Qu’est-ce qu’un « peuple » ?
Vincent Girard pose des questions pertinentes.
À mon avis, le « peuple » est la collectivité des individus qui composent une nation, laquelle est caractérisée par la volonté de vivre ensemble et de se gouverner souverainement (sans être involontairement subordonnée à une autre collectivité ou autorité).
La volonté de vivre ensemble indépendamment des autres collectivités humaines repose sur un multitude de facteurs d’importance variable dont les principaux sont d’après moi : communauté de langue, communauté de race, contigüité géographique, consensus par rapport à la question religieuse, attachement à des institutions, confiance dans l’avenir indépendant du groupe humain concerné.
Ces facteurs, et d’autres, sont constitutifs de ce qu’on pourrait appeler le bien-être national. Aucun d’entre eux n’est déterminant à lui seul ; chacun peut le devenir, au moins temporairement, si les circonstances s’y prêtent.
Par exemple, le facteur racial a joué un rôle à peu près nul dans la constitution de la nation française – pour la simple raison qu’il n’y a jamais eu de race française (j’ajoute : ce serait à l’honneur de la nation française si cétait l’effet d’un volontarisme, mais ce sont les accidents de l’histoire qui expliquent cette caractéristique). Par contre, la conscience d’une identité et d’une continuité historiques remontant à plus de mille ans (bâtie en partie sur un héritage civilisationnel fort : la tradition gréco-romaine), l’accoutumance à des institutions (en particulier, depuis 1789, l’attachement de principe de la collectivité nationale à un système démocratique et, dès avant 1789, à une conception de l’État comme incarnation du bien commun), et surtout la conscience d’un niveau de bien-être collectif relativement élevé me paraissent constituer (avec d’autres facteurs) le ciment de la nation française.
Pour répondre aux questions spécifiquement posées par Vincent Girard :
– « Le peuple est-il un ensemble remplissable à l’infini ? » Le bon sens et la logique disent que non : il n’y a pas bien-être collectif si l’on est trop nombreux à se partager un territoire. La surpopulation est source de mal-être ou de volonté de conquête d’un nouvel espace vital – donc, de guerres.
–"Le peuple est il circonscrit ?" Non, évidemment, puisque le peuple est la nation et que la nation est le « vouloir-vivre-ensemble » : tout individu a une aptitude (plus ou moins grande) à faire partie de tout peuple, et tout peuple a une aptitude (plus ou moins grande) à intégrer tout individu ou groupe d’individus.
– "Peut-on faire partie de n’importe quel peuple ?" Oui, avec plus ou moins de facilité.
– « Y-a t-il un peuple « naturel » ? » Non, si l’on entend par là que les individus seraient prédestinés à faire partie d’un certain peuple et pas d’un autre. La nation, expression du peuple, est une institution non pas naturelle mais hautement artificielle, puisque fondée au bout du compte sur un volontarisme collectif.
– « Y a t il (comme pour le corps humain) des possibilités de greffe ? Et de rejet de greffe ? » Bien sûr, et les exemples de l’un et de l’autre ne manquent pas.
– « Est ce que chaque être humain a vocation à devenir français ? » Oui. Et aussi à devenir italien, russe, américain, sud-africain ou monégasque. La seule limite est le niveau de bien-être national considéré comme nécessaire.
– « Et si demain, 300 millions d’individus le souhaitaient ? Un milliard ? Deux ? » Le bon sens dicte la réponse sans qu’il soit besoin d’élaborer.
– "Admettez vous que le « peuple » souhaite dire STOP ? A t il le droit d’avoir cette possibilité ? Concevez vous qu’il ait envie de dire à certains élèments « tu ne fais pas partie de moi » ?" Oui. Dans nos systèmes démocratiques du moins, le peuple est souverain : il peut donc prendre les décisions qu’il veut – sous réserve, bien sûr, de ses engagements à l’égard des autres peuples (ce qu’on appelle le « droit international ») – en espérant que ces décisions seront conformes au bon sens et à la justice.
– « Qu’est ce qui définit la capacité d’accueil ? Qui peut la définir ? Sur quels critères ? Idem pour la population soutenable … Critères d’évaluation ? » C’est l’État – c’est-à-dire le peuple, directement ou par ses représentants – qui fixera les critères. Autrement dit, on s’en remettra à la loi, expression de la volonté générale, et au règlement, qui fixe les modalités d’application de la loi. (Rien n’empêche qui que ce soit de faire des propositions, mais comme je n’ai pas compétence dans ce domaine, j’attendrai que d’autres se manifestent.)
Enfin : le concept de « population durable » est intéressant, mais il ne peut être mis en oeuvre qu’à l’échelle planétaire, pas à l’échelle nationale. Vouloir le gérer à l’échelle des nations, ce serait s’engager dans la création de bunkers nationaux : et l’on sait ce qui arrive aux bunkers. JR