc loin d’être vide. Il n’est pas question de monopole étatique: le financement, la structuration et la définition des programmes sont décidés par la suite, par les mécanismes de la démocratie. C’est pour ça que je dis qu’il est important de faire du langage légale une science dure, logique, rigoureux, méthodique, et lire les choses telles qu’elles sont écrites, sans rien retirer, ajouter ou s’imaginer. Ce point est capital. Toutes les questions doivent être posées au moment de la rédaction de la loi, et toute forme d’interprétation doit être bannie une fois la loi adoptée. Le droit devrait être un langage de programmation, tout simplement.

[code]Constitution: jj/mm/aaaa
Article: école
{

Déclaration: « Le joug passé entretenant un souvenir douloureux dans notre mémoire collective,
l’institution d’une école qui préparerait les jeunes esprits à la vie en société semble nécessaire. »

Institution de: école
{

Déclaration: « Institution dont le but est d’alphabétiser, de transmettre des connaissances,
de favoriser le développement des facultés de chacun, de donner des armes intellectuelles
contre l’oppression ou pour la mise à jour des tromperies, et de porter les valeurs morales
d’entraide, de partage et d’altruisme; elle s’adresse principalement aux enfants. »
caractère: public
établissement démocratique de: budget, structure, programme
loi référence: ecole-1
}

Définition de: programme
{

Déclaration: « Ensemble des méthodes permettant la formation et l’enseignement et de contenus enseignés. »
}

}[/code]
En décodé, ça veut dire que la Constitution contiendrait une article sur l’école, qui institue l’école, qu’on définit comme à caractère public (la définition de public serait donnée dans un autre article de la constitution, qui attribut à chaque caractère une approche différente), dont le budget et la structure (ces deux notions ayant été définies par un autre article de la constitution), ainsi que le programme (pour l’instant réduit à une déclaration sans valeur légale, mais auquel on peut en conférer une) sont établis démocratiquement (cette notion est définie dans un autre article de la constitution, on peut d’ailleurs imaginer plusieurs manières d’établir démocratiquement quelque chose, il faudrait alors enrichir l’article école pour préciser laquelle). En l’occurrence, on décide aussi qu’elle est réglementée par une loi référence (notion définie ailleurs dans la constitution), qu’on appelle ecole-1. Les déclarations n’ont pas valeur légale, mais elles servent au moment de l’établissement de la constitution ou des lois à se rappeler les buts qu’on se donne.

J’ai conscience que c’est lourd et rébarbatif, mais c’est le seul moyen d’éviter les quiproquos, ou pire encore: les interprétations. Mais l’avantage serait une grande clarté, un accès facile (si tout le droit était mis en ligne, un simple double-clic sur le nom d’une notion ouvrirait immédiatement l’article ou la loi qui la concerne, ou les autres textes qui la mentionnent), et aussi les « vides juridiques » (une notion qui n’est pas ou insuffisamment définie, etc) seraient faciles à débusquer. Au moment d’établir une loi ou un texte à valeur légale, un « script » permettrait de vérifier qu’il n’y en a pas une déjà existante, afin qu’il n’y ait ni contradiction ni redondance. Ainsi, contrairement à l’état actuel des choses, on ne ferait pas des amendements sur des lois amendant des lois établies 30 ans auparavant, mais au contraire le droit serait un corpus unique, non-daté (toutes les anciennes versions seraient archivés, bien sûr, mais les archives ne seraient pas « connectées » au droit actuel et en vigueur), en temps réel pour ainsi dire.

Mais je m’égare par rapport au sujet. Il faut dire que vous m’y avez un peu poussé, Lanredec, en montrant l’imprécision et l’interprétabilité des phrases « humaines ».

La conscience politique, de même que la spiritualité, le sens artistique, les exigences de la logique, ou l’intelligence de main ne sont pas données à tout le monde. Il faut reconnaître l’inégalité des facultés humaines, qui est une donnée factuelle. Le sens de l’école est de pousser chacun au développement maximal de ses capacités naturelles, c’est du moins mon opinion. La conscience politique n’est pas une sorte de Graal de l’intelligence auquel il faut sacrifier les talents de tous ceux qu’une assistance dans milles autres domaines aiderait significativement dans la vie. Et je met encore en exergue l’importance du contenu moral d’une bonne éducation, sans laquelle on ne saurait vraiment espérer voire fonctionner correctement une démocratie.

Quelle différence faites vous entre une école publique obligatoire et une école publique disposant d’un monopole ? La possibilité de passer ses vacances dans une école privée/communale ?

Vous vous attachez aux mots. En plus, à quelques mots, donnés à titre d’exemple, qui ne sont absolument pas au centre de mon discours. Dans une discussion, c’est concevable, mais en droit, dans l’optique où je suis, on s’en fout. Je fais référence à des « notions », qui sont des mots de notre langue par commodité mais qu’on pourrait aussi bien référencer par une suite arbitraire de caractères. Ces notions ont ensuite à être définie dans la constitution ou dans la loi. On peut définir « école publique et obligatoire » comme un monopole, mais on peut aussi dire que c’est un groupement d’institutions d’enseignement et de formation publiques (nationales, régionales, départementales, communales) ou privées, encadrées par des lois votés démocratiquement à différents échelons. L’encadrement est alors public, et c’est la scolarisation qui est obligatoire, alors que l’ensemble des institutions forme l’école au sens large (tout comme « église » définit à la fois une communauté de chrétiens, le lieu où ils se réunissent pour célébrer la messe, et l’ensemble des communautés considéré comme un tout). L’important c’est la définition exacte qu’on prend, se braquer sur des mots est sans intérêt, a fortiori quand ils sont tout à fait accessoires par rapport au fond du discours.

Certes. Disons alors que je suis entièrement d’accord avec votre discours mais que je me réserve la possibilité de donner le sens que je veux aux mots employés. :wink:

Ce qui est équivalent à dire que je préfère le discours opposé au vôtre mais qu’il est possible qu’en fonction du sens des mots que nous employons l’un ou l’autre, le fond de nos deux discours soit le même ou l’opposé, voire orthogonal.

Si « public » est susceptible d’inclure « privé », ce que je veux bien accepter (mais d’autres sauteront au plafond), nous ne nous trouvons effectivement plus dans le cadre d’un monopole d’État mais bien toujours dans le cadre d’un monopole radical (au sens d’Ivan Illich).

La discussion étant partie sur l’éducation, je poursuis.
Je fonde mon point de vue sue ce que je comprend de la démocratie.
L’instruction publique est une branche de l’exécutif, non ?
Un prof peut être considéré comme un mandaté du peuple , non ?
En démocratie le peuple nomme et revoque ses mandatés, non ?

Alors je vois la chose comme ça ;
Au niveau communal l’assemblée adopte des résolutions sur l’instruction et nomme des magistrats pour les appliquer.
A tous les niveaux de la fédération idem, une commune ne pouvant se payer le luxe d’un observatoire astronomique sophistiqué.
Mais le principe étant que les missions de l’instruction publique soient définies par la subsidiarité , et les fonctionnaires chargés de ces missions soient considérés , au même titre que tous les fonctionnaires, comme ayant à répondre au peuple de l’exercice de leur mandat.

La question de savoir si l’instruction publique doit avoir le monopole de l’instruction, ben ça me paraît abusif .

Merci de ce recadrage. J’étais effectivement parti sur des pinaillages. Pour revenir à mon premier message, la question ne me semble pas tant de savoir « si l’instruction publique doit avoir le monopole de l’instruction » mais plutôt de comprendre que l’instruction, en tant qu’institution universelle ayant pour mission d’inculquer des vérités indiscutables, fait partie du problème et non de la solution, et ceci qu’elle soit publique, privée, décentralisée, concurrentielle, administrée démocratiquement ou pas.

Alors, d’accord avec la phrase « l’assemblée adopte des résolutions sur l’instruction » si elle veut dire « l’assemblée adopte des résolutions sur l’environnement permettant à chacun de s’instruire ».

Si aucune institution n’est mise en place, les pauvres auront leur enfants chez eux, où il recevront assez peu d’instruction, et les riches mettront en place des écoles d’excellence où ils pourront reproduire indéfiniment le schéma actuel, voire même l’aggraver. Parce que l’instruction/l’éducation (la distinction reste à établir) des adultes est tout à fait secondaire. C’est celle des enfants qui est préoccupante. Un enfant apprend ses premiers mots dans sa famille, mais par la suite l’école permet de gommer un peu les différences sociales, de réduire un peu les inégalités. La volonté de s’instruire ne peut venir qu’à un âge déjà assez « avancé » (dans le cycle de développement des facultés du cerveau).

« S’instruire », verbe réfléchi, ne concerne que les adolescents et les adultes, parce qu’eux seuls peuvent avoir une vision et un conception responsable de leur propre formation. Un enfant n’est pas suffisamment responsable pour se donner lui-même un parcours ou un programme de formation. L’homme étant un animal social, quand bien même il semblerait que rien ne lui est imposé, il apprendrait du milieu social dans lequel il est plongé, et ça façonnerait significativement ses schémas de pensée pour le reste de son existence. L’enfant ne s’instruit pas, il est instruit par ce qui est proposé à son cerveau pendant son développement. C’est cette instruction dans l’enfance qui va grandement déterminer les capacités et facultés de l’adulte à s’instruire (verbe réfléchi).

C’est donc là le point central de la réflexion, c’est là qu’on décidera si l’on choisi la liberté en la matière qui implique la reproduction des inégalités culturelles et sociales, ou une certaine forme d’égalité par une école aveugle au milieu d’origine, mais poussant chaque enfant au développement de ses facultés (j’admets que ce n’est pas l’idéal de l’école actuelle). De toute manière, il y a des « vérités indiscutables »: 1+1=2, « Socrate est mortel, or Socrate est un homme, donc tous les hommes sont mortels » est faux sur le plan logique, quand on conjugue le verbe être on écrit « il est » pas « il ét », par définition une cellule est constitué d’une membrane et d’un milieu intérieur, le kilomètre est une mesure de longueur, etc… Si un système a pour résultat de former des gens qui n’ont aucune certitude que 1+1=2, qui écrivent indifféremment « il est » ou « il ét », qui ne perçoivent pas que le syllogisme précédent est fallacieux, pour qui une cellule peut avoir ou ne pas avoir du membrane délimitant un milieu intérieur, et qui pèsent en kilomètres, ah certes il ne va plus y avoir de propagande possible, mais il n’y aura plus de vie en société possible non plus; et quand à s’instruire par soi-même…

Et quant à l’orthographe on n’écrit pas « quand à ». :wink:

Mes trois filles ont fait leur primaire dans une école Freinet où dès le CP c’étaient les enfants qui avaient l’initiative de ce qu’ils travaillaient et quand, et même dans une certaine mesure du fait qu’ils travaillent, mais où la bibliothèque était aussi grande que la totalité des salles de classe, où les instituteurs et les autres adultes étaient simplement mais réellement disponibles et où le règlement intérieur et la résolution des problèmes de fonctionnement était le résultat fluide d’une discussion hebdomadaire de tous où la voix d’un adulte avait autant de poids que la voix d’un enfant dans les votes. Elles ont plus tard fait des études supérieures tout à fait acceptables, pour le moins, merci pour elles, même si l’esprit critique qu’elles ont acquis à l’école primaire n’a pas facilité leur scolarité. Et l’impression que me donnent leurs camarades de l’époque dont j’ai encore des nouvelles c’est que la proportion de ceux qui font ce qui leur plait dans leur vie est plutôt largement supérieure à la moyenne, tout comme la proportion de ceux qui ne moutonnent pas, même si l’école secondaire a réussi à casser certains d’entre eux.