État/nation/peuple
À la définition proposée en sondage par lanredec :
"La nation est créée par l’État qui donne au peuple, conscient de sa propre unité naturelle, une existence effective."
je réponds : NON.
J’en reste pour ma part aux définitions suivantes :
– « Peuple » : une population soumise à l’autorité d’un même État ;
– « Nation » : un peuple considéré dans sa volonté de former une collectivité dont les membres sont solidaires et qui est gouvernée indépendamment des autres peuples ;
– État : l’ensemble organisé des moyens politiques dont est dotée une nation qui se gouverne indépendamment des autres nations.
Il est évident pour moi que la nation et l’État s’influencent réciproquement : d’une part, une nation sécrète spontanément les structures qui lui permettent de se gouverner indépendamment des autres nations ; d’autre part, l’État, en mettant à la disposition de la nation les moyens qui lui permettent de se gouverner indépendamment, contribue au renforcement de l’instinct national et de la nation elle-même.
L’affirmation que « l’État crée la nation » est démentie par des quantités de contre-exemples : ni l’État belge, ni l’État monarchique austro-hongrois, ni l’État soviétique, ni l’État fédéral yougoslave n’ont pu créer une nation belge, une nation austro-hongroise, une nation soviétique ou une nation yougoslave. On se demande parfois si l’État espagnol, même devenu démocratique et aimable, parvient à souder une nation espagnole. L’État allemand est le produit, et non pas la cause, de l’instinct national allemand. La Pologne et la Grèce ont été des nations bien longtemps avant d’avoir été des États.
Dans ce tableau, l’État français fait figure d’exception par le rôle effectivement très important qu’il a joué dans la constitution de la nation française à partir de la chute de Rome : mais cette exception ne suffit pas à confirmer la proposition de lanredec.
D’ailleurs, pour que l’État français arrive à jouer ce rôle de moteur national, il a fallu de fortes caractéristiques pré-nationales communes à tous les territoires concernés (latinité, conscience d’une continuité dans l’identité romaine, volonté de maîtriser les barbares, existence de frontières naturelles – on peut discuter).
Comme l’État représente la nation (du moins vis-à-vis des autres nations), il est assez naturel dans beaucoup de circonstances de parler de l’une ou de l’autre indifféremment : je n’y vois rien de particulièrement choquant. Mais comme je l’ai dit ailleurs, je suis tout à fait prêt à faire la différence, avec lanredec, quand il le faut. JR