Même si je suis pour introduire dans la constitution un principe général du droit des citoyens à disposer d’armes, je ne suis pas exactement sur la ligne de Loup Espiègle. A mon sens, on a pas à donner un motif légitimant la détention d’arme. J’estime qu’on a le droit d’avoir une arme (à la réserve de n’en être pas personnellement et explicitement interdit, mais là dessus j’ai une vision des choses un peu particulière, allez voir le sujet que j’ai ouvert sur le bannissement réactualisé), point. Donne-t-on une raison au droit d’opter pour la religion de son choix ou d’exprimer librement son opinion? Non, c’est un droit. C’est le retirer ou le restreindre qui nécessite une justification, et elle a intérêt à être solide. Peu importe que ce soit pour la protection, la chasse, le loisir, la collection, ou simplement « au cas où » (« SHTF situations », comme ils disent aux US) ça ne regarde pas l’état.
Par contre, j’estime que pour le port, il n’y a pas à en faire un droit constitutionnel. Disons que le rendre possible autrement qu’exceptionnellement est suffisant, à mon sens. La possession, le port, l’utilisation sont des choses différentes, les amalgamer en droit est une manoeuvre perverse. Constater le droit de posséder une arme n’est pas donner le droit de s’en servir à tout et n’importe quoi. Un permis de conduire valide vaut reconnaissance du droit d’un individu à conduire une voiture, mais pas à n’importe quelle vitesse, pas n’importe où, et pas dans n’importe quel état. Mais permis de conduire ou pas, l’achat et la possession de voiture est tout à fait légal, et il est même autorisé de rouler avec sur une propriété privée si on a la permission du propriétaire (c’est seulement le droit à prendre la route qui est refusé). On ne suppose pas que celui qui achète une voiture en n’ayant pas le permis sera « tenté », et prendra illégalement la route, ce qui justifierait l’interdiction de l’achat et de la possession de voiture à ceux qui n’ont pas le permis.
Une fois encore, je vois qu’on emploie des stéréotypes nationaux qui ne valent guère mieux que les stéréotypes raciaux. Et tout en invoquant le climat de peur, de méfiance et de rejet que provoquerai ou qui serait la cause de tout assouplissement du droit concernant les armes, les arguments reviennent souvent à la crainte de voir le risque de se faire tuer augmenter. Je l’ai déjà noté mais je réitère: la vrai méfiance, c’est quand on pense que si nos voisins sont armés, on risque plus d’être tué. C’est peut-être vrai statistiquement, mais dans ce cas ne prétendons pas que la méfiance est du côté de l’assouplissement du droit aux armes, c’est une contre-vérité. Et si on admet que pour le bien commun, il faut que la loi soit stricte dans ce domaine, il faut aussi être prêt à accepter que pour le bien commun, même la vrai démocratie n’est pas forcément la solution. Si je risque plus qu’un voisin passe à l’acte contre moi uniquement parce qu’il a une arme, il se pourrait tout aussi bien que se trouvant en possession de la moindre parcelle de pouvoir politique, il commence aussi à agir comme un crétin et détruise la société par son égoïsme, sa fermeture d’esprit, son intempérance et sa vanité. Il faudrait alors être prêt à admettre que les gens ont plutôt tendance à foutre le bordel et à se laisser aller à leurs mauvaises pulsions, et que dans leur propre intérêt, il vaut mieux qu’ils aient des maîtres et pas d’armes.
Si par principe on refuse que le pouvoir puisse échapper au peuple, même si un régime où il n’a pas son mot à dire lui serait potentiellement plus profitable, alors par principe l’augmentation du danger due à la connerie des gens doit s’effacer devant l’alternative unique qui implique de priver l’ensemble du peuple d’un droit. Un peu de la même manière qu’on refuse catégoriquement de simplement examiner les questions qui naissent du constat qu’il y a plus de la moitié des « pensionnaires » des prisons françaises qui sont musulmans, il faudrait refuser d’examiner les questions qui pourraient naître du constat que la mortalité augmente lorsque l’on assouplie le droit des armes, du moins sous le rapport direct de l’un à l’autre, et au contraire chercher une cause à cela (par exemple, dans le cas des prisonniers musulmans, chercher dans des causes sociales et non religieuses, telle que la difficulté de trouver un emploi correctement rémunéré pour les personnes de confession ou d’origine traditionnellement musulmane, ou un décalage dans les représentations dans cette population par rapport à la moyenne, et dans le cas de la mortalité chercher, par exemple, l’influence de la violence à la télé, ou les problèmes de gestion et d’évacuation du stress).