Gotfried,
C'est moi qui ai surligné un passage de votre commentaire, parce que je le trouvais important. Je fais ça souvent, sur le blog : ça aide à (re)lire en diagonale les fils très longs, je trouve ; et c'est aussi une manière de rester avec vous visiblement. Mais tout ça est discutable, sans doute. C'est improvisé ; je fais comme chez moi ; je ne devrais pas, peut-être ; vous me faites réfléchir.
Vous pouvez retirer cette mise en forme si vous voulez, bien sûr. J'ai compris qu'il ne faut plus faire ça avec vos messages ;)
Amicalement.
Étienne.
Ca me rassure! J'étais juste un peu étonné, car mon message n'était pas signalé comme modifié. Si j'avais lu au coin à droite "modifié par Etienne à xx:xx:xx", je ne me serais pas inquiété. Le formatage ne me dérange pas, s'il vous arrange vous. Disons juste que j'aurais apprécié que la modification ait été signalée.
@Lanredec
Votre texte de Tom Paine rejoins mon opinion sur le sujet. A mon sens, ce que la Révolution, si elle avait vraiment eu le moindre but social, aurait du faire, au lieu de faire démanteler les propriétés de l’Eglise pour les mettre à l’encan afin que les bourgeois, ces barbares, se l’approprient, elle aurait du préserver le « cadastre », mais supprimer l’abusus sur toute propriété foncière, garantir la destination universelle des fruits de la terre, et ne laisser finalement aux propriétaires que le droit d’usus intouché, et seulement une partie du droit de fructus (passé une certaine valeur de bien). C’est à dire laisser les propriétaires en place, mais les forcer à travailler pour le bien commun.
Ca devient plus compliqué avec les moyens de production non-agricoles, car contrairement à la terre qui est éternelle (par rapport à nous) et se transmet en héritage d’une génération humaine à l’autre, les machines, les usines, les outils sont des créations artificielles dont l’initiative revient à certaines personnes en particulier, sans qui ils n’auraient pas existé. Il serait donc injuste que le fruit de l’initiative de certains revienne à tous. Mais bon, déjà s’occuper des injustices quand à la répartition des fruits de la terre, c’est un gros morceau.
Je vous enjoins à creuser la doctrine sociale de l’Eglise, résumée dans son ]compendium, qui bien que n’étant pas strictement une philosophie, propose des concepts et des principes intéressants. Dans le domaine de la propriété, elle affirme la destination universelle des biens, par exemple. Pot-pourri:
171. [...] Dieu a destiné la terre et tout ce qu'elle contient à l'usage de tous les hommes et de tous les peuples, en sorte que les biens de la création doivent équitablement affluer entre les mains de tous, selon la règle de la justice, inséparable de la charité. [...] Dieu a donné la terre à tout le genre humain pour qu'elle fasse vivre tous ses membres, sans exclure ni privilégier personne. [...]
174 Le principe de la destination universelle des biens invite à cultiver une vision de l'économie inspirée des valeurs morales qui permettent de ne jamais perdre de vue ni l'origine, ni la finalité de ces biens, de façon à réaliser un monde juste et solidaire, où la formation de la richesse puisse revêtir une fonction positive. [...]
175 La destination universelle des biens comporte un effort commun visant à obtenir pour chaque personne et pour tous les peuples les conditions nécessaires au développement intégral, de sorte que tous puissent contribuer à la promotion d'un monde plus humain, « où chacun puisse donner et recevoir, et où le progrès des uns ne sera pas un obstacle au développement des autres, ni un prétexte à leur asservissement » [...]
177 La tradition chrétienne n'a jamais reconnu le droit à la propriété privée comme absolu ni intouchable: « Au contraire, elle l'a toujours entendu dans le contexte plus vaste du droit commun de tous à utiliser les biens de la création entière: le droit à la propriété privée est subordonné à celui de l'usage commun, à la destination universelle des biens » [...]
179 En mettant à la disposition de la société des biens nouveaux, tout à fait inconnus jusqu'à une époque récente, la phase historique actuelle impose une relecture du principe de la destination universelle des biens de la terre, en en rendant nécessaire une extension qui comprenne aussi les fruits du récent progrès économique et technologique. La propriété des nouveaux biens, issus de la connaissance, de la technique et du savoir, devient toujours plus décisive, car « la richesse des pays industrialisés se fonde bien plus sur ce type de propriété que sur celui des ressources naturelles » [...]
181 Une série d'avantages objectifs dérive de la propriété pour le sujet propriétaire, qu'il s'agisse d'un individu ou d'une communauté: conditions de vie meilleure, sécurité pour l'avenir, plus vastes opportunités de choix. Par ailleurs, une série de promesses illusoires et tentatrices peut aussi provenir de la propriété. L'homme ou la société qui arrivent au point de lui attribuer un rôle absolu finissent par faire l'expérience de l'esclavage le plus radical. [...]
Bref, la doctrine sociale de l'Eglise a un caractère essentiellement humaniste, et actuellement assez anti-capitaliste, en tout cas anti-libéral. Elle a été "inaugurée" en 1891 avec la lettre encyclique Rerum Novarum, du Pape Léon XIII. On peut vraiment se demander si les attaques perpétuelles contre l'Eglise, pas seulement en tant qu'institution humaine faillible, mais surtout en tant qu'autorité morale, n'ont pas quelque chose à voir avec son incursion sur les questions économiques et sociales.
Edit: j’étais en train de parcourir le compendium de la doctrine sociale de l’Eglise, lorsque je tombe sur ceci (le surlignage est de moi, mais pour le coup, je trouve, correspond bien):
189 La conséquence caractéristique de la subsidiarité est la participation, qui s'exprime, essentiellement, en une série d'activités à travers lesquelles le citoyen, comme individu ou en association avec d'autres, directement ou au moyen de ses représentants, contribue à la vie culturelle, économique, sociale et politique de la communauté civile à laquelle il appartient. La participation est un devoir que tous doivent consciemment exercer, d'une manière responsable et en vue du bien commun.
Elle ne peut pas être délimitée ou restreinte à quelques contenus particuliers de la vie sociale, étant donné son importance pour la croissance, humaine avant tout, dans des domaines tels que le monde du travail et les activités économiques dans leurs dynamiques internes, l’information et la culture et, à un degré maximum, la vie sociale et politique jusqu’aux plus hauts niveaux comme ceux dont dépend la collaboration de tous les peuples pour l’édification d’une communauté internationale solidaire. [bgcolor=#FFFF99]Dans cette perspective, devient incontournable l’exigence de favoriser la participation, surtout des plus défavorisés, et l’alternance des dirigeants politiques, afin d’éviter l’instauration de privilèges occultes; en outre, une forte tension morale est nécessaire, pour que la gestion de la vie publique soit le fruit de la coresponsabilité de chacun vis-à-vis du bien commun.[/bgcolor]
b) Participation et démocratie
190 La participation à la vie communautaire n’est pas seulement une des plus grandes aspirations du citoyen, appelé à exercer librement et de façon responsable son rôle civique avec et pour les autres, mais c’est aussi un des piliers de toutes les institutions démocratiques, ainsi qu’une des meilleures garanties de durée de la démocratie. De fait, le gouvernement démocratique est défini à partir de l’attribution, par le peuple, de pouvoirs et de fonctions, qui sont exercés en son nom, pour son compte et en sa faveur; il est donc évident que toute démocratie doit être participative. Cela comporte que les sujets de la communauté civile, à tous ses niveaux, soient informés, écoutés et impliqués dans l’exercice des fonctions qu’elle remplit.
191 La participation peut être obtenue dans toutes les relations possibles entre le citoyen et les institutions: à cette fin, une attention particulière doit être accordée aux contextes historiques et sociaux dans lesquels elle devrait se réaliser. Le dépassement des obstacles culturels, juridiques et sociaux, qui s’interposent souvent comme de véritables barrières dressées contre la participation solidaire des citoyens au sort de leur communauté, requiert une œuvre d’information et d’éducation.[bgcolor=#FFFF99] En ce sens, tous les comportements qui incitent le citoyen à des formes de participation insuffisantes ou incorrectes et à la désaffection répandue pour tout ce qui concerne la sphère de la vie sociale et politique doivent être considérés avec une certaine inquiétude[/bgcolor]: que l’on pense, par exemple, aux tentatives des citoyens de « négocier » les conditions les plus avantageuses pour eux-mêmes avec les institutions, comme si celles-ci étaient au service des besoins égoïstes, [bgcolor=#FFFF99]et à la pratique de se limiter à l’expression d’un choix électoral, allant même, dans de nombreux cas, jusqu’à s’en abstenir.[/bgcolor]
Pour ce qui est de la participation, une autre source de préoccupation provient des pays à régime totalitaire ou dictatorial, où le droit fondamental de participer à la vie publique est nié à la racine, car considéré comme une menace pour l’État lui-même; des pays où ce droit n’est énoncé que formellement, mais ne peut pas s’exercer concrètement; ou d’autres pays encore où l’éléphantiasis de l’appareil bureaucratique nie de fait au citoyen la possibilité de se proposer comme un véritable acteur de la vie sociale et politique.
On est donc en train de lire, là, en plein milieu du compendium, une dénonciation de la pseudo-démocratie actuelle, qui « se limite à l’expression d’un choix électoral », et l’affirmation d’une nécessité de participation des citoyens, de co-responsabilité dans la recherche du bien commun, et du principe d’alternance des dirigeants. Autant dire que le doctrine sociale de l’Eglise est entièrement ouverte à une démocratie fondée sur les charges courtes, le contrôle des mandats et la redditions des comptes, le tirage au sort, et le vote direct des lois par les citoyens sans se limiter à aucun domaine.