Je découvre sur Gallica un article de 1949 de EF Schumacher (l’auteur de la proposition de Keynes à Bretton Woods et de Small is beautiful). Il termine :
Nous voyons maintenant comment les finances publiques peuvent s'adapter au cadre économique général. En premier lieu, il est nécessaire d'estimer le volume probable des décaissements privés relatifs à la consommation et à l'investissement qui se produiront en cas de plein emploi et lorsque le revenu national aura atteint son maximum sur la base d'un taux et d'une structure des impôts déterminés. Ensuite, il faut procéder à l'estimation des dépenses gouvernementales essentielles ou souhaitables. Le total des dépenses publiques et des dépenses privées doit être tel qu'il détermine le plein emploi. S'il est supérieur - écart inflationniste — il y a lieu d'accroître les impôts frappant principalement la consommation, ou de réduire les dépenses gouvernementales. S'il est inférieur — écart déflationniste — il faut diminuer les impôts frappant principalement la consommation ou accroître les dépenses de l'État. La comparaison des recettes et des dépenses gouvernementales fait alors apparaître un excédent ou un déficit budgétaire. Cet excédent, ou ce déficit, peuvent être accrus ou diminués par une modification des impôts grevant principalement l'épargne (Ou des impôts sur le capital imposés aux possesseurs de richesses sans tenir compte de leur revenu courant).L’augmentation de ces impôts accroît l’excédent budgétaire ou réduit le déficit. Leur réduction diminue l’excédent ou accroît le déficit.
Il s’ensuit que deux séries de décisions importantes doivent être prises : des décisions d’ordre économique se rapportant au contrôle de l’importance du revenu national et à la répartition des ressources réelles entre les citoyens, des décisions d’ordre financier concernant l’accroissement ou la réduction de la dette nationale et le taux d’intérêt. En ce qui concerne les décisions économiques, le facteur variable et contrôlable est constitué par les impôts qui diminuent la consommation et l’investissement privé; en ce qui concerne les décisions financières, le facteur variable et contrôlable est constitué par les impôts diminuant l’épargne privée. En admettant qu’on soit d’accord sur les décisions économiques, il reste à choisir entre la politique budgétaire « orthodoxe », qui implique le prélèvement d’impôts élevés sur tous les revenus (En ayant soin d’ « aménager » l’impôt sur le revenu afin de continuer à stimuler l’investissement) susceptibles d’engendrer l’épargne, et la méthode financière « non orthodoxe » qui implique un accroissement de la dette nationale. Étant donné que tous les impôts frappent à la fois - bien qu’avec une intensité variable , l’épargne et l’investissement, les décisions économiques et financières réagissent les unes sur les autres.
Les impôts prélevés pour des motifs financiers, c’est-à-dire pour éviter d’appliquer une politique financière non-orthodoxe, doivent produire un revenu supérieur au montant du déficit qu’ils ont pour objet de faire disparaître, la différence servant à accroître les dépenses gouvernementales. D’autre part, une diminution des impôts appliqués pour des raisons économiques doit être accompagnée d’une réduction des dépenses d’État inférieure au montant du dégrèvement fiscal.
En conclusion, nous pouvons dresser une liste des divers éléments des finances publiques, en tenant compte de leur influence sur le volume de l’emploi :
Facteurs d’accroissement :
1° Dépenses effectuées à l’aide de revenus provenant de fonds qui, auraient été épargnés, si les impôts n’avaient pas existé.
2° Dépenses financées par des emprunts.
Facteurs de réduction :
3° Utilisation des recettes fiscales (prélevées sur la consommation) pour rembourser la Dette.
Facteurs neutres .
4° Dépenses effectuées à l’aide de revenus provenant de fonds qui, si les impôts n’avaient pas existé, auraient été affectés à la consommation ou à l’investissement privé.
5° Utilisation des recettes fiscales prélevées sur l’épargne pour rembourser la Dette, à condition que l’investissement privé ne soit pas affecté.
En admettant le maintien du plein emploi, nous pouvons établir une liste analogue des facteurs, suivant les effets qu’ils exercent sur la dette nationale :
Facteurs d’accroissement :
1° Réduction des impôts prélevés sur l’épargne.
Facteurs de diminution :
2° Accroissement des impôts prélevés sur l’épargne.
Facteurs neutres :
3° Accroissement ou diminution des impôts affectant uniquement la consommation.
En admettant toujours le maintien du plein emploi, nous pouvons dire que, pour une répartition brute des revenus et une propension à consommer données, tout impôt réduisant la dépense privée nécessite un accroissement correspondant des dépenses gouvernementales; tout impôt réduisant l’épargne privée diminue dans la même mesure le déficit budgétaire, ou accroît l’excédent. Ceux qui sont partisans d’un budget aussi réduit que possible, doivent réclamer la suppression des impôts pesant plus lourdement sur les classes défavorisées, dont la propension à consommer est importante. Ceux qui désirent que le déficit budgétaire tout en restant compatible avec le plein emploi, soit aussi minime que possible doivent réclamer une augmentation des impôts pesant plus lourdement sur les classes riches, dont la propension à épargner est considérable. Ceux qui souhaitent voir l’Etat accroître largement l’étendue de ses propres dépenses peuvent insister pour qu’on élève le taux de ces deux sortes d’impôts.