2C Les juges doivent être totalement indépendants du pouvoir exécutif

La carrière d’un magistrat ne doit jamais dépendre de l’exécutif.

La justice doit être la même pour tous : les Procureurs de la République, qui ne sont pas des juges indépendants et qui dépendent directement de l’exécutif, ne doivent plus avoir le pouvoir de décider de l’opportunité des poursuites car l’expérience depuis des décennies montre que ce pouvoir sert à exonérer les notables de façon arbitraire et leur permettre d’échapper aux sanctions qu’ils méritent. Ceci est essentiel, on en parle peu pourtant.

Institutions européennes :
En Europe, les juges sont nommés par les exécutifs, pour six ans, ce qui est court, et six ans renouvelables, ce qui rend les juges directement dépendants pour leur carrière de ceux qu’ils auront à juger… C’est proprement incroyable…


Constitution française de 1958 :
En France, les Procureurs de la République, qui ne sont pas des juges indépendants et qui sont soumis aux ordres de l’exécutif, ont le pouvoir de décider de la non opportunité des poursuites.
Il faudrait au moins confier ces décisions importantes à des juges indépendants.

On peut aussi élire les Procureurs (proposition de Montebourg, p. 98) et garder leur fonction bien distincte de celle des juges.

Je fais remarquer que les Athéniens, particulièrement soucieux de précariser toutes les formes de pouvoirs pour se protéger, interdisaient la spécialisation des magistrats (désignés au sort parmi les volontaires, souvent pauvres, pour un an non renouvelable), comme ils interdisaient le recours à un avocat pour se défendre… Il est vrai qu’à l’époque, le droit était sans doute plus simple…

Bonjour,

Je ne suis pas convaincu qu’il soit bon d’élire les procureurs. En effet, cela viendrait à politiser cette fonction. Est-ce souhaitable? Je ne le pense pas.

Félicitations pour ce forum, il est excellent.

CV
http://vaugirard.hautetfort.com

Procureurs

Je suis de l’avis de Charles Vaugirard. Les procureurs ne doivent pas être élus. Élire des procureurs et des juges, c’est confondre démocratie et état de droit, qui ne sont pas sur la même longueur d’onde (j’ai tâché de dire pourquoi ailleurs sur ce site). JR

séparation et contrôle des pouvoirs

Je vous en prie !

N’hésitez pas à me dire si vous trouvez que je pinaille inutilement.

À force de réfléchir et, de vous lire, sur la séparation des pouvoirs, je me demande si nous ne confondons pas deux choses différentes sous le même terme de “pouvoir”.

Parlons nous de la même chose lorsque nous disons que dans une démocratie les pouvoirs doivent être séparés et, lorsque nous disons que le pouvoir appartient au peuple ?

Si le pouvoir appartient au peuple, rien ne doit échapper à son contrôle :

D’une manière ou d’une autre les deux premiers pouvoirs généralement énoncés, -législatif et exécutif-, sont bien sous le contrôle du peuple qui peut les résilier à l’occasion des élections (je ne parle pas ici du contrôle qu’ils sont censés exercer mutuellement l’un sur l’autre).
Mais, le pouvoir judiciaire échappe à tout contrôle ! les juges, comme s’ils n’étaient pas faillibles, sont les seuls juges de la qualité de leur action.

En fait le pouvoir du peuple s’exerce une fois tous les 5 ans vis à vis du législatif et de l’exécutif et, jamais vis à vis du judiciaire

Le peuple et le pouvoir judiciaire

JeanG (votre 851).

Entendons-nous bien : rien ne doit échapper au contrôle du peuple, mais cela ne signifie pas que le peuple est tout-puissant.

Il est lui-même soumis aux principes de l’état de droit : et jusqu’à présent, on n’a rien trouvé de mieux pour interpréter ces principes que des organes judiciaires indépendants de l’Exécutif et du Législatif.

Il serait concevable de mettre en place une constitution donnant tous pouvoirs au peuple, y compris celui de définir le contenu de l’état de Droit. Ce serait éminemment attentatoire aux libertés individuelles et à la paix publique. JR

Qui écrit le droit ?

Jacques : en démocratie, qui définit le contenu de l’état de droit dont vous parlez, sinon le peuple lui-même (qui veut organiser à son goût la société qu’il compose) ?

Jacques ,
Vous dites du peuple, dans votre message 869 :

Il est lui-même soumis aux principes de l'état de droit : et jusqu'à présent, on n'a rien trouvé de mieux pour interpréter ces principes que des organes judiciaires indépendants de l'Exécutif et du Législatif.
[b]Et je suis d’accord ![/b] il est soumis à l’état de droit qu’il a, lui même, défini. [b]Je suis également d’accord[/b] avec la nécessité de la séparation du pouvoir judiciaire des pouvoirs législatif et exécutif.

Mais le peuple est distinct et, supérieur, à ces trois pouvoirs, qui n’agissent qu’en son nom.

C’est là que se situe mon problème que je tentai de vous exposer.

Pour l’exprimer autrement : je dirais qu’au dessus des trois pouvoirs séparés : législatif, exécutif et, judiciaire, se situe le pouvoir du peuple.

Comme convenu, je viens de transférer une série de 10 messages (du n°898 au n°921) vers la discussion « 3F L’éventuel Conseil Constitutionnel doit être lui-même sous contrôle citoyen » : http://etienne.chouard.free.fr/forum/viewtopic.php?id=40

:slight_smile:

…Et (pour mémoire) ma réponse au message 896 de JeanG concernant l’état de droit figure maintenant sous cette discussion 3F (message 911). JR

CIPUNCE : Le Président du Système judiciaire de l’Union (nouveau)

La Rév. 11 de l’avant-projet CIPUNCE contiendra en principe la disposition nouvelle suivante :

« Le Président du Système judiciaire de l’Union, également Président de la Cour de justice, est élu au suffrage universel direct, pour un mandat de cinq ans non renouvelable, sur une liste de 9 candidats arrêtée d’un commun accord par le Conseil intergouvernemental, la Commission et l’Assemblée de l’Union ».

Cette clause toute nouvelle, insérée à la suite des débats qui ont eu lieu sur notre site, a pour objet d’ancrer le pouvoir judiciaire dans la légitimité démocratique. Elle est à considérer en rapport avec les principes de la démocratie et de l’état de Droit affirmés dans l’avant-projet.

En effet, réflexion faite (voir mon message 106 plus haut), il semble possible de concilier de cette manière le principe général de la non-élection des juges et l’opportunité d’établir un lien organique plus fort entre pouvoir judiciaire et souveraineté populaire. La loi organique (encore elle) règlera les modalités. JR

Projet de constitution européenne :
Système judiciaire/Médiateur : nouvelle proposition

(Ce message fera plus de 30 lignes.)

Au 12 mai 2006, les dispositions relatives au Système judiciaire, à paraître dans la CIPUNCE Rév. 11, se présentent comme suit :

"Chapitre 5
Le Système judiciaire de l’Union européenne

"Article [35] : Définition et composition

"1. Le Système judiciaire de l’Union européenne est une institution de l’Union. Il comprend : le Président du Système judiciaire, la Cour de justice de l’Union européenne (« Cour de justice de l’Union », « Cour de justice »), le Tribunal, les tribunaux spécialisés et la Procurature.

"2. Le Président du Système judiciaire de l’Union est la plus haute autorité judiciaire de l’Union. Il est élu au suffrage universel direct, pour un mandat de cinq ans non renouvelable, sur une liste de 9 candidats arrêtée d’un commun accord par le Conseil intergouvernemental, la Commission et l’Assemblée de l’Union.

"3. La Cour de justice comprend, un juge pour chaque État membre, désigné par l’État.

"4. Le Tribunal comprend au moins un juge par État membre, désigné par l’État.

"5. La loi organique peut créer des tribunaux spécialisés, dont elle spécifie la composition et les attributions.

"6. La Procurature comprend un procureur général et le nombre nécessaire d’avocats généraux et de procureurs.

"7. Le Procureur général, les avocats généraux et les procureurs sont nommés par le Président du Système judiciaire sur proposition de la Commission avec l’agrément du Conseil statuant à la majorité absolue de ses membres. L’Assemblée de l’Union, statuant à la majorité absolue des députés en exercice, peut s’opposer à toute nomination.

"8. La Cour et le Tribunal peuvent être complétés par des juges ad hoc dans le cas d’une procédure à laquelle un ex-État membre est partie, cela moyennant accord entre tous les États parties à la procédure.

"Article [36] : Attributions du Système judiciaire et du Président du Système judiciaire

"1. Le Système judiciaire assure le respect du droit dans l’interprétation et l’application de la Constitution. En particulier, il statue :

"a) sur les recours formés par un État membre ou ex-État membre, une institution ou des personnes physiques ou morales ;

"b) à titre préjudiciel et à la demande des juridictions nationales, sur l’interprétation du droit communautaire et sur la validité juridique des actes de ses institutions et organismes ;

"c) dans les autres cas prévus par la Constitution et les lois organiques.

"2. Le Système judiciaire n’a pas compétence en matière de politiques.

"3. Le Système judiciaire est, dans chaque cas, juge de sa compétence.

"4. Le Président du Système judiciaire :

"a) Administre le Système judiciaire ;

"b) A la faculté de présider en personne la Cour de justice sans prendre part aux votes judiciaires ;

"c) Soumet un rapport annuel sur le fonctionnement du Système judiciaire au Conseil, à la Commission et au Parlement.

"Article [37]. Organisation et fonctionnement

"1. Les juges rendent la justice en toute indépendance. L’article [62-5-b] de la Constitution, relatif à la mise en œuvre de la responsabilité pénale, civile et disciplinaire des agents de l’Union, leur est applicable selon les modalités requises pour assurer l’indépendance de la justice.

« 2. La loi organique fixe les modalités d’organisation et de fonctionnement du Système judiciaire, notamment en ce qui concerne le statut et l’effectif des juges et de la procurature et la procédure à suivre devant les diverses juridictions. »

Le projet d’articles ci-dessus se veut très innovant : pour la première fois les citoyens seraient amenés à élire au suffrage universel direct l’autorité judiciaire suprême (le Président du Système judiciaire), ce qui ancrerait plus fortement le pouvoir judiciaire dans la légitimité démocratique. En revanche, bien que le Président du Système judiciaire puisse présider la Cour de justice, il ne participerait pas aux décisions judiciaires à proprement parler : seulement aux délibérations, ce qui assurerait l’indépendance de la justice.

Je me proposerais d’aller plus loin :

Etant donné que les fonctions du Médiateur telles qu’envisagées dans le présent projet (et dans le TCE) touchent de très près à la bonne administration de la justice (en ce sens que le Médiateur a pour principale fonction d’éviter les recours en justice), il me semblerait bon de fusionner les fonctions de médiateur avec celles de président du Système judiciaire.

De cette manière, le Président du Système judiciaire/Médiateur aurait une vue complète de la façon dont le droit est appliqué aux citoyens de l’Union, en dehors même des décisions de justice, et il pourrait ainsi intervenir synergiquement sur les deux plans.

Qu’en pensez-vous? JR

[b]La désignation des juges doit garantir leur stricte indépendance de l’exécutif

  • la responsabilité des magistrats doit être effective.[/b]

Il me paraît fondamentalement malsain, dangereux surtout, que les juges soient nommées (et renouvelés ou pas) par l’exécutif : le T"C"E prévoyait (et j’y voyais un vice majeur) un juge par État pour six ans (ce qui est court) renouvelables (ou pas ! et c’est bien le problème, car ce pouvoir sur la carrière des juges est un moyen de pression évident sur eux).

Vous devriez revoir ce point, mon cher Jacques, il me semble.

Ne pourraît-on pas tirer ces juges au sort, parmi les juges nationaux volontaires pour un mandat européen, court et non renouvelable ?

  • En complément (indissociable), il faut également prévoir comment rendre les juges responsables de leurs fautes.

À propos de la nécessaire responsabilité des magistrats, lire ce billet du blog de Philippe Bilger, Avocat Général près la cour d’appel de Paris : http://www.philippebilger.com/blog/2006/05/pour_une_magist.html.

Désignation des juges européens

Etienne (votre 984),

Vous oubliez que la constitution européenne est une structure hybride et que ce sont les Etats qui sont membres de l’Union.

Je considère irréaliste et dangereux que les juges, dont la fonction principale consistera à trancher des différends entre Etats ou entre Etats et institutions de l’Union, soient tirés au sort parmi des volontaires des systèmes juridiques nationaux.

La souveraineté des Etats, c’est la souveraineté des citoyens de chaque Etat, et elle serait mal protégée par un système de nomination au hasard (tirage au sort). Les citoyens auraient du mal à s’assurer du respect de leurs intérêts nationaux dans le cadre du fonctionnement judiciaire de l’Union.

A force de vouloir séparer - voire opposer - Etat et démocratie, nous finirons par oublier que, dans le cadre de l’Union européenne, les Etats membres et leurs représentants sont des éléments essentiels du jeu démocratique : ce n’est pas pour rien que nous avons des parlements nationaux qui contrôlent des gouvernements nationaux.

Le tirage au sort, vous savez ce que j’en pense en général : je le pense encore plus quand il s’agit des juges. Evitons les atrocités du système américain : pas de juges élus - ce serait la fin de leur indépendance par la politisation du droit.

Il me semblait pourtant que ma dernière proposition allait très loin : élire au suffrage universel un président du pouvoir judiciaire chargé d’administrer le système judiciaire et de faire rapport publiquement sur son fonctionnement, permettre à ce président (sans participer aux décisions proprement judiciaires, mais aux délibérations) de présider la Cour de justice de l’Union (autrement dit la Cour constitutionnelle/cour de cassation/Conseil d’Etat) quand il le veut : je ne crois pas que ça ait été jamais fait aupavant et je trouve que ça établirait un lien très fort entre la source des pouvoirs (le peuple) et le pouvoir judiciaire, tout en respectant le fameux principe de l’état de Droit. Je vois mal comment aller plus loin.

PS : En ce qui concerne l’élection des juges de la cour constitutionnelle nationale, je continue de ne pas être hostile à l’idée de les élire au suffrage universel sur la base d’une liste restreinte proposée par les trois pouvoirs (voir mon message 921 sous Contrôle des pouvoirs), mais ça ne signifie pas que cette solution m’emballe beaucoup : elle me paraît cependant envisageable pour la raison qu’une cour constitutionnelle a forcément un rôle politique. JR

L’indépendance entre juges et leur liberté d’expression est également très importante : nécessité des opinions dissidentes.

Il est question dans ce forum de la séparation des pouvoirs, mais [bgcolor=#FFFF99]il importe également que des juges puissent exprimer des opinions séparées[/bgcolor], comme ça se pratique notamment à la CEDH. Cette possibilité est importante et utile à maints égards :

- permettre de faire apparaître ce que la décision de la majorité a dissimulé ou dénaturé
  • faire apparaître et susciter des contradictions et des évolutions, inciter les juridictions à abandonner le dogme de l’infallibilité au profit de la dialectique et de la contradiction

  • donner à la contradiction la portée et l’autorité très fortes que confère l’adjonction d’une opinion dissidente à la décision de justice

  • possibilité d’apprécier les qualités de juriste et de courage de chaque juge, en donnant des éléments d’appréciation qui lui sont propres

  • éviter à des juges faisant correctement leur travail de juge l’infamie de l’association à une décision traduisant une collusion avec les autorités publiques ou une grave méconnaissance du droit


Ce système marche très bien à la CEDH, et les arguments opposés fondés sur la prétendue nécessité d’unité sont de mauvaise foi, puisque cette unité n’est alors que de façade.

Et ce n’est que grâce à la possibilité d’exprimer des opinions séparées, y compris au sein de la juridiction constitutionnelle et des juridictions administratives, que l’on pourra faire émerger petit à petit les « bons juges », en leur permettant de se dégager de la gangue commune.

Je prône donc une séparation au sein même des juridictions.

Bonsoir

denis-roynard: votre message semble aller dans le sens d’une politisation (très forte) du rôle des juges.
Si CEDH veut dire court européenne des droits de l’homme, vous confirmez ce diagnostic.
Je crois que la politisation risquerait de nuire fortement au rôle du juge qui n’a pas besoin d’un supplément de « considérations parasites » pour mener les instructions dont il à la charge et serait aussi parasite dans le cas de l’administrateur général de l’union mais « plus logique ».

jacques roman: je crois comprendre à travers le message 984 la défiance (euphémisme, on dit je crois, très gros euphémisme) que je ressens aussi envers ceux qui sont nos « représentants »: qui construisent des institutions anti-démocratiques comme la commission européenne, les négociations OMC et même un parlement qui vient de voter le directive dite Bolkestein à peine modifiée… par exemple…
Dans ces conditions il devient difficile de déléguer un pouvoir (voir exemples) et donc il ne reste plus qu’a fixer des rêgles strictes qui « garantissent à-priori » un minimum de protections anti-antidémocratique .
C’est cela qui a provoqué votre réflexion: A force de vouloir séparer - voire opposer - Etat et démocratie …

Vos propositions semblent raisonnables. Même si je ne suis pas « le meilleur juge en la matière ».

Philippe Bilger, je ne suis pas certain de sa non-politisation.

Tchao.

Indépendance des juges/opinions dissidentes

Dégadézo (2277), denis-roynard (2188).

Bonjour à tous les deux.

Je pense que Dégadézo se référait à mon message 983. Merci de me donner cette occasion de revenir sur le sujet.

Depuis ce message 983, de l’eau a coulé sous les ponts. Voici comment se présente maintenant (Rév. 13, qui va bientôt sortir) l’avant-projet CIPUNCE (http://www.cipunce.net) en ce qui concerne le Système judiciaire et la Cour des comptes de la future Confédération européenne, pour le cas où vous auriez le temps de lire ce long morceau :

[i]"Chapitre VI
"Le Système judiciaire de la Confédération européenne

"Article [31] : Statut et composition

'"1. Le Système judiciaire de la Confédération européenne, institution confédérale, comprend : la Cour de justice de la Confédération européenne (« Cour de justice de la Confédération », « Cour de justice »), le Tribunal, les tribunaux spécialisés et la Procurature.

"2. La Cour de justice comprend un juge par État membre. Les juges de la Cour de justice sont nommés par le Président de la Confédération sur proposition du Conseil agissant par consensus ou à l’unanimité. Le Parlement, agissant à la majorité absolue des députés en exercice, peut s’opposer à toute nomination. Les juges de la Cour de justice élisent parmi eux, pour trois ans, le président de la Cour.

"3. Le Tribunal comprend au moins un juge par État membre. Les juges du Tribunal sont nommés par le Président de la Confédération sur proposition du Conseil agissant par consensus ou à l’unanimité. Le Parlement, agissant à la majorité absolue des députés en exercice, peut s’opposer à toute nomination. Les juges du Tribunal élisent parmi eux, pour trois ans, le président du Tribunal.

"4. Les tribunaux spécialisés sont créés par la loi ordinaire.

"5. La Procurature comprend un procureur général et autant d’avocats généraux et de procureurs que nécessaire.

"6. Le Procureur général et les avocats généraux sont nommés par le Président de la Confédération sur proposition de la Commission avec l’agrément du Conseil acquis par consensus ou à l’unanimité. Le Parlement peut, à la majorité absolue des députés en exercice, s’opposer à toute nomination.

"7. La Cour et le Tribunal peuvent être complétés par des juges ad hoc en cas de procédure à laquelle un ex-État membre est partie, cela moyennant accord entre tous les États parties à la procédure.

"Article [32] : Attributions

"1. Le Système judiciaire assure le respect du droit dans l’interprétation et l’application de la Constitution. À ce titre, il statue :

"a) sur les recours formés par un État membre ou ex-État membre, une institution, un organe ou organisme confédéral ou une personne physique ou morale ;

"b) à titre préjudiciel et à la demande d’une juridiction d’État membre ou d’ex-État membre, sur l’interprétation du droit confédéral et sur la validité juridique des actes des institutions, organes et organismes confédéraux;

"c) dans les autres cas prévus par la Constitution et la loi organique.

"2. Le Système judiciaire n’a compétence que pour les questions d’ordre juridique.

"3. Le Système judiciaire est juge de sa compétence au cas par cas.

"Article [33]. Le Président du Système judiciaire. Le Président de la Cour de justice confédérale est Président du Système judiciaire. À ce titre, il lui incombe notamment de veiller à 1’indépendance des décisions de justice et au bon fonctionnement du Système judiciaire et d’appeler l’attention des organes confédéraux compétents sur toute défaillance constatée.

"Article [34]. Organisation et fonctionnement du Système judiciaire

"Les juges rendent la justice en toute indépendance. Ils sont responsables pénalement et civilement dans les conditions prévues par la Constitution, notamment à son article [59-5-b et c). Ils sont en outre responsables disciplinairement.

« Article [35]. Modalités diverses. La loi organique précise les modalités d’organisation et de fonctionnement du Système judiciaire, s’agissant en particulier du statut du Président du Système judiciaire, des juges et des membres de la procurature et de la procédure à suivre devant les diverses juridictions. »

"Chapitre 7
"La Cour des comptes de la Confédération européenne

"Article [36] : Statut et composition. La Cour des comptes de la Confédération européenne, institution confédérale, comprend un juge par État membre. Les juges de la Cour des comptes sont nommés par le Président de la Confédération sur proposition du Conseil agissant par consensus ou à l’unanimité. Le Parlement, agissant à la majorité absolue des députés en exercice, peut s’opposer à la nomination.

"Article [37] : Attributions et fonctionnement

"1. La Cour des comptes vérifie les comptes de la Confédération et sa bonne gestion financière.

"2. Les dispositions de l’article [34] de la Constitution sont applicables à la Cour des comptes mutatis mutandis.

« 3. La loi organique précise les modalités de fonctionnement de la Cour des comptes, y compris les modalités de suivi effectif de ses jugements et autres décisions. »[/i]

Dégadézo remarquera que j’ai renoncé à donner un rôle au Médiateur par rapport au Système judiciaire : j’ai finalement conclu que les deux fonctions étaient incompatibles ; le Médiateur doit pouvoir fonctionner « en équité », en obtenant si nécessaire des solutions de compromis extralégales ; d’autre part, l’indépendance de la justice risquerait de souffrir des pressions du Médiateur.

Je suis d’accord avec Dégadézo que les propositions de denis-roynard impliquent une politisation de la justice.
En particulier, je suis pour ma part fermement opposé à la pratique des opinions dissidentes
: à mon avis, l’indépendance de la justice nécessite que les magistrats disparaissent derrière leur juridiction. Lorsque le législateur adopte la loi, ce n’est que très rarement à l’unanimité : voudrait-on que ceux qui ont voté contre soient autorisé à expliquer en annexe pourquoi il ne faudrait pas l’appliquer ? Le même raisonnement vaut selon pour les décisions de justice.

Le système français de la « motivation des décisions de justice », s’il est bien appliqué, permet d’aboutir au même résultat que la procédure de l’opinion dissidente sans en avoir les inconvénients. Il appartient en effet à un bon tribunal de prendre en considération dans ses attendus toutes les opinions formulées par ses membres en cours de délibéré, en disant pourquoi tel ou tel argument d’un de ses juges n’a pas été retenu, mais sans nommer le juge opinant, cela afin d’assurer la totale liberté des délibérations.

On ne m’ôtera pas de l’idée que l’opinion dissidente, telle qu’elle est pratiquée surtout dans les tribunaux de droit anglosaxon (enfin, ceux où l’on pratique la collégialité - ce qui est beaucoup plus rare qu’en France) correspond avant tout à un exposé de professeur de droit, ou à la classique note de jurisprudence. Dans l’intérêt d’une justice efficace non politisée et, j’ajoute, non doctrinaire je préfère le système collégial anonyme utilisé actuellement en France.

Je serais toutefois d’accord avec denis-royanard pour faire des exceptions dans le cas de la Cour européenne des droits de l’homme et des juridictions analogues telles que la Cour internationale de Justice. Mais cette exception confirme la règle : Dégadézo a très bien remarqué que la CEDH (comme la CIJ) est une juridiction politique (disons : juridicopolitique). Or, les juges de telles cours sont nommés avec mission implicite ou explicite de représenter des États ou des systèmes juridiques : dans ces conditions, il est non seulement admissible mais encore très utile (pour la formation du droit international) que chaque juge puisse s’exprimer à loisir sous son nom et qu’on sache qui n’est pas d’accord avec le jugement et pourquoi.

Dans le cas de la future constitution confédérale vue par la CIPUNCE, c’est la loi organique qui règlerait ces questions de procédure : la constitution ne doit pas aller jusquà ce niveau de détail. Mais il n’y a pas d’inconvénient majeur à ce que les juridictions de l’Union [de la Confédération] pratiquent l’opinion dissidente en attendant que la confédération actuelle soit devenue une fédération (c’est-à-dire une organisation de citoyens remplaçant l’actuelle organisation d’États souverains). JR

En réponse aux messages n°2277 et 2278 :

  • il semble qu’il y ait, chez mes contradicteurs, une confusion entre la CEDH, juge de la Convention européenne des doits de l’homme, et CJCE, Cour de Justice de l’UE.

  • Concernant les « considérations parasites » (message 2777), je prefère des parasites visibles et donc discutables, discutés et éventuellement éradiqués ou modifiés, à toute la série de parasites implicites qui influencent tant les décisions de certaines de nos cours suprêmes.

  • Le fait d’interdire la pratique des opinions dissidentes n’est pas une arme contre la « politisation » de la justice, bien au contraire, notamment car la politisation se traduit le plus souvent par un consensus assorti de beaucoup de non-dits ; peut-être mes contradicteurs craignent-ils une « communautarisation » des juridictions, mais entre la communautarisation américaine dans le domaine des media et la communautarisation de la justice, il y a une marge assez importante qui ne risque pas d’être franchie de sitôt.

  • L’expérience montre que la « politisation » des juges à la CEDH est plutôt le fait de juges qui défendent leur système national (cf. le récent arrêt Sacilor-Lormines c France), plus que de la majorité ; si on introduisait la possibilité d’opinions séparées, ce serait plutôt l’inverse, car compte tenu des modes d’accès au Conseil Constitutionnel et au Conseil d’Etat, leurs membres sont très « politiquement corrects », pour parler par euphémisme. Et les opinions séparées obligeraient la majorité à faire plus de droit, moins de politique implicite, voire à devoir se comporter en juge suffisamment neutre pour que leur remise en cause apparaisse comme un empiètement du politique politicien sur le juridique.

  • Je signale, car ça semble avoir échappé à mes contradicteurs, que l’opinion séparée n’est pas un devoir (ou alors seulement moral…), mais une faculté laissée aux juges, qui peuvent donc n’en pas faire usage.

  • Je suis surpris de lire (message 2278) qu’il serait doctrinaire et dommageable que des juges s’expliquassent sur leur analyse et leur position, et aient un exposé de professeur de droit ; faudrait-il donc que les citoyens soient privés d’explications pour que la justice soit plus « efficace » (sic), moins "politisée " (re sic) et moins « doctrinaire » (re re sic), comme si la décision collégiale dans un groupe aliéné par la mentalité régnante était moins « doctrinaire » qu’une décision qui devrait davantage affronter la contradiction et se justifier devant elle ?

  • Quand M. Roman dit dans le message n°2278 dit que « le système Le système français de la « motivation des décisions de justice », s’il est bien appliqué, permet d’aboutir au même résultat que la procédure de l’opinion dissidente sans en avoir les inconvénients » et qu’il « appartient en effet à un bon tribunal de prendre en considération dans ses attendus toutes les opinions formulées par ses membres en cours de délibéré, en disant pourquoi tel ou tel argument d’un de ses juges n’a pas été retenu, mais sans nommer le juge opinant, cela afin d’assurer la totale liberté des délibérations », je dis que tout ceci repose sur l’angélisme ou la crédulité ou une totale méconnaissance des pratiques actuelles, et je me demande comment mon interlocuteur entend faire que les juges acquièrent la vertu et la compétence juridique nécessaires pour avoir une telle attitude.

Pour moi, il y a un problème, un très grave problème, qui illustre la faillite de la conception ici défendue par M. Roman dans son message 2278, et qui nécessite un remède. Je pense que [b]ce remède ne doit pas passer par des révocations brutales, contraires à l'idée de séparation des pouvoirs[/b], qu'il doit présenter à la fois une caractéristique de continuité et un élément de changement dans le bon sens.

Et je crois que la pratique des opinions dissidentes permet à la fois de faire émerger des « bons » juges et de faire partir d’eux-mêmes des « mauvais », plus habiles à manier l’étouffoir et la dénaturation qu’à défendre habilement l’indéfendable, car un bon juriste opposé dans une opinion dissidente sur une question relevant du droit, c’est autre chose qu’un débat électoral devant des décervelés ou une interview par un journaliste complaisant et ignorant du droit.

  • De façon plus générale, je suis assez déçu de ne guère lire que des pétitions de principe comme arguments opposés, mais je suis hélas habitué à constater que le droit est méconnu dans sa substance, et si ça peut rassurer les auteurs des messages n°2277 et 2278, je dois dire que cette méconnaissance se rencontre quasiment autant chez les … juristes.

  • Pour terminer, je rappelle l’article 16 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du citoyen de 1789, « Toute Société dans laquelle la garantie des Droits n’est pas assurée, ni la séparation des Pouvoirs déterminée, n’a point de Constitution ». Et je ne vois pas comment le simple appel pieux à une « bonne application » de notre « système » peut constituer une "garantie des Droits "…

[C’est moi qui ai mis un peu de couleur dans ce message que je trouve passionnant. Étienne]

Opinions dissidentes (suite)

denis-roynard (votre 2279).

Je ne me voyais pas tellement comme votre contradicteur, mais c’est comme vous voudrez.

  1. Quelle est cette confusion dont vous parlez et qui aurait été faite entre la CEHD, la CIJ et la CJCE ?

  2. Mon principal argument est qu’il n’y a pas plus de raison de tolérer une opinion séparée à la suite d’un jugement que de publier à la suite d’une loi qui vient d’être votée les raisons pour lesquelles la minorité s’y est opposée. Dans le second cas, il y a va de l’autorité de la chose votée ; dans le premier, direz-vous qu’il n’y va pas de l’autorité de la chose jugée ?

  3. Vous écrivez : « L’expérience montre que la « politisation » des juges à la CEDH est plutôt le fait de juges qui défendent leur système national que de la majorité [et] que si on introduisait la possibilité d’opinions séparées, ce serait plutôt l’inverse ». Je vous comprends mal certainement ; ou alors voulez-vous vraiment dire dire qu’avec la possibilité d’opinions dissidentes c’est la majorité qui se politiserait, et pensez-vous que ce soit là un résultat souhaitable ?

  4. Je croyais savoir, en effet, que l’opinion séparée n’était pas une obligation : en quoi cela affecte-t-il les arguments données dans mon 2278 ?

  5. Par « doctrinaire », je voulais dire que les opinions séparées, surtout quand elles sont destinées à être largement diffusées, font assez souvent appel à un mauvais penchant des juristes : l’entêtement. Il n’était pas dans mes intentions de rationner les explications, bien au contraire ;

  6. Vous écrivez aussi a) que « les opinions séparées obligeraient la majorité à faire plus de droit, moins de politique implicite, voire à devoir se comporter en juge suffisamment neutre pour que leur [? sic ] remise en cause apparaisse comme un empiètement du politique politicien sur le juridique »; et b) que "la pratique des opinions dissidentes permet à la fois de faire émerger des « bons » juges et de faire partir d’eux-mêmes des « mauvais » (c’est un peu avant que vous parlez, je crois, d’angélisme et de crédulité).

Sur ces deux points je vous soutiens le contraire, à savoir :

a) Que dans la plupart des cas l’anonymat du délibéré est facteur d’indépendance des juges (je parle évidemment des juridictions internationales telles que la CEHD, la CIJ et la CJCE, que je confonds effectivement à cet égard dans un grand tout), tandis que l’obligation, ou même la simple possibilité, de publier une opinion dissidente les oblige à se ranger dans le camp de leur gouvernement, qui est à l’origine de leur nomination et pourra grâce à cette opinion vérifier qu’ils ont opiné dans le « bon » sens. Incidemment, qui vous dit que les opinions dissidentes ne sont pas rédigées avec un peu d’aide des gouvernements quand le juge est un peu paresseux ou un peu incompétent (puisque nous parlons de politisation possible, il faut suivre la logique jusqu’au bout) ?

Mais ayant dit cela, j’admets comme un mal nécessaire que ces juridictions internationales sont des organes politicojuridiques, et qu’il n’est pas mauvais qu’on sache par les juges quelle est la position des gouvernements, ce qui pourra faire progresser plus rapidement le droit international. Notez bien quand même que la position des juges dissidents pourrait trouver sa place dans le corps même du jugement ;

b) Que le droit judiciaire, encore plus que le droit ordinaire, est affaire de présentation et de rédaction, et qu’au niveau dont nous parlons c’est l’enfance de l’art que de paraître et d’écrire comme si l’on était parfaitement neutre et objectif, qu’on appartienne à la majorité ou à la minorité (j’allais dire : ou au deux). Mais sans doute mon expérience des pratiques actuelles est-elle moins étendue que la vôtre.

  1. Vous vous demandez comment j’entends faire pour que les juges acquièrent la vertu et la compétence juridique nécessaires afin que les tribunaux prennent en considération dans leurs attendus toutes les opinions formulées par leurs membres en cours de délibéré, en disant pourquoi tel ou tel argument d’un des juges n’a pas été retenu, mais sans nommer le juge opinant, cela afin d’assurer la totale liberté des délibérations.

Je vous répondrai que les juges doivent avoir acquis la formation requise avant même de revétir la toque et la toge, dans les écoles de la magistrature et même avant, à l’école de la vie, et que s’ils n’ont pas acquis ces bonnes dispositions au moment de siéger ce n’est pas l’obligation ou la possibilité de produire des opinions dissidentes qui y changera grand-chose.

Cordialement. JR

En réponse au message n°2280 de M. Roman:

Pour la « confusion », je renvoie les lecteurs aux écritures précédentes, ce forum n’étant pas le lieu de polémiques entre participants, sauf et dans la mesure où le traitement du sujet l’implique.

Concernant la loi, c’est un acte de volonté, du moins avant la décision d’un juge, constitutionnel ou « ordinaire », qui (la loi) n’a pas nécessairement à obéir à une logique juridique si le juge fait son travail, à savoir la censurer (par annulation ou par exception d’illégalité) si il le faut ; car les législateurs ne sont pas nécessairement des juristes, et de fait nous constatons que nos lois sont fort médiocrement rédigées. Il y a d’ailleurs des critiques aux lois, une fois votées, et parfois même des critiques des lois dans les jugements, même collégiaux (du Conseil Constitutionnel, de la Cour de cassation et à un degré bien moindre, du conseil d’État). La raison des critiques dans des opinions séparées ? Il y en a au moins quatre :

  • le droit, c’est une science, bien inexacte il est vrai, mais c’est une discipline qui obéit à un minimum de structure et de cohérence

  • il y a des divergences de conception, avec tout de même un fondement juridique

  • une critique proprement juridique, portant sur le raisonnement suivi ; il y a ainsi parfois des opinions concordantes mais très critiques

  • le droit est ou doit être dialectique, et laisser toute sa place au contradictoire, ne serait-ce, d’ailleurs, mais pas seulement, que pour éclairer les politiques

  • la « sécurité juridique » implique que l’on soit conscient des risques de « revirement de jurisprudence », et les opinions dissidentes sont des « clignotants » fort utiles

Notons en outre que la CEDH critique parfois sa propre jurisprudence, en constatant le caractère inadapté des critères qu’elle a elle-même précédemment élaborés (cf. notamment CEDH Pellegrin C France 8 décembre 1999 (« Cette interprétation doit en outre tenir compte des inconvénients que comporte la jurisprudence actuelle de la Cour »)

Par ailleurs, en disant qu’il n’y a pas de raison de tolérer, c’est un argument un peu court, car on pourrait tout aussi bien dire pourquoi pas ?

En outre, les opinions dissidentes ne portent pas atteinte à la chose jugée en tant qu’elle tranche un litige. Je renvoie les lecteurs intéressés par ces questions à l’arrêt CJCE 30 sept 2003 Köbler c/ Autriche (aff C -224/01), récemment confirmé par l’arrêt CJCE 13 juin 2006 Traghetti del Mediterraneo : un professeur débouté de son action devant les juridictions nationales, jusque devant la Cour suprême nationale, attaque ensuite l’état pour violation du droit communautaire par sa cour suprême. Deux séries d’arguments se sont opposés :
• des États, dont la France, soutiennent que l’autorité de chose jugée et la prééminence du droit impliquent que la décision de la cour suprême nationale, même violant le droit communautaire, ne doit pas pouvoir donner lieu à un constat de violation et à une réparation
• d’autres États, dont l’Allemagne et la Suède, soutiennent que la prééminence du droit implique que la violation soit (sous certaines conditions, dont le caractère « manifeste » de la violation) sanctionnable

La prééminence du droit l’a (fort heureusement) emporté, la CJCE considérant que la décision nationale conservait néanmoins son autorité, i.e. qu’elle devait continuer à s’appliquer entre les parties au litige. Il est vrai qu’ici l’État payeur de primes de retraite (c’est ce qui était en jeu devant le juge autrichien) et l’État responsable du dysfonctionnement de sa justice, c’est le même « porte-monnaie », mais le litige et son fondement sont différents :
• litige portant sur un droit à pension dans le 1er cas
• litige consistant en une action en responsabilité dans le 2nd cas

On a beaucoup parlé de la responsabilité des juges après Outreau, mais faut-il limiter la responsabilité des juges aux seuls cas traités par les media grand public ? Je ne le crois pas !

Concernant la politisation, je veux dire que, devant la CEDH, certains juges, mais ce n’est pas toujours le cas, défendent la position de leur État condamné dans une opinion dissidente, et qu’ils sont souvent minoritaires dans cette démarche, i.e. peu suivis, sauf dans les cas où la « structure » mise en cause se retrouve à l’identique dans d’autres États. Alors qu’au sein d’une juridiction nationale, la position dominante avant un délibéré l’est aussi le plus souvent dans un délibéré ultérieur. L’opinion dissidente serait donc a priori à rebrousse-poil des mentalités régnantes dans le pays. Avec des opinions dissidentes a priori (car en vérité elles sont formulées après) très critiques, les juges majoritaires auraient moins de latitude pour se prononcer de façon arbitraire et pour omettre ou dénaturer les arguments des parties, car sinon ça se verrait de façon très visible. Ils devraient donc exposer davantage selon le droit, voire parfois reculer par anticipation, s’ils veulent ensuite conserver une position ou progresser autrement qu’en se choisissant de nouveaux maîtres. En pratique, il est faux que les juges se rangent toujours du côté de leur gouvernement, même si les Français ne sont pas des modèles de fronde au sein de la CEDH, il est vrai. Mais on touche là à une autre question, à savoir les passages des fonctions de juges aux fonctions de membre d’une administration ou d’homme politique, qui mériteraient d’ailleurs un fil à elles seules…

Concernant l’entêtement, je ne vois pas de mal à s’entêter à défendre une solution plus juste ou plus respectueuse du droit ; et bien que né en 1960, j’aurais préféré que nos juges fussent tous plus « entêtés » pendant l’occupation !

Concernant la formation des juges, je me limite dans un 1er temps aux considérations suivantes :

Les conseillers d’État sont formés par Science po puis l’ENA pour la plupart, le reste étant du tour extérieur nommé par les autorités politiques, sans guère d’égard pour les compétences juridiques (cf. pour une nomination récente, M. Barnier, ancien ministre). Et quand on lit les programmes de formation de Sciences po et de l’ENA, on constate que la tonalité générale n’est pas vraiment juridique, que le droit y est essentiellement présenté comme une cascade d’ordres descendants et comme un outil de gestion. Alors oui, la formation des juges est importante, très importante, mais hélas en France elle laisse grandement à désirer. Les qualités à l’entrée sont certes importantes, mais elles ne sont pas tout, et elles ne doivent pas être tout. Je renvoie au cas du juge Burgaud et à l’affaire d’Outreau pour que chacun se fasse son idée, et je me permets de considérer qu’il aurait probablement gagné à recevoir certaines opinions contradictoires…

Opinions dissidentes (resuite)

M. Roynard (votre 2281).

Concernant la "confusion" (CEDH, CIJ…), j’ai suivi votre conseil et me suis reporté aux messages précédents. Je ne vois toujours pas ce que vous aviez en tête : dommage, ça aurait peut-être éclairé ma lanterne.

La loi votée est l’expression de la volonté générale, pas n’importe quel document juridique. Les jugements sont rendus au nom du peuple (en France) ou pour le compte des États (juridictions internationales), et je continue de trouver mauvais (notamment parce que directement contraire au principes de la collégialité) qu’après qu’ils sont devenus définitifs leur autorité puisse souffrir de déclarations minoritaires contradictoires annexées au jugement même. Je continue aussi de penser qu’il y a d’autres moyens, tout aussi efficaces et moins formellement déficients, d’expliquer et même de blâmer les décisions de justice.
Mais il est vrai que nous touchons là à deux visions fondamentalement différentes du droit, la romaine et l’anglosaxonne.

L’entêtement dont je parlais n’est pas celui qui consiste à vouloir défendre farouchement une solution qu’on estime juste, mais plutôt celui qui pousse à soutenir à tout prix une théorie dont on est l’auteur. Remarquez, je ne dis pas que ce soit tellement fréquent : simplement qu’on a parfois l’impression, devant une opinion dissidente, de lire un cours de faculté. JR