La CRATOCRATIE, le mensonge et ses motivations
Bien sûr, si les élus sont directement tirés au sort… ils n’auront pas besoin de mentir pendant la campagne électorale : il n’y aura pas besoin de campagne… Mais je suppose qu’il n’est question pour personne de demander le tirage au sort direct, et je songe ici à une méthode « mixte », où l’on tirerait au sort non pas les élus, mais par exemple, la dizaine de candidat qui se présenteraient ensuite à une élection. Méthode qui est certainement plus juste : elle n’abolirait pas les (joyeux) débats citoyens d’avant élections et les campagnes électorales.
Un « simple citoyen » a-t-il moins de chances de mentir, dans une campagne électorale qu’un habitué du pouvoir ?
Ma réponse est : statistiquement, oui, cela ne fait aucun doute.
On dit : « on se maintient toujours au pouvoir en employant les mêmes moyens qui nous ont permis d’y accéder ».
Un candidat qui joue (seul ou en surenchérissant) la carte de l’insécurité lors d’une campagne pour gagner une élection sera conduit à mener une politique sécuritaire une fois en place, parce qu’il aura créé de la demande en la matière, même si souvent il aurait préféré que cette demande s’arrête dès le lendemain de l’élection…
On me dira que si je traduis « moyens qui ont permis d’y arriver » par « promesses électorales », et « moyens de maintient » par « mise en application de ces promesses entraînant réélection »… les candidats qui ne tiennent pas leur promesses et se font réélire sont légion. Fort heureusement, le parallèle est boiteux.
J’écrivais hier, « à ce jeu [du pouvoir] les moyens et la fin font vite un tout ». Etienne parle de « cratocrates » en exprimant, il me semble, cette même idée.
Je dirais que c’est une notion plus globale encore que celle qu’exprime le « dicton » « on se maintient toujours au pouvoir en employant les mêmes moyens qui nous ont permis d’y accéder ». « Dicton » qu’on pourrait résumer, s’agissant du pouvoir, par cette sentence : « la fin devient le moyen ».
Parce qu’à cette dernière s’ajoute le processus complémentaire : « le moyen devient la fin ».
Si le pouvoir corrompt, c’est parce qu’une fois qu’on le possède, on mesure les moyens qu’il procurent. Et le pouvoir devient vite une fin. « On s’habitue à tout »…
Pour finir, il faut rappeler que le fait de mentir, pour un élu, fait parti intégrante du métier, et qu’en soit, la chose ne devrait pas étonner. (Hannah Arendt l’a écrit - « La crise de la culture » - je tacherai de retrouver la citation). On ne gère pas les affaires publiques tout en rendant des comptes à tous sans employer tôt ou tard le mensonge à une certaine dose. Je dirais presque que le mensonge est un mal nécessaire en politique. Le tout est qu’il soit un moindre mal. Et au delà du mensonge, c’est surtout les motivations du mensonge qui comptent. Et le niveau des motivations pourraient bien faire le niveau des mensonges.
Voilà pourquoi un « simple citoyen » a statistiquement moins de raisons de mentir qu’un habitué du pouvoir, en campagne électorale.
Si le « dicton » « le pouvoir corrompt » semble universel, il faut préciser, concernant la notion (« la fin devient le moyen ») que la fin n’est pas nécessairement vilaine, et donc le moyen non plus.
Manière de dire qu’on devrait laisser gouverner non pas tant « ceux qui le veulent le moins » mais plus exactement, « ceux qui ont le moins soif de pouvoir avant de l’avoir exercé ». (La capacité à diriger est aussi une qualité, ou du moins un besoin de la démocratie représentative qu’on ne peut pas compresser infiniment.)
Mais une fois qu’un individu a eu quelques années de pouvoir : « dehors ». Et à cette règle de bon sens, il ne devrait pas y avoir d’exception.